- il y a 21 heures
Avec Delphine Minoui, grand reporter au Figaro, Jean-Pierre Perrin, écrivain, journaliste spécialiste du Moyen Orient. Et Arthur Sarradin, journaliste, correspondant de Radio France et Libération au proche orient. Auteur de “Le nom des ombres, sortir de l’enfer concentrationnaire syrien” (Seuil).
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00Grand entretien ce matin consacré à cette date où l'histoire de la Syrie a basculé avec la fuite du dictateur Bachar el-Assad qui quittait la capitale Damas pour Moscou.
00:12La Syrie, un an après, où en est la situation sur place ? Les enjeux sont immenses, humanitaires, un pays à reconstruire, à réconcilier, il faut protéger les minorités également.
00:25Le pouvoir de transition y parviendra-t-il ? Plusieurs invités pour en parler ce matin.
00:32Chers auditeurs, vos questions, vos réactions sur la Syrie un an après, au 0145 24 7000 ou l'application de Radio France.
00:43Delphine Minoui, bonjour.
00:44Bonjour.
00:45Bonjour.
00:45Grand reporter au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient, vous êtes auteur d'un livre passionnant, Les passeurs de livres de Daraya, une bibliothèque secrète en Syrie.
00:54Jean-Pierre Perrin, bonjour.
00:57Bonjour.
00:57Vous êtes écrivain, journaliste, spécialiste également du Moyen-Orient que vous avez arpenté et raconté, et particulièrement les derniers épisodes en date dans cette région qui secoue et qui est secouée.
01:13Arthur Saradin, bonjour.
01:15Bonjour, bonjour à tous.
01:16Bonjour.
01:17Journaliste correspondante de Radio France en Syrie.
01:19Vous étiez sur place il y a un mois et demi, vous y retournez dans quelques jours, et vous êtes l'auteur d'un livre puissant, le nom des ombres, sortir de l'enfer, concentrationnaire syrien, aux éditions du Seuil.
01:32Merci à tous les trois d'être avec nous ce matin, et je compte sur votre travail de pédagogie, puisque la situation en Syrie est complexe, que le pays est encore en transition.
01:43Mais partons d'abord de cette date, un an après.
01:47Un an après, cette nuit du 7 au 8 décembre, où le dictateur Bachar el-Assad fuyait la Syrie.
01:54Un an après, comment qualifier la Syrie sans Bachar el-Assad ?
01:59Dans quelques mots, Delphine Minoui.
02:01Je pense que c'est un pays meurtri, un pays où tout doit être reconstruit, il faut tout redémarrer à zéro.
02:11Un pays traversé par les stigmates de la guerre, mais aussi, il faut le rappeler, les stigmates de cinq décennies de dictature implacable,
02:20et qui fait face à mille et un enjeux, la reconstruction, la justice transitionnelle, l'économie, l'éducation aussi, c'est très important.
02:30Et puis, c'est un pays qui est fragmenté, puisqu'il y a différentes minorités, et qui se trouvent dans une situation délicate aujourd'hui.
02:36Et on va y venir justement, la question de la justice, celle des minorités, elles sont complexes, mais il va falloir les aborder.
02:42La guerre, elle a évidemment dévasté le pays, elle a fait des centaines de milliers de morts, selon l'ONG Observatoire Syrien des Droits de l'Homme.
02:51Mais même question, Jean-Pierre Perrin, un an après, où en est la Syrie ?
02:56La plus cruelle des dictatures, peut-être avec la Corée du Nord, s'est effondrée.
03:01Donc, évidemment, personne qui est attaché aux droits humains ne va bouder son plaisir de voir l'une des pires dictatures mordre la poussière.
03:09Alors, tout est à reconstruire, effectivement. Je crois que l'avenir de la Syrie dépendra beaucoup des acteurs sur le terrain.
03:19Pas seulement de l'homme qui, aujourd'hui, occupe le pouvoir et qui requiert l'attention du monde entier.
03:25Mais ce sont les acteurs sur le terrain qui feront évoluer dans un sens la Syrie.
03:30Et là encore, rien n'est joué. Et je crois qu'il y a beaucoup d'espoir, mais il y a beaucoup d'inquiétude en même temps.
03:36Cet homme, le nouveau chef d'État, Ahmed Al-Chara, qui était reçu à la Maison Blanche le 10 novembre dernier.
03:44Arthur Saradin, même question. La fin de Bachar el-Assad, écrivez-vous, ça n'est pas la fin du assadisme, comme on dit maoïsme, comme on dit stalinisme.
03:56Qu'est-ce que ça veut dire ?
03:57Ça veut dire que vous avez un système qui s'est effondré. Ça, c'est évident. Le dictateur, il est parti. Et tout ce qui composait le tissu de sa tyrannie, de sa barbarie, est parti avec lui.
04:07Il n'y a plus, en Syrie, tous ces checkpoints à chaque coin de rue. Vous n'avez plus tous les miliciens du régime qui terrorisent la population.
04:14Vous n'avez plus cette dimension systémique de l'univers concentrationnaire où des millions de Syriens ont connu la prison et la torture.
04:22Mais par contre, on se débarrasse en effet d'un homme et de son système.
04:27Mais 50 ans d'une dictature, ça laisse un poison, un héritage.
04:31Et ça, c'est l'héritage de l'assadisme.
04:33Et on le retrouve à chaque barbarie que connaît la Syrie, les massacres des minorités.
04:37On le retrouve à chaque pratique de la torture dans les prisons qui sont encore présentes.
04:42Et on va dire à chaque acte de violence et d'horreur qui sont commises par ces entités qui se partagent aujourd'hui un pays morcelé où tout est une urgence.
04:50Celle de toutes les reconstructions.
04:52Parce qu'il y a des centaines d'Alaouites notamment qui ont été tués.
04:55On va bien sûr en reparler.
04:56Mais Delphine Minoui, je voulais revenir sur ce nouveau président, l'ancien djihadiste Armad Al-Sharey.
05:01Et donc tout le monde convenait qu'il fallait se méfier au départ.
05:05Alors depuis, les Nations Unies ont levé leurs sanctions contre lui.
05:09Il a été reçu à l'île, disait, à la Maison Blanche.
05:12Est-ce qu'il a prouvé qu'il était finalement un interlocuteur valable ?
05:15Oui, d'abord cette image très marquante, je pense, de cette rencontre à la Maison Blanche avec Donald Trump.
05:22Il rentrait par une porte dérobée quand même.
05:24Voilà, exactement.
05:25Mais en même temps, sachant qu'il faut rappeler que c'est quelqu'un qui, à l'époque,
05:31que c'était un combattant qui avait rejoint les sunnites, qu'on appelait ça les insurgés sunnites à l'époque,
05:37qui avaient quitté la Syrie pour aller en Irak en 2003, pour combattre contre les GIs américains.
05:44Aujourd'hui, l'homme est très intéressant.
05:46L'homme est très mystérieux, en même temps très intéressant.
05:49Il fait preuve de pragmatisme.
05:51On sent aujourd'hui qu'il joue un énorme rôle d'équilibriste entre une petite base qui existe toujours,
05:59qui est la base des conservateurs, également certains djihadistes,
06:03et d'autre part cette volonté de renouer avec la scène internationale,
06:07de discuter avec les Occidentaux et de montrer un nouveau visage.
06:12Jean-Pierre Perrin, Armad Al-Charet, vous en parliez,
06:16il prenait quand même une vision très conservatrice de la Syrie,
06:20en lien aussi avec ses croyances religieuses.
06:22Est-ce que c'est ça qui est appliqué ?
06:24Ce qui est extraordinaire, c'est de l'avoir vu jouer au basket avec des soldats américains,
06:29ces mêmes soldats américains qu'il avait combattus autrefois en Irak.
06:33Donc il a renoncé à sa maison.
06:34Alors, il faut voir derrière qui a poussé Armad Al-Charet à aller à la Maison-Blanche
06:39et à s'entendre comme l'arrond en foire avec Donald Trump.
06:43On se souvient de ces scènes ahurissantes où il l'aspergeait de parfums dans le bureau ovale.
06:48Et où Trump lui demandait combien vous avez de femmes.
06:50Alors derrière, on peut voir aussi la main.
06:52Alors sans parler de complotisme, simplement il y a la main de Mohamed Ben Salman,
06:57le prince héritier d'Arabie Saoudite et le dirigeant de facto.
07:00Il y a effectivement Erdogan dont l'amitié avec Trump n'est plus un mystère.
07:05Il y a le Qatar.
07:06Tous ces trois puissances ont mis en scène, ont poussé du moins sur le devant de la scène Al-Charet
07:12et expliquent pour beaucoup ces bonnes relations qu'il a actuellement avec les Etats-Unis
07:17puisque finalement on a vu les images, elles sont quand même extraordinaires pour un ancien djihadiste.
07:22Et on va parler des influences étrangères dans ce pays
07:25puisqu'elles concentrent effectivement cette société syrienne.
07:32Beaucoup d'appétits de pays aussi divers que la Russie, les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite, le Qatar
07:38ou évidemment la Turquie puisqu'il y a une très grande minorité kurde en Syrie.
07:45J'aimerais qu'on revienne vers vous Delphine Minoui
07:47puisque vous êtes retourné en Syrie deux fois depuis la chute de Bachar el-Assad.
07:51Vous y étiez encore en avril.
07:53Il y a malgré tout quelque chose qu'on a envie de savoir sur cette société.
07:57Cette société qui s'est mobilisée avec un espoir absolument immense il y a quelques années
08:04qui a dû traverser la guerre civile, les massacres, la torture, l'emprisonnement arbitraire.
08:10Cette population aujourd'hui, est-ce qu'elle reprend en main son destin
08:13ou est-ce qu'elle est laissée à l'abandon profondément divisé, éclaté entre minorités ?
08:19Moi ce qui m'a vraiment marquée quand je suis retournée la première fois à Damas en décembre dernier
08:25c'était cette effervescence, ce sentiment de liberté, de délivrance, de monde de tous les possibles
08:30et cette soif d'aller de l'avant vers l'avenir, de reconstruire le pays.
08:35Quand je suis retournée à nouveau en avril, j'ai vu des changements colossaux.
08:38Je vais vous citer la ville de Daraya que je connais très bien, que j'ai suivie à distance
08:43pendant toutes les années où nous les journalistes ne pouvions pas retourner en Syrie.
08:48Vous avez publié un livre magnifique d'ailleurs, les passeurs de livres de Daraya
08:52où vous racontiez ce pari fou de jeunes révoltés syriens
08:56d'exhumer des milliers de livres ensevelis sous les ruines
08:59pour les rassembler dans une bibliothèque clandestine.
09:02Oui tout à fait, ces jeunes étaient justement emblématiques de cette volonté
09:06de continuer à défendre l'esprit pacifique de la révolution
09:09malgré la guerre, malgré les bombardements incessants du régime de Bachar al-Assad,
09:14malgré le blocus imposé sur cette ville de 2012 à 2016.
09:19Eh bien, ces mêmes jeunes, je les ai retrouvés à Daraya.
09:22Ce qui m'a frappé, c'est qu'il y a cette soif de reconstruction.
09:25La bibliothèque elle-même est déjà en cours de reconstruction,
09:28mais ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
09:31Il faut imaginer une ville rasée.
09:33Trois quarts des immeubles ne tiennent plus debout.
09:36Ils sont soit complètement détruits, soit obsolètes.
09:39Et malgré ça, vous avez des Syriens qui reviennent dans leur ville,
09:44ceux qui étaient réfugiés en Turquie, qui reviennent sur place.
09:47Vous avez des écoles qui rouvrent, vous avez des vendeurs ambulants très fiers
09:52avec leur petit stand de fruits et légumes à Chalandé.
09:54Ce qui m'a frappé, c'est les rires des enfants sur les trottoirs.
09:58C'est les... Daraya avait cette tradition des vergers.
10:02Oui.
10:02Il y a déjà des vignes qui repoussent des roses.
10:05Et ça, c'est très impressionnant.
10:06Vous vous souvenez de ce symbole au début de la révolution d'ailleurs ?
10:08Bien sûr.
10:08Où les jeunes offraient des roses aux soldats qui leur tiraient à balles réelles dessus.
10:13Arthur Saradin, vous avez décrit dans votre livre l'enfer de la prison centrale à Damas
10:20où sont enfermés, où ont été enfermés des milliers d'opposants torturés.
10:25Et vous avez une phrase après la chute de Bachar el-Assad.
10:29Vous citez un homme qui s'appelle Abdelmoumen et qui dit
10:33« Je n'ai plus peur ».
10:35Alors, entre l'optimisme, l'espoir et « Je n'ai plus peur », où se situe, j'allais dire, le curseur émotionnel syrien aujourd'hui, Arthur ?
10:47Moi, je pense qu'il est encore, voilà, multiple.
10:51C'est-à-dire que moi, je suis rentré le 8 décembre 2024, le jour de la chute d'Assad.
10:55Oui.
10:55Et honnêtement, avec peut-être, voilà, ma naïveté, j'avais imaginé cette chute de la dictature dans le fracas avec des mouvements de liesse.
11:03Et en fait, ce qui m'avait frappé, et je m'en souviens, on l'avait entendu sur les ondes de France Inter, c'était le silence.
11:09Ces gens qui étaient dans un entre-deux d'une dictature qui venait de tomber, mais dans le vide de qu'est-ce qui allait venir après,
11:15le bonheur de s'être débarrassé du tyran et en même temps voir les prisons, comme vous le mentionniez, qui débordaient,
11:21parce que tous les prisonniers étaient libérés. Cela dit, moi, je crois dans la force de cette société civile,
11:26car très vite, j'ai vu ces prisonniers qui, pour la plupart, étaient, voilà, des cabossés, des charnés, atteints de la tuberculose,
11:33encore marqués dans leur chair par les tortures, qui se sont mis, malgré tout, à faire des collectifs, des associations,
11:39qui demandent la justice transitionnelle et qui, d'une certaine manière, et je pense que c'est le plus intéressant pour la Syrie,
11:44poursuivre la révolution des Syriens, pour demander vraiment le chanson.
11:47Mais comment, Arthur Saradin, quand on sait qu'il y a eu 12 millions de déplacés à l'intérieur et à l'extérieur du pays,
11:54des millions de réfugiés qui ont fui la Syrie, est-ce qu'il y a un espoir de les voir retourner chez eux et de reprendre leur vie ?
12:02Et on va filer au standard, retrouver Rémi, qui a une question pour vous également.
12:07En tout cas, oui, il le faut, il le faut, il faut réussir, en tout cas pour les Syriens, à tout reconstruire,
12:12mais tout est une urgence. Il faut reconstruire un État, alors que la Syrie avait été une dictature pendant un demi-siècle,
12:18reconstruire des institutions, reconstruire un pays où on chiffre à plus de 300 milliards de dollars les dégâts.
12:24Et puis il faut, évidemment, et c'est parfois le plus dur, reconstruire les vivants, qui sont marqués par les traumatismes,
12:30mais aussi animés, en absence de justice transitionnelle, par des envies de vengeance.
12:34Et c'est ça qui explique aussi les phénomènes d'expédition punitive, ou cette volonté que peuvent avoir certains de se faire justice eux-mêmes,
12:41parce que la suspicion règne après la dictature.
12:43Alors, Jean-Pierre Perrin, Arthur Saradin parle de la société civile et de ce besoin de justice,
12:47mais justement, il y a un besoin de justice aussi, peut-être, vis-à-vis de ce dictateur, de Bachar el-Assad, qui s'est enfui.
12:53Est-ce qu'on sait où il est ? Il est à Moscou, il a l'air ?
12:55Oui, on sait où il est, on sait qu'il est à Moscou, pas seulement lui, mais une partie de son clan,
12:59l'autre partie étant probablement dans les Émirats ou au Liban.
13:02Donc, effectivement, il n'y a pas de soucis.
13:05Il a même fait l'objet d'une tentative d'empoisonnement récemment, sur laquelle on se pose beaucoup de questions.
13:10Mais il peut être jugé ?
13:11Pour le moment, c'est impossible.
13:13Jamais la Russie, évidemment, ne laissera juger un homme qu'elle a accueilli.
13:19En plus, il a beaucoup de choses à raconter, quand même, sur les relations entre la Russie et la Syrie.
13:23Beaucoup de choses sur l'emprise russe qu'il y avait sur la Syrie.
13:28Et en particulier, le pillage économique que les Russes ont opéré.
13:32Mais je voudrais insister quand même sur un point qui n'a pas encore été.
13:35C'est les minorités.
13:36Justement, j'allais y venir, parce que vous avez travaillé sur le sujet.
13:40Il y a les alawites, qui appartenaient au clan Assad, le clan qui est minoritaire et qui dominait l'ensemble de la Syrie.
13:49Mais il y a aussi les minorités druzes chrétiennes, les chrétiens qui vont fêter Noël dans quelques jours.
13:55Vous avez publié un papier pour Mediapart cet été, dans lequel vous parliez des druzes syriens pris en état dans une situation d'étau, des kidnappings, des exécutions sommaires.
14:06Expliquez-nous, qui sont les druzes et ce qu'ils risquent aujourd'hui ?
14:08Alors les druzes, c'est une minorité assez importante du point de vue stratégique, parce qu'ils sont à la frontière israélienne.
14:16Ils sont au Liban également.
14:17Ils sont au Liban également, avec comme capitale Souueda.
14:21Et c'est cette ville qui a fait l'objet d'un raid extrêmement meurtrier, qui a évidemment causé un grand nombre de...
14:28A la fois pillages, meurtres, viols des villages entiers ont été rasés, en particulier sur l'autoroute qui va de Damas à Souueda.
14:36Tous les villages ont été incendiés.
14:38Et aujourd'hui, la situation n'est pas encore établie, puisqu'on estime environ qu'un tiers ou un quart du territoire druze est occupé par des bandes ou l'armée syrienne.
14:51Ça se mélange un petit peu.
14:53Et donc, les druzes sont toujours dans un état de révolte, parce qu'évidemment, il y a des cadavres tous les jours qui arrivent à Souueda.
15:01La ville a été reconquise par les milices kurdes, mais une trentaine de villages ont été brûlés.
15:07Et donc, on est dans une situation assez dramatique.
15:10On estime que 185 000 kurdes ne peuvent pas encore aujourd'hui rentrer chez eux.
15:16Bonjour Rémi, et bienvenue sur France Inter.
15:19Bienvenue dans le grand entretien à la Syrie, un an après, avec des enjeux géopolitiques.
15:23Vous aviez une question à ce sujet pour nos invités.
15:26Oui, bonjour France Inter, et merci de prendre ma question.
15:28J'avais une question par rapport au changement de régime en syrien.
15:32Bonjour également à vos invités.
15:33On avait vu sous Bachar Al-Assad, on va dire, une alliance entre Russie et Syrie.
15:40Est-ce que, et comment en fait, le régime actuel pourrait profiter à Vladimir Poutine dans les géopolitiques de la Russie ?
15:47Comment la Russie pourrait inscrire le changement de régime en Syrie dans son projet géopolitique ?
15:53Merci Rémi pour votre question.
15:55Qui veut répondre, Delphine ?
15:56Alors, je pense qu'aujourd'hui, comme on disait, Ahmad Al-Shara, de son côté pragmatique et dans son rôle d'équilibriste,
16:05va essayer de ne pas se créer plus d'ennemis potentiels, en tout cas plus d'ennemis que son ennemi principal voisin, en l'occurrence Israël.
16:13Je pense qu'on y reviendra.
16:14Dans l'état actuel des choses, on sait qu'il y a eu des négociations entre Damas et Moscou concernant notamment la ville de Latakia,
16:24qui était le point d'entrée sur la Méditerranée pour les Russes, où ils avaient déployé une partie.
16:28Ça, c'est un enjeu essentiel, parce qu'il faut comprendre la géographie pour comprendre l'importance de la Syrie,
16:33ce pays qui a été découpé avec une règle en 1916 par Saïcs et Picot,
16:39et qui réunit des minorités, mais qui donc offrait un accès à la mer Méditerranée aux Russes.
16:45Exactement, et c'était tout l'enjeu. C'est une des raisons aussi pour lesquelles les Iraniens comme les Russes avaient fait de la Syrie une terre de repli
16:58et avaient jusqu'au bout continué à soutenir le régime de Bachar Al-Assad.
17:03Arthur Saradin, vous avez entendu ce qu'on disait sur Israël notamment.
17:10Vous, vous connaissez le terrain, vous y allez régulièrement, vous voyez peut-être les tensions.
17:13En tout cas, il y a eu des centaines de frappes d'Israël sur la Syrie depuis le départ de Bachar Al-Assad,
17:21Israël qui occupe le plateau du Golan.
17:24Les Etats-Unis essayent de négocier un pacte de non-agression entre Israël et la Syrie.
17:27Est-ce que c'est crédible d'après vous ? Comment vous ressentez les choses ?
17:31Le pacte de non-agression, il est crédible dans l'absolu.
17:34C'est-à-dire que le nouveau pouvoir, celui des autorités de transition, de Ahmad El-Sharah,
17:39n'a jamais eu pour l'instant d'attitude agressive vis-à-vis de la terre israélienne et de l'armée israélienne.
17:45On a pu voir, en effet, moi je me souviens, le 8 décembre, ces immenses bombardements
17:49qui ciblaient des bombardements israéliens en Syrie,
17:52des postes de l'armée syrienne, du matériel, de l'aviation.
17:58Et on a vu aussi l'armée israélienne conquérir des territoires au-delà du Golan déjà occupé
18:03et grappiller un peu de terre.
18:05Trump avait la volonté au début de faire rentrer la Syrie dans les accords d'Abraham,
18:09c'est-à-dire faire que la Syrie soit un État arabe qui, comme d'autres avant lui, reconnaisse l'État d'Israël.
18:15Alors que les deux pays ont toujours été ennemis.
18:17Évidemment, et en guerre.
18:18Et donc c'est quelque chose de relativement impossible, surtout pour la question des frontières.
18:22Car comme on l'a mentionné tout à l'heure, le Golan est encore occupé.
18:26Et des terres syriennes sont encore contrôlées par l'armée israélienne.
18:31Alors le pacte de non-agression, il sera peut-être possible à terme.
18:35Mais la reconnaissance de l'État d'Israël et la fin de la guerre,
18:37et l'entrée dans les accords à Abraham,
18:39sans régler la question du Golan qui traîne depuis 1967,
18:44ça paraît plus ou moins impossible.
18:46Jean-Pierre.
18:47Oui tout à fait.
18:47La volonté d'Al-Charest, c'est d'avoir de bonnes relations avec Israël,
18:52mais pas jusqu'à un certain point.
18:53Oui mais comment avoir de bonnes relations avec un voisin
18:56qui vous occupe une partie importante de votre territoire
18:59et qui a en plus conquis davantage de terrain ?
19:02Absolument, ils ont conquis davantage de terrain,
19:05ils ont même des positions qu'ils n'avaient pas au départ.
19:08Alors il faut prendre en compte aussi que Charest est coincé par Trump.
19:10C'est-à-dire qu'il veut avoir de bonnes relations avec l'Amérique,
19:13mais l'Amérique ne va pas le laisser, évidemment,
19:16contester trop fort la présence israélienne.
19:19Donc on a ce discours très modéré,
19:21étonnamment modéré.
19:22Pour un ancien chef djihadiste,
19:25qui en plus, un aspect qu'on n'a pas abordé,
19:28est resté quand même insuniste convaincu sur la question des femmes,
19:33notamment l'ADN de son parti n'a pas changé.
19:38Delphine Menoui, un mot sur cet homme et la nature de son régime.
19:42Et ensuite il y a de nombreuses questions d'auditeurs sur les réfugiés syriens,
19:45et notamment Marc et d'autres qui vous demandent
19:47si les réfugiés syriens en Europe vont retourner en Syrie.
19:50Un mot sur Al-Shara d'abord ?
19:52En ce qui concerne Hamad Al-Shara,
19:53on sait aussi qu'il y a des élections législatives
19:55qui viennent d'avoir eu lieu,
19:58qui sont également très contestées,
19:59puisque les élus ont été choisis
20:02par un comité présélectionné par Hamad Al-Shara.
20:05Les résultats ne sont pas très encourageants,
20:07puisque vous avez seulement 4% de femmes,
20:10enfin 4% qui sont des femmes au sein de ce nouveau Parlement,
20:13sachant que, justement, on parlait des minorités,
20:16ni les Kurdes ni les Druzes n'ont pu voter,
20:19étant donné la question sécuritaire.
20:21Donc ça reste un grand point d'interrogation.
20:23Et la question des réfugiés, ce sera la dernière.
20:25Les réfugiés européens, dont on se souvient
20:27qu'ils avaient été accueillis à bras ouverts
20:29par Angela Merkel,
20:31pas par d'autres membres des 27,
20:33vont-ils revenir en Syrie ?
20:35Je pense qu'il est important de rappeler,
20:36de par toutes les discussions qu'on a au quotidien,
20:39avec les Syriens réfugiés,
20:41ceux qui sont rentrés, etc.,
20:42c'est qu'il y a un désir du retour au pays.
20:44Évidemment, leur terre, leur manque.
20:46Ça fait 14 ans qu'ils n'ont pas pu retourner sur place.
20:49Ils ont des amis qui sont morts,
20:50des membres de leur famille qui ont disparu.
20:54Aujourd'hui, on estime à peu près 1 million
20:57le nombre de réfugiés qui sont rentrés sur place en Syrie.
21:01Il y en aurait encore à peu près 4,5 millions
21:04qui seraient encore à l'étranger.
21:06Il est important quand même de rappeler
21:07que le nombre de réfugiés en Europe
21:10est vraiment minime,
21:12comparé au nombre qui se trouve aujourd'hui en Turquie.
21:144 millions, donc disons que le poids est bien moindre
21:19par rapport à ce qu'on peut entendre aujourd'hui
21:21sur tous les médias.
21:22Ne cédons pas à la peur, rappelons-nous les chiffres.
21:25C'est malheureusement à la fin de cet entretien.
21:27On avait tant de questions à vous poser.
21:29Merci infiniment, Jean-Pierre Perrin,
21:30d'avoir été l'invité de France Inter.
21:32Merci, Delphine Minoui.
21:33Merci, Arthur Saradin.
21:34Et je vous cite pour terminer.
21:36Vous écrivez, et c'est très fort,
21:38dans votre chapitre sur le nom des ombres,
21:41sur les leçons des ruines.
21:43Vous dites, s'il existe des ruines,
21:45c'est que quelque chose persiste.
21:46On va essayer de se raccrocher
21:48à ce mince espoir-là.
21:50Merci infiniment à tous les trois
21:51de nous avoir aidés à y voir plus clair
21:53sur la Syrie un an après.
21:55Et je vous indique que lundi prochain,
21:58France Inter sera en direct de Damas,
22:00la capitale syrienne,
22:01pour le 18-20 de Fabienne Sintès.
22:03Sous-titrage Société Radio-Canada
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