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00:00Dans question directe avec Richard Verli, bonsoir Richard, journaliste et auteur de cette Amérique qui nous déteste et c'est aux éditions Nevi-Kata.
00:10Votre livre Richard, c'est une analyse en fait de la relation entre Américains et Européens à partir de votre dernier voyage aux Etats-Unis.
00:18Vous avez sillonné le pays dans un camping-car à la rencontre des Américains trumpistes et votre constat est sans appel, il nous déteste.
00:27Vous dites, vous le titrez d'ailleurs, comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion un peu radicale ?
00:33Mais parce que j'ai été absolument sidéré, vous vous souvenez Stéphanie, l'année dernière d'ailleurs à plusieurs reprises on avait échangé, j'étais à distance depuis le camping-car.
00:42Et moi ce qui m'a frappé, je ne m'attendais pas à trouver ça. J'ai trouvé une Amérique pro-Trump puisque c'était cette enquête-là que je voulais mener.
00:49L'idée du camping-car c'était d'aller précisément dans les campings, de voir les Américains à hauteur de pare-brise en quelque sorte.
00:56Et j'ai trouvé vis-à-vis de l'Europe une rancœur, oui une forme de détestation, du mépris souvent.
01:03Parce que pour ces Américains bien évidemment instrumentalisés, menés en bateau on pourrait dire pour Trump ou en tout cas guidés par Donald Trump,
01:12il s'agit de trouver des boucs émissaires. Alors ils en trouvent plein et les Européens en font partie.
01:16Et vous dites, ils redoutent la Chine mais ne la détestent pas, ils veulent la contenir et en tirer profit mais ils n'en jalousent ni le mode de vie,
01:24ni le régime politique, ni la richesse culturelle. Donc vous, ils nous envient. Comment voulont-ils montrer qu'ils nous enviaient ?
01:31Alors d'abord parce qu'il y a des réflexions, vous savez, qui ne trompent pas et que je n'avais pas l'habitude,
01:36vous connaissez bien les Etats-Unis également, que je n'avais pas l'habitude d'entendre.
01:39Par exemple, une chose qui est revenue beaucoup, c'est que les Européens sont faibles.
01:44Cette faiblesse des Européens, dans un monde où il faut être fort, ça c'est tout le discours de Donald Trump,
01:49il faut être fort pour que la puissance américaine irradie de nouveau, les Européens sont faibles.
01:55Vous parliez de la richesse culturelle.
01:55Donc ils envient les faibles ?
01:56Non, ils n'aiment pas les faibles, ils n'aiment pas les faibles.
02:00Mais ce qu'ils nous reprochent, c'est d'avoir profité d'eux.
02:03C'est tout le discours sur la redevabilité. On n'est pas assez redevable.
02:07Autrement dit, on a profité de nos formidables décors, on a profité de nos formidables monuments
02:12pour les attirer comme touristes, mais au fond, on n'a jamais payé ce qu'on leur devait.
02:17Et ça, Donald Trump, il n'arrête pas de le répéter encore aujourd'hui.
02:19Mais quand vous dites, Richard, qu'ils nous envient, ils envient vraiment notre mode de vie, notre richesse culturelle ?
02:24Vous avez ressenti cela aussi ?
02:25Oui, je crois qu'ils envient deux choses, les Américains de Trump.
02:28Ils envient d'abord le fait que l'Europe continue d'avoir un patrimoine,
02:34continue d'avoir un mode de vie qui n'est pas entièrement consacré au travail,
02:38continue peut-être d'échapper à un certain nombre de problèmes qu'ils ont aux Etats-Unis.
02:42Par exemple, vu des Etats-Unis, l'Europe est quand même beaucoup moins contaminée par le fentanyl.
02:46Je vais prendre cet exemple-là.
02:48Donc, ils envient l'Europe, mais cette envie nourrit une forme de détestation
02:52parce qu'ils estiment que ce qu'on a, on l'a eu à leur dépens.
02:55Alors, mais est-ce que finalement, cette relation avec les Etats-Unis, entre les Etats-Unis et l'Europe,
03:00Richard Verly, et notamment les Etats-Unis et la France,
03:02est-ce que ça n'a pas toujours été une relation d'amour-haine ?
03:05Est-ce que c'est si différent, cette façon qu'ils ont de nous détester,
03:09comme on les déteste aussi, en France en particulier ?
03:12Alors, je pense que ce n'est pas du même registre.
03:14L'anti-américanisme à la française, c'est avant tout un souci d'indépendance.
03:18On veut affirmer notre indépendance,
03:21et le général de Gaulle, bien évidemment, a été le premier à le faire.
03:23Mais il nous traite d'arrogant !
03:25Oui, mais du côté des Américains, il y a autre chose aujourd'hui.
03:28C'est qu'ils nous voient comme décadents, les Européens.
03:32On ne défend plus les valeurs occidentales que, eux, cette Amérique de Trump prétend défendre.
03:36Ils nous voient comme faibles, je l'ai déjà dit, dans un monde où il faut être fort.
03:40Et enfin, dernière chose, et c'est là-dessus que je termine le livre,
03:42ils nous voient comme ayant abandonné l'idée de progrès.
03:45Ils nous voient comme des retardataires.
03:47Alors que, eux, il faut le reconnaître, dans la lignée d'Elon Musk,
03:51ils ont le regard tourné vers l'avenir.
03:53Ce sont tous les Américains ou vous avez vu deux Amériques ?
03:55Non, l'Amérique que j'ai décrite, c'est pour ça que le titre dit « Sept Amériques »,
03:59c'est l'Amérique de Trump, c'est l'Amérique des magas,
04:01c'est l'Amérique qui est aujourd'hui au pouvoir.
04:03Vous l'avez vu aussi profondément divisé, j'imagine, en sillonnant ces différents États ?
04:09Sur cet aspect-là, je ne l'ai pas vu très divisé.
04:11J'ai vu quand même beaucoup d'unanimité chez les Américains.
04:14Alors attention, ça ne les empêche pas d'être tous extrêmement sympas.
04:18Ils ne m'ont pas sauté à la figure quand je sortais de mon camping-car.
04:20Ils continuaient de m'inviter le soir autour du bras zéro dans le camping de manière très sympathique.
04:26Mais pour la première fois, et moi je n'avais jamais vu ça,
04:29je les ai entendus parler d'Europe et de parler d'Europe dans des termes extrêmement négatifs.
04:33C'est pour ça que j'ai voulu faire ce livre.
04:34Vous évoquez l'histoire de la famille Trump.
04:36Richard, vous avez visité ce village d'où vient le père de Trump, Karlstadt,
04:42un village en Allemagne, l'Allemagne rurale entre Mannheim et Heidelberg.
04:47Son grand-père, vous écrivez, a débarqué à New York en 1885.
04:51Il arrivait de Bavière.
04:53Est-ce que Trump a un problème avec ses origines ?
04:55C'est ce que je pense.
04:56Alors je ne suis pas psychiatre, je ne suis pas psychologue,
04:59mais quand vous regardez précisément l'itinéraire de Donald Trump,
05:03qui n'est jamais allé à Karlstadt,
05:04vous vous rendez compte quand même, un président des Etats-Unis,
05:07un homme d'affaires aussi réputé, aussi connu,
05:09il n'est jamais retourné sur les traces de son père,
05:12puisque ça, on parle de ses origines paternelles.
05:15Et je rappelle une chose dans le livre qu'on a tendance à oublier,
05:18mais pendant toute l'après-guerre, le père de Donald Trump,
05:22Fred Trump, qui lui-même était promoteur immobilier,
05:24mais plutôt pour des logements, disons classe moyenne,
05:26il se fait passer pour Suédois à New York.
05:29Mais parce qu'il est allemand,
05:30parce qu'il a fricoté avec l'extrême droite américaine
05:34pendant l'entre-deux-guerres,
05:35et qu'il a besoin de travailler avec des financiers,
05:38bref, avec des hommes d'affaires juifs à New York,
05:41et que pour ça, il vaut mieux dire qu'on est Suédois qu'Allemands.
05:44Donc une drôle de relation, effectivement, avec ses origines.
05:47Moi, je pense que ça explique beaucoup de choses.
05:49Maintenant, je suis prêt à entendre d'autres voix,
05:51mais plus j'ai creusé,
05:52plus j'ai trouvé toute cette ambiguïté
05:55de la relation de Trump avec ses origines paternelles,
05:58alors qu'en revanche, du côté de sa mère,
05:59qui était écossaise,
06:00il n'y a visiblement aucun problème.
06:02La meilleure preuve, c'est que c'est sur son golfe écossais
06:05qu'il a signé le fameux deal avec les Européens.
06:07L'Écosse plutôt que l'Allemagne.
06:08Alors, vous revenez sur les années Reagan
06:09pour expliquer justement pourquoi Trump qualifie les Européens
06:12de profiteurs,
06:14pourquoi il dit qu'il se fait entuber par les Européens.
06:17Octobre 1987,
06:19craque boursier.
06:20Les Européens, en particulier l'Allemagne,
06:22refusent finalement de baisser leur taux d'intérêt
06:24pour aider l'Amérique.
06:25Résultat, le déficit commercial américain dégringole
06:29et vous dites que le patron de la Fed
06:30avait affirmé à l'époque
06:31qu'il n'était plus possible de faire confiance aux alliés.
06:34Quand Trump dit que l'Europe entube les États-Unis,
06:37est-ce qu'il faut se souvenir de cet épisode ?
06:39Bien sûr.
06:40Donald Trump est un homme des années 80,
06:41à plein d'égards.
06:43J'allais dire presque également sur le plan musical.
06:45Quand vous écoutez YMCA,
06:46ça vous dit quelque chose.
06:47Eh bien, il est ancré dans cette période
06:49où il estime que les Européens
06:51ne sont pas venus au secours des États-Unis
06:54quand ils en avaient besoin sur le plan financier.
06:57Et par ailleurs, c'était l'époque
06:58où Trump avait une autre obsession.
06:59Vous vous souvenez, Stéphanie ?
07:00C'était l'obsession de la puissance japonaise.
07:02À l'époque, on pensait que le Japon
07:03allait dévorer l'Amérique
07:05dans les années 80-90.
07:07Et déjà, il réclamait des tarifs commerciaux.
07:09Déjà, il réclamait plus de frontières.
07:11Donc au fond, le Japon a été éliminé.
07:14Vous voyez la situation du Japon aujourd'hui.
07:16Eh bien, pour Trump,
07:17il faut éliminer l'Europe de la même manière,
07:19la marginaliser
07:20et en faire un vassal docile des États-Unis.
07:23Alors cette détestation à l'égard de l'Europe,
07:25est-ce qu'elle va changer
07:25si les démocrates reviennent au pouvoir ?
07:27Je pense que l'attitude des démocrates,
07:30ceux que je connais en tout cas,
07:32vis-à-vis de l'Europe
07:33est très différente de celle de Donald Trump.
07:34Pour une raison simple,
07:36c'est que l'élite démocrate
07:38est quand même attachée
07:41au rôle international des États-Unis
07:43et au fait que les États-Unis
07:44sont certes la première puissance mondiale,
07:47mais pas une puissance contre tout le monde,
07:49une puissance avec ses alliés
07:52face au reste du monde.
07:54Le problème de Trump,
07:55c'est que pour lui,
07:55les Européens ne sont pas des alliés,
07:57ils sont des vassaux
07:58et ils doivent le rester,
07:59d'autant plus que tout ce qui l'entoure
08:01sur le plan du business,
08:03ce sont essentiellement des financiers
08:05ou les géants de la tech.
08:06Les géants de la tech,
08:07ils redoutent une chose,
08:08c'est qu'on mette des règles et des impôts
08:09parce que le marché européen,
08:10c'est ce qui leur permet leur prospérité.
08:12Eux aussi détestent l'Europe finalement ?
08:14Alors écoutez,
08:15prenez deux exemples.
08:16Peter Thiel,
08:17d'origine allemande,
08:18vous savez,
08:18on parle beaucoup de Peter Thiel,
08:19la fameuse mafia Paypal,
08:21puisqu'il a créé Paypal,
08:22d'origine allemande,
08:23passée par l'Afrique du Sud,
08:25qui, libertarien,
08:26qui se permet aujourd'hui
08:27de faire une ingérence
08:28dans la politique
08:29de son pays d'origine,
08:30l'Allemagne,
08:31en soutenant l'AFD,
08:32prenez un deuxième exemple,
08:34Elon Musk,
08:34Elon Musk lui aussi,
08:36blanc d'Afrique du Sud
08:37et qui ne peut pas s'empêcher
08:38à chaque fois qu'il le peut
08:39d'intervenir dans le débat politique européen.
08:41Si ça,
08:42c'est une preuve d'amour,
08:43je m'y perds.
08:43Alors eux ont un argument,
08:44c'est de dire qu'en fait,
08:46ils répondent à l'appel
08:48d'une partie de la population européenne
08:50qui partage les mêmes idées.
08:51Et c'est vrai,
08:52il faut le reconnaître,
08:53il y a une partie des Européens
08:55qui se reconnaissent
08:56dans l'agenda de Donald Trump.
08:57Et en même temps,
08:58on voit bien des divisions
08:58au sein de l'administration Trump,
09:00Richard Verli,
09:01entre un Marco Rubio,
09:01par exemple,
09:02le secrétaire d'État américain,
09:03qui lui,
09:04est beaucoup plus interventionniste,
09:06a une sorte de faucon
09:07old-fashioned,
09:10alors que J.D. Vance
09:11est beaucoup plus
09:11dans la lignée de Trump.
09:13Donc il y a tout de même
09:14des divisions,
09:14y compris au sein
09:15des Républicains.
09:17Donc ce n'est jamais aussi simple.
09:19Ce n'est jamais aussi simple,
09:20surtout quand vous montez,
09:21j'allais dire,
09:22dans les échelons du gouvernement
09:23et à un moment donné,
09:24la raison d'État
09:25joue son rôle.
09:27Il y a évidemment
09:27une différence
09:28entre l'électeur trumpiste
09:30de base
09:30que vous rencontrez
09:31au camping
09:31dans l'Indiana
09:33et Marco Rubio
09:34au sommet de l'État américain
09:36puisqu'il est secrétaire d'État.
09:37Mais il y a une chose,
09:38c'est que pour cette Amérique-là,
09:40je le répète,
09:40les Européens ne sont pas
09:42des alliés à part entière.
09:44Ils sont des alliés inféodés
09:46et Trump,
09:47vous l'avez peut-être remarqué,
09:48maintenant,
09:48donne des ordres.
09:49Par exemple,
09:50il a ordonné
09:51au gouvernement européen
09:52de ne pas réglementer,
09:53de ne pas taxer
09:54les géants de l'Internet.
09:55C'est un ordre.
09:56À partir du moment
09:57où quelqu'un vous donne
09:57des ordres de cette façon,
09:59est-ce que vous pouvez
09:59encore légitimement penser
10:01qu'il est un protecteur
10:02soucieux de votre bien-être ?
10:04Non.
10:04Du coup,
10:04l'Europe n'a pas d'autre choix
10:06que de vous écrivez
10:07concurrencer les Américains
10:08en une seconde.
10:09Je pense que c'est l'enjeu.
10:10Il faut absolument réfléchir
10:11à revoir les relations
10:12avec les États-Unis
10:13et désapprendre,
10:15peut-être,
10:15cette part d'Amérique
10:17qui est en nous.
10:18Il faut désormais
10:19s'en méfier également.
10:20Richard Verly,
10:21cette Amérique
10:21qui nous déteste,
10:22merci d'avoir accepté
10:24notre invitation.
10:25Merci à vous de nous avoir suivis.
10:27À tout de suite
10:28dans trois petites minutes.
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