" Merci Patron ! " : Comment un couple de chômeurs a piégé Bernard Arnault !

  • il y a 8 ans
En salle le 24 février, le documentaire "Merci Patron !" retrace l'histoire incroyable de Jocelyne et Serge Klur, licenciés après la fermeture d'une une filiale du groupe LVMH.

Merci Patron ! est un documentaire inclassable. Tout est vrai. Pourtant on se croirait parfois dans Bienvenue chez les Ch'tis, parfois dans un livre de Zola, et parfois dans un Cash investigation low-cost mais comique. On pleure et on rit. L'essentiel se passe dans le séjour-cuisine de Jocelyne et Serge Klur à Forest-en-Cambrésis, un village perdu près de Cambrai. Les époux Klur ont fait toute leur carrière chez un sous-traitant de LVMH. Ils fabriquaient pour la marque Kenzo, jusqu'à ce que l'usine textile ferme pour délocalisation en Pologne.

Licenciés, les Klur tombent dans la misère. Trois euros par jour pour trois personnes avec leur fils. "On n'a pas de chauffage. D'habitude on a du mazout", raconte Jocelyne dans le documentaire. "On ne mange pas. On a fait Noël avec une tartine de fromage blanc", témoignent les époux. "C'est un bon régime amincissant ! La pauvreté c'est bon pour la ligne", leur lance sur un ton sarcastique le journaliste François Ruffin, 40 ans.

L'humour noir contre la déprime

Contre la déprime, ce dernier a choisi l'humour noir et le combat. À Amiens, le réalisateur est une figure militante. Il a créé en 1999 un journal d'enquête Fakir. Un journal alternatif qui est - c'est même son slogan - "fâché avec tout le monde".

Dans son premier film, notre journaliste Robin des Bois va tenter d'aider le couple Klur dans la misère. François Ruffin ne recule devant rien. "Je n'ai pas plus de scrupules que Bernard Arnaud quand il délocalise", dit-il. Il cache des caméras, il change d'identité. Il met au point un stratagème. Les époux Klur signent une lettre à Bernard Arnault, lui réclamant de l'argent pour rembourser leur dette et un emploi. Sinon, ils médiatisent leur cas.

L'état-major de LVMH mord à l'hameçon. Il dépêche dans la cuisine des Klur un émissaire au verbe haut, qui offre une transaction. "J'ai mission du président d'arranger les choses. Mais pour vous arranger, il ne faut pas faire de publicité. On fait profil bas", l'entend-on dire au couple. "Dès demain, je fais émettre 26.000 euros chez l'huissier", poursuit-il. "Ne vous en vantez auprès de personne, on est bien d'accord ? Il ne faut pas aller chercher les œufs dans le cul de la poule, on ne crie pas cocorico !", prévient-il. Voilà comment l'envoyé spécial de Bernard Arnaud est devenu, malgré lui, la star du film.

Quand on voit que c'est Goliath qui se met à avoir peur de David, cela devient de la science-fiction
François Ruffin, réalisateur de "Merci patron !"

Le couple Klur a vraiment touché le chèque de LVMH. Ils n'ont pas fait "cocorico" tout de suite. Le groupe LVMH a trouvé un emploi à Serge dans un supermarché du coin, qu'il a toujours à ce jour. Jocelyne et Serge ont effectivement pu rembourser leur dette et sauver leur maison de la saisie. François Ruffin peut sortir son film ovnique qui prouve d'abord que le premier groupe de luxe mondial s'inquiète pour son image même quand il reçoit une lettre des "Ch'tis du quart-monde".

Salles pleines en avant-première

Le journaliste, qui s'inspire de l'Américain altermondialiste Michael Moore, se félicite lui d'avoir réussi à parler des inégalités en image et surtout d'avoir fait changer la peur de camp. "C'est vraiment David contre un Goliath de l'économie française, européenne et mondiale. On se dit que ce n'est pas possible de l'emporter", décrypte François Ruffin. "Quand on voit que c'est Goliath qui se met à avoir peur de David, cela devient de la science-fiction", ajoute-t-il.

Le film de science-fiction où tout est vrai, Merci Patron !, sort mercredi 24 février dans cinquante salles, puis dans de 200 salles. Il a déjà été projeté en avant-première dans une quarantaine de villes. Quasiment à chaque fois, on a refusé du monde.

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