Kan Mikami - Yume wa Yoru Hiraku (2003)

  • il y a 18 ans
Kan Mikami - Yume wa Yoru Hiraku (2003)

Il n’est pas nécessaire de comprendre le japonais pour aimer la musique de Kan Mikami, il y a quelque chose qui force le langage et le sens, qui touche à l’universel, le blues. Pas un blues revivaliste, ni même folkloriste ou exotique, l’esprit seul, son mood poignant, on songe aussi au fado, ces chants tristes du Portugal. Kan Mikami est un guitariste / songwriter, qui a eu son heure de gloire dans les années 70, porteur des aspirations étudiantes, celles qui touchaient à la libération sexuelle, à la contestation de l’ordre établi et de sa culture pudibonde, au travers de textes érotiques, obscènes, parfois violents et surréalistes. Il est signé sur un premier label indépendant URC, puis sur des majors comme Victor et Columbia. L’époque était à la contestation radicale étudiante, il a incarné celle d’une génération avec une poignée d’autres folksingers. Il disparaît pour réapparaître 10 ans plus tard dans les clubs underground de Tokyo, période où il se consacre essentiellement à tenir des rôles au cinéma et au théâtre, notamment dans la troupe de Shoji Terayama ou des films de Yakuza. Il a enregistré depuis plus de 10 albums solo pour le label culte de la musique indépendante japonaise PSF (équivalent d’un label comme ESP). Kan Mikami a joué avec les grands irréguliers de l’improvisation, du folk et du rock japonais, avec Keiji Haino et Toshi Ishizuka dans le groupe Vajra, Masayoshi Urabe, Kazuki Tomokawa, Yosuke Yamashita, Akira Sakata ou le contrebassiste aujourd’hui disparu Motoharu Yoshizawa. Kan Mikami a passé son enfance à Kodomari, un village de pêcheur sur la cote Est du Japon. Il fait ses études dans la région de Goshogawara, publie un premier recueil de poésie en 67, sous l’inspiration d’un de ses professeurs de lycée proche des Beats, avant de bouger pour Tokyo en 69, pour y apprendre le métier de cuisinier et découvrir parallèlement les mouvements étudiants, le rock, le jazz et la musique contemporaine. La musique de Kan Mikami n’est pas ce blues d’importation apporté avec l’occupation américaine, mais sa propre vision de cet idiome, travaillé par la forme populaire de la musique enka*. Songs noirs, parce qu'il s'agit ici de chansons, comme la musique populaire a aujourd'hui oublié d'en faire, libres dans leurs formes, portant leurs violences et leurs beautés, enka blues électriques déchirés, malmenés, rudimentaires, on entendrait pour un peu le fantôme de Blind Willie Johnson frôler les cordes de la guitare et de la voix de Mikami. Son jeu de guitare est souvent percussif et brutal, sensuel aussi. Mikami introduit des sujets jamais abordés avant lui dans la musique japonaise, à travers un humour noir proche du surréalisme et de dada. L’autre aspect remarquable de l’art de Mikami est sa voix unique, entre violence, cris et mélancolie poisseuse, à vous foutre le blues.

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