Jacques Chancel - La guerre d'Indochine

  • il y a 8 ans
Interview du 17 décembre 2013.
La nuit attendra est l’un de ses meilleurs livres. Jacques Chancel a attendu longtemps avant de revivre cette nuit terrible de dix mois, suite à l’explosion d’une mine durant la bataille de Dien-Bien-Phu. Il fait revivre cette longue guerre d’Indochine, côté front, côté ivresse (les filles, l’opium), côté intellectuel (lecture de Proust, découverte de Wagner, conversations avec Bodard…) et côté coeur d’un pays qu’il a follement aimé.
Le secret de Jacques Chancel ? Sa curiosité de l’autre, toujours vive, jamais tarie, véritable moteur de toute son existence.

Voici son programme :
- Wagner : L’ouverture de Rienzi
- Mahler : L’adagieto de la symphonie n°5
- Bellini : La Norma (par Maria Callas)
- Kreisler : Liebeslied (par Renaud Capuçon)

Madeleines :
- The Beatles : “Michèle”
- Léo Ferré : “Avec le temps”
- Frank Sinatra : “My way”


Jacques Chancel parle de son livre "La nuit attendra" (Flammarion), à propos de la guerre d'Indochine à laquelle il a participé en tant que journaliste correspondant de guerre, de 19 à 24 ans (1948-1955).
Il a attendu près de 60 ans pour le publier, bien qu'il s'était promis de ne pas en parler.
Cadeau à tous ceux qui ont 20 ans et leurs parents.

Suite à un accident/attentat (une explosion), il a été complètement aveugle pendant 10 mois + 2 mois de convalscence pour recouvrer la vue.

Le plus beau film sur l'Indochine : "A317e section" (de Pierre-Jean Derferre), "La section Andersan" (consacré aux Américains)
"Ce pays, nous l'avons follement aimé."

Il est entré à Radio France Asie, dans l'émission "Le disque du soldat" (diffusion de disques, de messages demandés par des soldats).
De Paris, en France, on ne s'intéressait pas du tout à la guerre d'Indochine, et il sétaient même méprisés par une certaine gauche, par les communistes français, puisque qu'ils étaient en Indochine pour combattre le communisme ("on sortait de tous ces camps d'extermination communistes").
On a compris la guerre d'Indochine, son horreur, son absurdité, au moment de la chute de Dien Bien Phu (7 mai 1954). Tous d'un coup, une France, jusque-là boudeuse, s'est réveillée.
Il est resté jusqu'en 1955, après la fin de la guerre, car il était également corrspondant pour Paris Match. "Et nous avons été mis salement à la porte."

Lucien Bodard (dit Lulu le Chinois), journaliste pour France Soir, époux de Mag (maitresse du très grand journaliste Lazareff).

Chaque journaliste avait ses armes : Jacques Chancel était avec la Légion étrangère, Lartegui avec les parachutistes, Max Clos (alors journaliste au Monde, futur directeur du Figaro) avec les Marsouins. Chacun avait sa discipline particulière de l'armée.
Lucien Bodard rédigeait des papiers insensés à partir de ce dont il entendait parler, sans même avoir vu ou vérifié quoi que ce soit...
Son grand ami Lou Bonoa, de la famille chinois la plus riche à l'époque : ils possédaient plus de 4 000 villas à Saïgon, et vivaient sur 3 palais (le leur, le Palais des Serviteurs et le Palais des Ancêtres), descendants de mandarins. Gens assez extraordinaires, très cultivés.

Il est originaire de Bigorre, élevé dans la nature, "à la dure" par son père.

- "Michelle" (The Beatles)
- "Avec le temps" (Léo Ferré)
- "My way" (Frank Sinatra, Jacques Revaud, Claude François)

Il a essayé l'opium sans vraiment accrocher, et il a arrêté assez vite.
Suite à son accident, âgé de 20 ans, il a pensé au suicide. Puis il a évolué, a mûri.

A propos de son métier d'intervieweur (Radioscopie) : il a toujours eu la boulimie de savoir, de la curiosité, de là vient son inconscience, ce qui lui a permis de ne jamais douter.

Comme Bernard Pivot, il n'a jamais eu peur de la traversée du désert. Mais peut-être parce qu'ils ont su partir à temps, pour "éviter de se faire envoyer dans les roses par un directeur nouveau et qui n'y connait rien."

Il a manqué deux grandes interviews dans sa vie : Pablo Picasso et Maria Callas.

- "Norma" (par Maria Callas)
Il a bien connu Marie Callas à la fin de sa vie, mais uniquement par téléphone (pendant un an, ils se sont appelé deux fois par semaine, sans jamais se rencontrer!)
Jamais il n'a rapporté les confidences qui lui ont été faites.
Pour résumer : "C'était la fin de vie d'une femme humiliée." Par ce qu'elle a vécu surtout avec Onassis.