- il y a 1 semaine
Crise des vocations, prêtres étrangers, pratiques en baisse : comment se porte l’Église en Bretagne
L’Église a façonné la Bretagne pendant des siècles. Elle n’est plus au centre de la vie sociale, mais demeure bien présente, autrement. Minoritaire, fragile sur le plan des vocations, elle reste portée par des fidèles engagés.
L’historien Yvon Tranvouez décrit une Église qui tient, mais qui n’a plus grand-chose à voir avec celle d’hier. Il offre son analyse pour Double Clic, l'émission long format de la rédaction de France 3 Bretagne pour Youtube.
L’Église a façonné la Bretagne pendant des siècles. Elle n’est plus au centre de la vie sociale, mais demeure bien présente, autrement. Minoritaire, fragile sur le plan des vocations, elle reste portée par des fidèles engagés.
L’historien Yvon Tranvouez décrit une Église qui tient, mais qui n’a plus grand-chose à voir avec celle d’hier. Il offre son analyse pour Double Clic, l'émission long format de la rédaction de France 3 Bretagne pour Youtube.
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00:00Bonjour et bienvenue sur Double Clic, je suis ravi de vous retrouver pour ce long format de la rédaction de France 3 Bretagne
00:05et pour ce nouvel épisode, nous avons voulu nous intéresser à l'église catholique en Bretagne,
00:10elle qui a eu tant d'influence pendant des siècles.
00:13Alors, elle subit des crises, il y a une perte d'évocation,
00:16comment se porte-t-elle aujourd'hui pour répondre à ces questions ?
00:19Yvan Tramvoise, merci d'être avec nous, vous êtes historien, spécialiste du catholicisme en Bretagne,
00:25vous avez d'ailleurs écrit de nombreux ouvrages sur le sujet,
00:28Alors, ma première question sera un petit peu directe,
00:31est-ce que l'église catholique en Bretagne est toujours bien vivante ?
00:34Oui, bien sûr, elle est bien vivante, mais elle ne ressemble plus du tout à ce qu'elle était au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
00:40A l'époque, l'église catholique avait une très forte emprise sociale sur la région.
00:46Aujourd'hui, les catholiques sont une minorité, une minorité très dynamique, mais ce n'est plus qu'une minorité.
00:52Ils sont beaucoup moins nombreux, il y a également moins de prêtres, c'est ça ?
00:58Les deux sont vrais, c'est-à-dire qu'à la fois, si je parlais en termes d'entreprise, la demande diminue,
01:05il y a moins de fidèles à la messe dominicale, par exemple.
01:09On était à plus de 30% en moyenne de gens allant à la messe tous les dimanches dans les années 50.
01:17Aujourd'hui, on doit être autour de 2 à 3%, 2 ou 3% des Bretons qui se rendent à la messe le dimanche, donc c'est très peu.
01:25Mais puis, il y a aussi la chute d'évocation que vous avez évoquée,
01:29c'est-à-dire qu'aujourd'hui, le clergé ne se renouvelle plus.
01:32On manque de prêtres, on manque de religieux, on manque de religieuses,
01:35et la crise est donc à la fois de la demande et de l'offre.
01:39On entend parler de baptême d'adultes, on entend parler aussi de messe remplie.
01:44Alors, est-ce que ça veut dire que malgré tout, malgré cette baisse globale,
01:49il y a effectivement quelque chose qui se passe actuellement ?
01:52Alors, il y a des églises pleines, notamment dans les centres-villes, à Rennes, à Brest, au Bannes, etc.
01:59C'est un bon signe, assurément, mais il faut bien mesurer que le nombre de lieux de culte
02:05et le nombre d'offices diminue en même temps.
02:07Donc, moins de commerce ouvert, si je peux dire.
02:09Donc, automatiquement, la clientèle se concentre là où il y a des choses.
02:13Et puis, pour ce qui est des campagnes, alors, la situation est plus déprimée,
02:17mais là aussi, il faut quand même relativiser les choses,
02:19parce qu'on va dire que l'église est fermée, mais le bureau de poste, souvent aussi, est fermé.
02:23Donc, il y a aussi une redistribution de la population qui se fait globalement
02:28et qui affecte ce qui se passe pour le catholicisme.
02:31Mais c'est vrai qu'il y a des églises pleines, notamment dans les villes bretonnes, aujourd'hui,
02:36et souvent avec une ambiance très forte.
02:41Certains ont utilisé le mot « morte » en parlant de l'église bretonne.
02:46Vous, vous révoquez complètement ?
02:48Ah oui, elle n'est pas morte.
02:49Elle change.
02:50Alors, elle change avec des phénomènes un peu contradictoires.
02:54Il y a à la fois, si vous voulez, tout un reste de fidèles qui sont attachés à l'église depuis longtemps,
03:01qui sont un peu vieillissants, qui sont des gens qui ont vécu le concile Vatican II comme une libération,
03:06qui sont très attachés à ce qu'a apporté ce concile.
03:09Et puis, vous avez une jeune génération qui, souvent, est plus, je dirais, plus à droite,
03:15plus traditionnelle, au fond, que l'ancienne,
03:17et qui porte un autre dynamisme et un attachement, peut-être, à d'autres valeurs,
03:22curieusement, donc plus traditionnelles que les aînés.
03:26Vous évoquez une église à deux vitesses.
03:27Si on veut, mais l'église est de plus en plus dispersée, si je peux dire.
03:33L'une des grandes difficultés des évêques bretons, je crois, aujourd'hui,
03:36c'est d'arriver à faire vivre ensemble des gens qui ont des logiques radicalement différentes
03:40et qui se disent tous chrétiens.
03:41Il y a des chiffres, comme une hausse des baptêmes de 30%,
03:46des baptêmes d'adultes plus 40%,
03:48des mariages religieux plus nombreux en Bretagne que sur le plan national.
03:53Mais alors, ces chiffres, est-ce qu'ils sont trompeurs ou est-ce qu'il faut aussi fier ?
03:56Alors, évidemment, l'église communique en termes de pourcentage.
04:00Si on ramène ça à des chiffres absolus,
04:02les baptêmes d'adultes sur lesquels l'église communique beaucoup,
04:05ça représente quand même relativement peu de choses.
04:08D'autre part, on sait quels sont les baptisés adultes.
04:13On est très mal renseignés sur le taux de persévérance.
04:16Il semble que des baptisés adultes décrochent dans les années qui suivent
04:22parce que finalement, la communauté paroficiale,
04:24où ils se retrouvent, ne les satisfait peut-être pas autant qu'ils le pensaient.
04:29Donc, il faudrait voir quelle est la persévérance.
04:30Sur les mariages religieux, comme sur certains baptêmes,
04:35il faut aussi prendre attention à un point auquel on ne songe pas,
04:38c'est que la Bretagne est un lieu touristique.
04:41Et on a un certain nombre de délocalisations, si je peux dire,
04:44de mariages et de baptêmes,
04:45de bonnes familles de l'Ouest parisien.
04:48Là, vous parlez sur l'été.
04:49On fait la cérémonie dans le golfe du Morbihan
04:55et on rassemble la famille sur le lieu de vacances.
04:59Donc, ça contribue à gonfler un peu peut-être les statistiques
05:02de certains baptêmes ou sinon de mariages religieux.
05:06Cette analyse que vous portez,
05:09c'est aussi parce que vous avez travaillé récemment sur cette question
05:14avec cet ouvrage « Bretagne et religion, témoins du christianisme ».
05:18Depuis 1956, vous vous appuyez.
05:21L'analyse que vous portez, c'est sur des recherches vraiment récentes
05:24que vous avez faites sur la Bretagne.
05:26Oui, voilà.
05:27Il y a un groupe de chercheurs
05:30qui s'appelle la section religion de l'Institut culturel de Bretagne
05:33qui régulièrement analyse, au fond, observe ce qui se produit,
05:37ce qui bouge dans le champ religieux contemporain en Bretagne.
05:41Et donc, en effet, nous interrogeons ensemble de témoins
05:45et nous allons voir précisément ces diverses catégories de populations
05:48que j'évoquais tout à l'heure, à la fois des anciens, des gens plus jeunes
05:52et des sensibilités religieuses extrêmement différentes.
05:55Un travail de recherche pour justement analyser cette question.
05:59Alors, on a parlé des églises pleines en ville et vides à la campagne.
06:05Donc, clairement, c'est parfois une illusion
06:08quand on passe devant certaines églises de règne qui sont particulièrement remplies.
06:12Il ne faut pas se dire que toutes les églises sont comme ça.
06:14Non, mais en même temps, c'est aussi important qu'elles le soient.
06:17Mais je pense qu'on a aussi des phénomènes plus larges, si vous voulez,
06:21que je résumerai d'une formule.
06:23On est de plus en plus passé d'un catholicisme territorial
06:26à un catholicisme de réseau
06:28et d'un catholicisme, comment dire, de pratique régulière
06:32à un catholicisme festif et ponctuel.
06:35On a des engagements qui sont moins durables, moins ritualisés.
06:42On se rassemble pour des moments forts, dans des lieux forts.
06:45Et ça change complètement la façon de voir les choses.
06:48On n'y va plus tous les dimanches.
06:49On n'y va plus pour une fête de Noël, une fête de Pâques, un moment spécifique.
06:55Oui, et notamment chez les jeunes qui peuvent être extrêmement actifs
06:58pour les Journées mondiales de la jeunesse, ou bien participer à un pèlerinage, par exemple,
07:03et qui ne se sentiront pas pour autant obligés d'être tous les dimanches dans leur paroisse,
07:08si tant est que la paroisse les intéresse encore.
07:10Ils peuvent préférer se retrouver dans des groupes chauds, un peu communautaires.
07:16Une chose qui me frappe beaucoup actuellement, c'est le succès des aumôneries étudiantes.
07:20Alors qu'il y a une vingtaine d'années, on pouvait douter un peu de l'avenir dans ces milieux-là.
07:25C'est celle de Brest et de Rennes, c'est ça que vous avez repéré ?
07:27Oui, qui sont effectivement très actives.
07:30Donc, on peut quand même parler de déclin entre ce qu'a été le christianisme breton,
07:36avant 1950, et aujourd'hui.
07:38Ça n'a plus rien à voir.
07:40Alors, un grand changement, c'est-à-dire qu'autrefois, on avait au final...
07:43Le catholicisme, avant, était un phénomène de culture.
07:45Aujourd'hui, c'est un phénomène d'opinion.
07:47Je crois que c'est ça, le grand changement qui se produit.
07:49Vous n'êtes plus naturellement dans une culture que vous partagez sans y réfléchir.
07:54Vous êtes un participant volontaire à des groupes parce que vous y croyez.
07:59Donc, du coup, aussi, on a peut-être des gens plus convaincus, plus ailés qu'il y a 60 ou 70 ans.
08:06Et alors, qu'est-ce qui a fait basculer ce schéma ?
08:11C'est les crises actuelles ?
08:14Quand je parle de crise, j'entends tous les scandales autour des agressions physiques et sexuelles dans les établissements catholiques ?
08:21Ou est-ce que c'est autre chose ?
08:23C'est plus profond que ça ?
08:25C'est lié à la société ?
08:26Je crois que les scandales dont vous parlez, qui sont connus du public essentiellement depuis le 2019, ne font qu'aggraver un certain nombre de problèmes qui étaient déjà latents.
08:39Je crois que le vrai changement est quand même un changement social profond.
08:44C'est-à-dire qu'on a dit quelquefois que les réformes du Conseil Vatican II avaient poussé dehors des gens qui n'avaient pas digéré l'abandon du latin ou des réformes un peu précipitées.
08:54C'est peut-être vrai. Mais je crois que ce qui est plus fondamental, c'est au fond tout le tapis qui est en dessous et qui a glissé, si vous voulez.
09:00C'est-à-dire toute une série d'habitudes sociales qui se sont transformées.
09:05C'est toute la société qui a bougé.
09:08L'avènement d'une société de consommation, le changement radical de la démographie.
09:14Prenons l'exemple des vocations dont je parlais tout à l'heure.
09:16Quand vous aviez des familles rurales nombreuses avec 7, 8, 10 enfants, vous aviez un vivier pour des prêtres, des religieux, des religieuses.
09:23Il y avait souvent un enfant ou deux qui pouvaient partir.
09:26Bien plus, quelquefois.
09:28Et donc, ça change complètement.
09:30Donc, vous voyez, je pense que c'est ce changement global de la société qui est l'explication majeure de cette crise du catholicisme.
09:38Mais c'est vrai aussi qu'il y a eu sans doute des maladresses dans l'adaptation de l'Église à la modernité.
09:45Et est-ce que la Bretagne résiste mieux que d'autres territoires ?
09:48Eh bien, aujourd'hui, ça ne paraît pas du tout évident.
09:51Longtemps, on a dit la Bretagne résiste.
09:53C'est un bastion de chrétienté.
09:55Aujourd'hui, au fond, la Bretagne, c'est un peu aligné sur les standards français.
10:00L'Église actuelle est aussi portée par des prêtres venus de l'étranger,
10:06aussi des laïcs maintenant qui font vivre certaines églises.
10:10C'est ça le nouvel espoir ?
10:12Alors, oui, les laïcs s'investissent de plus en plus.
10:17Il y a beaucoup de bénévoles.
10:18Alors, après, je ne suis pas sûr que ça soit durable,
10:21parce que beaucoup des bénévoles qui, aujourd'hui, rendent énormément de services
10:25sont d'anciens catholiques revenus à la fois de leur enfance
10:28ou des gens qui ont gardé des nostalgies, vous voyez.
10:31Je ne suis pas sûr que la génération qui n'a jamais été réellement imprégnée de religion,
10:37celle qui arrivera à la retraite dans 10 ou 15 ans,
10:39aura la même volonté de s'investir là-dedans.
10:42Mais il y a un autre problème qui est très particulier pour le catholicisme,
10:45c'est que les sacrements majeurs ne peuvent être délivrés que par des prêtres,
10:51à la différence du protestantisme.
10:52Donc, vous voyez, comme le prêtre est un personnage consacré,
10:57s'il y a un manque de prêtres, c'est tout le système qui est en quelque sorte bloqué.
11:03Et c'est ça, en ce moment, qui se passe ?
11:04Alors, actuellement, le catholicisme français, et Breton avec lui,
11:07ne vit que sous perfusion.
11:10Perfusion de l'immigration, de prêtres africains ou de prêtres polonais
11:15qui viennent, en effet, pour bientôt un tiers presque des postes dans certains diocèses.
11:19On n'est peut-être pas là encore en Bretagne,
11:21mais enfin, on a de plus en plus besoin de ces prêtres,
11:24venus d'ailleurs, comme on les appelle,
11:26et qui, en effet, font un travail considérable,
11:29qui s'adaptent plus ou moins bien, enfin,
11:30avec la population et réciproquement,
11:33ce n'est pas toujours simple,
11:35mais sans eux, en effet, le système pourrait s'effondrer.
11:38Donc, il y a quelques années, quelques décennies,
11:42c'était la Bretagne qui exportait ces prêtres,
11:45et aujourd'hui, on les importe.
11:46C'est ça, la situation ?
11:47Absolument, c'est un renversement complet.
11:49La Bretagne a été un château d'eau
11:50qui a donné énormément de missionnaires
11:54à toutes ces vocations excédentaires,
11:56qui ont permis de nourrir des congrégations missionnaires en Afrique,
12:00notamment, ou en Asie, ou en Amérique latine.
12:02Aujourd'hui, c'est l'inverse.
12:03Ce sont les pays du Sud
12:05qui nous apportent, en quelque sorte,
12:07un clergé que nous n'avons plus.
12:09Il y a aussi la crise face à la modernité.
12:13La société a accepté le Pax, la place des femmes,
12:17l'Église, pas aussi bien.
12:19C'est partie des raisons qui ont pu éloigner le public des Églises.
12:23Tout à fait.
12:25Il y a eu deux faces.
12:26L'Église a accompagné un certain nombre de modifications
12:29sur le terrain économique et social.
12:31Elle a même presque fait certaines révolutions
12:34dans le domaine agricole.
12:35C'est très frappant.
12:36La modernisation de l'agriculture bretonne
12:38a été largement faite par des militants de la JAC,
12:42la Jeunesse Agricole Catholique,
12:43qui ont joué un rôle énorme.
12:45Mais, de même, le Parti Socialiste
12:48a largement trouvé des troubles
12:50dans des militants catholiques.
12:53Par contre, vous avez raison,
12:54sur le domaine de la sphère privée,
12:56de la morale privée,
12:57l'Église a continué à opposer des barrages
13:00et continue d'opposer des barrages
13:01à des évolutions sociétales,
13:03que ce soit sur la contraception,
13:06donc sur le mariage pour tous,
13:08sur les autres réformes qui suivent.
13:11Et donc, cette ligne de défense,
13:13si je peux dire,
13:14que l'Église continue à tenir,
13:18et pour des raisons qu'on peut comprendre,
13:19une défense intransigeante de la vie,
13:21tant au niveau de la conception
13:23qu'au niveau, d'ailleurs, de la fin de vie,
13:25mais cette position-là,
13:27qu'on peut discuter,
13:28mais elle n'est pas comprise
13:30par beaucoup de nos...
13:32– Par la société moderne.
13:33– Voilà, par beaucoup des gens, aujourd'hui.
13:35Et donc, il y a certainement, là,
13:37oui, un problème majeur.
13:40Alors, là-dessus,
13:41les scandales que vous évoquiez,
13:42bon, viennent trouper le jeu,
13:45on dit, mais vous faites la morale,
13:47et de votre côté, regardez,
13:48qu'est-ce qu'on trouve
13:49quand on balaye un peu,
13:51on voit qu'il y a eu
13:54des assembles de scandales importants,
13:55et donc, effectivement,
13:56ça met l'Église très mal à l'aise
13:57pour continuer à tenir
13:58cette position morale
14:00qu'elle veut forte.
14:01– Et ces personnes
14:02qui tiennent l'Église bretonne,
14:04aujourd'hui,
14:05ils ont un certain âge.
14:07Eux aussi vont arrêter,
14:08il y aura peut-être un choc,
14:11un nouveau choc démographique
14:12lié à l'âge.
14:13– Alors, il y a différentes choses.
14:15Je pense qu'il y a un certain catholicisme,
14:17qu'on dira conciliaire,
14:18qui, en effet, me semble être en train
14:20un peu de s'éteindre.
14:22Il y a donc une jeune génération
14:24beaucoup plus identitaire
14:25qui est en train de s'affirmer.
14:27On a un exemple intéressant,
14:29c'est depuis 2018,
14:31il y a un pèlerinage annuel,
14:32c'est le pèlerinage
14:33de Faze et Braise,
14:35qui se tient à Saint-Andorré,
14:36qui donc rassemble,
14:38aujourd'hui,
14:39une dernière édition,
14:40près de 2500 jeunes
14:41qui donc pèlerinent
14:44pendant un week-end,
14:45les mois de septembre.
14:46C'est très jeune.
14:47– Jeunes bretons.
14:47– Donc, Faze et Braise,
14:50identité bretonne,
14:51mais en même temps,
14:53les offices sont en latin,
14:55c'est les offices en forme extraordinaire.
14:57Donc, on sent là
14:58une sorte d'affirmation traditionnelle,
15:02très forte,
15:02enrobée de cantiques bretons,
15:04etc.
15:04et là, vous avez,
15:06comment dire,
15:06un paysage idéologique
15:08qui n'est pas du tout le même
15:09que celui des fidèles anciens
15:11qui garnissent encore
15:13les bancs des églises
15:15dans les villages.
15:17– Très loin de ce qu'a été
15:18l'église bretonne,
15:19ouverte et accueillante
15:20pendant des années.
15:22– Ah, ce n'est pas une question
15:22d'accueil ou pas,
15:23c'est une question
15:24de sensibilité très différente.
15:26– Mais là,
15:26c'est ce que vous dites identitaire.
15:27– Oui, parce qu'il y a un besoin,
15:28je crois qu'aujourd'hui,
15:30ceux qui s'investissent fortement
15:32dans le catholicisme
15:33ont un besoin de radicalité.
15:35Donc, prenez l'identitaire
15:36au sens d'art, vous voyez.
15:38Les congrégations
15:39qui attirent encore du monde
15:40sont celles qui portent,
15:42où on porte l'habit,
15:44où on a une visibilité très forte.
15:45Vous voyez,
15:46cette sentiment,
15:47au fond,
15:48ceux qui remettent l'habit religieux
15:50aujourd'hui le font
15:50pour la même raison
15:52que leurs prédécesseurs
15:53les ont enlevés
15:54il y a 50 ans,
15:56c'est-à-dire pour être
15:56plus pertinents
15:58dans la société.
16:00– Pour qu'on comprenne bien
16:01la différence,
16:02quand vous évoquez
16:03l'église d'identité,
16:04dans votre livre,
16:05vous la confrontez
16:06à l'église d'ouverture.
16:07Est-ce que vous pouvez
16:07repréciser ce que vous appelez
16:09l'église d'ouverture ?
16:10– Oui, alors voilà,
16:10ces concepts d'identité
16:12et d'ouverture,
16:13ça renvoie en effet
16:13un peu aussi
16:14à deux générations.
16:15Le catholicisme d'ouverture,
16:17c'est celui du Concile Vatican II,
16:18c'est un catholicisme
16:19qui privilégie au fond
16:20tout ce qui est
16:21manifestation du christianisme
16:24dans l'action,
16:25et dans l'action charitable
16:27au sens large du terme,
16:28et qui peut prendre aussi
16:29des formes syndicales,
16:30politiques,
16:31tout ce qu'on veut,
16:32mais aussi le caritatif
16:33au sens le plus simple.
16:35Alors,
16:35ce n'est pas très visible,
16:37c'est des gens
16:37qu'on voit peu
16:38qui s'investissent
16:39dans des actions
16:41d'accueil aux migrants,
16:42dans le secours catholique
16:44ou le secours populaire,
16:45etc.,
16:45mais des gens donc
16:46qui sont investis
16:47dans l'accueil de l'autre,
16:48si vous voulez.
16:48Et puis vous avez donc
16:50en effet des catholiques
16:51d'identité
16:52qui eux sont plus soucieux
16:53de réaffirmer
16:54ce que le christianisme
16:55a de spécifique
16:56et que les organisations
16:59humanitaires
16:59ne vont pas forcément apporter.
17:01Et aussi,
17:02comment pratiquer la foi
17:02avant Vatican II,
17:03parfois ?
17:04Alors,
17:04chez certains,
17:05ça va en effet
17:06jusqu'à une remise en cause
17:07des réformes
17:07de Vatican II,
17:08mais pas chez tous.
17:09C'est très...
17:11Le paysage est,
17:13comment dire,
17:13très fracturé.
17:14C'est très radicalité
17:15comme sur la société civile
17:18qu'on vit aujourd'hui.
17:19Oui, oui.
17:20Et il y a...
17:21On a maintenant
17:22une sorte d'assemblage
17:23au fond de communautés
17:26et comme je vous le dis
17:28tout à l'heure,
17:28les évêques ont du mal
17:29à faire tenir tout ça ensemble.
17:32Il y a une phrase clé,
17:33c'est ceux qui parlent
17:34le plus fort
17:34ne sont pas toujours
17:35les plus nombreux.
17:37Vous me l'avez évoqué,
17:38est-ce que vous pouvez
17:39revenir dessus ?
17:40Il y a des groupes
17:41à l'intérieur du catholicisme
17:42qui ont une capacité
17:44de communication
17:45qui est très forte.
17:47Vous avez même,
17:48d'ailleurs,
17:48des gens qui sont
17:49très traditionnels
17:50dans leur conception religieuse,
17:51qui sont parmi
17:52les plus modernes
17:53dans leurs moyens
17:54de communication.
17:56Et inversement,
17:57si vous voulez,
17:58vous avez des catholiques
17:59qu'on dira de gauche
18:00très vite,
18:02qui, eux,
18:03font un travail
18:04de terrain absolument considérable,
18:06mais ne le font pas savoir.
18:07Ce qui fait qu'on a
18:08le sentiment
18:08que certaines tendances
18:11un peu bruyantes
18:12sont plus importantes
18:13que d'autres
18:13qui ne font pas,
18:16ne communiquent pas suffisamment
18:17ou n'estiment pas
18:18avoir à communiquer.
18:19OK.
18:20Bon, alors,
18:21demain, justement,
18:22donc voilà,
18:22ce que vous évoquez,
18:24c'est qu'il y a peut-être
18:25moins de pratiquants,
18:27moins de catholiques
18:28en Bretagne
18:28qu'il y a eu
18:29à une époque,
18:29mais par contre,
18:30ceux qui vont à l'Église
18:32régulièrement aujourd'hui,
18:32quelque part,
18:33ils croient
18:34un peu plus dur,
18:35un peu plus fermement
18:36que tous ceux qui allaient
18:37à l'Église
18:38presque par habitude
18:40il y a quelques générations.
18:42Oui, je pense que
18:43c'est plus difficile
18:44d'être catholique aujourd'hui
18:45parce qu'autrefois,
18:47il suffisait,
18:47en quelque sorte,
18:48on baignait dedans,
18:49donc il y avait
18:50un certain nombre de choses
18:50qui se faisaient,
18:51mais souvent aussi,
18:52comment dire,
18:53ceux qui étaient
18:53du domaine de la croyance
18:54n'étaient pas formalisés,
18:55n'étaient pas réfléchis.
18:57Je pense qu'aujourd'hui,
18:58ceux qui s'affichent
19:00catholiques
19:01sont aussi soucieux
19:02de savoir à quoi ils croient
19:04et donc du coup aussi
19:05se posent des questions
19:06que peut-être
19:07on ne se posait pas
19:09il y a 50, 60, 70 ans.
19:11Donc c'est en effet
19:12une minorité,
19:13comme je vous le disais,
19:14mais une minorité
19:14plus consciente d'elle-même.
19:17Et vous qui étudiez
19:20ce sujet,
19:22j'ai presque envie
19:22de dire au quotidien,
19:23pour vous,
19:23quel est un peu
19:24l'avenir du catholicisme breton ?
19:26Est-ce qu'il va
19:26reprendre rapidement
19:28des forces ?
19:30Est-ce qu'il va
19:30se stabiliser ?
19:32Bon, je suis historien,
19:33pas prophète,
19:34mais je ne vais pas
19:35me dérouber
19:37à votre question.
19:37Je pense que...
19:40Il ne va pas s'effondrer ?
19:41Non, je pense
19:42qu'un certain nombre
19:43de choses vont
19:43définitivement disparaître
19:46et donc on aura
19:47une nouvelle configuration.
19:48Mais avec,
19:50pour moi,
19:51une difficulté,
19:52enfin ce qui me soucie
19:54le plus
19:54quand je réfléchis
19:55à l'avenir,
19:56c'est cette question
19:57des vocations sacerdotales.
19:58Si vous voulez,
19:59je vois une reprise
20:00de la demande,
20:01pour dire vite.
20:02Je vois dans la jeune génération
20:03des gens avides de sens,
20:05avides de repères religieux
20:07qui demandent quelque chose.
20:11Mais l'offre en face
20:12ne suit pas.
20:13C'est-à-dire que vous avez
20:14aujourd'hui
20:15au grand séminaire de Rennes
20:16un peu plus de 20 séminaristes
20:18et encore,
20:19ce n'est pas seulement
20:19les séminaires bretons,
20:20il y a aussi
20:20des séminaires banheurs morts.
20:22Donc vous voyez,
20:22on ne voit pas pour le moment
20:24une reprise
20:25des vocations sacerdotales.
20:26Or, dans le catholicisme,
20:27c'est un élément clé.
20:29Vous voyez ?
20:30Et ça,
20:31il ne faut pas parier
20:32sur l'idée
20:33qu'on pourrait ordonner
20:35des femmes plus tard.
20:37On n'y est pas.
20:38Vous voyez,
20:38ce n'est pas...
20:39Je pense que réellement,
20:40là, on a un verrou
20:41qui n'est pas simple.
20:43Qui n'est pas lié
20:44qu'à la Bretagne
20:45qui est vraiment pour...
20:45Ah, c'est un problème général.
20:47C'est un problème général.
20:49Quand on pense église,
20:51on voit toujours
20:52la grande église,
20:54vieille église,
20:55le patrimoine
20:55au milieu du village,
20:57mais elles sont aussi
20:57parfois froides
20:59et un petit peu vides,
20:59particulièrement
21:00dans les campagnes.
21:02Est-ce que la modernité
21:04voudrait...
21:04On voit que maintenant,
21:05certaines églises
21:06sont parfois vendues,
21:08deviennent théâtres,
21:10lieux culturels.
21:10Est-ce que pour redynamiser,
21:13pour regagner
21:13un petit peu de confort,
21:15accueillir dans des lieux
21:16plus petits,
21:16ça, ça...
21:17Ce n'est pas possible.
21:18Ah ben si,
21:19ça serait possible,
21:20mais ça n'est pas
21:21si simple que ça
21:21parce qu'on a eu
21:23un exemple extraordinaire,
21:24c'est à Plounérin
21:24où, lorsque l'église
21:27du XIXe siècle
21:28a menacé la ruine,
21:30il devait rester
21:31une quinzaine
21:32de fidèles réguliers
21:33tous les dimanches
21:33à la masse.
21:34Ils étaient tout à fait
21:35prêts à aller
21:35dans une chapelle
21:36plus ancienne,
21:38très bien,
21:38chauffée, etc.,
21:39où ils auraient
21:40été beaucoup mieux.
21:41Et donc,
21:42la mairie aurait pu,
21:44à ce moment-là,
21:44détruire une église
21:45qui ne servait plus.
21:47Sauf que,
21:48le clocher de Plounérin,
21:49ça se voit
21:50de la voie express.
21:51Et par conséquent,
21:52si vous voulez,
21:52le clocher,
21:53c'est le totem.
21:55Et donc,
21:55quelque part,
21:56lorsqu'il y a eu
21:56un référendum à Plounérin,
21:58savoir si on devait
21:58garder ou pas garder
21:59...
21:59Ils ont fait un référendum.
22:01Eh bien,
22:01ce référendum a été
22:02très favorable
22:03au maintien
22:04de l'église,
22:06donc à des réparations
22:07qui coûtent très cher,
22:08mais parce que,
22:08quelque part,
22:09le clocher
22:10était un symbole
22:11beaucoup plus puissant.
22:12L'église n'était pas seulement
22:14le lieu
22:15où se passait
22:16la messe du dimanche.
22:17C'est pour la mémoire aussi.
22:18C'est là qu'on voit aussi
22:19qu'à côté
22:20de l'effondrement,
22:22au fond,
22:22de l'appartenance
22:24religieuse christique,
22:25il reste
22:25un patrimoine
22:26culturel chrétien
22:27qui a
22:29une importance
22:30considérable
22:31pour beaucoup de gens
22:32qui ne se reconnaissent
22:32plus comme chrétiens,
22:34mais qui ne voudraient pas
22:35qu'on détruise
22:35leur église.
22:36Voilà,
22:37parce que...
22:37Ça, c'est très présent
22:39dans notre région.
22:40Ah oui, oui, oui.
22:41Et on a
22:42une densité
22:43d'églises
22:43et de chapelles
22:44absolument considérable.
22:45Alors, effectivement,
22:46ça va mener à quoi ?
22:47Ça va mener, sans doute,
22:48à des réaffectations
22:49d'usages.
22:50Bon, on voit très bien
22:51comment des églises
22:52pourraient être désaffectées
22:53et avec des accords
22:55qui peuvent se négocier,
22:57on peut arriver
22:58à des usages
22:59donc qui seraient
22:59jugés convenables,
23:00c'est-à-dire
23:01bibliothèques,
23:03salles de concert,
23:03de spectacles,
23:04etc.,
23:05on voit moins
23:07transformer ça
23:09en boîte de nuit
23:10ou je ne sais quoi
23:10comme ça s'est vu
23:11en Angleterre.
23:12En Angleterre
23:12ou au Canada,
23:14les choses ont été
23:15beaucoup plus radicales
23:16mais là, curieusement,
23:18en France,
23:18vous avez la chance
23:19d'avoir la loi de 1905
23:21et puis donc
23:21le système de séparation
23:22des églises et de l'État
23:23qui, curieusement,
23:25fait que les églises
23:26sont protégées
23:27puisque donc
23:27elles sont toutes,
23:29pratiquement,
23:30toutes celles d'avant 1905
23:31sont propriétés
23:32des communes
23:33donc ce qui est
23:35une chance inouïe
23:36pour les évêques
23:38aujourd'hui.
23:40Toute votre analyse
23:41s'appuie déjà
23:42sur votre expérience
23:43mais aussi
23:44sur l'enquête
23:46que vous avez fait
23:46non pas tout seul
23:48mais avec
23:48l'équipe,
23:50l'Institut culturel
23:51de Bretagne.
23:52Est-ce que vous pouvez
23:52revenir sur
23:54votre méthode
23:55parce que vous êtes
23:56aussi chercheur
23:56quelque part ?
23:57Voilà, alors,
23:58il y a mon travail
23:59d'historien.
24:00Là, j'ai introduit
24:01ce livre par une synthèse
24:03sur ce qu'a été
24:03le catholicisme
24:04en Bretagne
24:04depuis 1950
24:05mais dans ce livre,
24:07on a voulu aller
24:08à la rencontre
24:08d'un certain nombre
24:09de grands témoins
24:10du christianisme
24:10en Bretagne aujourd'hui.
24:11Il y a aussi des protestants,
24:12on regarde quand même
24:13un peu au-delà
24:13de la frontière catholique
24:15et notre petit groupe
24:17qui rassemble
24:18une vingtaine de personnes
24:19se réunit deux fois par an
24:21mais dans un lieu différent
24:22à chaque fois.
24:23C'est-à-dire que nous allons
24:24rencontrer des acteurs
24:25sur le terrain
24:26et nous leur demandons
24:27d'expliquer ce qu'ils vivent,
24:29ce qui est en train
24:30de se passer
24:31et donc ça nous permet
24:33au fond de sentir
24:35un peu, j'allais dire,
24:36l'atmosphère religieuse
24:37de la Bretagne aujourd'hui.
24:38Donc c'est un travail
24:39auquel on tient beaucoup
24:41et ce n'est pas seulement
24:42des universitaires,
24:43c'est des universitaires,
24:44des acteurs du champ religieux,
24:46des gens intéressés
24:47par la question religieuse
24:48mais dans une logique
24:49non-procédite.
24:51C'est-à-dire nous sommes
24:51des observateurs
24:52et voilà pour promouvoir
24:54quoi que ce soit.
24:54Merci Yvon Tramouès
24:56de votre présence,
24:57de votre analyse.
24:57Alors je renvoie
24:58à votre dernier ouvrage
25:00« Bretagne et religion »
25:01que vous avez fait
25:02avec l'Institut culturel
25:03de Bretagne.
25:05Merci à tous
25:05d'avoir suivi
25:06ce nouvel épisode
25:07de Double Clic.
25:09À très bientôt.
25:14Sous-titrage Société Radio-Canada
25:15– Sous-titrage Société Radio-Canada
25:16– Sous-titrage Société Radio-Canada
25:17– Sous-titrage Société Radio-Canada
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