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  • il y a 2 semaines
Les chiffres sont préoccupants. Une étudiante sur 10 aurait été victime d'agression sexuelle lors de ses études. Une sur 20 de viol. DébatDoc se penche sur la problématique des violences sexistes et sexuelles dans l'enseignement supérieur. Qui sont les auteurs de ces violences sexuelles dans l'enseignement supérieur ? Comment briser l'omerta sur le sujet ? Pour en débattre, Jean-Pierre Gratien reçoit Gaelle Berton, présidente de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles, Sylvie Cromer, sociologue, et Lénaïg Bredoux, journaliste à Médiapart.

LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:01Bienvenue à tous. Les chiffres sont préoccupants.
00:00:19Une étudiante sur dix aurait été victime d'agressions sexuelles lors de ses études.
00:00:24Une sur vingt victimes de viols.
00:00:26C'est le sujet abordé aujourd'hui dans ce débat doc.
00:00:29Avec le documentaire qui va suivre.
00:00:31Pour commencer, étudiante en terrain miné réalisé par Charlotte Espel.
00:00:37Il donne la parole à cinq étudiantes ou doctorantes victimes de harcèlement ou de viol
00:00:42qui se battent pour que ces violences ne soient plus ignorées.
00:00:45Il donne aussi la parole, vous allez le voir, à des associations qui tentent de briser l'omerta
00:00:50qui règne toujours sur le sujet dans l'enseignement supérieur.
00:00:54Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai juste après sur ce plateau
00:00:58en compagnie de la présidente de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles, Gaëlle Berton,
00:01:03de la sociologue Sylvie Cromer et de la journaliste Lénaïque Bredoux.
00:01:08Avec elle, nous nous interrogerons sur les origines des violences sexuelles
00:01:12dont sont aujourd'hui souvent victimes les étudiantes.
00:01:15Bon doc.
00:01:36Dans les campus les plus prestigieux, la parole se libère et c'est parfois la stupéfaction.
00:01:40L'onde de choc touche plusieurs IEP, les instituts d'études politiques à Bordeaux, Toulouse ou encore Grenoble.
00:01:49C'est l'une des écoles d'ingénieurs françaises les plus prestigieuses
00:01:51qui est secouée par la révélation de violences sexuelles.
00:01:55On parle donc d'une centaine de cas de harcèlement, d'agression et de viols perpétrés
00:01:59au cours de la dernière année universitaire à Centrale Supélec.
00:02:02Dans des lieux de savoir, des lieux de débat, c'est encore trop souvent l'omerta
00:02:09pour protéger l'image des grandes écoles ou des universités.
00:02:12Et personne dans ces écoles n'est réellement formé à accueillir la parole des femmes victimes.
00:02:16C'est parti !
00:02:38On en fait un dernier, Femmes, Vie, Liberté.
00:03:08Je viens d'Orléans, j'ai grandi à Orléans, j'ai fait tout mon lycée à Orléans
00:03:16et je suis arrivée à Paris quand j'ai eu mon bac.
00:03:19Ce que je voulais faire quand je suis arrivée en psycho, c'était clairement de la recherche.
00:03:22C'était ce que je voulais faire depuis très longtemps.
00:03:23Depuis que j'étais petite, je voulais faire ça.
00:03:25Je n'avais pas d'idée très précise de dans quoi, mais c'était un peu l'idée de base.
00:03:30Et j'ai commencé ma thèse, du coup, il y a quatre ans.
00:03:33Donc j'étais assez contente de rentrer dans ce labo.
00:03:35Parce que clairement, c'était un peu l'accomplissement de ce que je voulais faire depuis longtemps.
00:03:45Je suis rentrée à l'université à mes 18 ans, à Grenoble.
00:03:48J'ai fait un an et puis je suis partie à Toulouse.
00:03:51La particularité en art, c'est ce truc-là, effectivement, d'être libérée, d'être ouvert à tout.
00:03:58En plus, il y a un peu ce truc de, pour faire vraiment du bon art, il faudrait pouvoir se mettre à nu devant l'autre, se dévoiler le plus possible, être soit très ténébreux, soit très extravagant.
00:04:16Et donc des personnes qui étaient proches un peu de ces profs-là, c'était des personnes qui étaient dans cette démarche-là, de s'hypersexualiser, de rigoler aux blagues sexistes, etc.
00:04:28En tout cas, de rentrer dans le jeu.
00:04:29J'ai étudié à Montpellier et j'ai effectué ma thèse à Paris, à l'Institut de Biologie de l'École Normale Supérieure, que j'ai soutenue en 2017.
00:04:41Quand on est en doctorat, on a une relation généralement assez forte avec sa direction de thèse.
00:04:45Tout simplement parce que déjà, c'est la personne qui est censée nous guider, qui va être essentielle pour l'obtention de notre diplôme.
00:04:51Et en cela, il peut avoir une certaine forme de vie ou de mort sur l'obtention d'une diplôme, sur l'obtention des publications scientifiques,
00:05:01et ensuite, même sur la poursuite de carrière, parce que le réseau dont on hérite quand on fait une thèse avec une certaine personne, il est vraiment très important.
00:05:11Je viens de Bretagne et j'arrive à Paris à 19 ans pour ma première année en orthophonie.
00:05:19On n'est que des filles, dans un grand amphi, avec un prof qui parle.
00:05:24C'est un peu ennuyeux, mais finalement, c'est plutôt cool.
00:05:28Et en troisième année, en fait, on commence tout juste nos stages cliniques.
00:05:31Déjà, je décroche un stage inespéré, parce que vraiment, il n'y en a pas beaucoup qui étaient prises.
00:05:36Et je me dis, mais pourquoi moi ? C'est trop bien.
00:05:41Et au final, ça se passe bien les premiers jours.
00:05:44Les orthos sont hyper cool.
00:05:45Vraiment, le cadre hospitalier, moi, j'adore.
00:05:52Je rêvais d'être comédienne, ou de travailler dans le théâtre, ou dans le cinéma.
00:05:57Et j'ai fait deux premières années de licence Arts du spectacle à Strasbourg,
00:06:01et j'ai voulu partir sur Paris pour ma troisième année.
00:06:04Quand j'arrive à Paris, je suis pleine d'énergie.
00:06:07Je crée mon collectif pour pouvoir faire de la mise en scène.
00:06:12Et je me vois être metteuse en scène, tourner dans des grands théâtres.
00:06:17On est avant MeToo.
00:06:19Je n'ai jamais entendu parler de violences sexistes et sexuelles à la fac.
00:06:24Ce n'était pas un sujet.
00:06:25Ou en tout cas, quand on imaginait un viol dans un film,
00:06:29c'était un truc de dingue.
00:06:31Et on n'en parlait pas comme quelque chose qui peut arriver
00:06:34à nous toutes et nous tous comme ça.
00:06:37Et on n'en parlait pas comme ça.
00:07:08Bonjour à toutes et à tous.
00:07:10On se retrouve aujourd'hui pour une conférence de sensibilisation
00:07:12sur les violences sexistes et sexuelles.
00:07:15À l'Observatoire, on est une association interfilière d'envergure nationale
00:07:19qui comprend environ 60 membres, répartis un peu dans toute la France.
00:07:25Au niveau des chiffres clés de notre enquête nationale,
00:07:28qui s'appelle Parole étudiant sur les violences sexuelles et sexistes,
00:07:32on a eu plus de 10 000 réponses à cette enquête dans toute la France
00:07:36et tout établissement confondu.
00:07:38Nous, ce qu'on retrouve, c'est que la majorité des violences sexistes et sexuelles
00:07:40vont se passer dans un contexte festif.
00:07:429 fois sur 10, c'est des proches qui vont commettre des violences
00:07:46à l'encontre des victimes.
00:07:47En fait, ces données-là, vous les avez récoltées auprès de quel genre d'établissement ?
00:07:51Est-ce que ça a été plus des écoles de commerce, de médecine, des universités ?
00:07:55Les établissements qui ressortent le plus dans cette enquête,
00:07:58c'est les universités, les écoles de commerce et les écoles d'ingénieurs.
00:08:02Dans certaines grandes écoles, notamment de commerce,
00:08:06on a un exemple qui est un peu dramatique,
00:08:08mais c'est le fait de BDE qui vont organiser des soirées
00:08:14et qui vont faire venir les étudiantes en premier dans un bar,
00:08:19les faire boire,
00:08:20et ensuite, dans un deuxième temps, les garçons qui arrivent dans le bar.
00:08:24Et donc, en fait, on place dans une situation de vulnérabilité,
00:08:27voire de soumission chimique, les femmes.
00:08:29Et c'est un contexte qui est très favorable aux violences, sexistes et sexuelles.
00:08:33Et donc là, on va passer au chiffre vraiment marquant du rapport.
00:08:37Une étudiante sur dix avait été victime d'agressions sexuelles au cours de ses études.
00:08:40Et puis le deuxième chiffre important, c'est une étudiante sur vingt
00:08:44qui a déjà été victime de viol.
00:08:46Donc pareil, un chiffre alarmant.
00:08:49Comment on peut faire pour inciter une victime à parler aux personnes compétentes
00:08:54si la personne concernée est persuadée qu'il n'y aura aucune réaction par la suite ?
00:08:59Les phrases importantes à dire quand une victime nous parle,
00:09:04c'est effectivement « je te crois », « je te soutiens »,
00:09:07« tu n'es pas le ou la coupable »,
00:09:09ce genre de phrases qui peuvent paraître anodines
00:09:11et qui pourtant sont importantes dans les premiers moments des violences
00:09:15et même à posteriori.
00:09:16Donc à ce moment-là, notre rôle, c'est vraiment le soutien de la victime.
00:09:19Mais on ne pourra jamais la forcer à intenter par exemple une action en justice
00:09:25ou saisir une cellule de son établissement
00:09:28dans la mesure où effectivement elle peut se dire
00:09:31« de toute façon, ça n'aura pas de suite ».
00:09:34Seuls 11% des répondants indiquent avoir informé leur établissement
00:09:38des faits subis ou constatés.
00:09:41Et puis un point important, une perpétuation des VSS dans le monde du travail,
00:09:45c'est pourquoi on doit dès à présent lutter contre ces violences.
00:09:49Musique douce
00:10:19Deux enseignants, qu'on les a un peu tout le temps
00:10:22et y compris la particularité de leur manière d'enseigner,
00:10:28c'est de s'arranger sur les emplois du temps, etc.
00:10:32pour être sur les mêmes salles.
00:10:36Et en fait, ils font cours ensemble.
00:10:37Des fois, il y a des situations qui sont isolées
00:10:39et puis des fois, il y a des situations de groupe.
00:10:41Ça peut aller effectivement de l'ambiance générale,
00:10:46de malaise, d'humiliation tournée sur la sexualité.
00:10:52C'est du sexisme qui ne dit pas son nom,
00:10:54c'est-à-dire que ça va toujours être les femmes qui vont être exposées à des remarques,
00:10:59demander comment telle étudiante suce son copain.
00:11:03Donc il y a une incitation à s'hypersexualiser,
00:11:07à performer nue ou dénudée ou avec une tenue sexy ou autre,
00:11:13parce qu'en fait, très vite, les étudiantes comprennent qu'elles ont une meilleure note.
00:11:19Il y a cette étudiante qui fait un poirier
00:11:21et le prof pose un objet sur ses fesses.
00:11:25Il y a des comportements, des gestes déplacés, des remarques et plus parfois.
00:11:36J'étais en première année.
00:11:39Un jour, j'arrive au labo
00:11:41et une stagiaire du laboratoire vient me voir,
00:11:45visiblement choquée,
00:11:46en me disant qu'elle s'est fait agresser sexuellement au laboratoire,
00:11:52dans l'animalerie.
00:11:53Elle en a parlé à sa direction de stage.
00:11:56Moi, j'en ai parlé à sa direction de stage aussi.
00:11:59Et c'est rien passé.
00:12:01Et j'ai réalisé que sous couvert d'humour,
00:12:03souvent, il y avait de la souffrance
00:12:07durant le doctorat,
00:12:09du harcèlement moral, du harcèlement sexuel,
00:12:11de la précarité.
00:12:12Donc ça m'a donné envie de vraiment approfondir ce sujet.
00:12:15et j'ai décidé d'enquêter moi-même.
00:12:21Ma thèse était encadrée par une directrice de thèse,
00:12:23qui était la directrice du labo,
00:12:25qui a une position assez connue, on va dire,
00:12:28en recherche en psychiatrie.
00:12:29Et un encadrant de thèse, du coup,
00:12:31qui bossait au labo aussi,
00:12:33et qui est très proche d'elle en termes de recherche,
00:12:35de travail professionnel.
00:12:36Voilà, ils sont tout le temps ensemble.
00:12:37À chaque fois qu'ils parlent des femmes,
00:12:39toutes les femmes, c'est soit des salopes,
00:12:40soit des incompétentes.
00:12:42Globalement, c'est à peu près ça.
00:12:43C'est des commentaires sur comment je suis habillée.
00:12:45Moi, je suis quasiment toujours habillée en robe,
00:12:48en chaussures à talons.
00:12:49Donc c'était la robe, le machin, le truc,
00:12:52des surnoms, des petits trucs.
00:12:53Enfin voilà, les trucs pas très adaptés.
00:12:55Ce qui est intéressant, c'est de voir que
00:12:57dans plusieurs études, en France ou même à l'étranger,
00:13:01montrent qu'au niveau licence master,
00:13:04les auteurs d'agressions sexuelles
00:13:07seront plutôt les camarades de promo.
00:13:09Le doctorat, c'est différent.
00:13:11La majorité des auteurs, en fait,
00:13:13ce sont les directeurs ou les directrices de thèse.
00:13:15Et c'est pour ça que j'ai choisi d'écrire un livre
00:13:17qui est devenu « Comment l'université brouille les jeunes chercheurs ».
00:13:20Je commence à recevoir des témoignages de la Suisse,
00:13:23de la Belgique, du Royaume-Uni, des États-Unis,
00:13:24de la Côte d'Ivoire, de tout ou plein de pays
00:13:27qui me disent
00:13:28« Mais le gâchis dont vous parlez,
00:13:30c'est pas juste un gâchis français,
00:13:32c'est un gâchis international ».
00:13:34C'est un espèce de truc sale qui s'installe
00:13:39et qui perdure, s'immisce un peu dans tout.
00:13:42Arrête de nous montrer tes seins,
00:13:43pourquoi tu nous donnes tes seins,
00:13:44cache tes seins, enfin des trucs...
00:13:46À ce sujet-là, quoi.
00:13:48J'avais l'impression que j'étais une allumeuse de première,
00:13:50que j'arrivais au bureau,
00:13:52au labo,
00:13:53et que, je sais pas,
00:13:54que c'était...
00:13:57Enfin, je sais pas,
00:13:58que je draguais tout le monde,
00:13:59c'était un peu bizarre.
00:14:00Je me sentais assez coupable de ce côté-là.
00:14:07Et un jour,
00:14:08je dois aller en consulte
00:14:09avec un des chirurgiens qui travaille là-bas.
00:14:13C'est pas juste un chirurgien,
00:14:14c'est un chirurgien professeur fonds, bref.
00:14:16Donc, c'est assez impressionnant.
00:14:18Je fais quelques jours avec lui,
00:14:22en consultation.
00:14:24Et il me renvoie quand même,
00:14:25de temps en temps, des messages.
00:14:27C'est-à-dire, comment ça va ?
00:14:28Ça se passe bien, ton stage ?
00:14:30Bizarre de faire ça, quand même.
00:14:33Et donc, il m'a recontactée
00:14:34pour me proposer,
00:14:36un soir,
00:14:37de sortir.
00:14:40Pourquoi moi, petite étudiante,
00:14:41s'il s'intéresserait à moi ?
00:14:42Mais au final, j'accepte.
00:14:46Et je le rejoins ce soir-là,
00:14:48dans ce bar.
00:14:49En fait, je sais pas trop ce que je fais là.
00:14:52En fait, je suis.
00:14:54On sort de ce bar,
00:14:55on se balade.
00:14:56Et comme par hasard,
00:14:57on se retrouve devant chez lui.
00:14:59Il me dit, tiens,
00:15:00j'habite là.
00:15:02Ça dit de monter et de...
00:15:04Je te fais visiter mon appart.
00:15:06Tu vas voir, il est super.
00:15:08Donc, je suis impressionnée.
00:15:09Et un peu pas hyper à l'aise non plus, quoi.
00:15:22On se pose sur son canapé
00:15:24et là, il m'embrasse.
00:15:26C'est pas...
00:15:28Enfin, il y va pas de main morte, quoi.
00:15:31Il me touche aussi.
00:15:33Quand t'as un homme aussi impressionnant devant toi,
00:15:36que ce soit de par son statut
00:15:39et sa taille,
00:15:42sa corpulence
00:15:43et tout le reste,
00:15:45on se dit, je bouge plus.
00:15:48Moins je bouge,
00:15:50moins ça fera de vagues.
00:15:52Je me laisse faire.
00:15:55Je ne suis plus du tout actrice.
00:15:57Je sais qu'il y a un moment,
00:15:57il prend ma main
00:15:58pour que ce soit moi qui le touche.
00:16:01On monte dans sa chambre.
00:16:02et là...
00:16:05Je crois que c'était
00:16:09une des pires nuits
00:16:10de toute ma vie, en fait.
00:16:12J'avais juste envie
00:16:13que ça se termine le plus vite possible
00:16:15et que je parte.
00:16:17Et en même temps,
00:16:18je me sentais coupable
00:16:18parce que c'est...
00:16:19C'est moi qui suis montée chez lui.
00:16:23Je sens encore son poids sur moi,
00:16:26son souffle dans mon cou.
00:16:30enfin, c'est...
00:16:33Il finit dans ma bouche.
00:16:36Vraiment jusqu'au bout.
00:16:38Enfin, il...
00:16:39Jusqu'au bout.
00:16:41Je ne me suis jamais aussi sentie
00:16:43aussi sale,
00:16:44aussi...
00:16:45Aussi chose.
00:16:47Je suis en licence 3ème année théâtre
00:16:54et avec mes camarades,
00:16:56deux de mes camarades,
00:16:57un garçon et une fille,
00:16:58on boit chez moi
00:16:59et on fait notre soirée.
00:17:01Il n'y a pas eu de flirte,
00:17:10d'embrassade, rien du tout.
00:17:13C'était vraiment une camaraderie, quoi.
00:17:16Et on s'est posées tous les trois
00:17:18et en fait, on était arrachées
00:17:20et puis c'était le moment
00:17:21où il fallait dormir, quoi.
00:17:23Je suis quasi endormie,
00:17:25avec l'alcool, le joint
00:17:27et d'un coup,
00:17:29je sens un doigt
00:17:30à l'intérieur de moi.
00:17:32Il sent que je me crispe
00:17:34et il l'enlève vite
00:17:35comme s'il ne s'est rien passé.
00:17:37Et du coup,
00:17:39il fallait...
00:17:39J'avais ce truc de...
00:17:42Que je connaissais bien
00:17:42puisque ça m'était déjà arrivé.
00:17:45D'être dissociée
00:17:47et de...
00:17:48Et de ne pas pouvoir bouger son corps
00:17:51et d'être dans l'attente
00:17:52que ça s'arrête.
00:17:55Quand je rentre,
00:17:56je ne sais pas trop en fait
00:18:00ce qui s'est vraiment trop passé.
00:18:03J'ai des flashs de la soirée
00:18:05qui reviennent.
00:18:05Je me demande ce que j'ai fait,
00:18:07ce qui s'est passé,
00:18:09pourquoi j'ai fait ça.
00:18:11Donc j'étais flash,
00:18:11mais pas comme si c'était moi
00:18:13qui étais dans ce corps-là.
00:18:15Je m'en rappelle en racontant,
00:18:17mais je ne me vois pas dans mon corps.
00:18:20Je termine mes études.
00:18:22Je suis dans une très mauvaise passe
00:18:23et j'ai tous ces souvenirs qui me hantent.
00:18:28Et je décide de parler sur les réseaux sociaux.
00:18:31Et dans ce cadre-là,
00:18:33j'ai un ami qui vient me voir
00:18:35et qui me dit qu'il a entendu parler
00:18:38de l'association Women Safe.
00:18:39et du coup,
00:18:40j'ai été orientée vers,
00:18:42d'abord,
00:18:43d'un côté,
00:18:43une psychologue
00:18:44et de l'autre côté,
00:18:45vers des juristes
00:18:46pour pouvoir poser la question
00:18:48si je porte plainte,
00:18:50comment ça se passe.
00:18:52Et j'ai vu
00:18:53une juriste
00:18:54et deux avocates,
00:18:56quelque chose comme ça.
00:18:56Je vous en prie,
00:19:19installez-vous,
00:19:19mettez-vous à l'aise,
00:19:21soyez confortables.
00:19:22Je me présente,
00:19:28je suis Elodie,
00:19:28l'infirmière d'accueil
00:19:29et de coordination
00:19:30à l'association.
00:19:31Et ici,
00:19:32on fonctionne en pluridisciplinarité,
00:19:34c'est-à-dire avec plusieurs professionnels.
00:19:36Donc,
00:19:36il y a des infirmières,
00:19:37des psychologues,
00:19:38des médecins
00:19:38et puis tout un pôle juridique
00:19:40avec des juristes
00:19:42et des avocats.
00:19:43Donc,
00:19:44oui,
00:19:44j'ai un problème
00:19:44avec mon directeur de thèse
00:19:46qui a commencé
00:19:48dès la première année
00:19:50de ma thèse.
00:19:51En vrai,
00:19:52il insistait beaucoup
00:19:53parce qu'après
00:19:54toutes nos réunions,
00:19:57chaque fois,
00:19:58il disait
00:19:58« Ah,
00:19:59il faut prendre des bières après.
00:20:01Ah,
00:20:01il faut manger ensemble,
00:20:04il faut déjeuner ensemble,
00:20:05il faut dîner ensemble. »
00:20:10Donc,
00:20:11après,
00:20:12pendant nos rencontres,
00:20:13il fermait toujours
00:20:14sa porte dans son bureau.
00:20:16C'était un petit bureau.
00:20:17et je me souviens
00:20:21qu'un jour,
00:20:24lui,
00:20:24il était dans ce bureau
00:20:25et moi,
00:20:26j'étais un peu plus loin
00:20:27dans un coin.
00:20:30Et je me souviens
00:20:31qu'il m'a dit
00:20:31« Ah,
00:20:32approche-toi,
00:20:33je ne vais pas te manger. »
00:20:35et je me souviens
00:20:35que quand il m'expliquait
00:20:37des choses
00:20:38sur nos algorithmes
00:20:40ou sur la recherche
00:20:41en général,
00:20:42il me faisait
00:20:43des petits caresses
00:20:45sur le dos,
00:20:46il me touchait
00:20:47sur les jambes
00:20:49ou même sur le visage
00:20:51parce que je voulais
00:20:53enlever la poussière
00:20:55que j'ai eue
00:20:55sur le visage.
00:20:57Je comprends effectivement
00:20:58au travers
00:20:59de ce que vous nous racontez
00:21:00que vous souffrez beaucoup.
00:21:02Si vous nous en donnez
00:21:03l'autorisation,
00:21:04nous,
00:21:04on a la possibilité
00:21:05effectivement
00:21:06de faire le lien
00:21:07avec l'administration.
00:21:08Déjà de un,
00:21:09pour les informer
00:21:10de votre situation
00:21:13et puis ensuite,
00:21:15dans un deuxième temps,
00:21:15de voir
00:21:16quelles actions
00:21:17est-ce qu'on peut mener
00:21:18pour intervenir
00:21:19sur votre situation.
00:21:21D'accord.
00:21:21Nous avons signé
00:21:28des conventions
00:21:28avec plus d'une dizaine
00:21:30d'universités
00:21:31d'Île-de-France.
00:21:32Elles permettent
00:21:32à ces universités
00:21:33aujourd'hui
00:21:34de s'appuyer
00:21:34sur une écoute
00:21:36très professionnalisée
00:21:37et qui va évidemment
00:21:39laisser l'anonymat possible
00:21:41à une victime
00:21:42qui veut être prise en charge
00:21:44dans le cadre des violences
00:21:44sans pour autant
00:21:45en saisir son université.
00:21:48En 2019,
00:21:48on n'était pas du tout
00:21:49sur la situation
00:21:51le même raisonnement,
00:21:52le même engagement
00:21:53des universités
00:21:54parce qu'elles n'y avaient
00:21:55pas mesuré peut-être
00:21:56le nombre de victimes réelles
00:21:59dans leurs universités.
00:22:01Il faut prendre
00:22:02et s'engager
00:22:03à voir
00:22:04tous les premiers entrants
00:22:06dans les universités
00:22:07pour les sensibiliser
00:22:08aux violences sexuelles
00:22:09et sexistes.
00:22:10Et à ces questions-là,
00:22:12les premières questions
00:22:12que l'on peut poser
00:22:13lors des temps
00:22:14de sensibilisation
00:22:15avec ces nouveaux entrants,
00:22:16c'est
00:22:16qu'est-ce que le harcèlement
00:22:18pour vous ?
00:22:19Avez-vous déjà été témoin
00:22:20de violences ?
00:22:21Vous seriez surpris.
00:22:22Au début de ces sessions,
00:22:24on a dix doigts
00:22:25qui se lèvent
00:22:26sur une trentaine
00:22:26de personnes.
00:22:27Qu'est-ce qui bloque encore ?
00:22:28C'est peut-être
00:22:29les mentalités,
00:22:30c'est peut-être
00:22:30l'intergénérationnel
00:22:32dans ces universités
00:22:32parce que vous avez
00:22:33des personnes
00:22:33d'un certain âge
00:22:34qui doivent prendre
00:22:35conscience que
00:22:36les violences sexuelles
00:22:37et sexistes,
00:22:37c'est un vrai débat
00:22:38dans l'université.
00:22:40On est encore confronté
00:22:41à des prises de position
00:22:43qui ne sont pas
00:22:43tout à fait adaptées
00:22:44mais ça devient
00:22:46de plus en plus rare.
00:22:51Le lendemain
00:22:52de mes 30 ans,
00:22:53en 2020,
00:22:53j'ai fait une tentative
00:22:54de suicide.
00:22:55C'était plutôt
00:23:00un appel à l'aide,
00:23:01on va dire,
00:23:02mais je hurlais
00:23:05et je voulais en finir.
00:23:06C'est là que j'ai eu
00:23:07ma psychiatre,
00:23:08spécialiste
00:23:09de stress post-traumatique,
00:23:12de psychotrauma,
00:23:14qui m'a diagnostiquée
00:23:15et j'ai commencé
00:23:16à avoir des médicaments
00:23:18parce que je ne pouvais
00:23:22plus vivre
00:23:22sans médicaments.
00:23:25On a eu une altercation
00:23:37en début d'année
00:23:38avec ces deux enseignants.
00:23:40En l'occurrence,
00:23:40j'ai eu une altercation
00:23:41le premier jour
00:23:43de la rentrée,
00:23:44d'ailleurs,
00:23:45sur des questions
00:23:47de précarité étudiante,
00:23:50de santé,
00:23:52de plein de choses
00:23:53qui faisaient
00:23:53qu'ils voulaient rentrer
00:23:54en conflit.
00:23:55Et c'était une altercation
00:23:57extrêmement virulente
00:23:58qui, d'ailleurs,
00:23:58a donné lieu à moi
00:23:59un courrier de signalement
00:24:00à l'administration.
00:24:02C'est à ce moment-là
00:24:03que la direction
00:24:04du département
00:24:04m'a encouragée
00:24:05à continuer
00:24:07à récolter
00:24:08des témoignages.
00:24:10Le truc,
00:24:10c'est que plus on creuse
00:24:12et plus on a
00:24:13de témoignages
00:24:13et plus on a
00:24:14de témoignages
00:24:15qui sont édifiants.
00:24:16On est dans le jus
00:24:17de l'enquête
00:24:18et donc on ne se rend pas
00:24:19trop compte
00:24:20aussi qu'on est en train
00:24:21de se sacrifier
00:24:24moralement,
00:24:26mentalement,
00:24:27psychologiquement
00:24:28ou autre.
00:24:29Ces expériences,
00:24:30elles ont un peu
00:24:30bousillé ma carrière
00:24:31parce que,
00:24:32d'une part,
00:24:34j'ai eu un impact
00:24:35sur ma santé.
00:24:37Donc forcément,
00:24:38quand on a une mauvaise santé,
00:24:39c'est compliqué
00:24:40professionnellement.
00:24:40et aussi parce que
00:24:43quand j'ai fini
00:24:44par parler
00:24:44et que j'ai parlé
00:24:46sur les réseaux sociaux,
00:24:47je me suis rendue compte
00:24:48qu'il y avait une omerta
00:24:49et que ça dérangeait
00:24:51et que je me suis retrouvée
00:24:53blacklistée
00:24:53du milieu du théâtre.
00:24:56J'étais
00:24:56la fille
00:25:00qui peut-être
00:25:01dit la vérité,
00:25:02peut-être ment,
00:25:02peut-être est folle
00:25:03et infréquentable.
00:25:07Il y a eu
00:25:08le contre-coup
00:25:08de ce dossier,
00:25:09il y a eu la peur,
00:25:10il y a eu plein de choses
00:25:11qui se sont mélangées
00:25:12qui ont fait
00:25:14qu'à prendre des risques,
00:25:17à ne pas aller en cours
00:25:18pour faire ce dossier
00:25:19parce qu'on a peur
00:25:20d'y aller
00:25:20ou autre,
00:25:21en fait,
00:25:23on n'a pas les bonnes notes
00:25:25qu'il faut
00:25:25et donc,
00:25:26on redouble.
00:25:27À la suite de ça,
00:25:28j'ai perdu
00:25:29un an de bourse
00:25:30quand je suis arrivée
00:25:31sur Montauban
00:25:32et c'était l'équivalent
00:25:34de 3200 euros,
00:25:36ce qui n'est pas négligeable.
00:25:38En plus des heures
00:25:39qu'on n'est pas payées
00:25:40pour faire le taf
00:25:41d'enquête
00:25:43et d'écoute
00:25:46et tout ça.
00:25:48Je n'ai plus jamais
00:25:48voulu le revoir.
00:25:49J'avais qu'une phobie,
00:25:50c'est que de le recroiser
00:25:51dans les couloirs de l'hôpital
00:25:52et...
00:25:53je me cachais derrière
00:25:56mes maîtres de stage
00:25:57dès qu'on marchait
00:25:59dans un couloir
00:26:00pour ne pas le recroiser.
00:26:02Je n'allais plus en stage
00:26:03les jours où je savais
00:26:03que lui travaillait.
00:26:05J'ai fait plus de cris
00:26:06d'angoisse
00:26:07depuis ça
00:26:08et surtout
00:26:09en allant
00:26:10à mon stage.
00:26:13Déjà que prendre le métro,
00:26:14ce n'était pas évident.
00:26:15Je fais plus attention
00:26:16aux hommes
00:26:18qui sont à côté de moi.
00:26:20Surtout les vieux,
00:26:21du coup.
00:26:23Les vieux de 40 ans.
00:26:25Je ne vais pas mal
00:26:26aller m'asseoir
00:26:26à côté d'eux
00:26:27dans le métro.
00:26:28Alors qu'avant,
00:26:29ça ne m'aurait pas
00:26:29du tout gênée.
00:26:30Il y a une aura
00:26:31autour de certains hommes
00:26:33qui...
00:26:34Je ne sais pas.
00:26:34Ça me...
00:26:35Ça me replonge
00:26:38dans ces moments
00:26:41qui n'étaient pas agréables
00:26:43et...
00:26:43Bon, je pars
00:26:44dans ces cas-là.
00:26:47Je remets le voile.
00:27:02Quand je vais au labo,
00:27:05ça commence à l'entrée du métro
00:27:07où du coup,
00:27:08je pleure, généralement.
00:27:11Quand j'arrive là-bas,
00:27:12j'essaie de ne plus pleurer
00:27:13parce que je croise
00:27:13des patients,
00:27:14des gens que je vois
00:27:15en consulte
00:27:15et je trouve que
00:27:16ce n'est pas forcément
00:27:17une bonne idée
00:27:17de pleurer devant ces patients.
00:27:18J'ai rassemblé les indices
00:27:19chez moi
00:27:20qui s'étaient accumulés
00:27:20depuis quelques années.
00:27:22Par exemple,
00:27:23j'ai eu des maladies de peau,
00:27:24j'ai eu des trucs
00:27:24qui me sont sortis,
00:27:25j'ai perdu mes cheveux.
00:27:26Un jour,
00:27:27je me suis...
00:27:27J'avais un trou
00:27:29dans le crâne de cheveux.
00:27:31De stress, quoi.
00:27:32J'ai commencé
00:27:32à arrêter de m'habiller,
00:27:34à arrêter de me maquiller,
00:27:35à arrêter de me laver
00:27:36pour aller au boulot.
00:27:37Et d'ailleurs,
00:27:37j'ai eu aussi des commentaires
00:27:38sur comment je m'habillais
00:27:39quand je ne m'habillais pas bien,
00:27:40entre guillemets,
00:27:41quand j'étais sapée
00:27:42comme un sac
00:27:42en jogging,
00:27:43voilà,
00:27:44parce que,
00:27:44alors,
00:27:46ils sont passés où les talons ?
00:27:47Enfin, voilà,
00:27:47c'était le reste,
00:27:48quoi,
00:27:48ça n'allait jamais,
00:27:49en fait.
00:27:50Certaines personnes vont dire
00:27:51qu'il suffit de changer
00:27:53de direction de thèse.
00:27:54En théorie,
00:27:55c'est possible.
00:27:55En théorie,
00:27:56on peut changer
00:27:56de directeur de thèse.
00:27:58Dans les faits,
00:27:59c'est compliqué.
00:28:00C'est compliqué
00:28:01parce que,
00:28:03déjà,
00:28:04encore faut-il trouver
00:28:05notre directeur
00:28:06ou notre directrice de thèse
00:28:07sur le même sujet
00:28:09ou sur un sujet
00:28:09assez proche.
00:28:11Les milieux de recherche
00:28:11sont des petits milieux
00:28:13et donc,
00:28:15tout le monde se connaît.
00:28:16Donc,
00:28:17le fait d'avoir
00:28:17un directeur
00:28:18ou une directrice
00:28:18qui accepte
00:28:19de prendre
00:28:19la doctorante
00:28:20d'une autre personne,
00:28:23ça peut être
00:28:23une déclaration de guerre,
00:28:24tout simplement.
00:28:25C'est un comble
00:28:25de se retrouver
00:28:26dans un labo de psychiatrie
00:28:27et de se retrouver
00:28:28en dépression,
00:28:30ça, c'est clair.
00:28:32Mais le comble supérieur,
00:28:35c'est que
00:28:35l'une de mes directrices
00:28:36de thèse est psychiatre.
00:28:38Il était clair et net
00:28:39que j'étais pas bien,
00:28:41malgré qu'on en ait parlé,
00:28:43qu'il ne s'est jamais
00:28:44rien passé.
00:28:45Mais je me suis accrochée
00:28:47parce que je me suis dit
00:28:48qu'il me restait
00:28:48quelques mois
00:28:49avant la fin de la thèse
00:28:50et que j'avais fait
00:28:52le plus gros.
00:28:53Je savais pas,
00:28:53là maintenant,
00:28:54je regrette quatre ans après
00:28:54parce que je vois
00:28:55les conséquences
00:28:56que ça a eues.
00:28:57J'ai clairement
00:28:57surestimé ma capacité
00:28:58de résistance
00:28:59à ce genre de choses.
00:29:03Soit on fait
00:29:03le dos rond,
00:29:05certains choisissent
00:29:06de faire ça
00:29:06en disant
00:29:06j'ai vécu ça,
00:29:08mais j'ai trop souffert
00:29:10pour m'arrêter maintenant.
00:29:12Sauf que parfois,
00:29:13en fait,
00:29:13oui,
00:29:13on a beaucoup souffert,
00:29:14mais c'est le moment
00:29:15où il faut s'arrêter
00:29:15parce que sinon
00:29:16on va se casser
00:29:18tout simplement.
00:29:18D'autres qui se disent
00:29:19tant pis,
00:29:20je pars,
00:29:21ma santé
00:29:21vaut plus que ça
00:29:23et finalement,
00:29:23est-ce que j'ai vraiment
00:29:24envie de cette carrière-là ?
00:29:25Je veux dire,
00:29:25j'ai pas envie
00:29:26d'être dans ce monde
00:29:27de requins,
00:29:27j'ai pas envie.
00:29:30C'est un deuil
00:29:30malgré tout.
00:29:44Bon, alors ça fait déjà
00:30:10un petit moment
00:30:10qu'on se voit.
00:30:11La première fois,
00:30:12c'était en septembre,
00:30:13suite à du harcèlement sexuel
00:30:15de la part
00:30:16de ton directeur de thèse.
00:30:17Voilà,
00:30:18on a pu voir
00:30:18que ça s'est un petit peu
00:30:19apaisé avec le temps
00:30:20depuis.
00:30:22Oui,
00:30:22un petit peu.
00:30:23Un petit peu.
00:30:24En fait,
00:30:25Women Safe,
00:30:25ils ont parlé
00:30:26avec l'administration
00:30:27de la Sorbonne
00:30:29et ils m'ont appelée.
00:30:31C'est bien
00:30:31parce que je ne devrais pas
00:30:33répéter toute l'histoire.
00:30:35Ils étaient très gentils
00:30:36avec moi.
00:30:36Ils m'ont dit
00:30:37qu'ils m'écroient,
00:30:38qu'ils ont douté
00:30:41pas de tout ce que j'ai dit.
00:30:44C'est super tout ça.
00:30:45C'est-à-dire qu'ils ont quand même
00:30:46entendu ce que tu avais à dire
00:30:47et ça,
00:30:48c'est bien.
00:30:51Oui, c'est bien.
00:30:52Donc depuis,
00:30:53il y a quand même eu
00:30:54des changements,
00:30:54il me semble, c'est ça ?
00:30:55Oui,
00:30:55parce qu'ils m'ont...
00:30:56Oui, justement,
00:30:57ils m'ont demandé
00:30:58qu'est-ce que je vais faire,
00:31:00si je voudrais rester avec lui,
00:31:02avec un accompagnement
00:31:03ou si je voudrais changer.
00:31:06Après,
00:31:07beaucoup de pensées,
00:31:09j'ai décidé de changer
00:31:11directeur,
00:31:13qui c'était le meilleur choix
00:31:15pour moi.
00:31:16Comment ça se passe,
00:31:17alors ?
00:31:17L'ambiance est très différente.
00:31:19Le superviseur,
00:31:20il ne part pas avec
00:31:21leurs étudiants
00:31:25dans une façon si personnelle.
00:31:26Ils ne sortent pas avec eux
00:31:28pour boire des verres.
00:31:28Pour boire des verres.
00:31:30Et c'est vraiment...
00:31:32C'est là que j'ai réalisé
00:31:33que ce n'était pas du tout normal,
00:31:35ma situation avant.
00:31:36Et ça aide
00:31:37quand tu connais
00:31:38qu'il y a des gens
00:31:41comme WomenSafe
00:31:42ou des cellules
00:31:43dans l'université
00:31:44qui vont t'aider
00:31:45si besoin.
00:31:47Je me disais tout le temps
00:31:49que je suis forte,
00:31:51je suis dynamique,
00:31:53je peux le faire toute seule,
00:31:54je n'ai pas besoin,
00:31:55j'ai besoin de personnes.
00:31:58Ça va passer si...
00:32:00C'est juste,
00:32:02je me rends plus forte
00:32:03et je ne pense pas trop
00:32:05et tout,
00:32:05mais c'est là.
00:32:07Si tu ne fais pas le travail,
00:32:09c'est toujours
00:32:09dans ton cerveau
00:32:10et dans ton corps,
00:32:12il n'oublie pas.
00:32:13Donc,
00:32:13tu ne peux pas faire
00:32:14semblant
00:32:15qu'il n'y a rien
00:32:17qui s'est passé,
00:32:19malheureusement.
00:32:21Au début,
00:32:21on a surtout travaillé
00:32:22sur la question
00:32:23de la psyché,
00:32:24de ce qui se passe
00:32:24dans la tête.
00:32:26Mais comme tu l'as dit,
00:32:28il y a quand même
00:32:28des choses qui sont
00:32:28reliées au corps.
00:32:29Parce que c'est le premier
00:32:30à recevoir l'information
00:32:30quelque part,
00:32:31avant qu'on le conscientise
00:32:32réellement.
00:32:33Mais maintenant,
00:32:34d'expliquer un petit peu
00:32:35au corps comment ça fonctionne
00:32:36et de l'aider un petit peu
00:32:37se détendre un peu,
00:32:40redescendre en tension physique
00:32:41pour pouvoir rééquilibrer
00:32:43un petit peu,
00:32:44on va dire,
00:32:44le corps et l'esprit.
00:32:45Il y a les lundis,
00:32:46il y a le karaté
00:32:48et il y a aussi
00:32:48la danse-thérapie.
00:32:51Ok.
00:32:52Très bien.
00:32:53Bon, super.
00:32:54Merci beaucoup.
00:32:54C'est bon ?
00:32:58Ok, c'est noté.
00:32:59Merci.
00:32:59On retrouve souvent
00:33:17un sentiment de culpabilité
00:33:18chez les victimes en général,
00:33:22souvent lié à la situation
00:33:23qui reste difficilement acceptable,
00:33:25mais aussi du fait
00:33:27de certaines non-réactions.
00:33:28C'est-à-dire que
00:33:29beaucoup de victimes nous disent
00:33:29« mais je ne sais pas pourquoi,
00:33:30mais je n'ai pas réagi,
00:33:31je n'ai pas hurlé,
00:33:33je n'ai pas dit non,
00:33:34je ne l'ai pas repoussé,
00:33:35je...
00:33:36Voilà, je n'ai rien fait. »
00:33:37Ou alors, au contraire,
00:33:38je l'ai aidé à faire.
00:33:39Le stress, à la base,
00:33:40nous aide à gérer
00:33:42ces situations-là.
00:33:45Mais il y a des situations
00:33:46où le stress est beaucoup trop élevé.
00:33:48Il dépasse totalement
00:33:48notre seuil de tolérance
00:33:49au niveau chimique.
00:33:51C'est-à-dire qu'il va,
00:33:52tout d'un coup,
00:33:53arrêter de produire du stress,
00:33:55et produire, au contraire,
00:33:57de la kétamine et la morphine.
00:33:59Donc, ce sont des anesthésiens
00:34:00très puissants.
00:34:01À une telle puissance,
00:34:02je dirais,
00:34:03soit similaire
00:34:03ou bien supérieure
00:34:05à une anesthésie générale
00:34:06pour une opération
00:34:07à cœur ouvert.
00:34:08Et c'est là
00:34:09que le bât blesse,
00:34:11parce que les personnes
00:34:11ne le savent pas,
00:34:12les personnes restent épanisées,
00:34:14elles ne savent pas
00:34:15ce qui leur arrive,
00:34:16et derrière,
00:34:16on va les faire culpabiliser là-dessus.
00:34:18Alors que c'est avant tout
00:34:19une réaction biologique,
00:34:21de survie.
00:34:21Il y a cet effet de sidération,
00:34:23donc c'est le choc,
00:34:24à ce moment-là,
00:34:25et l'effet d'après
00:34:26qui peut arriver,
00:34:27c'est la dissociation.
00:34:28C'est-à-dire qu'avec ce choc,
00:34:29avec tous ces anesthésiens
00:34:30que vous avez dans le corps,
00:34:32vous ne ressentez plus ce corps.
00:34:34Comme sous anesthésie générale,
00:34:35vous ne ressentez plus vos mains,
00:34:37vous ne ressentez plus vos émotions,
00:34:38il n'y a plus rien qui se passe.
00:34:39Au niveau psychique,
00:34:40au niveau cérébral,
00:34:41ça va être exactement la même chose.
00:34:42Et ce sont là
00:34:43les personnes qui disent
00:34:43« je ne ressens plus mes émotions,
00:34:45je ne ressentais plus mon corps,
00:34:46je ne sais pas pourquoi,
00:34:47je ne pouvais plus parler. »
00:34:47C'est souvent ça qui pousse
00:34:49et qui contribue à cette culpabilité.
00:34:50Et c'est quelque chose
00:34:51qu'on déconstruit assez rapidement ici,
00:34:53parce qu'on explique
00:34:54les mécanismes qui se mettent en place,
00:34:56les mécanismes de survie
00:34:57aussi bien psychiques
00:34:58qu'au niveau biologique.
00:35:00Et ça, petit à petit,
00:35:01ça fait redescendre
00:35:02cette culpabilité.
00:35:02J'ai dit oui, dans un sens.
00:35:21Donc je ne suis pas légitime
00:35:23de le dénoncer sur quoi que ce soit.
00:35:25Et j'en ai même parlé à un moment
00:35:26avec lui en lui disant
00:35:27sur le ton de la rigolade
00:35:29que ce qu'il avait fait quand même
00:35:31au début s'était un peu déplacé
00:35:33et que j'aurais pu en parler au RH.
00:35:36Et il m'a dit tout naturellement
00:35:37que de toute façon,
00:35:38il aurait nié
00:35:39et que ça l'aurait étonné
00:35:41qu'on le croie plus moi que lui.
00:35:45Donc je n'en ai pas parlé à la fac,
00:35:47je n'en ai pas parlé à l'hôpital.
00:35:50Je n'ai jamais pensé à porter plainte
00:35:52parce qu'en fait,
00:35:53je ne me sens pas du tout légitime
00:35:54de porter plainte.
00:35:55C'est difficile de dénoncer
00:35:57parce qu'on ne sait pas
00:35:59comment vont réagir
00:36:00les personnes qui sont en face.
00:36:02Ce qui est pointé du doigt,
00:36:04c'est juste les faits.
00:36:05Et les faits, c'est
00:36:06t'as couché avec lui.
00:36:09Alors que les faits,
00:36:10ce n'est pas ça.
00:36:11Les faits, c'est
00:36:12il a couché avec moi.
00:36:14Moi, je n'étais pas là.
00:36:16J'ai écrit un mail
00:36:19au directeur du département
00:36:21où j'ai fait mes études
00:36:23et j'ai écrit un mail
00:36:24à la chargée de l'égalité
00:36:28femme-homme.
00:36:30Personne ne m'oriente
00:36:31vers un dispositif.
00:36:33À l'époque,
00:36:33je ne savais même pas
00:36:34qu'il existait des psychologues
00:36:35dans les facs.
00:36:36Il n'y a pas de conséquences
00:36:37pour mes agresseurs
00:36:38par rapport à mes mails
00:36:40à la fac,
00:36:40mais j'ai fait l'effort
00:36:42et ça m'a demandé
00:36:43énormément d'énergie
00:36:44d'aller déposer
00:36:46toutes mes plaintes.
00:36:47Il y en a deux
00:36:48qui ont été classées
00:36:49et une qui est encore en cours.
00:36:51Ce n'est pas normal.
00:36:55Les victimes ne sont pas entendues
00:36:57et les violeurs
00:36:59ne sont pas jugés.
00:37:02C'est une impunité totale.
00:37:05À force de discuter
00:37:07avec des étudiants
00:37:08en arts plastiques,
00:37:09on arrive à 17 témoignages
00:37:10écrits au total.
00:37:13La présidente de l'université
00:37:15décide d'ouvrir
00:37:17une section disciplinaire
00:37:18et donc d'instruire le dossier.
00:37:21Donc les deux sections disciplinaires
00:37:23indépendantes
00:37:24ont rendu un verdict
00:37:25qui qualifiait
00:37:26les faits
00:37:28d'un enseignant
00:37:30et de l'autre
00:37:31de harcèlement
00:37:32et moral et sexuel.
00:37:35Ce qui est un peu rare
00:37:36dans ce cas de figure,
00:37:38c'est que les deux sections disciplinaires
00:37:40sans s'être consultées
00:37:41ont donné la sanction
00:37:42la plus élevée,
00:37:44être virées à vie
00:37:45de l'enseignement supérieur
00:37:47et de la recherche.
00:37:48Cette décision,
00:37:49elle n'est jamais vue.
00:37:50En fait,
00:37:51des sanctions,
00:37:52il y en a,
00:37:53mais il faut savoir
00:37:53que la sanction minimum,
00:37:55c'est le blâme
00:37:56et que c'est bien souvent
00:37:58aussi ce qui est donné.
00:38:00Donc quand il y a un blâme,
00:38:01en réalité,
00:38:01il n'y a pas vraiment
00:38:03de recours qui est fait.
00:38:04Par contre,
00:38:04quand ça va un peu plus loin,
00:38:06une suspension d'un an,
00:38:07deux ans,
00:38:08il y a un recours au CNESER
00:38:10qui est donc
00:38:10une instance supérieure
00:38:13au national
00:38:14qui surplombe un peu
00:38:16toutes les universités,
00:38:18qui est une voie de recours
00:38:19dans le cas de sanctions disciplinaires
00:38:22pour les enseignants
00:38:23mais aussi pour les étudiants.
00:38:25En juillet 2022,
00:38:27les deux enseignants
00:38:28sont relaxés
00:38:29par le CNESER.
00:38:31Ils peuvent réintégrer
00:38:33l'enseignement supérieur,
00:38:35c'est-à-dire qu'ils peuvent
00:38:35revenir à l'université
00:38:37pour enseigner.
00:38:39Et après,
00:38:40en fait,
00:38:40quand on lit
00:38:41le bulletin officiel
00:38:42et le rendu,
00:38:44c'est exaspérant
00:38:47au possible
00:38:48qu'il n'y ait,
00:38:49encore une fois,
00:38:50aucun élément de témoignage,
00:38:52qu'il n'y ait
00:38:52rien des auditions
00:38:54qu'on a pu passer
00:38:55et c'est affligeant
00:38:58et ça nous a mis en colère.
00:39:00En fait,
00:39:00même s'il y a
00:39:01des décisions courageuses
00:39:03qui sont prises
00:39:05dans les universités,
00:39:07en fait,
00:39:08quasi systématiquement,
00:39:10quand c'est une sanction
00:39:12un peu lourde,
00:39:13le CNESER
00:39:14casse la décision
00:39:15et ça assure
00:39:16une impunité
00:39:17quasi totale
00:39:18pour les enseignants
00:39:21qui harcèlent,
00:39:21et qui agressent.
00:39:23Moi,
00:39:24j'ai écrit
00:39:24à l'école doctorale
00:39:25pour leur dire
00:39:25comment ça se passait
00:39:27pour moi.
00:39:29On m'a demandé
00:39:29est-ce que tu veux
00:39:30qu'on intervienne ?
00:39:31J'ai dit non.
00:39:32J'avais peur
00:39:32des conséquences
00:39:34que ça pourrait avoir
00:39:35si je le faisais.
00:39:38Et au final,
00:39:38c'est exactement
00:39:39ce qui s'est passé.
00:39:40C'est-à-dire que
00:39:40mes collègues
00:39:42des arts
00:39:42se sont manifestés
00:39:43auprès de la fac.
00:39:45Elles en ont parlé
00:39:45à l'école doctorale.
00:39:47Pas de violence sexiste
00:39:48mais de harcèlement moral.
00:39:50Et elles ont
00:39:50autorisé la fac
00:39:52à agir.
00:39:53Donc la fac est intervenue
00:39:54en allant voir
00:39:57les directeurs
00:39:58et co-directeurs
00:39:59et en disant
00:40:00si ça, ça, ça, ça,
00:40:01ça va pas.
00:40:01Et elles se sont fait saquer
00:40:02et elles se sont fait
00:40:03saquer derrière.
00:40:04Le harcèlement
00:40:05permet à des chercheurs
00:40:07qui se sentent menacés
00:40:08notamment par des femmes
00:40:09d'éliminer la concurrence
00:40:11parce qu'elles vont partir
00:40:13parce qu'elles n'en peuvent plus
00:40:15ou alors parce qu'elles vont
00:40:16être discréditées.
00:40:17Et en fin de compte,
00:40:18grâce à ce fonctionnement-là,
00:40:21ils vont gripper les échelons,
00:40:22ils vont atteindre
00:40:23des postes à responsabilité
00:40:24et ensuite,
00:40:25ces personnes-là
00:40:25vont recruter
00:40:27des personnes
00:40:28en dessous d'elles
00:40:31qui vont les protéger.
00:40:33Donc ces personnes-là
00:40:33vont finir
00:40:34quasiment intouchables.
00:40:37Prendre la parole,
00:40:37c'est possible,
00:40:38au sens où il est possible
00:40:39de dire à la fac,
00:40:40il est possible de dire
00:40:41à son directeur de thèse
00:40:41« ça va pas,
00:40:43il me parle comme ci,
00:40:43il me parle comme ça,
00:40:44ça, c'est déplacé,
00:40:45ça, ça va pas, c'est possible. »
00:40:46Mais en fait,
00:40:46ça n'a soit pas d'impact
00:40:48au sens où
00:40:49dénoncer une violence
00:40:50auprès des gens
00:40:51qui te l'imposent,
00:40:52ça n'a pas de sens.
00:40:55Dénoncer une violence
00:40:56auprès de gens
00:40:57qui ne veulent pas
00:41:01ne peuvent pas agir
00:41:02plus haut
00:41:02que les gens
00:41:02qui t'imposent la violence,
00:41:04ça n'a pas de sens non plus.
00:41:06Mais sinon,
00:41:07ce genre de choses-là,
00:41:08en fait,
00:41:08c'est tellement banal,
00:41:10enfin, je veux dire,
00:41:11ça fait partie du diplôme.
00:41:14Moi, c'est ce qu'on a expliqué,
00:41:15c'est que si tu veux
00:41:16avoir ton diplôme,
00:41:17oui, il va falloir
00:41:17que tu chiales,
00:41:18il va falloir que tu entendes
00:41:19de telle personne
00:41:20qui fait un commentaire
00:41:21sur tes seins,
00:41:21tes fesses
00:41:22et l'intégralité,
00:41:25enfin, bref,
00:41:26ça fait partie du diplôme.
00:41:28Peut-être même plus
00:41:28que le reste, en fait.
00:41:29Au vu des personnes
00:41:30que j'ai pu rencontrer,
00:41:31au vu de toutes les personnes
00:41:32avec qui j'ai pu discuter,
00:41:34on voit que la réponse
00:41:35de l'université,
00:41:36elle n'est pas suffisante.
00:41:38Elle est loin d'être suffisante.
00:41:40C'est bien de financer
00:41:41des campagnes d'affichage.
00:41:43C'est bien de financer
00:41:44des cellules d'écoute
00:41:45dans certains endroits.
00:41:46Mais est-ce que c'est fonctionnel ?
00:41:47Ça, c'est une autre question.
00:41:49Certaines universités,
00:41:50les retours vont être
00:41:51plutôt positifs.
00:41:52On va avoir des personnes
00:41:53qui comprennent
00:41:55à peu près le boulot.
00:41:56Dans d'autres universités,
00:41:58c'est des cellules
00:41:59qui existent sur le papier
00:42:00mais qui n'existent pas du tout.
00:42:02Ou alors avec des personnes
00:42:03qui ont à cœur de bien faire
00:42:05mais qui ne sont pas formées.
00:42:08Donc, on voit bien
00:42:09que l'argent qu'on a mis
00:42:11sur la création
00:42:12des cellules d'écoute,
00:42:14il n'est pas suffisant
00:42:14parce qu'il faut aussi
00:42:15qu'ils s'accompagnent
00:42:16de recrutement.
00:42:17Il faut qu'ils s'accompagnent
00:42:17de formation.
00:42:19Ça ne suffit pas juste
00:42:19de faire des grandes annonces.
00:42:21Il faut le voir
00:42:21et les associations sur place,
00:42:23elles voient bien
00:42:24qu'il y a encore
00:42:25plein de problèmes.
00:42:25Donc, il faut aussi
00:42:26collaborer avec les assos.
00:42:27Quand elles font remonter
00:42:28des problèmes,
00:42:29il faut les prendre en compte.
00:42:30Le Clash a été créé en 2002,
00:42:55d'abord comme un collectif
00:42:56de doctorante en sciences sociales
00:42:59et c'est devenu une association
00:43:00en 2003.
00:43:01On a un collectif anonyme
00:43:02parce que si en fait
00:43:04on sait qui est au Clash,
00:43:07nos carrières,
00:43:07elles sont finies.
00:43:09Ça met en danger
00:43:11tout le collectif
00:43:13et du coup, derrière,
00:43:15toutes les victimes
00:43:16qu'on accompagne.
00:43:17On le précise très rapidement,
00:43:19quand on a des victimes
00:43:20qui nous contactent,
00:43:21on ne fait pas
00:43:21d'accompagnement juridique
00:43:22ni psychologique
00:43:23puisqu'on n'est pas formés
00:43:24à ça.
00:43:25Donc, nous,
00:43:25notre champ d'expertise,
00:43:27entre guillemets,
00:43:28c'est vraiment
00:43:28les procédures disciplinaires
00:43:31ou en tout cas
00:43:31tout ce qui peut se passer
00:43:32au sein de l'université.
00:43:34La nouveauté ces dernières années,
00:43:37c'est qu'on se prend
00:43:37des plaintes en diffamation
00:43:39par des présumés agresseurs
00:43:42qui sont visés
00:43:43par des enquêtes disciplinaires
00:43:44que nous, on a portées,
00:43:49qui sont professeurs
00:43:51des universités
00:43:51la plupart du temps.
00:43:53Donc, aujourd'hui,
00:43:54on se rend au tribunal judiciaire
00:43:56de Paris
00:43:56parce que l'association,
00:43:58le Clash,
00:43:59a été attaqué
00:44:00en diffamation
00:44:00par un professeur
00:44:01des universités
00:44:02suite à une lettre ouverte
00:44:04qu'on a écrite.
00:44:05On a reçu des témoignages
00:44:06au début de l'année 2020
00:44:08concernant sept enseignants
00:44:11avec des faits
00:44:12qui s'apparentent
00:44:12à du harcèlement sexuel,
00:44:14à du harcèlement moral,
00:44:15voire même
00:44:16à des agressions sexuelles.
00:44:18Ces victimes
00:44:18avec qui on est en contact
00:44:21nous expliquent
00:44:22qu'elles,
00:44:23elles ont connaissance
00:44:23d'une quinzaine de témoignages
00:44:25concernant sept enseignants.
00:44:26L'université avait connaissance
00:44:28d'un certain nombre
00:44:29de témoignages
00:44:30vis-à-vis de sept enseignants
00:44:31mais dans le même temps
00:44:33l'autorisait
00:44:34à soutenir
00:44:35et donc à obtenir
00:44:38l'habilitation
00:44:39lui permettant
00:44:39de devenir directeur
00:44:40de thèse
00:44:40alors même
00:44:42qu'au sein de l'université
00:44:43avait lieu une enquête
00:44:44mais qui n'avait pas encore
00:44:45rendu ses conclusions.
00:44:46Non seulement ce prof
00:44:46est toujours en poste
00:44:48mais la soutenance
00:44:50qui lui a permis
00:44:51d'encadrer des thèses
00:44:53a eu lieu.
00:44:54De son avis,
00:44:56elle s'est très bien passée.
00:44:57de son avis toujours
00:44:59la lettre ouverte
00:45:00qu'on a publiée
00:45:01n'a eu aucune incidence
00:45:02sur le fait
00:45:03que maintenant
00:45:04il peut encadrer des thèses
00:45:05et pendant l'audience
00:45:07il a même reconnu
00:45:09publiquement
00:45:10que le clash
00:45:12faisait du bon travail.
00:45:14Et donc l'enjeu
00:45:15pour nous aujourd'hui
00:45:16c'est
00:45:16de ne pas être condamné
00:45:19en diffamation
00:45:20et d'avoir aussi
00:45:22l'opportunité
00:45:22de montrer
00:45:23à quel point
00:45:24ces procédures
00:45:25sont une manière
00:45:26d'essayer de nous faire taire
00:45:27de faire taire
00:45:29l'une des très rares associations
00:45:31qui se mobilisent
00:45:33sur les questions
00:45:34de violences sexistes et sexuelles
00:45:35dans l'enseignement supérieur.
00:45:37Donc il y a
00:45:37un gros enjeu en fait.
00:45:39Peu importe le délibéré
00:45:49vous ne manifestez pas
00:45:51de réaction
00:45:53on acquiesce
00:45:54et on sort tranquillement
00:45:56et on parlera
00:45:57s'il faut faire appel
00:45:58en fonction
00:45:58on a fait le plus dur
00:46:00vraiment.
00:46:05On a vraiment de la chance.
00:46:07Oh là là, vraiment.
00:46:08soulagé.
00:46:12Soulagé.
00:46:13La relaxe.
00:46:14Oui.
00:46:15Enfin.
00:46:17Ah ouais, là je leur ai expliqué
00:46:18la motivation
00:46:19mais c'est énorme.
00:46:20Par ce communiqué
00:46:21vous n'avez fait
00:46:22que reprendre
00:46:23cette mission d'intérêt général
00:46:25qui vous a été
00:46:26remise
00:46:28par le ministère
00:46:29parce que
00:46:30vous faites un travail
00:46:31reconnu
00:46:32par toutes les instances
00:46:33que les instances
00:46:33ne font pas elles-mêmes
00:46:34et vous servez
00:46:36à faire avancer les choses.
00:46:37et le tribunal
00:46:38l'a mis noir
00:46:39noir sur blanc.
00:46:40Donc là maintenant
00:46:41vous restez focus
00:46:42vous restez dans le truc
00:46:43parce que les femmes
00:46:44à la fac
00:46:44elles ont besoin de vous
00:46:45parce que c'est pas normal
00:46:47et parce que vous faites
00:46:48un bon travail
00:46:48ce qui est reconnu.
00:46:49Donc j'ai eu le diagnostic
00:47:02en septembre 2020
00:47:06de stress post-traumatique complexe
00:47:09et c'est là que j'ai commencé
00:47:12à me soigner.
00:47:14Je me reconstruis
00:47:15comme je peux
00:47:18avec mes passions
00:47:20la photo,
00:47:22le cinéma.
00:47:23Du coup je travaille
00:47:23depuis chez moi
00:47:24sur moi-même
00:47:26sur le quotidien
00:47:27d'une personne malade
00:47:28et c'est un peu thérapeutique
00:47:31quand même.
00:47:33Je prends énormément
00:47:34de médicaments
00:47:35pour mon stress post-traumatique
00:47:37et pour mon endométriose
00:47:38et c'est tous les jours,
00:47:41tous les matins,
00:47:41tous les soirs.
00:47:45Le fait de montrer
00:47:45les médicaments
00:47:46ça montre
00:47:47qu'il y a un réel
00:47:48souci de santé
00:47:49que les gens
00:47:50se rendent mieux compte.
00:47:52Ah oui,
00:47:52elle ne dit pas juste
00:47:53qu'elle a subi tout ça
00:47:54elle a aussi tout un subi
00:47:55une allocation adulte handicapé
00:47:58des tonnes de médicaments
00:47:59à prendre
00:48:00une vie
00:48:03abîmée.
00:48:08Je me suis remise au dessin
00:48:18j'ai arrêté
00:48:20pendant un moment
00:48:21après ce dossier
00:48:22et en fait
00:48:24je m'y suis remise
00:48:25quand je suis
00:48:26à la Montpogon.
00:48:28Toulouse pour moi
00:48:28c'était évident
00:48:29il fallait que je parte
00:48:30je ne pouvais pas rester
00:48:31avec les enseignants
00:48:34qui savaient
00:48:36etc.
00:48:36et donc tout ça
00:48:37a créé une sorte
00:48:39de crispation
00:48:40et donc j'ai arrêté
00:48:42de dessiner
00:48:42pendant un moment
00:48:43et là dans le cadre
00:48:44de mes études
00:48:44j'ai pu reprendre
00:48:45le dessin
00:48:46et c'est super chouette
00:48:47et du coup
00:48:47je fais plein de bâtiments
00:48:49de logements
00:48:50d'aménagements
00:48:53et j'adore ça quoi.
00:48:54après mon arrêt
00:49:07j'ai pris des traitements
00:49:08pendant six mois
00:49:09qui m'ont changé la vie
00:49:11je vais aller au bout
00:49:13de ma thèse
00:49:14je travaille dans les cafés
00:49:15parce que justement
00:49:16oui en effet
00:49:16j'aime bien
00:49:17qu'il y ait du monde
00:49:18j'aime bien
00:49:18qu'il y ait de la vie
00:49:18autour quoi
00:49:19donc j'ai continué
00:49:21de la faire
00:49:21et je vais la soutenir
00:49:22et je vais la terminer
00:49:22mais je ne veux plus
00:49:25faire de recherche
00:49:25par exemple
00:49:26je ne suis pas du tout
00:49:27prête à me réengager
00:49:28dans quelque chose
00:49:29qui soit violent
00:49:31comme ça
00:49:31c'est fini ça
00:49:32moi je considère
00:49:33que le coût
00:49:34que j'ai payé
00:49:34est largement
00:49:35largement
00:49:36largement
00:49:36beaucoup trop important
00:49:37par rapport
00:49:37à ce que ça me rapporte
00:49:38et ce que ça m'a rapporté
00:49:39en termes de santé
00:49:41enfin je veux dire
00:49:42oui
00:49:42clairement
00:49:43quand tu penses au suicide
00:49:45à cause du boulot
00:49:46ça n'a pas de sens
00:49:48en fait
00:49:49ça n'a pas de sens du tout
00:49:50mon conseil
00:49:53c'est de maintenir
00:49:54la pression
00:49:55on voit que
00:49:56là avec les années
00:49:58qui passent
00:49:58il commençait
00:49:59à y avoir des changements
00:50:00donc il faut continuer
00:50:02en fait
00:50:02il faut miser
00:50:03sur la force du collectif
00:50:04des associations locales
00:50:06des associations nationales
00:50:08des syndicats
00:50:09des groupes de parole
00:50:11ne pas rester isolé
00:50:13ne pas rester seul
00:50:14et ne surtout pas
00:50:15avoir l'impression
00:50:16qu'on est les seuls
00:50:17à vivre ça
00:50:18j'ai des projets d'écriture
00:50:30que je suis en train
00:50:31de mettre en place
00:50:31et de concrétiser
00:50:33on va dire
00:50:34plus sérieusement
00:50:36avec la fin
00:50:37de la thèse
00:50:38et du coup
00:50:39la pause
00:50:39que je veux prendre
00:50:40j'aimerais bien
00:50:40essayer de voir
00:50:41si ça peut donner
00:50:42quelque chose
00:50:42essayer de suivre
00:50:43un truc qui juste
00:50:44me plaît à fond
00:50:45au niveau professionnel
00:50:46on verra
00:50:47ce que ça donnera
00:50:48ou pas
00:50:48mais en tout cas
00:50:49un truc qui soit
00:50:49personnel
00:50:51qui soit à moi
00:50:52que je puisse faire
00:50:52que je sache faire
00:50:53que j'ai envie de faire
00:50:54qui m'apporte
00:50:55du positif
00:50:56je reprends ma vie en main
00:51:08en faisant des choses
00:51:09que j'ai décidé de faire
00:51:11que j'ai envie de faire
00:51:13et que personne d'autre
00:51:15ne décide pour moi
00:51:18j'essaie d'apprendre
00:51:20à m'écouter
00:51:20j'ai repris la danse
00:51:23ça me permet
00:51:25de m'évader
00:51:27de revivre
00:51:29même juste
00:51:30de ressentir
00:51:31mon corps
00:51:32qui bouge
00:51:32d'une façon
00:51:34de le sentir léger
00:51:35même de le voir
00:51:38beau
00:51:40quand il danse
00:51:41en fait
00:51:42je sens que ça me fait du bien
00:51:44je sens que ça fait du bien
00:51:45à moi mon corps
00:51:46et à nous remettre ensemble
00:51:48enfin nous reconnecter
00:51:50l'un avec l'autre
00:51:51et j'ai commencé cette année
00:51:53le cabaret
00:51:53c'est pas évident toujours
00:51:55de danser comme ça
00:51:58c'est une façon d'exprimer
00:52:01sa féminité à fond
00:52:02un corps
00:52:04enfin mon corps
00:52:05qui est sensuel
00:52:07mais sans chercher
00:52:09l'approbation
00:52:10d'un autre homme en face
00:52:12et de juste
00:52:13être sensuel
00:52:14pour moi même
00:52:15le regard
00:52:17qu'ils peuvent porter sur nous
00:52:18ils passent complètement
00:52:20à la trappe
00:52:21c'est hyper libérateur
00:52:34d'un autre homme
00:52:35c'est hyper libérateur
00:52:37Musique
00:53:06Vous venez de l'entendre, une étudiante sur dix aurait été victime d'agressions sexuelles lors de ses études, une étudiante sur vingt victimes de viols, des chiffres préoccupants tirés tout droit de ce documentaire réalisé par Charlotte Espel.
00:53:21Qui sont les auteurs de ces violences sexuelles dans l'enseignement supérieur ? Comment briser l'omerta sur le sujet ? Nous allons en débattre maintenant avec nos invités présents sur ce plateau de débats d'oc aujourd'hui.
00:53:34Oui, Gaëlle Berton est tout d'abord avec nous. Bienvenue. Vous êtes étudiante et présidente de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles dans l'enseignement supérieur.
00:53:44C'est un observatoire qui a été créé en 2009. C'est assez récent, finalement.
00:53:48Vous étiez précédemment la secrétaire générale de cet observatoire. Vous êtes depuis quatre ans à titre personnel. Observatoire dont il a été question, bien entendu, dans ce film, puisque vous réalisez un certain nombre d'études.
00:54:01Vous les présentez sur les campus. On l'a vu, d'ailleurs, dans ce documentaire.
00:54:05Et votre observatoire vient de publier une toute nouvelle étude thématique, intitulée cette fois « Derrière les rites étudiants, enquête sur les événements d'intégration dans l'enseignement supérieur français ».
00:54:17Nous y reviendrons parce que ces moments d'intégration, évidemment, sont très importants concernant le sujet qui nous concerne aujourd'hui.
00:54:25– Sylvie Cromer est également avec nous. Bienvenue, Sylvie Cromer. – Bonsoir.
00:54:31– Vous êtes sociologue. Vos recherches portent sur les représentations sexuées et les violences faites aux femmes.
00:54:38Vous vous êtes intéressée tout particulièrement aux violences sexistes et sexuelles dans le monde universitaire français et dans l'enseignement supérieur.
00:54:47Enfin, Lénaïque Bredoux est avec nous. Bienvenue à vous. – Merci, bonsoir.
00:54:51– Vous êtes journaliste responsable éditoriale sur les sujets de genre et de violences sexistes et sexuelles chez Mediapart.
00:54:57Vous avez, entre autres, dirigé cet ouvrage intitulé « Hashtag MeToo ».
00:55:01Le combat continue, publié aux éditions du Seuil.
00:55:04MeToo a fait son entrée sur les campus et a été également une chambre d'écho sur le sujet qui nous concerne aujourd'hui.
00:55:10– On le voit bien, d'ailleurs, il y a quelques années, un documentaire, comme on vient de le voir, n'aurait probablement pas existé.
00:55:16L'Observatoire n'existait pas. Les travaux universitaires, eux, existaient déjà sur le sujet.
00:55:21Mais le champ médiatique, les médias n'en parlaient pas beaucoup.
00:55:25Et les mobilisations étudiantes étaient beaucoup plus faibles sur le sujet qu'elles nous le sont aujourd'hui.
00:55:31Donc, de ce point de vue-là, ce qui a beaucoup progressé, c'est qu'on n'en parle bien davantage qu'avant.
00:55:35– Je me tourne tout de suite vers vous. Il y a deux chiffres forts, deux chiffres clés qui sont cités dans ce film, issus de l'une des études de l'Observatoire que vous précidez.
00:55:46Une étudiante sur dix auraient été victimes d'agressions sexuelles durant leurs études.
00:55:52Une étudiante sur vingt auraient été victimes de viols.
00:55:56Où, quand et par qui ont lieu ces agressions ?
00:56:00Dans ce qu'on peut constater au sein des chiffres, sur à peu près dix mille répondants-répondantes qu'on conserve dans l'échantillon,
00:56:07c'est qu'il y a des chiffres très importants comme ceux que vous venez de citer.
00:56:11Et où est-ce que ça se passe ?
00:56:13Eh bien, principalement dans, on va dire, les lieux privés.
00:56:17Donc, par exemple, dans des soirées étudiantes, on retrouve pas mal de violences.
00:56:21Mais aussi, et là, on va dire qu'il y a des typologies de violences qui changent en fonction du lieu.
00:56:26Donc, par exemple, dans les cours, il va plus y avoir, par exemple, de propos sexistes.
00:56:31Et puis, qui sont les personnes qui commettent ces violences ?
00:56:34Majoritairement des hommes, le plus souvent des étudiants, soit de même niveau, soit de niveau supérieur.
00:56:39Et là, on remarque aussi un phénomène...
00:56:41Mais du même établissement.
00:56:42Du même établissement le plus souvent, mais pas toujours.
00:56:45Oui. Et on remarque des fois des phénomènes de prédation, entre guillemets, par exemple,
00:56:49entre des élèves de troisième année sur des premières années qui viennent d'entrer à l'université.
00:56:53Donc, ça aussi, c'est à noter.
00:56:55Et aussi des professeurs, donc avec un lien hiérarchique entre étudiants et étudiantes et professeurs pour ces violences.
00:57:03Donc, ça, c'est ce qu'on a pu constater.
00:57:05Et donc, on interroge à chaque fois les étudiants et étudiantes sur une période universitaire de deux ans.
00:57:10Donc, c'est-à-dire qu'on leur demande, par exemple, entre 2022 et 2024,
00:57:15les violences qui ont été subies sur cette période spécifiquement.
00:57:18S'ils ne font pas partie de cet échantillon, on ne les retient pas dans l'enquête.
00:57:21L'essentiel de ces violences sexuelles proviennent donc d'autres étudiants et issus d'un même établissement,
00:57:30d'une même université, d'une même école.
00:57:32Rien de nouveau sous le soleil ?
00:57:35Alors, proviennent d'autres étudiants, mais aussi, ne l'oublions pas, du corps professoral,
00:57:40du corps enseignant et aussi des personnels administratifs.
00:57:44Alors, rien de nouveau sous le soleil, effectivement.
00:57:46Deuxièmement, j'ai envie de rappeler une chose, c'est qu'en 1986,
00:57:51la VFT, l'Association européenne contre les violences faites aux femmes,
00:57:54a publié la brochure numéro 1,
00:57:57« Cette violence dont nous ne voulons plus ».
00:57:59Et dans cette brochure, à la page 14, on peut retrouver ça sur Internet,
00:58:05il y avait un article intitulé « Le harcèlement sexuel à l'université ».
00:58:09Le harcèlement sexuel à l'université,
00:58:12alors même que le harcèlement sexuel n'était pas encore devenu un délit,
00:58:16il ne deviendrait un délit qu'en 1980.
00:58:18Est-ce qu'elle nous disait la même chose, cette étude ?
00:58:21C'est-à-dire que c'est souvent dans un cadre festif, festif ?
00:58:25Alors, là, ce n'était pas une étude, c'était une dénonciation.
00:58:28C'était une dénonciation d'une étudiante
00:58:30qui dénonçait des propos grossiers et sexistes,
00:58:34comme l'analysait la VFT, de la part d'un enseignant lors d'un examen,
00:58:38d'ailleurs qui lui vaudra d'être recalé à cet examen et d'arrêter ses études.
00:58:42Et la VFT avait posé le problème comme une faute déontologique
00:58:46et une faute professionnelle de la part de l'enseignant
00:58:49et avait pointé la responsabilité de l'établissement.
00:58:55Alors, effectivement, dans les établissements de l'enseignement supérieur
00:58:59et de la recherche, ne l'oublions pas,
00:59:01les interactions sont très nombreuses.
00:59:03Les personnes qui s'y croisent, qui travaillent ou qui étudient
00:59:07ont des statuts très différents.
00:59:10Effectivement, il y a des étudiants, des étudiantes,
00:59:13des enseignants, le corps administratif,
00:59:15voire aussi des inconnus qui traversent ces campus.
00:59:20Et c'est en cela que vous dites que les violences sexistes et sexuelles
00:59:24dans l'enseignement supérieur ont une spécificité par rapport aux autres ?
00:59:29Alors, peuvent avoir une spécificité parce qu'effectivement,
00:59:32ces personnes qui vont se croiser ont éventuellement des statuts différents
00:59:38et obéissent à des règles différentes,
00:59:41sauf évidemment le cadre pénal qui s'applique à tout le monde.
00:59:47Mais on va se rendre compte aussi qu'il y a à la fois les cours,
00:59:53qu'il y a à la fois les lieux sportifs, par exemple,
00:59:56les couloirs, les amphithéâtres,
01:00:00et puis aussi toutes ces activités festives de sociabilité qui sont importantes.
01:00:05Les fameuses soirées d'intégration,
01:00:07sur lesquelles porte une de vos études spécifiques,
01:00:09je l'ai dit, les bisutages.
01:00:12C'est comme ça qu'on appelle ça à une certaine époque.
01:00:14Je ne sais pas si on l'appelle comme ça encore aujourd'hui.
01:00:16Là, on est sur des zones à risque durant la première année d'études.
01:00:20C'est la zone à risque principale pour les agressions entre étudiants ?
01:00:26C'est cette période-là, spécifiquement, qui est vraiment sensible ?
01:00:29En fait, déjà, ce qu'on constate quand même,
01:00:30c'est que les jeunes femmes sont les principales victimes des violences sexistes et sexuelles,
01:00:34qu'elles soient étudiantes ou non.
01:00:36Les statistiques publiques le disent toujours.
01:00:38La jeunesse est un facteur aggravant, si je peux dire,
01:00:41c'est-à-dire un endroit où on est plus la cible de violences sexistes et sexuelles
01:00:46que quand, dans un âge plus avancé, ce qui ne veut pas dire que ça n'existe pas.
01:00:51Ça, c'est la première chose.
01:00:52Et l'autre chose, c'est là où il y a à la fois des spécificités,
01:00:55pour reprendre ce que disait Sylvie Chromien,
01:00:57et des points communs dans tous les domaines.
01:01:00C'est-à-dire, quand nous, on enquête sur les violences sexistes et sexuelles à Mediapart,
01:01:04on le voit bien, c'est-à-dire, il y a toujours des points particuliers.
01:01:08Par exemple, la question des statuts.
01:01:10Par exemple, le fait d'être une jeune étudiante,
01:01:12d'arriver parfois dans une ville loin de ses parents,
01:01:15loin de sa famille, loin de son cercle amical habituel,
01:01:18de ne connaître personne, d'être absolument perdu dans une grande université
01:01:22avec plein de gens...
01:01:23C'est un véritable changement de vie.
01:01:24Exactement, qui, du coup, met en fragilité.
01:01:26En fait, toute situation de vulnérabilité, d'isolement,
01:01:29de précarité aussi, de précarité financière, par exemple,
01:01:33est un facteur de risque pour les violences sexistes et sexuelles.
01:01:36Donc, quand ça s'applique à l'université,
01:01:38la première année, on ne connaît pas grand monde,
01:01:40on n'a pas beaucoup de sous, on travaille en plus, etc.
01:01:43C'est un facteur de risque qui, aujourd'hui,
01:01:47n'est pas encore pris en considération.
01:01:49Et en même temps, ce que montrent les études,
01:01:52et les enquêtes, comme celle de l'Observatoire de la vie étudiante,
01:01:56c'est que les déclarations de violences sexuelles et sexistes
01:01:59augmentent avec l'avancée dans le cursus universitaire.
01:02:03De même que le corps enseignant va être davantage mis en cause
01:02:07au fur et à mesure de l'avancée du cursus universitaire.
01:02:11Mais en fait, ce qui se passe, c'est que les enceintes universitaires
01:02:16ou de recherche ne sont pas des sanctuaires.
01:02:19Et comme les autres espaces,
01:02:21elles sont traversées par les rapports de domination
01:02:24qui s'entrecroisent, qui s'intriquent.
01:02:28Alors, il y a les rapports de domination d'âge,
01:02:31de sexe, comme on l'a dit,
01:02:32parce qu'effectivement, les femmes et les jeunes femmes sont surexposées.
01:02:36Et ça, on le sait depuis 20 ans, la première enquête.
01:02:39Les étudiantes sont quatre fois plus exposées, visiblement,
01:02:42que les autres femmes.
01:02:43Exactement.
01:02:43Les jeunes femmes de 20 à 24 ans,
01:02:46mais j'allais dire à la fois dans le cadre des études,
01:02:49mais aussi dans les autres cadres, que ce soit au travail.
01:02:52Donc, il y a tous ces rapports de domination,
01:02:54rappelons-les, le sexe, l'âge, la classe sociale,
01:02:58et puis tous les rapports d'autorité et de prestige
01:03:00de la part des enseignants, notamment.
01:03:04Qui permettent une forme d'emprise.
01:03:06On en parlera peut-être tout à l'heure,
01:03:07lorsqu'il sera question des violences sexistes et sexuelles
01:03:13du côté des enseignants vis-à-vis des étudiantes.
01:03:17C'était les deux tiers du documentaire que nous avons vu,
01:03:19avec le témoignage des victimes doctorantes, notamment.
01:03:23Il y a tout de même quelque chose qui m'a frappé,
01:03:25je vais être très honnête, avec un peu de naïveté.
01:03:27Je pensais qu'avec cette génération des 18-24 ans
01:03:30dont on parle avec ce film,
01:03:31je m'étais dit que cette notion de consentement,
01:03:35aujourd'hui, et de la violation, finalement, du consentement,
01:03:39c'est une valeur centrale, aujourd'hui,
01:03:41dans les prises de conscience,
01:03:42avait fait son chemin dans cette nouvelle génération,
01:03:45que peut-être cette nouvelle génération
01:03:46avait de nouveaux comportements, justement,
01:03:49sur la question qui nous préoccupe aujourd'hui.
01:03:51Or, visiblement, ce n'est pas le cas.
01:03:52Et comment on l'explique, ça ?
01:03:53– Alors, par la méconnaissance,
01:03:57le fait de ne pas avoir accès, effectivement, aux informations,
01:03:59c'est que, par exemple, normalement, il y a la loi de 2001
01:04:01qui permet vraiment d'avoir des formations à l'éducation,
01:04:05vie effective sexuelle, etc., qui n'est pas respectée.
01:04:08Et nous, on remarque, que ce soit sur le terrain
01:04:09ou dans les chiffres, qu'il y a une réelle méconnaissance
01:04:12des notions de consentement.
01:04:13Alors qu'on pourrait se dire que c'est une notion
01:04:15qui est quand même assez acquise, facile.
01:04:17En l'occurrence, pas du tout.
01:04:18Encore, il y a deux semaines, j'ai eu des remarques sur
01:04:20« Ah, ben, le consentement est révocable. »
01:04:22Ben oui, le consentement est révocable.
01:04:24Voilà, des questionnements qui, en tout cas, existent encore aujourd'hui,
01:04:27que ce soit dans les chiffres, avec cette méconnaissance,
01:04:30une difficulté à reconnaître une situation de violence
01:04:33et à dire que cette violence, ben voilà, c'est du harcèlement sexuel,
01:04:36c'est une agression sexuelle.
01:04:37Donc, un mélange, des fois, même au niveau de la reconnaissance
01:04:41de ces violences et sur le terrain, de voir que des personnes
01:04:43n'ont effectivement pas de notion de consentement
01:04:45ou, en tout cas, pas jusqu'au bout.
01:04:47Et donc, ben, forcément, après, ça peut mener sur des violences.
01:04:51Quand vous l'expliquez, vous, que cette nouvelle génération,
01:04:54finalement, n'est pas forcément intégrée à ces notions
01:04:56qui semblent un peu devenues essentielles aujourd'hui, en 2024,
01:05:00tout de même, lorsqu'on parle de ces sujets.
01:05:02Alors, je pense qu'il n'y a pas de caractère automatique,
01:05:05pas parce que tout d'un coup, on en parle davantage,
01:05:07ce qui est déjà un progrès, par une fois.
01:05:08Non, on pourrait penser que ça infuse, tout de même.
01:05:09Moi, je suis pas... Enfin, je pense que ça infuse.
01:05:12Ça dépense de qui on parle, c'est-à-dire.
01:05:14Déjà, ça infuse beaucoup sur les jeunes femmes.
01:05:16Premièrement, sur leur capacité à dénoncer ce qu'elles vivent,
01:05:20à nommer ce qu'elles vivent, à le reconnaître.
01:05:22Parce que, voilà, ma génération, par exemple,
01:05:24ce sont des sujets où on ne savait pas très bien
01:05:26de quoi on parlait aujourd'hui,
01:05:27même si plein de gens n'ont pas le code pénal en tête,
01:05:30mais savoir qu'il y a quelque chose qui ne va pas,
01:05:32que c'est pas OK, que peut-être je peux en parler,
01:05:34je peux le dénoncer, que je ne suis pas d'accord,
01:05:36a quand même, je pense, progressé.
01:05:38Et on le voit quand même...
01:05:40Par exemple, moi, j'en suis parfois frappée
01:05:42dans les enquêtes qu'on fait au journal,
01:05:44de voir des jeunes femmes nommer des choses
01:05:46et dire, dénoncer des faits, par exemple,
01:05:49de propos sexistes,
01:05:51et pas uniquement de faits très graves.
01:05:53Parce qu'au début, quand on travaillait sur ces sujets,
01:05:56les femmes, les victimes,
01:05:57on dit les femmes, parce que très majoritairement,
01:05:58c'est des femmes, mais ce n'est pas que des femmes,
01:06:00dénonçaient uniquement les faits les plus graves.
01:06:02Elles se disaient que le reste, ça ne valait pas le coup d'en parler.
01:06:04Par exemple, ça, je pense que ça a changé.
01:06:06Et donc, quand même, dans les plus jeunes générations,
01:06:09je pense que la tolérance aux violences sexistes et sexuelles
01:06:12a diminué.
01:06:13Ensuite, je...
01:06:14Il y en a tout de même qui disent que, finalement,
01:06:18il y a toujours autant de violences sexistes et sexuelles,
01:06:20mais ce qui a changé, pour rejoindre ce que vous venez de nous dire,
01:06:22c'est que la prise de parole des victimes
01:06:24a pris de l'ampleur.
01:06:27Aujourd'hui, alors, via sans doute les réseaux sociaux,
01:06:28on a évoqué MeToo sur les campus,
01:06:30mais je pense que ça, ça a contribué.
01:06:32Et puis, dans les dispositifs qui sont mis en place
01:06:34pour recueillir la parole, les associations qui existent,
01:06:36la presse, il y a aujourd'hui plusieurs espaces
01:06:39pour pouvoir le dénoncer.
01:06:41Et il y a quand même une chose qu'il faut comprendre,
01:06:43c'est que faire reculer les violences sexuelles et sexistes,
01:06:46c'est très difficile.
01:06:47C'est très difficile pourquoi ça existe
01:06:48dans tous les milieux, dans toute la société,
01:06:51ça traverse tous les rapports de pouvoir
01:06:53et de domination.
01:06:54Une fois qu'on a compris que ce ne sont pas juste
01:06:55quelques extravagants ou quelques monstres,
01:06:58et que les monstres, précisément, n'existent pas,
01:07:00mais c'est quelque chose de beaucoup plus structurel
01:07:02dans les rapports de domination
01:07:03qui se sont instaurées entre les hommes et les femmes,
01:07:07globalement,
01:07:08c'est là où on arrive dans le dur.
01:07:10Parce que comment on fait reculer ça ?
01:07:11Comment on fait changer les rapports humains ?
01:07:14C'est quand même pas tout à fait simple,
01:07:16ça ne se fait pas en claquant des doigts.
01:07:17Je pense que c'est aussi prendre conscience
01:07:19d'à quel point ces violences sexuelles
01:07:21sont imbriquées dans nos rapports sociaux
01:07:23et sont des rapports de domination
01:07:25qui nous traversent tous et toutes,
01:07:27et que le travail pour les défaire,
01:07:29il est long et difficile.
01:07:30– Et je pense qu'une chose qui est aussi importante,
01:07:35c'est de rappeler les connaissances juridiques
01:07:38et le cadre légal.
01:07:39Ce qui manque peut-être un petit peu
01:07:41dans le documentaire qui nous a été présenté,
01:07:43alors ce qui est très bien,
01:07:44les témoignages, j'allais dire,
01:07:45incarnent les chiffres dont nous parlons,
01:07:48mais c'est important aussi de s'interroger
01:07:50à la fois sur les agresseurs
01:07:52et à la fois sur les institutions
01:07:56et la responsabilité des institutions.
01:07:59Aujourd'hui, c'est sur ça qu'il faut insister.
01:08:03Et ce qu'il faut arriver à dire,
01:08:05c'est qu'effectivement,
01:08:07ces agissements ne se passent pas comme ça
01:08:10dans un espace dépourvu de règles,
01:08:13mais il y a, de la part de ces enseignants,
01:08:17enseignantes, mais aussi des usagers
01:08:19de l'établissement, des règles à respecter.
01:08:21Notamment quand on est un agent public,
01:08:23on doit exercer son emploi
01:08:27avec dignité, impartialité, intégrité et probité.
01:08:33Et donc là, évidemment, ça exclut
01:08:35de commettre des violences sexuelles et sexistes.
01:08:39Quand on est chef d'établissement,
01:08:42président, président d'université,
01:08:44directeur, directrice d'école,
01:08:46on doit assurer la santé,
01:08:48y compris mentale,
01:08:50et la sécurité de ces personnels
01:08:53et de ces usagers.
01:08:54On reviendra sur la responsabilité
01:08:55de ces responsables d'établissement,
01:08:58de ces fonctionnaires
01:08:59qui travaillent au sein des universités,
01:09:02notamment.
01:09:03Ce qu'on a découvert aussi dans ce film,
01:09:06c'est les violences sexistes et sexuelles
01:09:10commises par les enseignants,
01:09:12avec ces témoignages, je l'ai dit tout à l'heure,
01:09:14de doctorants dans ce film.
01:09:16Alors là, on peut un temps soit peu évaluer
01:09:21l'ampleur de ce type de violences sexuelles
01:09:24exercées par les enseignants sur les étudiantes ?
01:09:28Alors, on peut effectivement l'observer,
01:09:31c'est quand même mineur par rapport aux violences
01:09:33entre étudiants et étudiantes,
01:09:34mais il y a quand même une part significative
01:09:36de ces violences qui existent.
01:09:39Et pour le coup, pour revenir sur la thématique
01:09:41quand même, milieu doctoral,
01:09:42où là, on remarque qu'il y a vraiment
01:09:43une typologie de violence
01:09:45et qu'il faut creuser la question
01:09:47pour réussir à déchiffrer ce qui s'y passe
01:09:48et qui diffère de la situation classique
01:09:51au cours de licences, masters.
01:09:54Et d'ailleurs, on sortira une enquête spécifique
01:09:56sur la thématique.
01:09:58Mais oui, ce qu'on peut dire,
01:09:59c'est que ce lien de domination
01:10:01entre enseignants et étudiants,
01:10:03étudiantes, ça rend plus difficile,
01:10:05par exemple, pour les étudiants et étudiantes
01:10:06de dénoncer ce type de violence.
01:10:09Et puis, la difficulté aussi d'être crue,
01:10:11d'être prise au sérieux par l'administration
01:10:12qui, malheureusement, encore aujourd'hui,
01:10:14peut parfois avoir une réaction,
01:10:16aussi des représentations sociales
01:10:18qui n'ont pas forcément évolué.
01:10:19Et donc, une difficulté à se dire
01:10:21que cette personne a commis ce type de violence
01:10:23et comment on réagit.
01:10:24C'est beaucoup plus simple pour l'administration
01:10:25de réagir quand c'est entre étudiants et étudiantes
01:10:28que quand c'est entre enseignants et étudiants et étudiantes.
01:10:31Non, mais la thèse, c'est un moment
01:10:32de grande fragilité.
01:10:34Enfin, c'est comme je disais tout à l'heure,
01:10:35le terreau sur lequel ces violences
01:10:37se commettent le plus facilement.
01:10:38La thèse, le rapport entre un directeur de thèse
01:10:41et son thésard ou sa thésarde
01:10:43est évidemment très fort.
01:10:45Le lien de dépendance est très fort.
01:10:47Le lien pour pouvoir aboutir
01:10:49à un travail universitaire.
01:10:50L'enjeu est immense.
01:10:51Finir sa thèse, c'est quelque chose de...
01:10:53Voilà, une grande entreprise pas évidente.
01:10:56Le lien très fort de dépendance
01:10:57à son directeur de thèse
01:10:58pour être dans tel ou tel colloque,
01:11:01publier tel ou tel article
01:11:02dans telle ou telle revue universitaire,
01:11:03arriver au bout de son travail,
01:11:05soutenir sa thèse.
01:11:06On voit dans le documentaire
01:11:08changer de directeur de thèse,
01:11:09dénoncer son directeur de thèse
01:11:10peut avoir comme conséquence
01:11:13de changer de directeur de thèse
01:11:15en plein milieu d'un travail.
01:11:16C'est pas forcément évident.
01:11:18Ça peut même fusiller votre carrière
01:11:19pour la suite.
01:11:20C'est ce qui est dit dans ce film.
01:11:21Tout à fait, mais alors moi j'ai constaté
01:11:22très fortement, alors c'est vrai,
01:11:23à l'université comme ailleurs...
01:11:24Du chercheur, un carrière du chercheur.
01:11:26Exactement.
01:11:26Les violences sexistes et sexuelles,
01:11:28en dehors d'être très douloureuses,
01:11:30ont comme effet d'exclure les victimes
01:11:32de la scène publique,
01:11:33de leur travail là où elles exercent,
01:11:36de l'université,
01:11:37des carrières qu'elles s'arrêtent brutalement,
01:11:39dans les milieux culturels,
01:11:40dans les milieux universitaires,
01:11:42et de faire qu'elles se rétractent
01:11:43comme ça, qu'elles se rétractent
01:11:44de l'espace public.
01:11:45Et se rabougrissent, si je peux dire,
01:11:47collectivement.
01:11:48C'est ça le principal effet de ces violences,
01:11:50c'est vraiment faire disparaître
01:11:51de la sphère publique des milliers de victimes.
01:11:55Ce phénomène de l'emprise finalement
01:11:57des enseignants sur les étudiantes,
01:11:59là aussi, bon, on le subodorait
01:12:02avant d'avoir vu ce documentaire,
01:12:04c'est toujours vrai finalement.
01:12:05Ça existe toujours ?
01:12:06Ça existe toujours parce que
01:12:09je pense que ce qui est important,
01:12:11c'est de voir que cette violence,
01:12:13une violence qui est systémique,
01:12:15comme le montrent les chiffres des enquêtes,
01:12:20qui est structurelle,
01:12:21elle est effectivement fondée
01:12:23sur des rapports de domination
01:12:25qui visent à maintenir un contrôle,
01:12:28notamment sur les femmes.
01:12:31Et c'est important de souligner
01:12:32qu'aujourd'hui, il y a quand même
01:12:33un consensus international
01:12:35pour interpréter et définir cette violence
01:12:40comme lié à des rapports historiquement inégalitaires,
01:12:44mais qui se perpétuent.
01:12:46Donc c'est vrai que moi,
01:12:47au terme d'emprise,
01:12:48je préférais le terme de rapport de domination,
01:12:51et comme on l'a dit,
01:12:52qui peut s'intriquer à d'autres rapports de domination,
01:12:55puisque là, il y a aussi l'âge,
01:12:59c'est généralement des plus jeunes
01:13:01vis-à-vis des plus âgés
01:13:02qui ont un prestige universitaire, etc.
01:13:05Voir l'origine aussi,
01:13:07on parlait tout à l'heure de précarité.
01:13:09Ce qui n'est pas évoqué dans ce documentaire,
01:13:13aujourd'hui, il y a l'alternance,
01:13:15il y a l'apprentissage,
01:13:16il y a les stages qui font partie
01:13:17d'un cursus d'enseignement supérieur.
01:13:20On observe les mêmes phénomènes
01:13:21du côté de ceux qui encadrent des stagiaires
01:13:25durant leur cursus,
01:13:27une alternance.
01:13:29Oui ?
01:13:29Tout à fait, on a vraiment l'impression...
01:13:31Parce que là, on sort du monde universitaire,
01:13:33du monde des études.
01:13:33On sort du monde universitaire.
01:13:34On met un pied dans le milieu professionnel,
01:13:36et on observe les mêmes comportements.
01:13:37On a l'impression, tout à l'heure,
01:13:39on parlait des spécificités,
01:13:40mais en fait, on a l'impression
01:13:41que ces espaces de formation
01:13:44sont l'antichambre de la sphère professionnelle.
01:13:47Parce que finalement,
01:13:48on retrouve quasiment les mêmes chiffres,
01:13:51si on regarde par exemple
01:13:52l'enquête virage,
01:13:54violences et rapports de gens
01:13:55dans la sphère professionnelle.
01:13:56Oui.
01:13:56Sur les 12 derniers mois,
01:13:58il y a 4% des femmes
01:13:59qui dénoncent des violences sexuelles et sexistes.
01:14:01Et l'enquête OVE de 2020,
01:14:03c'est à peu près les mêmes chiffres.
01:14:055% des étudiantes
01:14:06qui dénoncent des violences sexuelles et sexistes.
01:14:08Donc on a l'impression
01:14:10que ces lieux d'études
01:14:11sont quasiment des lieux d'acculturation
01:14:14à la violence.
01:14:15Parce qu'on éduque finalement
01:14:17ces jeunes femmes
01:14:18à subir des violences
01:14:21et à entrer dans un monde
01:14:23de compétition et de concurrence.
01:14:25Alors des cellules d'écoute
01:14:26et finalement de prise en charge
01:14:28à la fois psychologique, juridique,
01:14:31par un certain nombre d'associations.
01:14:33D'ailleurs, un certain nombre d'universités
01:14:35externalisent
01:14:36auprès d'associations
01:14:38comme Women's Life.
01:14:40On l'a vu par exemple
01:14:40dans ce documentaire
01:14:41pour le compte
01:14:42de plusieurs universités
01:14:43de la région parisienne.
01:14:46Où en est-on ?
01:14:47Sont-elles en place ?
01:14:48Visiblement,
01:14:48la moitié des étudiantes
01:14:50aujourd'hui
01:14:51n'ont pas accès
01:14:52dans leur établissement
01:14:53à ces cellules d'écoute.
01:14:54Où est le problème ?
01:14:55Oui, il y a deux facteurs
01:14:56qui expliquent
01:14:56qu'elles n'y ont pas accès.
01:14:58Soit elles ne connaissent pas
01:14:58le dispositif tout simplement.
01:15:00Donc un problème de communication
01:15:01sur le dispositif existant
01:15:03au sein de l'établissement.
01:15:04Soit tout simplement
01:15:05il n'est pas existant.
01:15:06Par exemple,
01:15:07notamment dans les établissements privés.
01:15:09Puisqu'aujourd'hui,
01:15:09les établissements privés
01:15:10ne sont pas soumis
01:15:11aux obligations
01:15:13des établissements publics
01:15:14et peuvent seulement
01:15:14regarder et se dire
01:15:16bon, on va mettre en place ça,
01:15:17ça semble bien.
01:15:18Et donc, voilà,
01:15:19ceux qui sont proactifs
01:15:21sur la question
01:15:22vont mettre en place des choses.
01:15:23Mais il va y avoir
01:15:24vraiment des différences
01:15:25entre établissements publics et privés.
01:15:27Et puis ensuite,
01:15:28dans les établissements publics,
01:15:29ce qu'on remarque sur les cellules
01:15:30qui sont obligatoires
01:15:31depuis 2018,
01:15:33c'est que des fois,
01:15:34il y a des difficultés
01:15:34à avoir des postes permanents
01:15:36pour faire partie
01:15:37de ces cellules
01:15:38et donc des personnes
01:15:39qui vont cumuler ça
01:15:40avec leur autre emploi
01:15:42au sein de l'université.
01:15:43Donc une difficulté
01:15:43à répondre ensuite
01:15:44aux demandes rapidement
01:15:45des victimes
01:15:47et donc les prendre en charge
01:15:48comme il le faudrait.
01:15:49Des fois,
01:15:49des difficultés à réorienter
01:15:51pour proposer effectivement
01:15:52tout ce qui est de l'ordre
01:15:54de la psychologie
01:15:54ou du juridique
01:15:55quand ce n'est pas possible
01:15:56de le faire en interne.
01:15:57Effectivement,
01:15:58il y a une notion
01:15:59d'externalisation.
01:16:00Mais là aussi,
01:16:00il faut des moyens
01:16:01pour réussir par exemple
01:16:02à externaliser sa cellule.
01:16:03Ça coûte de l'argent
01:16:04et tous les établissements
01:16:05en fonction de leur taille
01:16:06et de leurs moyens
01:16:08ne les ont pas.
01:16:09Donc il y a les moyens financiers
01:16:10et humains
01:16:10pour tenir ces cellules
01:16:11qui aujourd'hui
01:16:12sont assez défaillantes.
01:16:14Défaillantes ces cellules,
01:16:15c'est aussi le jugement
01:16:16que vous porteriez
01:16:17ou vous serez moins direct ?
01:16:18Non.
01:16:19Moins direct ?
01:16:20Non, je ne sais pas.
01:16:21C'est juste que pour moi
01:16:21il y a une sorte de chaîne,
01:16:23enfin c'est vraiment
01:16:23une cascade de défaillance.
01:16:25C'est-à-dire que dans la procédure,
01:16:26imaginons,
01:16:26on est une étudiante
01:16:27qui a subi des violences,
01:16:29malheureusement,
01:16:29qui souhaite le dénoncer
01:16:31et saisit son université,
01:16:33par exemple.
01:16:34En fait,
01:16:34il y a toute une série
01:16:36de difficultés
01:16:37qui vont se poser à elle.
01:16:38Déjà, être écoutée,
01:16:39s'il y a une cellule d'écoute,
01:16:40si elle sait que ça existe.
01:16:42Ensuite,
01:16:42normalement,
01:16:43s'il y a une cellule d'écoute,
01:16:44a priori,
01:16:45la prise en charge
01:16:45est relativement correcte.
01:16:47Mais ensuite,
01:16:47le suivi qui en sera fait,
01:16:49les procédures à l'université
01:16:50sur les violences
01:16:51sont extrêmement complexes.
01:16:53Pour quiconque nous regarde
01:16:54ce soir,
01:16:54je le mets au défi
01:16:55de se faire comme ça.
01:16:56D'une certaine manière,
01:16:57ça organise cette structure,
01:16:58l'omerta, finalement,
01:16:59dans l'établissement ?
01:17:00Mettre la faute
01:17:01sur les cellules
01:17:01qui sont celles
01:17:02qui recueillent la parole,
01:17:03je pense que ce serait
01:17:03très exagéré.
01:17:04C'est vraiment une question
01:17:05d'organisation.
01:17:06Parce qu'aujourd'hui,
01:17:07c'est des sections disciplinaires,
01:17:08on appelle pour mener
01:17:09des enquêtes internes,
01:17:10il y a des enquêtes internes
01:17:11qui existent.
01:17:12Ensuite,
01:17:13des sections disciplinaires
01:17:14qui sont convoquées
01:17:15pour éventuellement sanctionner
01:17:17les personnels
01:17:17qui sont mis en cause.
01:17:19Vraiment,
01:17:20c'est extrêmement difficile
01:17:21à comprendre,
01:17:22à voir comment ça fonctionne.
01:17:23Ce sont des gens
01:17:23qui ne sont pas formés
01:17:24pour le faire,
01:17:25là, pour le coup.
01:17:25Je parle dans les sections disciplinaires
01:17:27et qui ont été faites
01:17:29concrètement
01:17:30pour gérer des problèmes
01:17:30d'université à l'université
01:17:32qui ne faisaient pas du tout,
01:17:34qui faisaient complètement
01:17:34abstraction de tout ça.
01:17:35C'est-à-dire
01:17:36des questions de plagiat,
01:17:37de quelqu'un
01:17:37qui avait triché aux examens.
01:17:38Donc, c'est à ça
01:17:39qu'ils sont habilités
01:17:40et habitués,
01:17:41sur lesquels ils sont habitués
01:17:42à statuer.
01:17:43Là, tout d'un coup,
01:17:43on leur saisit pour des faits
01:17:44d'harcèlement sexuel,
01:17:45de viol,
01:17:46de propos sexistes, etc.
01:17:47Ça fait plusieurs années,
01:17:47quand même.
01:17:48Exactement.
01:17:49Maintenant, oui,
01:17:49mais il y a encore
01:17:50beaucoup de dysfonctionnements
01:17:51dans beaucoup de sections disciplinaires
01:17:52avec des compositions
01:17:54vraiment compliquées.
01:17:55Bref,
01:17:55on a du mal à s'y retrouver.
01:17:56En fait, c'est plutôt,
01:17:57je pense...
01:17:58Moi, j'ai un autre chiffre
01:17:59sous les yeux,
01:17:59là, qui m'a surpris.
01:18:00Il y a seulement 12%,
01:18:01pour rejoindre ce que vous venez
01:18:02de dire tout à l'heure,
01:18:0312% des victimes
01:18:04qui, finalement,
01:18:11comprends, franchement,
01:18:11c'est vraiment difficile.
01:18:12Alors, par ailleurs,
01:18:13c'est difficile toujours.
01:18:14C'est-à-dire,
01:18:14c'est difficile à l'université
01:18:15comme ailleurs.
01:18:16Encore une fois,
01:18:17c'est là où il y a...
01:18:18Mais là, ça semble
01:18:18encore plus compliqué
01:18:19de par le cheminement...
01:18:21Oui, tout à fait,
01:18:22le cheminement et puis aussi,
01:18:24pardon, mais l'hostilité
01:18:25à ça pendant longtemps.
01:18:26C'est-à-dire, ça, c'est pareil,
01:18:27je pense que ça a quand même
01:18:28beaucoup progressé,
01:18:29mais pendant très longtemps,
01:18:30on a quand même considéré
01:18:31que la parole des étudiantes
01:18:33qui se plaignaient,
01:18:34c'était vraiment...
01:18:35Ça ne valait pas grand-chose,
01:18:36que tout ça, c'était
01:18:36parce qu'on leur avait
01:18:37mis une mauvaise note
01:18:38ou parce qu'elles avaient
01:18:39un contentieux avec leur prof
01:18:40ou qu'elles l'avaient dragué
01:18:41et qu'ils n'avaient pas voulu d'elle.
01:18:42Bref, franchement,
01:18:43tout ça, c'est quand même
01:18:43des choses qu'on entend
01:18:44encore aujourd'hui.
01:18:45Un grand merci à vous trois
01:18:47d'avoir répondu présents
01:18:48pour en parler
01:18:48sur ce plateau de débat-docs aujourd'hui.
01:18:50Vos réactions,
01:18:50ça sera sur hashtag débat-docs.
01:18:52Un grand merci aussi
01:18:53à Félicité Gabalda,
01:18:55Victoria Bédé
01:18:56qui m'ont aidé,
01:18:57comme à l'accoutumée,
01:18:57à préparer cette émission.
01:18:59Je vous donne rendez-vous
01:19:00pour un prochain débat-docs
01:19:01et ça sera bien entendu
01:19:02avec son documentaire
01:19:04et son débat.
01:19:05À très bientôt.
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