Chaque jour, Romain Desarbres et ses invités font un point complet sur l'actualité.
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00:00 Europe 1 Midi, Romain Desarbres.
00:03 Il est une heure moins le quart, 12h45.
00:05 Bonjour Monseigneur Mathieu Rouget.
00:07 Bonjour Romain Desarbres et bonjour à tous vos auditeurs.
00:10 Merci beaucoup d'être en direct dans Europe 1 Midi avec de Nanterre.
00:14 Vous êtes en direct de Lourdes où sont réunis les évêques de France
00:18 et il est question notamment de la fin de vie dont on débat en ce moment.
00:24 L'Église catholique par la voix de ses évêques prend la parole
00:26 dans le débat sur l'euthanasie et le suicide assisté.
00:30 À l'aide active à mourir, vous opposez l'aide active à vivre.
00:35 Très concrètement, Monseigneur Mathieu Rouget,
00:37 vous dites non à l'euthanasie, au suicide assisté.
00:40 Est-ce que vous pouvez nous expliquer ?
00:42 Oui, bien sûr, nous l'avons déjà fait, nous le répétons.
00:45 La dignité de notre société, c'est de venir en aide
00:48 aux personnes qui sont aux portes de la mort.
00:51 C'est d'accompagner les personnes qui sont en grande fragilité.
00:54 Lourdes, d'où nous parlons, l'exprime de manière très forte.
00:57 Lourdes, c'est vraiment le lieu où tous les malades viennent en pèlerinage
01:00 et sont accompagnés, mis à la première place.
01:03 Nous avons à faire en sorte que la société accompagne la vie fragilisée
01:09 et ne se laisse pas aller à l'autorisation de l'aide active à mourir
01:15 qui serait une vraie atteinte à la dignité de la personne humaine.
01:19 Et d'ailleurs, nous pensons qu'il y a un véritable engagement de fraternité.
01:23 Voilà pourquoi notre déclaration s'appelle
01:25 "L'aide active à vivre, un engagement de fraternité".
01:29 Et très concrètement, vous proposez de développer les soins palliatifs,
01:34 c'est-à-dire pour que la fin de vie soit plus confortable.
01:38 Je ne sais pas si c'est le terme exact, mais expliquez-nous.
01:41 Alors, notamment, c'est d'abord la loi qui prescrit le développement des soins palliatifs.
01:48 Nous savons que la loi Léonetti n'est pas encore pleinement mise en œuvre dans notre pays.
01:52 Et il y a des déserts palliatifs dans notre pays.
01:55 Il y a presque un quart des départements où il n'y a pas encore d'unité de soins palliatifs.
02:00 Il y a aussi des progrès sans doute à encourager, à promouvoir dans les soins palliatifs,
02:04 auprès des nourrissons, auprès des enfants en particulier.
02:06 Donc nous sommes bien conscients de toutes ces difficultés.
02:09 Les soins palliatifs ne sont pas une réponse à toutes les questions de la fin de vie,
02:13 mais sont une réponse quand même très importante.
02:15 Et nous souhaitons beaucoup les encourager.
02:17 C'est très intéressant de voir aussi à quel point le monde soignant en France,
02:22 les soins palliatifs, mais l'ensemble des médecins, les infirmiers, les infirmières, les aides-soignants
02:27 sont engagés sur ce sujet en disant que pour eux,
02:30 la main qui soigne ne peut pas être la main qui donne la mort.
02:35 – Il y a quelqu'un dont vous ne nous avez toujours pas parlé, c'est Dieu.
02:40 Avec les soins palliatifs, on laisse se produire la volonté de Dieu.
02:45 C'est la base de la base de votre message.
02:49 – Alors je dirais d'abord que notre prise de position, elle n'est pas confessionnelle.
02:53 Elle ne cherche pas à imposer à notre société pluraliste
02:56 notre vision d'homme et de femme de foi.
02:58 Certes, notre foi qui nous fait entendre le commandement de Dieu "tu ne tueras pas"
03:04 nous rend particulièrement sensibles à la question de la vie.
03:07 Également, la demande du Christ d'être au service des plus pauvres
03:12 nous met plus particulièrement dans la tension à l'égard des personnes dont la vie est fragilisée.
03:16 Mais si vous voulez du point de vue du débat contemporain
03:19 avec la fin de la convention citoyenne dans quelques jours
03:22 et sans doute une prise de position du président de la République
03:24 sur la méthode qui va être employée pour avancer sur ce sujet,
03:27 nous ne sommes pas en train de prendre une position confessionnelle.
03:30 Nous prenons une position humaine, rationnelle, partageable avec tous.
03:35 Et d'ailleurs, il y a autour de nous des croyants d'autres religions,
03:39 je pense par exemple au rabbin de France, Rayel Gorsia,
03:42 mais aussi des non-croyants parmi les soignants, parmi les responsables politiques
03:47 qui partagent la même vision que nous de la dignité de la personne humaine
03:53 et de l'engagement de fraternité auquel notre société est appelée.
03:57 Alors Hélène nous appelle au 3921. Bonjour Hélène.
04:01 Bonjour Romain.
04:02 Vous êtes responsable aux monneries d'un hôpital à Paris
04:07 qui a une unité de soins palliatifs.
04:09 Alors c'est pour ça que votre témoignage est très intéressant.
04:11 Ça fait quatre ans que vous êtes là, que vous êtes responsable aux monneries.
04:15 Et vous nous dites que lorsque les patients en fin de vie sont bien pris en charge,
04:20 ils ne souffrent plus. Expliquez-nous. Dites-nous.
04:22 Voilà, parce que effectivement, je suis responsable dans un hôpital où nous avons 36 lits.
04:29 Donc c'est déjà assez important pour les soins palliatifs.
04:32 Et ce que je constate depuis quatre ans, c'est que toute personne qui arrive en soins palliatifs,
04:39 ce qu'on va traiter tout de suite, c'est la douleur, c'est la souffrance.
04:42 C'est ça qui est difficile. Et ça, c'est insupportable.
04:45 La personne qui souffre, c'est très dur.
04:47 Mais une fois que la souffrance et la douleur sont bien réglées par les médecins,
04:54 à ce moment-là, la personne, elle ne demande pas à mourir.
04:57 Si toutefois elle est arrivée en demandant l'euthanasie, elle ne le demande plus.
05:01 Parce que ce qui va changer, c'est le regard qu'on va porter sur elle.
05:05 Et à partir du moment où le regard change, à la fois notre regard sur elle,
05:10 mais elle aussi vis-à-vis des personnes qui vont l'entourer,
05:13 eh bien elle ne demande plus à mourir.
05:16 – Vous dites également, et c'est d'ailleurs ce qu'on peut lire dans la lettre des évêques de France,
05:23 "la main qui prend soin ne peut en aucun cas être celle qui donne la mort".
05:26 Ça, c'est ce que je lis dans la lettre des évêques.
05:28 Mais vous dites également que donner la mort,
05:33 c'est le contraire de ce que les médecins ont juré dans le serment d'Hippocrate.
05:37 – Bien sûr, ils sont faits pour soigner, pas pour tuer.
05:40 Et puis quand quelqu'un demande l'euthanasie,
05:43 c'est toute une chaîne qui se met en route.
05:45 C'est la personne qui va faire le laboratoire, qui va fabriquer le produit,
05:48 la pharmacienne qui va le vendre, la personne qui va le mettre dans l'inserment.
05:52 C'est vraiment toute une équipe qui n'est pas faite pour tuer, qui est faite pour soigner.
05:58 Et c'est intolérable pour un médecin de donner la mort, c'est pas possible.
06:03 Et on ne peut pas ouvrir cette boîte.
06:05 Parce qu'actuellement, on va vous dire que les soins palliatifs, ça coûte cher,
06:09 parce que c'est toute une équipe.
06:11 C'est énorme l'équipe qui se met en route, parce qu'il y a les médecins,
06:14 il y a les infirmières, les aides-soignantes, l'arthérapeute, il y a beaucoup de monde.
06:18 Donc effectivement, c'est assez coûteux.
06:20 Mais ce n'est pas tant ça.
06:22 Moi, ce qui me frappe, c'est le regard de la société vis-à-vis des personnes
06:26 qui ne sont pas conformes, qui ne sont pas beaux, jeunes, grands, forts.
06:31 Voilà. Et c'est le regard de la société qu'il faut changer sur ces personnes
06:35 qui ne demandent qu'à être entourées et à aider à avancer.
06:40 – Michel nous appelle du Gard. Bonjour Michel.
06:44 – Bonjour.
06:45 – Vous avez une autre opinion, et il y a toutes les opinions, bien sûr, dans Europe 1 Midi.
06:49 Vous dites qu'il faut défendre la liberté de chaque individu. Expliquez-nous.
06:56 – Oui, je pense qu'on ne peut pas décider pour autrui ce qui est bien pour lui ou mieux pour lui.
07:04 Je pense que l'individu doit conserver son libre arbitre jusqu'au bout de la vie.
07:10 Donc dans les débats que j'ai pu entendre ici ou là, on dit "on n'est pas fait pour tuer", etc.
07:17 Donc on peut à la fois avoir une vision tout à fait positive et porteuse sur les soins palliatifs,
07:25 puisque moi-même, j'ai un diplôme universitaire en soins palliatifs,
07:30 j'ai été membre de l'association soins palliatifs du Gard,
07:33 donc ce regard compassionnel et attentif à l'accompagnement du mourir,
07:38 je sais ce que c'est pour l'avoir fait moi-même.
07:41 Et dans le même temps, et je ne pense pas être dans le paradoxe,
07:45 je suis pour la liberté de choisir quand on a une maladie incurable qui ôte toute dignité.
07:51 Parce qu'il n'y a pas que la douleur. Bien sûr la douleur, quand elle est extrême, est insupportable,
07:57 il faut la calmer, mais il y a aussi la dignité.
08:01 Et quand vous avez une incontinence, vous avez des plaies qui soignent de partout,
08:09 que vous ne pouvez plus rien faire, ça c'est quelque chose qui pour moi est insupportable.
08:15 Et je voudrais, si cela m'arrivait, que je puisse avoir le choix,
08:20 soit d'opter pour les soins palliatifs si à ce moment de ma vie,
08:24 j'ai envie d'être accompagnée de la manière dont les soignants et équipes formées à cela le font,
08:30 mais je veux aussi avoir la liberté de dire, je veux arrêter ma vie à cet instant.
08:35 C'est très intéressant, oui. Vous défendez la liberté, le choix,
08:40 qu'on puisse effectivement développer le soin palliatif,
08:43 mais ça n'empêche pas l'euthanasie, la légalisation de l'euthanasie.
08:48 Qu'est-ce que vous dites à cela, Mgr Mathieu Rouget, en direct de Lourdes ?
08:51 Alors par rapport à ces deux témoignages, ces deux interventions,
08:54 d'abord je voudrais saluer avec Hélène, une femme de terrain,
08:58 comme beaucoup de chrétiens et de non-chrétiens,
09:00 auprès des malades en général et des malades en fin de vie en particulier.
09:04 Et vous voyez, pour nous, la prise de position que nous prenons,
09:06 ce n'est pas simplement une déclaration théorique.
09:09 Nous sommes aussi, et comme nous le disons d'ailleurs,
09:11 vraiment à l'écoute de tous ces chrétiens et ces non-chrétiens
09:15 qui sont sur le terrain auprès des personnes en grande fragilité.
09:18 Et vraiment, je voudrais saluer non seulement les soignants,
09:21 mais aussi tous les bénévoles d'accompagnement des soins palliatifs.
09:24 Ensuite, j'entends bien les objections de votre deuxième intervenante.
09:29 Je crois que c'est très important de comprendre que la liberté,
09:32 dans une société vraiment digne de ce nom,
09:34 ne peut pas être détachée de la fraternité.
09:38 D'ailleurs, notre devise républicaine, c'est liberté, égalité, fraternité.
09:42 Pour le dire autrement, l'autonomie de chacun
09:45 ne peut pas être séparée de la solidarité qui nous unit les uns avec les autres.
09:49 Et donc, on ne peut pas valoriser la liberté au détriment de la fraternité.
09:53 Puis la troisième chose que je voudrais dire,
09:55 c'est que la dignité de la personne humaine ne se partage pas.
09:59 Et que toute personne, quel que soit son état,
10:03 nous sommes appelés à la respecter infiniment
10:05 parce que toute personne est digne.