Jeu de la vie
  • il y a 10 ans
Si on en croit les chiffres, on est aujourd’hui plus de 7’200'000’000 de personnes sur notre bonne vieille planète terre. 7’200'000’000 de personnes à être nées ; et donc, en conséquence, 7’200'000’000 de personnes vouées à disparaître.

A ce qu’on dit, il y a chaque jour quelque 170'000 personnes qui meurent. Chaque jour. Ce qui fait évidemment beaucoup – beaucoup de larmes, d’enterrements, de tristesse, etc. – mais ce qui fait en même temps pas tant que ça si on considère le nombre d’importuns et de fâcheux qui peuplent notre monde. Quel bonheur ce serait si les arrogants, les lèche-bottes, les êtres veules, qui ne font, dans leur vie, que chercher leur confort et gloire médiocres et écraser les possibilités d’existence de ceux qui cherchent à exprimer les forces surpuissantes qui nous traversent tous, quel bonheur ce serait si ces personnes-là périssaient un peu plus facilement !

Nous, c’est en tout cas ce qu’on se dit, ces jours, depuis qu’on a appris la mort d’Alain Resnais. L’immense cinéaste Alain Resnais : le prodigieux, l’inclassable, l’authentique, fidèle, rigoureux et délicat artiste du jeu de la vie.

Alain Resnais, lui qui arrivait comme personne, dans ses secrets ateliers de création, à trouver les formes, les musiques, les couleurs, les tonalités, les nuances, les collaborateurs et acteurs aussi, qui permettent au terrible fond de la vie d’émerger en toute légèreté, beauté et drôlerie à la surface.

Lui qui valorisait partout Les herbes folles qui parviennent à traverser les tristes et étouffantes dalles de béton. Lui qui libère les forces de vie et les laisse jouer à leur guise. Sur l’écran, bien sûr, mais aussi, en résonance, en écho, conscient ou inconscient, en nous et autour de nous.

Ah, Alain Resnais qui, comme l’oracle de Delphes, ni ne dit, ni ne cache, mais se contente toujours de faire signe – nous engageant à nous connaître nous-mêmes. Ah, ce cher Alain Resnais, lui qui nous aiguille, nous stimule, nous donne de l’air, nous ouvre tant de voies, tant de perspectives ; lui qui nous libère à la vie comme enfantin jeu divin.

Eh bien, c’est comme ça, Alain Resnais, le cher Alain Resnais est mort. Alors qu’il y a plein de gens insignifiants, vides et dangereux pour la vie qui continuent à vivre, à empêcher et gâcher l’existence…

Bon, heureusement, l’œuvre de Resnais, elle, va rester. Ses films existent, et on peut les voir et revoir à notre guise. Bientôt aussi son dernier, son ultime ode à la vie, qui sort dans quelques semaines, et qui s’appelle Aimer, boire et chanter… Aimer, boire et chanter… la vie, bien sûr.