Daniel Baal, président du Crédit Mutuel depuis 2024, était l’invité de The Media Leader lors des MediaDays à Strasbourg. Dans cet entretien mené par François Quairel, directeur de la rédaction,, il détaille la stratégie de communication du groupe bancaire, son engagement dans la musique et sa vision de la publicité en tant qu’annonceur majeur. Il revient également sur l’avenir du groupe EBRA, premier pôle de presse quotidienne régionale, et réaffirme la volonté du Crédit Mutuel de soutenir une information locale de qualité.
00:00Bonjour Daniel Balle, merci d'être avec nous ici à Strasbourg depuis les Mediades, c'est le siège du Crédit Mutuel que vous présidez depuis 2024, 38 millions de clients en France avec vos deux marques principales, Crédit Mutuel et CIC, vous en avez d'autres également, en l'occurrence Monaboc et ECOFIDIS.
00:30En quoi aujourd'hui la communication ça permet pour le Crédit Mutuel et vos différentes marques de se distader dans cet univers bancaire qui est très très concurrentiel, encore plus aujourd'hui avec toutes ces nouvelles banques, quelle est votre stratégie justement ?
00:44Oui vous avez raison de le dire, la banque et l'assurance parce que nous sommes banque assurance, ce sont des secteurs extrêmement matures et par conséquent en matière de communication pour se différencier, il faut trouver la différence.
00:57Et comme nous sommes une banque très différente, nous n'avons aucune difficulté à mettre en phase notre stratégie, notre stratégie d'entreprise à mission, notre stratégie de banque différente, d'avoir une démarche de proximité avec notre stratégie de communication.
01:16Sous la marque Crédit Mutuel qui est la marque amirale du groupe, nous avons depuis une quinzaine d'années une communication autour d'une saga familiale.
01:27Une saga familiale qui est en fait une campagne de communication très identitaire pour montrer les valeurs du Crédit Mutuel, pour montrer que nous sommes la banque qui appartient à ses clients, pour prendre le slogan, pour prendre également la banque qui n'a pas aujourd'hui à rechercher, à optimiser son résultat, mais plutôt à faire participer la société également à ses performances.
01:54Vous êtes accompagné par Havas pour le média et la création depuis de nombreuses années. Vous êtes aussi une banque qui avait trouvé ce créneau autour de la musique.
02:03Récemment, j'étais dans le métro, j'ai vu que vous sponsorisiez la scène musicale. Il y a le « là » qui apparaît, la banque qui donne le « là ».
02:10En quoi aujourd'hui cette stratégie autour de la musique, elle permet de se différencier ?
02:16Depuis une vingtaine d'années maintenant, effectivement, le Crédit Mutuel donne le « là », pour reprendre le slogan.
02:22C'est un choix que nous avons fait d'être présents sur le domaine de la musique, parce qu'on a estimé que la musique est intergénérationnelle.
02:31Et nous sommes, vous le dites, partenaires de la scène musicale, effectivement.
02:36Nous sommes également partenaires de 300 festivals de musique à travers la France tout au long de l'année,
02:42pour bien affirmer notre présence sur le terrain, aux côtés de l'ensemble des acteurs, de la musique, et je dirais même de toutes les musiques.
02:51On aime bien cette universalité et cette proximité qui correspond bien aux valeurs du Crédit Mutuel.
02:57Vous êtes aussi une banque qui avait cette image, la banque qui appartient à ses clients, donc à ses sociétaires.
03:02Vous êtes entreprise à mission pour le Crédit Mutuel et le CIC.
03:06Est-ce qu'on pourrait dire que vous êtes la banque des gentils dans un univers où souvent on dit que les financiers, les marchés financiers sont les méchants ?
03:14Je ne sais pas si on est les gentils. En tout cas, on se situe clairement dans le secteur du bien.
03:19On se situe clairement en tant qu'entreprise à mission dans une volonté d'être performante.
03:26Une entreprise performante, mais qui met cette performance au service du bien commun.
03:32Nous sommes allés encore plus loin qu'être entreprise à mission en créant le dividende sociétal,
03:39ce qui nous permet chaque année d'affecter 15% de notre résultat.
03:44C'est plus de 600 millions d'euros en 2025 à des actions d'intérêt général, à des actions de solidarité,
03:51à des actions pour la transformation environnementale et sociétale.
03:55Donc ce qu'on fait, on le fait évidemment pour la société.
03:58Ce qu'on fait pour la société, on le fait également pour le bien de nos propres sociétaires.
04:02Dans vos diversifications, il y a de nombreuses années, vous avez racheté des journaux régionaux.
04:05Ça a démarré par des journaux en Alsace.
04:07Et puis vous êtes étendu avec des journaux, neuf journaux désormais.
04:11Le Progrès, Le Dauphiné Libéré, les dernières nouvelles d'Alsace notamment.
04:15L'Alsace qui a été la première acquisition par le groupe Crédit Mutuel.
04:19C'est 1 400 journalistes.
04:21La presse, c'est un métier qui est difficile aujourd'hui, dans lequel c'est compliqué d'être rentable.
04:26Pourquoi le Crédit Mutuel est toujours actionnaire de ce groupe, le groupe Ebra en l'occurrence ?
04:31Oui, c'est un secteur très compliqué, la presse écrite.
04:33Je ne vais pas refaire la genèse pour expliquer comment ces titres sont devenus propriétés du Crédit Mutuel.
04:40Aujourd'hui, ils sont dans le groupe.
04:43Aujourd'hui, ils sont dans le groupe et nous considérons que nous avons une vraie responsabilité
04:46à leur permettre de continuer à exister, de continuer à se développer,
04:51à continuer à contribuer à la démocratie locale.
04:57Aujourd'hui, on sait bien, et on en entend beaucoup parler,
05:00ce qui se passe avec les fake news, avec les informations qui ne sont pas vérifiées.
05:05Dans nos neuf titres, ce qui nous intéresse, nous, en tant que propriétaires,
05:11c'est qu'on diffuse une information de qualité, une information vérifiée,
05:14que cela contribue à la richesse de la vie sur les territoires.
05:18Et ainsi, nous avons un lien étroit entre les valeurs du Crédit Mutuel
05:23et ce que l'on souhaite faire avec ce groupe de presse.
05:28Les relocalisateurs, récemment, ont présenté une étude qui montrait
05:32qu'il y avait un risque de désert médiatique en France.
05:34C'était le cas aux Etats-Unis, on a vu des vrais reculs dans la démocratie locale
05:38pour ces régions où il n'y a plus de médias locaux.
05:43Aujourd'hui, est-ce que c'est quelque chose qui vous fait peur ?
05:45Et est-ce que c'est pour ça que vous continuez d'investir dans le groupe Ebra,
05:48dont on lit beaucoup de rumeurs ?
05:50On dit qu'ils veulent se désengager, ils perdent trop d'argent.
05:53Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
05:54Nous sommes présents aujourd'hui sur 23 départements, sur 4 régions.
06:00On nous reproche parfois d'avoir une position monopolistique.
06:02Alors c'est vrai qu'en PQR, on est monopolistique,
06:05mais la PQR, elle a aujourd'hui comme concurrent tellement de types de médias
06:10qu'il vaut mieux que justement ce média soit là, soit solidé.
06:14Donc effectivement, le choix que nous avons fait, c'est de rester présent,
06:17de rester présent de telle sorte à apporter une information de qualité,
06:21une information de proximité.
06:22L'information locale est un des sujets majeurs
06:26lorsqu'on est un titre de la presse quotidienne régionale.
06:29Alors oui, effectivement, de temps à autre, on nous prête des intentions.
06:34Notre vraie volonté, c'est de continuer à offrir des titres de qualité
06:39avec, comme doit l'être toute entreprise,
06:43simplement la recherche de l'équilibre financier
06:46qui effectivement n'est pas atteint aujourd'hui.
06:47Le groupe Ebra n'est pas en vente ?
06:50On dit que vous pourriez vendre à SEM, à CGM, à Rodolphe Saadé, à d'autres.
06:55Non, le groupe n'est pas en vente.
06:58Vous avez changé de patronne, Sophie Gourmelin qui est arrivée cet été,
07:01elle dirigeait le Parisien avant.
07:03C'est quoi sa feuille de route à Sophie Gourmelin ?
07:05La feuille de route de Sophie Gourmelin est relativement simple.
07:09C'est, je le disais, l'équilibre économique,
07:12parce que c'est une entreprise de presse, mais c'est une entreprise.
07:16Donc l'équilibre économique est une nécessité.
07:19Continuer la transformation, et notamment continuer la transformation vers le digital,
07:24car on a évidemment la certitude que le digital prendra toujours plus de place.
07:29On espère encore maintenir pendant un certain temps quand même des éditions papier,
07:34parce que certains de nos lecteurs y sont attachés.
07:38Et puis surtout continuer à travailler la qualité du produit
07:41et sa pertinence dans les territoires et dans le bon fonctionnement de la démocratie locale.
07:49On dit que les médias c'est un truc de milliardaires aujourd'hui.
07:51Le groupe LVMH, le groupe CMACGM, entre autres,
07:54qui ont investi Xavier Niel, le patron de Friod en Nice ce matin.
07:58Aujourd'hui vous vous mettez là-dedans, même si le crédit mutuel n'a pas ce modèle-là.
08:02Vous n'êtes pas le propriétaire du crédit mutuel, puisque c'est une entreprise mutualiste.
08:06Aujourd'hui, est-ce que les médias c'est une affaire de milliardaires,
08:09ou en tout cas d'entreprise milliardaire ?
08:11C'est une affaire en tout cas d'entreprises qui ont les moyens.
08:14Ça c'est certain.
08:16Nous sommes un groupe bancaire extrêmement solide,
08:21ce qui nous permet effectivement de continuer à soutenir ce groupe de presse.
08:25Nous accumulons chaque année effectivement des résultats déficitaires,
08:28d'où la nécessité de trouver l'équilibre pour offrir justement au territoire des titres de qualité.
08:37Mais par contre, certains ont peut-être des idées en matière d'influence qu'ils peuvent jouer en étant propriétaires d'un titre de presse.
08:44Ce n'est clairement pas ce que cherche le crédit mutuel.
08:46C'est-à-dire que les journalistes dans le groupe EBRAS ne sont pas obligés de parler du crédit mutuel ?
08:50Non, mais ils ont le droit d'en parler, heureusement.
08:55Mais ils peuvent parler des concurrents.
08:56Mais ils parlent également des concurrents.
08:58Mais ça me semble normal quand on est un titre sur les territoires,
09:01même si en Alsace le crédit mutuel était extrêmement présent,
09:04ce n'est pas le cas forcément dans toutes les régions.
09:06Et puis non, c'est la diversité de l'information qui doit prévaloir.
09:10La presse papier, est-ce qu'elle a encore de l'avenir ?
09:14Vous continuez d'investir dans des imprimeries, dans un outil industriel.
09:18C'est ce qui, on le sait, menace l'équipe de tous les groupes de presse.
09:22On a vu récemment le Parisien qui a été renfloué plus de 100 millions par son actionnaire.
09:25Et on sait que d'ailleurs, c'est l'outil industriel qui est très lourd.
09:28Aujourd'hui, c'est quoi votre stratégie là-dessus ?
09:30Et est-ce que vous pensez que la presse papier peut continuer de perdurer ?
09:33Ça reste quand même la tradition.
09:34La presse quotidienne régionale est d'abord une presse papier.
09:38Et beaucoup de nos lecteurs nous disent, ne nous enlevez pas le papier.
09:41Parce que même lorsqu'on peut regarder ce qui se passe sur le digital,
09:45on aime bien toucher le papier.
09:47Cela étant, dans les années qui vont venir,
09:50avec les nouvelles générations qui arrivent,
09:53je pense que parmi les évolutions possibles,
09:56il y a le fait que le digital prendra vraiment le pas sur le papier.
10:00Peut-être même le papier ne sera-t-il plus quotidien,
10:04mais sera-t-il plutôt un moyen de référence
10:07qui pourrait sortir une fois par semaine
10:08en complément de l'actualité vraiment au fil de l'eau
10:12diffusée sur le digital.
10:14Mais bon, ça c'est un sentiment que j'ai.
10:17Ce n'est pas pour demain.
10:18Et je pense que c'est dans les 10 ans.
10:20Dans les 10 ans à venir.
10:21Dernière chose, Daniel Ball dirigeait aussi une entreprise de presse.
10:24Vous êtes d'abord banquier.
10:25Est-ce que d'abord vous y passez beaucoup de temps ?
10:27J'imagine que oui,
10:28parce que c'est une entreprise particulière,
10:30une entreprise de presse.
10:31Est-ce que vous y passez beaucoup de temps ?
10:32Est-ce que vous aimez aussi être en tout cas des patrons
10:35du premier groupe de presse régionale ?
10:37Non, quand on est dirigeant d'un grand groupe,
10:40on s'occupe de beaucoup de sujets.
10:41Non, je ne veux pas dire que c'est la presse
10:43qui nous occupe le plus.
10:46Elle nous intéresse.
10:47Et j'ai un vrai intérêt pour la presse.
10:51Surtout, nous sommes très attachés
10:54à ce que ce groupe fonctionne.
10:56Et le recrutement de Sophie Gourmelin,
11:00dans ce sens,
11:01il va de soi qu'ensuite,
11:03la patronne du groupe de presse
11:05et les directeurs généraux des divers titres
11:08doivent faire leur job.
11:10Et franchement, je n'interviens jamais sur le quotidien.
11:13Vous me disiez tout à l'heure,
11:14lors de la table ronde ici au Média d'Est,
11:15que vous auriez aimé être journaliste.
11:17Oui.
11:17C'est vrai que c'est...
11:18Pourquoi ?
11:19En quoi ce métier vous avait intéressé à l'époque ?
11:21Gamin, c'est un métier qui me passionnait toujours.
11:26On me croisait même à la maison
11:28avec un micro factice en main
11:30en train de commenter un événement sportif.
11:33Bon, voilà.
11:33Ensuite, je ne le suis pas devenu
11:35parce qu'à un moment,
11:37notamment dans ma vie scolaire,
11:39on m'a dit que ce n'était pas un débouché
11:40qui permettait d'avoir un vrai métier.
11:44Donc voilà, je suis devenu patron,
11:47président d'un groupe bancaire.
11:49Mais en même temps,
11:49j'ai toujours beaucoup d'intérêt
11:51pour les sujets de la presse
11:52et plus généralement
11:53pour tous les sujets liés à l'actualité.
11:55J'ai une dernière question.
11:56Vous parliez de fake news tout à l'heure.
11:57On voit qu'aujourd'hui,
11:58il y a des nouveaux médias
11:59qui concurrencent les grandes marques.
12:01Je pense par exemple à quelqu'un
12:02comme Hugo Décrypte aujourd'hui
12:03qui a été cité par le Reuters Institute Report
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