- il y a 4 jours
À partir de 1933, le régime totalitaire nazi musèle toute forme d'opposition politique et les juifs deviennent ouvertement une cible prioritaire. Le tout sous l'oeil de représentants de la presse internationale présents sur place. Comment les médias ont-ils couvert la mise en oeuvre du nazisme en Allemagne au milieu des années 30 ?
Pour en parler, Jean-Pierre Gratien est en compagnie de l'auteur et réalisateur de documentaires, Jean Bulot, du journaliste, Daniel Schneidermann et de l'historienne, Hélène Miard-Delacroix.
LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
Pour en parler, Jean-Pierre Gratien est en compagnie de l'auteur et réalisateur de documentaires, Jean Bulot, du journaliste, Daniel Schneidermann et de l'historienne, Hélène Miard-Delacroix.
LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
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00:00:00Générique
00:00:01...
00:00:16Bienvenue à tous dans Débat Doc.
00:00:17Une fois nommé chancelier le 30 janvier 1933,
00:00:21il aura fallu bien peu de temps à Adolf Hitler
00:00:23pour installer le régime nazi en Allemagne.
00:00:26Un régime totalitaire où toute forme d'opposition politique est muselée
00:00:30et où les juifs deviennent ouvertement une cible prioritaire,
00:00:34le tout sous l'œil de représentants de la presse internationale présents sur place.
00:00:39Voilà ce que va nous raconter en images le documentaire exclusif
00:00:42qui va suivre « Avant la catastrophe, la naissance de la dictature nazie »
00:00:461933-1936.
00:00:49Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai juste après
00:00:51en compagnie de son auteur et son réalisateur, Jean Bulot,
00:00:55ainsi que le journaliste Daniel Schneiderman
00:00:57et l'historienne Hélène Millard-Delacroix.
00:01:00Avec eux, nous nous interrogerons sur cette couverture médiatique
00:01:04de la mise en œuvre du nazisme en Allemagne au cœur des années 30.
00:01:08Bon Doc.
00:01:14...
00:01:14Dès leur arrivée au pouvoir, en janvier 1933,
00:01:19les nazis ont voulu mettre en ordre l'image que le monde avait d'eux.
00:01:22Les villes comme les rues sont devenues des décors de défilés et de rituels,
00:01:33joués et rejoués.
00:01:38Un spectacle permanent,
00:01:40durant lequel les nazis célébraient une communauté du peuple,
00:01:43imaginaire,
00:01:44basée sur la suprématie d'une race,
00:01:46arienne,
00:01:47blanche
00:01:48et non juive.
00:01:49Parmi la foule des spectateurs,
00:01:55il y avait des centaines de journalistes étrangers
00:01:56qui ont couvert la naissance de ce nouveau régime.
00:02:01Si certains d'entre eux ont accepté les règles
00:02:03comme les secrets des nouveaux maîtres de l'Allemagne,
00:02:06d'autres ont fait le choix de raconter le hors-champ de la dictature,
00:02:10au risque d'être recondus à la frontière,
00:02:12comme ce journaliste britannique.
00:02:13Presque un siècle plus tard,
00:02:29que nous apprennent ces articles lus et publiés à l'aube du Troisième Reich ?
00:02:33Que savait-on de la vie des Allemands,
00:02:37partisans comme ennemis du régime ?
00:02:40Qu'est-ce qui a été dit et caché
00:02:41des premiers mensonges et crimes d'Hitler,
00:02:44avant la guerre,
00:02:46avant la catastrophe ?
00:02:4710 février 1933.
00:03:10Les partisans nazis se retrouvent une nouvelle fois au Sport Palace de Berlin.
00:03:13Dès sa nomination à la chancellerie,
00:03:17leur chef, Adolf Hitler,
00:03:19a obtenu du président Hindenburg la dissolution du Parlement.
00:03:24Mais à quelques jours du scrutin,
00:03:26en pleine nuit,
00:03:27le Reichstag, symbole de la République de Weimar,
00:03:30sombre dans les flammes.
00:03:34Dès l'aube, les journalistes étrangers sur place
00:03:36transmettent leurs articles par téléphone à leur rédaction.
00:03:38Parmi eux,
00:03:41le correspondant permanent du Chicago Daily News,
00:03:44l'Américain Edgar Hansel Maurer.
00:03:4828 février 1933.
00:03:52Le Reichstag allemand a été ravagé par les flammes la nuit dernière.
00:03:56On prétend que l'incendie serait l'œuvre d'un incendiaire néerlandais,
00:04:00Marinus van der Leube,
00:04:02membre du Parti communiste.
00:04:03On suppose qu'il aurait réussi à se faufiler
00:04:08ou aurait été introduit par des amis du parti
00:04:10dans le bâtiment du Reichstag,
00:04:12qui est très soigneusement surveillé.
00:04:15Le chancelier Adolf Hitler,
00:04:18le viche chancelier Franz von Papen
00:04:19et le ministre Hermann Göring
00:04:21sont personnellement arrivés sur les lieux du bâtiment en flammes
00:04:24en un temps record.
00:04:27Alors que des communistes individuels
00:04:29exprimaient leur totale incrédulité
00:04:30quant au fait que leur parti puisse avoir eu quelque chose à voir
00:04:33avec un incendie criminel,
00:04:36le gouvernement a agi avec une énergie inattendue.
00:04:40Cet incendie du Reichstag
00:04:42va donner le prétexte aux nazis
00:04:44de faire tomber la chape de plomb de la dictature.
00:04:46De quelle manière ?
00:04:47Tout simplement le lendemain,
00:04:48le 28 février 1933,
00:04:52le président du Reich,
00:04:53poussé par son chancelier Hitler,
00:04:56va signer une ordonnance
00:04:58sur la protection de l'État et du peuple allemand.
00:05:02Cette ordonnance,
00:05:03elle abroge un nombre considérable
00:05:07de libertés individuelles,
00:05:09la liberté de réunion,
00:05:11la liberté de la presse.
00:05:12Elle autorise l'État
00:05:13à non seulement mettre en détention les gens,
00:05:17mais à faire des fouilles chez eux, etc.
00:05:19Pendant les 100 premiers jours,
00:05:24mais on peut l'élargir aussi
00:05:25à toute l'année 1933,
00:05:28le régime nazi va vraiment cibler
00:05:30les opposants politiques
00:05:31et s'aimer la terreur.
00:05:35La répression contre les communistes,
00:05:38les syndicalistes, les socialistes,
00:05:40allemands non-juifs ou allemands-juifs,
00:05:42sera féroce.
00:05:43Et portée notamment par les paramilitaires SA
00:05:48qui là vont vraiment passer
00:05:50à des méthodes de torture,
00:05:52à des incarcérations
00:05:54sans fondement juridique.
00:05:59Dans cinq jours auront lieu des élections,
00:06:02au cours desquelles le parti d'Hitler
00:06:03espère, avec ses alliés nationalistes,
00:06:06obtenir une majorité complète,
00:06:08ce qui leur permettrait de concrétiser
00:06:10leurs revendications
00:06:10pour quatre années de règne ininterrompue.
00:06:13Le 5 mars 1933,
00:06:20les bureaux de vote ouvrent.
00:06:23Près de 12 millions d'Allemands votent
00:06:24pour des candidats communistes
00:06:25et sociodémocrates.
00:06:27Un score insuffisant pour renverser
00:06:29le gouvernement d'Hitler
00:06:30qui obtient le vote des pleins pouvoirs.
00:06:36Progressivement,
00:06:37par décret successif,
00:06:38la dictature s'abat sur l'ensemble du Reich
00:06:40et détruit peu à peu la République de Weimar.
00:06:43Quelques touristes se retrouvent pris dans la nasse du nouveau régime.
00:06:49La presse internationale s'en fait l'écho.
00:06:51Wolff, qui est venu en Allemagne il y a trois semaines pour une visite,
00:06:58a juré qu'à 5 heures du matin, samedi,
00:07:01cinq hommes en uniforme ont fait irruption dans sa chambre,
00:07:04l'ont battu
00:07:04et l'ont emmené dans un endroit
00:07:06qu'il pensait être le quartier général des nazis.
00:07:08Là, ils l'ont retenu prisonnier,
00:07:12ligoté et baïonné dans une pièce sombre pendant deux heures.
00:07:16Puis, ils lui ont fait signer une déclaration comme suit.
00:07:19« Je suis juif,
00:07:22je partirai pour Paris par le premier train,
00:07:25je promets de ne plus jamais revenir en Allemagne.
00:07:27Aucune violence n'a été commise
00:07:29et aucun bien ne m'a été enlevé. »
00:07:33« L'ASA a ouvert dès fin janvier 1933
00:07:36plusieurs centaines de camps de concentration sauvages
00:07:39dans des caves, dans des cinémas,
00:07:41dans des entrepôts, dans des brasseries,
00:07:43dans des locaux commerciaux,
00:07:45au cœur même des villes,
00:07:45où elle se livrait à toutes sortes d'exactions. »
00:07:49Ils l'ont ensuite emmené en voiture
00:07:51dans la forêt de Grönwald,
00:07:52dans la banlieue ouest de Berlin.
00:07:55Wolff a juré
00:07:55et a été jeté hors de la voiture.
00:07:58Il est retourné au consulat général,
00:08:01a rapporté l'affaire
00:08:01et est reparti.
00:08:04Wolff aurait admis avoir fait
00:08:05des remarques défavorables sur Hitler,
00:08:07en public,
00:08:08avant l'agression.
00:08:10« C'était désastreux
00:08:11en termes de politique,
00:08:13de communication
00:08:14à l'égard de la population allemande
00:08:15et à l'égard de l'étranger,
00:08:17dans la mesure où les nazis voulaient se...
00:08:18Enfin, la hiérarchie nazie
00:08:19voulait se poser en pacificatrice
00:08:22et ordonnatrice du pays. »
00:08:26De ces violences des groupes SA nazis,
00:08:29il demeure quelques images.
00:08:31Cet homme était député social-démocrate.
00:08:36Cela nettoie des tags anti-hitlériens.
00:08:40Celui-ci, enfin,
00:08:41aux pantalons coupés,
00:08:42était avocat,
00:08:44allemand
00:08:44et juif.
00:08:47Alors qu'il était venu porter plainte,
00:08:48on le tabassa,
00:08:50puis le jeta dans la rue
00:08:50avec cette pancarte
00:08:51« Je ne me plaindrai plus à la police. »
00:08:56De nombreux journaux américains
00:08:57choisissent cette photo
00:08:58pour illustrer la terreur nazie.
00:09:00On sait ce qui se met en place.
00:09:06On sait les premières mesures
00:09:08de persécution,
00:09:09les vitrines cassées, etc.
00:09:10Il y a des images fortes,
00:09:12l'humiliation des juifs,
00:09:14les premières mesures
00:09:14d'exclusion sociale
00:09:15qui sont doublées
00:09:17par la mise en place
00:09:18d'un régime,
00:09:19d'une vraie dictature.
00:09:21Donc tout ça,
00:09:22je pense,
00:09:24est facilement assimilé
00:09:25par l'opinion publique.
00:09:26Sa propre image à l'étranger
00:09:29est très importante
00:09:30pour le régime.
00:09:31C'est pourquoi
00:09:33on crée le ministère
00:09:34de la propagande
00:09:35avec Goebbels
00:09:35comme nouveau ministre
00:09:36et qu'on le dote
00:09:38de ressources financières
00:09:39abondantes.
00:09:41Le principal objectif
00:09:42est avant toute chose
00:09:44de rayonner vers l'extérieur.
00:09:46C'est une mission
00:09:47qu'il va remplir
00:09:47avec un immense talent
00:09:48puisque c'est quelqu'un
00:09:49d'extrêmement intelligent.
00:09:50C'est le seul diplômé
00:09:51de l'enseignement supérieur
00:09:53du cercle dirigeant en Asie.
00:09:54Il est docteur en littérature
00:09:56et il est responsable
00:09:57de la propagande
00:09:58du parti nazi
00:09:58depuis quelques années
00:10:00à l'échelle du Reich.
00:10:01Donc là,
00:10:01il prend possession
00:10:02d'un ministère
00:10:03que l'on crée pour lui
00:10:04et en l'occurrence,
00:10:07il va donner à voir
00:10:08le monde
00:10:09tel que les nazis
00:10:10veulent qu'on le voit.
00:10:14Pour cela,
00:10:16le gouvernement publie
00:10:17un décret
00:10:17qui condamne
00:10:18toute personne
00:10:19faisant des déclarations
00:10:20susceptibles de nuire au Reich.
00:10:23Les Allemands
00:10:24sont réduits au silence.
00:10:26Les journalistes étrangers,
00:10:27eux,
00:10:28perdent leurs témoins,
00:10:29comme le souligne
00:10:30la plume acerbe
00:10:30d'Edgar Anselmohrer.
00:10:34De toute évidence,
00:10:36avec le pouvoir
00:10:37entre ses mains,
00:10:38selon cette disposition
00:10:39de décider
00:10:40ce qui est vrai
00:10:40ou non,
00:10:41le gouvernement
00:10:42pourrait être encore
00:10:43plus efficace
00:10:43pour empêcher
00:10:44la connaissance
00:10:45de la barbarie récente
00:10:46à la majorité des Allemands.
00:10:50Parallèlement
00:10:51à l'annonce
00:10:51de ses décrets,
00:10:53une campagne fantastique
00:10:54est menée
00:10:54pour discréditer
00:10:55les correspondants
00:10:56des journaux étrangers
00:10:57en Allemagne,
00:10:58accusés d'exagérer
00:10:59à l'infini
00:11:00l'abomination
00:11:01dans le pays.
00:11:02Edgar Anselmohrer,
00:11:04finalement,
00:11:05par rapport
00:11:05à la communauté
00:11:07des journalistes
00:11:07occidentaux à Berlin,
00:11:08c'est l'exception.
00:11:10C'est-à-dire,
00:11:10c'est celui
00:11:11qui ne va pas jouer le jeu.
00:11:13Dès avant l'arrivée
00:11:13des nazis au pouvoir,
00:11:15il va écrire un livre
00:11:16dans lequel il raconte
00:11:17la pression quotidienne
00:11:19que font peser
00:11:20les SA à Berlin
00:11:21et dans toutes les villes
00:11:22de l'Allemagne,
00:11:23d'ailleurs.
00:11:23Donc déjà,
00:11:24quand ils arrivent au pouvoir,
00:11:25les nazis l'ont
00:11:26dans le collimateur,
00:11:27celui-là.
00:11:27Ils ont décidé
00:11:29de se le faire.
00:11:30Des droques !
00:11:31Après l'accession
00:11:31au pouvoir de Hitler,
00:11:33la pression
00:11:34sur les journalistes
00:11:35étrangers en Allemagne
00:11:35s'est bien sûr accrue.
00:11:39Le régime
00:11:40a ainsi pris
00:11:41toutes sortes de mesures
00:11:42pour surveiller
00:11:43les téléphones
00:11:43et les télégrammes.
00:11:47Certains journalistes
00:11:48avaient même l'impression
00:11:49que leur domicile
00:11:50était fouillé
00:11:51lorsqu'ils n'étaient pas
00:11:52chez eux.
00:11:54Alors que dans
00:11:54les premiers mois
00:11:55du nazisme,
00:11:57on pouvait imaginer
00:11:59que des opposants
00:12:00se retrouvent
00:12:02la nuit,
00:12:04notamment dans
00:12:05le jardin zoologique
00:12:06de Berlin,
00:12:07à la faveur
00:12:07de l'obscurité,
00:12:08pour se passer
00:12:09des notes,
00:12:09des pièces,
00:12:11des infos.
00:12:13À partir d'un certain moment,
00:12:14c'est terminé.
00:12:17En ce printemps
00:12:181933,
00:12:20l'impact des articles
00:12:21des correspondants américains,
00:12:22dont ceux de Maurer,
00:12:24donne naissance
00:12:24à un mouvement
00:12:25de protestation
00:12:25sans précédent
00:12:26contre l'Allemagne nazie.
00:12:27Le 27 mars,
00:12:32plus de 50 000 personnes
00:12:33se retrouvent
00:12:34au Madison Square Garden.
00:12:37Face à l'émotion internationale,
00:12:39le ministre de la Propagande
00:12:41allemand,
00:12:41Joseph Goebbels,
00:12:42imagine un coup de force
00:12:43politique et médiatique.
00:12:46Hitler et Goebbels,
00:12:48complètement pris
00:12:51dans leur paranoïa
00:12:51antisémite,
00:12:52estiment qu'évidemment,
00:12:53la presse internationale
00:12:54est tenue par les juifs.
00:12:55Pour eux,
00:12:55c'est complètement logique.
00:12:57Et donc,
00:12:57leur idée machiavélique
00:12:58qui, aujourd'hui,
00:12:59apparaît comme totalement folle,
00:13:00c'est de dire
00:13:00puisque les journalistes
00:13:02internationaux sont
00:13:02pour la plupart juifs,
00:13:04nous allons menacer
00:13:05les juifs allemands
00:13:05et comme ça,
00:13:06nous allons faire taire
00:13:07la presse internationale.
00:13:10Le 1er avril 1933,
00:13:13Joseph Goebbels
00:13:14ouvre symboliquement
00:13:15la journée de boycott
00:13:16contre les magasins juifs
00:13:17d'Allemagne.
00:13:20Dans les rues
00:13:21des grandes villes,
00:13:22des dizaines de journalistes
00:13:23et envoyés spéciaux étrangers
00:13:25sont là,
00:13:26dont l'écrivain français
00:13:27Roger Vaillant,
00:13:28présent à Francfort
00:13:29pour Paris Soir.
00:13:32Voici comment cela se passa.
00:13:34Devant chaque porte
00:13:35de magasins juifs,
00:13:36c'est-à-dire devant
00:13:37deux portes sur trois,
00:13:38il y eut soudain
00:13:39un nazi en uniforme.
00:13:42Les uns très jeunes,
00:13:43presque des enfants,
00:13:44souriaient aux jeunes filles
00:13:45et rougissaient
00:13:46si elles les regardaient
00:13:47avec insistance.
00:13:48d'autres aux visages ridés,
00:13:51dignes comme des magistrats.
00:13:54Tous graves
00:13:54et un peu solennels.
00:13:57La scène à laquelle
00:13:59Vaillant assiste
00:13:59et qui m'a frappé,
00:14:01c'est que,
00:14:01bon,
00:14:02voilà,
00:14:02il y a une armoire à glace
00:14:03et ça qui se trouve
00:14:04devant la porte du magasin.
00:14:06arrive une jeune femme,
00:14:0818, 20 ans.
00:14:09Le SA lui dit
00:14:10n'entrez pas
00:14:11et Vaillant voit le SA
00:14:13rougir,
00:14:14manifestement intimidé
00:14:15par ce contact
00:14:17avec une jeune femme
00:14:18qui ne sait pas très bien
00:14:19comment appréhender.
00:14:22Des passants firent
00:14:23brusquement cercle.
00:14:25La jeune fille
00:14:25n'avança plus,
00:14:26ne rentrant pas non plus.
00:14:28Elle resta là,
00:14:29immobile.
00:14:31Alors le nazi lui dit
00:14:32vous êtes libre
00:14:33d'entrer tout de même
00:14:33si vous le voulez.
00:14:34Elle hésita encore un peu
00:14:36puis soudain
00:14:38entra résolument.
00:14:40Le nazi resta
00:14:41immobile et silencieux.
00:14:42Le cercle des passants
00:14:43se dissipa.
00:14:46Comme il est écrivain
00:14:47et il aime bien cette scène
00:14:48donc il en fait un peu
00:14:50le moment fort
00:14:51de son reportage
00:14:52et du coup,
00:14:52évidemment,
00:14:53ça atténue totalement
00:14:54pour les lecteurs
00:14:56la portée historique
00:14:57de ce boycott.
00:14:59Mais comment on peut
00:15:00lui reprocher ?
00:15:01Nous, on regarde ça
00:15:01aujourd'hui
00:15:02presque un siècle plus
00:15:04tard évidemment
00:15:04avec dans la tête
00:15:06et dans les yeux
00:15:07tout ce qui s'est passé
00:15:08depuis.
00:15:08Mais sur le moment
00:15:09il n'en perçoit pas
00:15:10la portée politique.
00:15:13J'ai eu l'impression
00:15:14d'une grande manifestation
00:15:16totale.
00:15:17La foule,
00:15:18les spectateurs
00:15:19étaient très paisibles.
00:15:21Les hitlériens
00:15:21jouaient leur rôle
00:15:22très sérieusement.
00:15:24La mise en scène
00:15:24avait été minutieusement
00:15:26réglée.
00:15:26de grandes autos
00:15:30pavoisés
00:15:30de drapeaux rouges
00:15:31à la croix gammée
00:15:32passaient lentement
00:15:33avec des pancartes
00:15:34sur lesquelles on lisait
00:15:35« n'achetez pas
00:15:36dans les magasins juifs ».
00:15:38À midi,
00:15:40dans les milieux officiels,
00:15:42on nous dit
00:15:42qu'aucun incident
00:15:43ne s'est encore produit
00:15:43dans la ville.
00:15:45Il ne s'agit d'ailleurs
00:15:46aujourd'hui
00:15:47que du prologue.
00:15:48Ce qui est clair,
00:15:52c'est que c'est la volonté
00:15:52du parti
00:15:53que ce soit calme
00:15:54et bien huilé
00:15:54parce que ce que détestent
00:15:55les nazis,
00:15:55ça peut paraître paradoxal,
00:15:56mais c'est les effusions
00:15:58de violences,
00:15:59le sang.
00:16:00Ils veulent montrer
00:16:01qu'ils sont capables
00:16:02de régler
00:16:03ce qu'eux-mêmes appellent
00:16:04la question juive
00:16:05d'une manière rationnelle,
00:16:07dépassionnée
00:16:08et organisée.
00:16:11Mais ensuite,
00:16:11il faut toujours se méfier.
00:16:12C'est des images de propagande
00:16:13et donc on sait que
00:16:14pour ce boycott
00:16:15comme pour d'autres événements,
00:16:16il y a évidemment
00:16:17des formes de violences
00:16:17mises en place
00:16:19par le parti,
00:16:19par en bas,
00:16:20les militants,
00:16:21mais aussi par la population.
00:16:22Le boycott
00:16:23des commerces juifs
00:16:25qui commencent
00:16:26dès 1933
00:16:27est une sorte de test
00:16:30pour la presse allemande
00:16:31qui s'exprime encore
00:16:33contre le régime
00:16:33et qui doit être
00:16:35mis au pas.
00:16:37Et bien sûr,
00:16:38aussi pour la presse étrangère
00:16:39qui produit
00:16:40des récits hostiles
00:16:41au régime.
00:16:42C'est-à-dire
00:16:43qu'il y a une sorte
00:16:44de guerre journalistique
00:16:45entre la presse américaine
00:16:47et la presse allemande.
00:16:47et le régime observe.
00:16:53Dans les jours
00:16:54qui suivent,
00:16:55plusieurs journaux
00:16:56internationaux
00:16:57racontent le hors-champ
00:16:58du boycott.
00:16:59C'est le cas
00:17:00du Manchester Guardian.
00:17:03Il n'est pas vrai
00:17:04que la terreur brune
00:17:05a cessé.
00:17:07Dans un village,
00:17:08une femme
00:17:08qui tenait une auberge
00:17:09fréquentée par des hommes
00:17:11du Reichsbanner
00:17:11a été traînée
00:17:12dans les rues
00:17:13après que ses cheveux
00:17:14ont été coupés.
00:17:17À Worms également,
00:17:19un certain nombre
00:17:20de Juifs
00:17:20ont été arrêtés,
00:17:22enfermés dans une porcherie
00:17:23et battus sur les fesses.
00:17:25Ensuite,
00:17:26on les a fait
00:17:27se frapper mutuellement.
00:17:28Le 7 avril,
00:17:33jour de la promulgation
00:17:34d'une loi
00:17:34qui exclut les Juifs
00:17:35de la fonction publique,
00:17:37Adolf Hitler
00:17:38s'adresse aux diplomates.
00:17:41En costume,
00:17:42le chancelier
00:17:42décrit la révolution nazie
00:17:43et tempère ses excès.
00:17:45Le 7 avril,
00:18:15le national-socialisme
00:18:17devient avec le temps
00:18:18un mouvement transnational
00:18:20et finalement mondial.
00:18:23Hitler a l'intention notoire
00:18:25de conquérir le monde
00:18:27sur le plan politique
00:18:28et militaire.
00:18:31Il cherche aussi
00:18:32à le conquérir
00:18:33sur le plan médiatique
00:18:34et donc relativement tôt
00:18:36à gagner des batailles
00:18:37sur ce front.
00:18:39Il veut remporter
00:18:40ses victoires
00:18:40avant que n'éclate
00:18:42la véritable guerre.
00:18:45Dans les rangs
00:18:46des partisans
00:18:47et des compagnons internationaux,
00:18:49quelques journalistes étrangers
00:18:50acceptent
00:18:50de se prêter
00:18:51au jeu de la propagande.
00:18:52Les nazis n'ont pas eu
00:19:16à faire beaucoup d'efforts
00:19:17au fond pour imposer
00:19:19leur vision du monde,
00:19:21en l'occurrence ici,
00:19:22leur vision de la biologie,
00:19:23du peuple,
00:19:24de la race.
00:19:25C'était leur très grande force
00:19:26que de faire fond
00:19:27sur des idées
00:19:28très banales,
00:19:30très courantes,
00:19:31non seulement en Allemagne
00:19:32mais dans tout l'Occident
00:19:33européen et nord-américain.
00:19:36Plusieurs patrons de presse
00:19:39américains notamment
00:19:41viennent visiter l'Allemagne
00:19:42au cours de l'année 1933
00:19:43et sont impressionnés.
00:19:47Sont impressionnés
00:19:48par une Allemagne
00:19:49qui se remet au travail,
00:19:50par une Allemagne
00:19:51où règne l'ordre.
00:19:53Ça leur plaît, ça,
00:19:54à des patrons capitalistes.
00:19:57On a un certain nombre
00:19:58d'exemples qui seront racontés
00:19:59ultérieurement
00:20:00dans les souvenirs
00:20:00de débats
00:20:02entre les journalistes
00:20:04sur place
00:20:04et leurs patrons.
00:20:05les journalistes disant
00:20:06attention,
00:20:08enfin, je veux dire,
00:20:09il y a quand même
00:20:09des problèmes
00:20:10avec l'opposition,
00:20:11avec les juifs
00:20:12et les patrons disant
00:20:13moi, ce que je vois,
00:20:13c'est un pays formidable
00:20:15où l'ordre règne.
00:20:18Parmi les expériences nazies
00:20:19qui soulèvent
00:20:20la curiosité
00:20:21de la presse internationale,
00:20:23il y a les camps
00:20:23de concentration.
00:20:26Ouvert depuis mars 1933,
00:20:28la dictature nazie
00:20:29y organise des visites
00:20:30pour certains
00:20:31journalistes étrangers.
00:20:32Aujourd'hui,
00:20:37cela semble étrange
00:20:37que le régime nazi
00:20:38n'ait pas fait
00:20:39des camps de concentration
00:20:40un sujet tabou.
00:20:44On voulait faire preuve
00:20:46d'une certaine transparence.
00:20:49C'était bien sûr
00:20:50des villages Potemkin.
00:20:51Quand les journalistes étrangers
00:20:53venaient visiter
00:20:54les camps de concentration,
00:20:56tout y était merveilleux
00:20:57et magnifiques.
00:21:01On vendait les camps
00:21:02aux journalistes étrangers
00:21:03comme des centres
00:21:04de redressement
00:21:04pour les égarés politiques.
00:21:10Ces ennemis du régime,
00:21:11les sociodémocrates,
00:21:12les communistes,
00:21:13les syndicalistes,
00:21:14les juifs, etc.,
00:21:15qui sèment le chaos
00:21:17en Allemagne,
00:21:17sont ramenés à la raison
00:21:19et à récipitance
00:21:21dans le cadre d'un lieu
00:21:23parfaitement géométrisé,
00:21:25ordonné,
00:21:26où on fait la gymnastique
00:21:27obligatoire le matin,
00:21:29où l'on est astreint
00:21:30à un travail,
00:21:31astreint à la discipline,
00:21:33à la propreté, etc.
00:21:34Donc, c'est un véritable lieu
00:21:36de promotion
00:21:37de la volonté
00:21:39et des réussites du régime.
00:21:40On a des photographies
00:21:43officielles
00:21:44qui sont véhiculées
00:21:45dans la presse
00:21:46où on voit justement
00:21:48l'appel, par exemple.
00:21:51On voit aussi
00:21:52l'espace
00:21:53où ils vivent.
00:21:56On laisse un tout petit peu
00:21:57entrevoir
00:21:58ce qu'est-ce qu'il y a
00:21:59un camp de concentration.
00:22:01C'est d'un côté
00:22:02une volonté aussi
00:22:03pour communiquer la terreur
00:22:05et s'aimer la terreur,
00:22:06mais d'autre côté aussi,
00:22:08c'était pas aussi réfléchi
00:22:09et on teste un peu
00:22:10ce que ça donne
00:22:11dans la société civile nazie.
00:22:15Une promotion éphémère
00:22:17qui ne dure que le temps
00:22:18des premiers mois.
00:22:19Pour entendre
00:22:20des voix discordantes
00:22:21sur les camps,
00:22:22c'est dans la presse militante
00:22:23qu'il faut se plonger.
00:22:25Dans la presse française
00:22:26engagée contre le régime hitlérien,
00:22:28il y avait le populaire,
00:22:30dirigé alors
00:22:30par le socialiste Léon Blum.
00:22:35En juin 1933,
00:22:37c'est lui qui envoie
00:22:38Daniel Guérin
00:22:38chercher
00:22:39les dernières voies
00:22:40de l'autre Allemagne.
00:22:45À quelques centaines
00:22:47de kilomètres d'ici,
00:22:49des hommes comme nous
00:22:49se meuvent dans un autre monde,
00:22:51un monde fermé,
00:22:53où rien de ce qui compose
00:22:54nos habitudes de pensée,
00:22:56de sentir,
00:22:57de combattre,
00:22:58n'est plus admis.
00:23:01Un socialiste
00:23:02voyageant aujourd'hui
00:23:02de l'autre côté du Rhin
00:23:03a comme l'impression
00:23:05d'explorer,
00:23:05après un tremblement de terre,
00:23:07une cité en ruine.
00:23:09La peste brune
00:23:10a passé par là.
00:23:11Ce qui est intéressant
00:23:15dans le cadre
00:23:15de Daniel Guérin,
00:23:17c'est qu'on a là
00:23:18quelqu'un qui vient
00:23:19en électron libre un peu.
00:23:21Il vient,
00:23:21il va rester plusieurs semaines,
00:23:23un mois,
00:23:23et puis après,
00:23:24il repart.
00:23:25Et donc,
00:23:25il a une liberté
00:23:27pour raconter
00:23:28ce qu'il a vu
00:23:29que n'ont pas
00:23:31les journalistes
00:23:33en poste
00:23:34à Berlin
00:23:35qui doivent gérer
00:23:36les rapports
00:23:37avec le pouvoir nazi
00:23:38jour après jour
00:23:40et qui sont toujours
00:23:41sous le coup
00:23:43d'une menace latente
00:23:44d'expulsion.
00:23:47Dans son périple,
00:23:49il fait d'abord face
00:23:50à la révolution nazie.
00:23:52Il s'infiltre dans ces lieux,
00:23:53interroge ses jeunes partisans,
00:23:55se plonge dans la littérature
00:23:56et les champs du régime.
00:23:57Au cinquième jour,
00:24:02le journaliste français
00:24:02croise un ami révolutionnaire,
00:24:04étudiant en droit,
00:24:05dont il fait le portrait.
00:24:09Je ne doute pas un instant
00:24:10qu'il soit resté fidèle
00:24:11à ses convictions.
00:24:13Pourtant,
00:24:14quel étrange décor !
00:24:16Sur la table,
00:24:16sur le lit,
00:24:17sur le plancher,
00:24:18des ouvrages fascistes.
00:24:21Ce que cela signifie ?
00:24:23Mon pauvre vieux !
00:24:25Mais tout simplement
00:24:25que je prépare
00:24:26des examens de droit
00:24:26parfaitement.
00:24:29Tu sais ou tu ne sais pas
00:24:30que pour être un juge allemand,
00:24:31il faut avoir compris
00:24:32l'essence intime
00:24:33du national-socialisme.
00:24:37Alors tu comprends,
00:24:38ces messieurs vont me faire subir
00:24:40un interrogatoire de 5 heures
00:24:41sur cette essence intime.
00:24:43Et je m'y prépare.
00:24:44La question qu'on doit se poser,
00:24:48c'est aussi
00:24:48qui est un nazi ?
00:24:50Est-ce qu'un nazi,
00:24:53c'est une personne
00:24:53qui est membre
00:24:55du parti nazi ?
00:24:57Ou être nazi,
00:24:58est-ce que ça signifie
00:24:59se comporter en nazi,
00:25:01faire du nazisme
00:25:02dans la vie quotidienne ?
00:25:04Si on choisit
00:25:07cette dernière définition,
00:25:09alors évidemment,
00:25:11on doit dire
00:25:11que la majorité
00:25:12de la société allemande
00:25:14était nazie
00:25:15parce qu'on commence
00:25:18à s'adapter.
00:25:20C'est justement
00:25:21là où on peut dire
00:25:23que les gens font le nazisme.
00:25:25Et peu importe
00:25:26s'ils sont convaincus
00:25:27ou pas,
00:25:28rien par le fait
00:25:29d'assister
00:25:30à un tel spectacle
00:25:31donnent de la légitimité
00:25:35à ce régime
00:25:37et contribuent
00:25:38à cette hégémonie
00:25:41qui devient
00:25:42la culture nazie.
00:25:47Après plusieurs semaines
00:25:49de divagations,
00:25:50à Hambourg,
00:25:51près des chantiers
00:25:52des grands ports
00:25:53et dans les vieilles rues
00:25:53des quartiers d'Altona,
00:25:55Daniel Guérin
00:25:56pense trouver enfin
00:25:57l'autre Allemagne.
00:26:00Soudain,
00:26:02sur le trottoir,
00:26:03de grandes lettres blanches
00:26:04fraîchement tracées,
00:26:06le communisme vit.
00:26:10Et si vous pénétrez
00:26:11dans les impasses
00:26:11nauséabondes,
00:26:13sous les voûtes obscures,
00:26:14vous pouvez lire
00:26:15sur tous les murs
00:26:16de semblables inscriptions.
00:26:17Abba Hitler,
00:26:19vive la révolution.
00:26:22Dès l'hiver 1933,
00:26:24la vie publique
00:26:25est impossible
00:26:26pour un opposant au régime.
00:26:29Et singulièrement,
00:26:30pour un syndicaliste
00:26:31et un militant de gauche.
00:26:33Vous avez des militants
00:26:33de base
00:26:34ou des sympathisants
00:26:34de base
00:26:35qui peuvent pratiquer
00:26:37non plus de la politique
00:26:39mais de l'infra-politique.
00:26:41Du graffiti,
00:26:43du papillon,
00:26:44distribué sous forme
00:26:45de papier,
00:26:46parfois même rédigé
00:26:47à la main,
00:26:48qui peut également
00:26:49rester bras croisés
00:26:52lors d'une cérémonie
00:26:53où tout le monde
00:26:54est censé tendre le bras
00:26:55dans le salut nazi.
00:26:56Donc vous avez
00:26:59tous ces éléments
00:27:02d'un registre
00:27:03infra-politique
00:27:04qui sont mobilisés
00:27:05par des gens
00:27:07qui,
00:27:08très courageusement,
00:27:10veulent montrer
00:27:10qu'il existe
00:27:11une autre Allemagne,
00:27:13qu'elle est
00:27:13dormante,
00:27:15peut-être,
00:27:16parce que,
00:27:16écrasée par une chape
00:27:18de plomb
00:27:18et par une botte,
00:27:19mais qu'elle demeure.
00:27:20Le 14 juillet 1933,
00:27:27le mouvement national
00:27:28socialiste devient
00:27:28le seul parti autorisé
00:27:30sur l'ensemble du Reich.
00:27:33Toute critique
00:27:34se limite désormais
00:27:35au secret des maisons
00:27:36et à l'intimité.
00:27:40Les journalistes étrangers
00:27:42les plus virulents,
00:27:43eux,
00:27:43sont expulsés.
00:27:45Après des semaines
00:27:46de pression
00:27:47et de menaces,
00:27:48Edgar Anselmoer
00:27:49quitte l'Allemagne
00:27:50en août 1933.
00:27:53L'expulsion de Morer
00:27:54va avoir
00:27:55un effet dissuasif
00:27:57très fort
00:27:57sur la communauté
00:27:59des correspondants
00:28:00occidentaux
00:28:02à Berlin
00:28:02en leur montrant
00:28:04bien que
00:28:04il y a certaines limites
00:28:07qu'il ne faut pas franchir.
00:28:09L'expulsion
00:28:10doit rester
00:28:10le dernier recours.
00:28:12On ne peut pas
00:28:12l'utiliser
00:28:13de manière inflationniste
00:28:14et se débarrasser
00:28:15constamment de tout le monde.
00:28:17On tolère donc
00:28:17de nombreux articles
00:28:18critiques et négatifs.
00:28:20Mais disons
00:28:23qu'il est toujours
00:28:24judicieux
00:28:24deux à trois fois par an
00:28:25d'expulser quelqu'un.
00:28:27Cela arrive toujours.
00:28:27d'expulser quelqu'un de l'expulser.
00:28:28Et c'est qu'il y a de l'expulser.
00:28:29Il y a de l'expulser.
00:28:30Il y a de l'expulser.
00:28:31Il y a de l'expulser.
00:28:32Il y a de l'expulser.
00:28:33Il y a de l'expulser.
00:28:34Il y a de l'expulser.
00:28:35Il y a de l'expulser.
00:28:36Il y a de l'expulser.
00:28:37Il y a de l'expulser.
00:28:38Il y a de l'expulser.
00:28:39Il y a de l'expulser.
00:28:40Il y a de l'expulser.
00:28:41Il y a de l'expulser.
00:28:42Il y a de l'expulser.
00:28:43Il y a de l'expulser.
00:28:44Il y a de l'expulser.
00:28:45Il y a aussi des gens,
00:28:46il y a de l'expulser.
00:28:47Et je suis certainement convainc
00:28:48d'une chose britannique
00:28:49qu'on avait� PS en prison
00:28:51S. terrifiant
00:28:52d'un pas de temps
00:28:53Périfiant de temps
00:28:54malgré tout dès pendant le temps
00:28:55à l'expulser.
00:28:57C'est l'expulser
00:29:00des conditions
00:29:01généralement
00:29:02que je pense
00:29:03que le monde
00:29:04connaît
00:29:05trop peu
00:29:08A l'automne 1933,
00:29:10Joseph Goebbels
00:29:11se rend à Genève
00:29:12au siège de la Société des Nations.
00:29:14Hitler est présenté et se présente lui-même à la presse internationale dans des grands
00:29:42entretiens très complaisants, qui font la une de journaux français, britanniques, américains.
00:29:48Il se présente comme la Friedenskanzler, le chancelier de la paix.
00:29:52Et l'argumentation est très convaincante.
00:29:54Je suis un ancien combattant, j'ai connu l'horreur des tranchées, plus jamais ça.
00:30:03Et c'est évidemment ce que l'on a envie d'entendre à l'étranger.
00:30:06Donc on achète ça, on le reçoit et on l'accepte.
00:30:10Parce que c'est doux aux oreilles d'opinions publiques qui, évidemment, sont horrifiées
00:30:15par une guerre qui a fait 20 millions de morts et qui est, au fond, l'avant-veille.
00:30:25Donc les nazis, c'est la paix, disent-ils.
00:30:29La guerre, c'est les juifs, c'est les communistes, c'est les sociodémocrates.
00:30:32Et ça, c'est parfaitement reçu à l'étranger.
00:30:36Hitler manie avec un cynisme absolu, un double standard, dans la parole, toujours apaisé,
00:30:45toujours dire que tout va bien aller, toujours appeler à la paix et faire exactement l'inverse dans les actions.
00:30:51En fait, Hitler sait qu'il va à la guerre.
00:30:53La remilitarisation de l'Allemagne, c'est très très tôt dans le Reich.
00:30:56Mais il ne veut pas que ça déclenche une conflagration internationale au mauvais moment.
00:31:03Fin octobre, l'Allemagne quitte la société des nations
00:31:06pour protester contre les contraintes du traité de Versailles qui pèse sur son armée,
00:31:11qu'elle reconstruit pourtant de façon clandestine.
00:31:13C'est un tabou, mais c'est aussi un secret de Polichinelle.
00:31:21Chacun essaie donc d'y faire face à sa manière.
00:31:24Mais parmi ceux qui souhaitent rester plus longtemps à Berlin,
00:31:27qui souhaitent être accrédités comme correspondants étrangers,
00:31:30qui apprécient ce travail et souhaitent passer les prochaines années auprès de ce régime,
00:31:34aucun n'écrit à ce sujet de manière très critique.
00:31:37C'est impossible à dissimuler.
00:31:42Quand vous produisez des armements pour passer d'une armée de 100 000 hommes
00:31:47à une armée de 3 millions, puis de 5 millions d'hommes,
00:31:50quand vous multipliez par 30 et 50 les effectifs,
00:31:53et donc les équipements afférents,
00:31:56c'est évident que ce n'est pas dissimulable.
00:32:00Les nazis essaient au maximum de masquer certaines opérations,
00:32:04mais ils n'y parviennent pas.
00:32:07Ensuite, c'est la question de la réception.
00:32:13Qui voit quoi et qui croit à ce qu'ils voient ?
00:32:16Et pourquoi ?
00:32:18À Londres, en mai 1934, un journal brise l'Omerta.
00:32:25Le Daily Express révèle l'existence d'un aérodrome caché
00:32:28et dévoile la nouvelle aviation nazie.
00:32:32Un article signé de Pembroke Stephens qui fait le tour du monde.
00:32:37C'est le plus vaste que j'ai jamais vu.
00:32:41Ses dimensions dépassent celles de Crandorn et du Bourget.
00:32:45Malgré cela, totalement entouré de bois,
00:32:47invisible de la route et du chemin de fer,
00:32:50il est extrêmement difficile à découvrir.
00:32:54Le Reich n'a pas pour le moment de flotte aérienne,
00:32:57ou plus exactement, cette flotte n'est pas perceptible.
00:33:01Elle se trouve répartie éparses
00:33:02et en pièces détachées dans diverses parties du territoire.
00:33:09Tous les travailleurs affectés à la fabrication des armements
00:33:12doivent s'engager par un serment écrit
00:33:14à garder un secret absolu.
00:33:18En vertu des nouveaux codes,
00:33:19toute révélation faite à un étranger est punie de mort.
00:33:22Ce qui est le plus intéressant à propos de l'affaire Pembroke Stephens,
00:33:30c'est que très peu se sont montrés solidaires avec lui.
00:33:34De très nombreux journalistes américains,
00:33:36britanniques, français, italiens
00:33:38ont déclaré qu'il était allé trop loin.
00:33:41Ce sont des révélations que n'importe quel pays
00:33:44considérerait comme de l'espionnage.
00:33:45« Vous ne pouvez pas voyager à travers un pays,
00:33:48photographier ses installations militaires
00:33:50et parler aux gens de ce qui y est produit,
00:33:52de ce qui y est fait.
00:33:53Aucun pays n'accepterait ça longtemps. »
00:33:58Mes amis se sont moqués de moi à l'époque.
00:34:00Mais les événements m'ont conforté dans l'idée
00:34:02qu'il est impossible de dire la vérité,
00:34:04la vraie vérité sur l'Allemagne,
00:34:06et de rester un correspondant accrédité à Berlin.
00:34:10À partir du moment de l'expulsion de Moreur,
00:34:12tous les correspondants occidentaux accrédités
00:34:16qui restent à Berlin acceptent de jouer le jeu.
00:34:20C'est-à-dire de ne pas être trop curieux
00:34:24sur les problèmes économiques,
00:34:27les conditions de vie des Allemands
00:34:28qui ne sont pas non plus mérifiques,
00:34:33et évidemment le totalitarisme croissant du régime
00:34:40à l'égard de ses oppositions
00:34:41et les persécutions croissantes à l'égard des Juifs.
00:34:48L'année 1934 est marquée
00:34:50par de nouveaux coups de force d'Hitler.
00:34:53Dans la nuit du 29 au 30 juin,
00:34:56le chancelier donne l'ordre d'assassiner
00:34:57une centaine de figures nazies opposées à lui,
00:35:00dont le chef SA, Ernst Röhm.
00:35:02Quelques semaines plus tard,
00:35:07le président Hindenburg décède.
00:35:10Hitler s'octroie alors le titre de Führer.
00:35:13L'influence du pouvoir nazi se déploie désormais
00:35:16dans l'ensemble des terres de l'Ancien Empire,
00:35:19notamment en Sars.
00:35:24Cette terre fut de façon alternative française et allemande.
00:35:27Après la Première Guerre mondiale,
00:35:29et conformément au traité de Versailles,
00:35:31c'est la Société des Nations qui l'administre.
00:35:36En janvier 1935,
00:35:38un référendum doit trancher de son futur.
00:35:41Le statu quo,
00:35:42le rattachement à la France
00:35:43ou à l'Allemagne.
00:35:46Parmi les journalistes étrangers
00:35:48présents pour couvrir le vote,
00:35:50l'une des plus célabores de France,
00:35:52André Violis.
00:35:54André Violis dit que l'atmosphère
00:35:56est irrespirable en Sars
00:35:57et elle recueille beaucoup de témoignages
00:36:00sur les violences physiques
00:36:02que subissent les partisans du statu quo
00:36:05et les opposants au régime hitlérien
00:36:10et les opposants au rattachement à l'Allemagne.
00:36:13Elle est invitée chez eux,
00:36:15elle voit bien qu'ils sursautent
00:36:17quand on frappe à leur porte,
00:36:21ils sont obligés de mettre à l'abri leur famille.
00:36:236 janvier 1935,
00:36:28la foule coule par flots serrés et ordonnés,
00:36:31à la fois de la rue qui descend de la gare
00:36:33et de celle qui vient des faubourgs.
00:36:35Sombre masse, morne et disciplinée,
00:36:38hommes et femmes,
00:36:39bras dessus, bras dessous.
00:36:42Voici le défilé des drapeaux,
00:36:44400 magnifiques drapeaux
00:36:46des sections du Deutsche Front.
00:36:48Des cris, des chants confus s'élèvent.
00:36:51Le spectacle est assez émouvant.
00:36:54L'après-midi,
00:36:55ce furent en nombre à peu près égal
00:36:57les partisans du statu quo.
00:37:00Max Braun, le leader socialiste,
00:37:02dénonce les crimes d'Hitler,
00:37:04parmi lesquels sa politique de haine
00:37:05envers la France.
00:37:06« Chaque voix contre Hitler »,
00:37:10conclut Max Braun,
00:37:11« est une voix pour l'autre Allemagne,
00:37:13celle que nous aimons,
00:37:14notre patrie,
00:37:15celle de la liberté. »
00:37:18André Violis est très inquiète
00:37:19quand même sur l'organisation du clébiscite,
00:37:23puisqu'elle pense que la sincérité du vote
00:37:27sera difficilement obtenue.
00:37:31Elle voit bien,
00:37:34elle recueille de nombreux témoignages
00:37:36sur les manipulations
00:37:38auxquelles s'adonnent
00:37:39les partisans du rattachement à l'Allemagne,
00:37:42en allant chercher des voix
00:37:44auprès des aliénés,
00:37:47de gens qui n'habitent plus en Sars.
00:37:49Le 13 janvier 1935,
00:37:56au soir des résultats du référendum,
00:37:58près de 90% des votants,
00:38:00soit plus de 477 000 Sarrois,
00:38:02ont appelé à la réunification
00:38:04avec l'Allemagne,
00:38:05qui pour la première fois,
00:38:07s'agrandit.
00:38:07La question de la Sars
00:38:17est une question parfaitement anodine
00:38:20de leur point de vue.
00:38:22Il s'agit de rendre à l'Allemagne
00:38:24un territoire allemand,
00:38:26sur le fondement même
00:38:27des principes édictés par les vainqueurs en 1918.
00:38:30Le droit des peuples a disposé de même.
00:38:33Et c'est d'ailleurs comme ça
00:38:33que ça va être perçu à l'étranger.
00:38:37Pourquoi est-ce qu'on va s'en émouvoir ?
00:38:38Pourquoi est-ce qu'on s'en émeuverait, en fond ?
00:38:42L'Allemagne envahit l'Allemagne,
00:38:44la belle affaire.
00:38:47Pour son dernier article,
00:38:48André Violis se rend à la frontière,
00:38:50où elle assiste au départ de nombreuses familles.
00:38:55À peine quelques heures se sont-elles écoulées
00:38:57depuis le plébiscite,
00:38:58et c'est déjà le début des violences.
00:39:01Quant aux barrages de police,
00:39:02ils viennent d'être rétablis
00:39:03sur tous les points de la frontière.
00:39:06160 malheureux s'y sont présentés
00:39:08au cours de la nuit.
00:39:10Un certain nombre,
00:39:11faute des visas exigés par les nouveaux règlements,
00:39:14durent être refoulés.
00:39:16Un homme qui s'était déjà enfui d'Allemagne
00:39:18parce qu'on le menaçait de stérilisation,
00:39:21arrivait devant nous.
00:39:22Il lui fallut rebrousser chemin.
00:39:25Je le vis,
00:39:26avec sa femme et un enfant,
00:39:27s'en aller,
00:39:28dos courbés,
00:39:29tête basse,
00:39:30traînant ses bagages,
00:39:31dans un sentier couvert de neige.
00:39:34Quand on relie à la lumière,
00:39:36évidemment,
00:39:37de ce qu'on sait,
00:39:38de ce qui s'est passé par la suite,
00:39:40voilà,
00:39:41tout était là, en fait, déjà.
00:39:44Et y compris la barbarie,
00:39:47enfin la torture,
00:39:49contre les opposants politiques.
00:39:51Alors que le pouvoir nazi célèbre le retour de la Sare,
00:39:56une nouvelle vague de persécutions antisémites
00:39:58s'abat sur l'ensemble du Reich.
00:40:01Les Allemands en couple avec des Juifs sont pris pour cible.
00:40:03Toute personne qui a des relations sexuelles avec une personne juive est targuée si elle est dénonciée.
00:40:17Et donc, on met en place des rituels d'humiliation publique,
00:40:23qui sont vraiment des pylories modernes.
00:40:25On a énormément de personnes qui assistent, des enfants qui regardent, des femmes qui applaudissent, qui rigolent.
00:40:33Et évidemment, ça a un impact énorme sur la société.
00:40:39Si certaines de ces photos sont publiées dans la presse allemande nazie,
00:40:45aucune n'apparaît dans la presse étrangère généraliste.
00:40:48La persécution antisémite de l'été 1935 se limite à quelques articles,
00:40:53en pages intérieures, sans photos.
00:40:57Au début, il y a forcément une espèce de pic, à la fois d'horreur, d'agnation, de curiosité également,
00:41:03qui par la suite tend un peu à s'estomper.
00:41:06Elle s'estomper sous le coup, non pas d'une lassitude, mais d'une forme de normalisation,
00:41:14qui ont fini par intégrer le fait qu'on a un régime à côté qui persécute,
00:41:18mais finalement, c'est une menace, etc.
00:41:21Mais il faut que la vie continue.
00:41:23Ces violences publiques-là préexistent à la norme qui va intervenir plus tard,
00:41:30puisque ce sont les lois de Nuremberg qui, de manière explicite,
00:41:33en septembre 1935, interdisent tout mariage interracial,
00:41:37mais en amont de cela, toute relation sexuelle interraciale,
00:41:41pour éviter toute mixtion des fluides et toute mixtion des sangs.
00:41:45Il faut dire que ces lois sont votées à la Sauvette, à Nuremberg,
00:42:00où le Parlement, ou ce qu'il en reste, a été rassemblé, dans la nuit.
00:42:06Et le lendemain et le jour suivant, je veux dire,
00:42:08les lois de Nuremberg, c'est deux petits paragraphes dans les articles de la presse internationale.
00:42:14Ce n'est pas un événement politique ou militaire comme les autres.
00:42:20On ne peut pas l'illustrer avec des photos ou avec des images.
00:42:23Elles n'existent pas.
00:42:25C'est une mesure administrative et législative.
00:42:29Aujourd'hui, on le considère comme un événement majeur,
00:42:32un événement clé dans la persécution et la privation des droits
00:42:35de nombreuses personnes en Allemagne, en particulier des Juifs.
00:42:40Mais à l'époque, tout comme le boycott des Juifs en 1933,
00:42:44si on en fait mention, il n'est alors pas du tout perçu
00:42:47comme quelque chose de si crucial.
00:42:55De ce congrès de Nuremberg de 1935,
00:42:58les envoyés spéciaux présents ne retiennent qu'une image,
00:43:01celle de l'armée.
00:43:05Les exercices en eux-mêmes, comme tous ceux dans ce genre,
00:43:08présentés dans le cadre artificiel d'un terrain de manœuvre,
00:43:11n'avaient pas d'autre intérêt que celui d'un spectacle.
00:43:15Ce qui retient l'attention devant le matériel terrestre
00:43:18de la nouvelle armée allemande,
00:43:20c'est l'unité des modèles employés,
00:43:22leur robustesse et l'emploi général de moteurs extrêmement puissants
00:43:26pour tous les véhicules,
00:43:28y compris les motocyclettes et les sidecars.
00:43:29Tout cela va vite et s'arrache bien du terrain.
00:43:36Hitler souhaite toujours jouer, encore une fois,
00:43:39d'une politique insaisissable.
00:43:41Montrer la Wehrmacht, c'est en même temps,
00:43:44c'est un jeu, c'est un jeu dangereux,
00:43:47c'est-à-dire c'est une manière de bomber le torse,
00:43:50de montrer le réarmement,
00:43:52de, encore une fois, mettre un coup de canif
00:43:54dans chacune, une par une,
00:43:56chacune des conditions du traité de Versailles,
00:43:57et il y en avait de nombreux, d'articles.
00:43:59Et en même temps, c'est aussi un discours
00:44:01vers la population allemande.
00:44:03C'est une manière de dire,
00:44:04regardez, nous restaurons la tradition de l'armée allemande
00:44:07qui était quand même chérie
00:44:08par un certain nombre d'acteurs du corps national,
00:44:11pour le dire vite.
00:44:13Mais ce qui frappe plus que tous les progrès,
00:44:15si grand soit-il,
00:44:16que l'armée allemande a fait depuis un an,
00:44:19c'est la solidarité de la foule allemande avec elle.
00:44:21Les acclamations soulevaient littéralement les hommes en marche,
00:44:26et à chaque pas, dans la foule,
00:44:28ce n'était qu'une longue succession de saluts
00:44:30adressés aux officiers,
00:44:32avec une ferveur,
00:44:33un respect qui ne trompe pas sur l'esprit d'un peuple.
00:44:38Le régime nazi se fonde sur plusieurs relais
00:44:40pour susciter l'adhésion ou l'obéissance de sa population.
00:44:44Et ce qu'on perçoit un peu aujourd'hui,
00:44:46mais dont on ne prend pas assez l'ampleur,
00:44:48c'est que le nazisme est une dictature de l'acclamation nationale.
00:44:55C'est-à-dire que participer dans son corps,
00:44:58dans sa chair, à des événements publics,
00:45:00ça sculpte une opinion de manière extrêmement puissante,
00:45:03d'autant qu'ensuite on en tire des jolies images,
00:45:06les films de Leni Riefenstahl,
00:45:07Triomphe de la volonté,
00:45:09Fête des peuples,
00:45:10on voit ces grandes foules
00:45:11dans des stades, dans les rues,
00:45:14pavoisées, avec la croix gammée comme symbole,
00:45:16comme logo du régime.
00:45:18Et tous ces gens-là qui font le salut nazi.
00:45:20C'est extrêmement puissant,
00:45:22parce que ça montre l'adhésion.
00:45:29Janvier 1936.
00:45:32La journaliste française Suzanne Bertillon
00:45:34est venue fêter la nouvelle année à Berlin.
00:45:38Envoyée spéciale du journal national et anti-bolchévique Le Jour,
00:45:43elle n'était pas revenue ici depuis le temps de la République.
00:45:45Parmi les changements qu'elle note,
00:45:49Winterhilfe,
00:45:51les secours d'hiver.
00:45:54Partout, sur les murs,
00:45:55dans les magasins,
00:45:56dans les restaurants,
00:45:57dans les journaux,
00:45:59ce mot frappe le regard et se grave dans l'esprit.
00:46:01Des tirelires,
00:46:03des affiches,
00:46:03des quêtes.
00:46:05Tout pour la Winterhilfe.
00:46:07On ne parle,
00:46:08on ne se préoccupe que de la réussite de la Winterhilfe.
00:46:12C'est une œuvre magnifique,
00:46:14me dit l'un des directeurs.
00:46:15Une œuvre grandiose.
00:46:17Un des plus grands bienfaits du national-socialisme.
00:46:20Nous secourons toutes les infortunes,
00:46:25ou du moins les plus intéressantes.
00:46:27Les familles nombreuses,
00:46:29les jeunes ménages qui n'ont pas d'argent pour s'établir,
00:46:31les chômeurs méritants.
00:46:32Le secours d'hiver est vraiment un peu le symbole
00:46:40de cette société de bienfaisance et de bien-être.
00:46:44Cette solidarité aussi qu'on célèbre publiquement
00:46:48et qu'on met en scène sans arrêt
00:46:50pour dire, voilà, nous, nous nous occupons
00:46:54de nos propres citoyens.
00:46:56Ceux et celles qui font partie
00:46:57de cette communauté peuple-race,
00:47:00ceux qui sont dans les normes.
00:47:05Nous avons besoin de fonds énormes
00:47:07pour arriver à les secourir tous.
00:47:09Et nous ne pouvons et ne voulons compter
00:47:11que sur des dons bénévoles.
00:47:14Nous souhaitons que des liens d'affection
00:47:15et de sollicitude mutuelle unissent
00:47:17toute la grande nation allemande,
00:47:19du plus humble au plus puissant,
00:47:22sans distinction de classe.
00:47:23C'est une société qui se pense
00:47:31comme une entité homogène,
00:47:33évidemment, en excluant énormément de personnes,
00:47:36soit du point de vue racial,
00:47:38soit du point de vue social,
00:47:39soit du point de vue aussi eugéniste.
00:47:43Mais la société majoritaire
00:47:45est une vie assez paisible.
00:47:48C'est des personnes qui veulent réussir,
00:47:53c'est des personnes qui veulent avoir
00:47:55une bonne vie
00:47:56et qui s'engagent dans un projet politique
00:47:59qui peut-être, au départ,
00:48:01n'était pas le leur.
00:48:05En cette année 1936,
00:48:07ce sont les Jeux olympiques
00:48:09qui sont dans toutes les conversations.
00:48:11Depuis des mois,
00:48:13les correspondants étrangers racontent
00:48:14la transformation de l'Allemagne
00:48:16et de sa capitale.
00:48:18Sous leurs plumes,
00:48:20et devant les objectifs du régime,
00:48:22la révolution nazie
00:48:23semble s'achever
00:48:24pour faire naître un nouveau monde.
00:48:27La question des Jeux olympiques de Berlin
00:48:29est évidemment une question
00:48:31qui est centrale pour le régime nazi,
00:48:34qui veut, d'une certaine manière,
00:48:35normaliser son image,
00:48:36tout en montrant sa puissance.
00:48:39Et évidemment,
00:48:41pour les anti-nazis,
00:48:43c'est un moment aussi
00:48:44de mobilisation très important.
00:48:46Donc il y a
00:48:47un grand mouvement de boycott
00:48:50qui est organisé
00:48:51à travers le monde.
00:48:54Il y a une mobilisation,
00:48:55mais elle ne prend pas
00:48:56dans la presse générale,
00:48:58et encore moins dans la presse sportive.
00:49:00Je dirais la logique
00:49:01à la fois politique
00:49:02et puis l'événement sportif,
00:49:05plus les intérêts
00:49:05commerciaux ou autres,
00:49:08prennent le dessus.
00:49:10Et finalement,
00:49:11c'est un échec.
00:49:14Le 6 février 1936,
00:49:17les Jeux olympiques d'hiver
00:49:18s'ouvrent à Garmisch-Partenkirchen.
00:49:21Je vous explique
00:49:22les 4es olympiques
00:49:26de 1936
00:49:29à Garmisch-Partenkirchen
00:49:31pour l'Eppnet.
00:49:32A l'entrée des villes,
00:49:36les pancartes antisémites
00:49:37ont été remplacées
00:49:38par les anneaux olympiques.
00:49:40Les journalistes
00:49:41en prennent note,
00:49:42rien de plus.
00:49:43Les regards sont ailleurs,
00:49:45vers les pistes
00:49:46et les sportifs.
00:49:47Hitler et le régime
00:49:52ont vraiment,
00:49:53si j'ose dire,
00:49:54mis les petits plats
00:49:54dans les grands
00:49:55pour présenter
00:49:55un visage
00:49:56tout à fait apaisé
00:49:57et harmonieux.
00:49:59Tous les journalistes
00:49:59qui viennent pour couvrir
00:50:00les Jeux olympiques
00:50:01vont avoir l'impression
00:50:02de vivre dans un pays
00:50:05parfaitement harmonieux
00:50:06et où toutes les traces visibles
00:50:08des discriminations
00:50:10ont été effacées.
00:50:13Ce qu'il y a
00:50:15de plus intéressant
00:50:16et de plus fascinant
00:50:17dans la presse de l'époque,
00:50:18c'est qu'en fait,
00:50:19on savait tout
00:50:20et qu'on pouvait tout savoir.
00:50:23Aussi,
00:50:24le vieux slogan
00:50:24« Bad news is good news »
00:50:26avait déjà cours
00:50:27chez les nazis.
00:50:28Ils ne voulaient précisément
00:50:30pas d'une dictature
00:50:31verrouillée et hermétique.
00:50:33Ils ont au contraire
00:50:34toujours voulu
00:50:35se faire remarquer
00:50:36et apparaître
00:50:37sur la scène
00:50:37et dans la presse internationale.
00:50:43Le 7 mars,
00:50:45Hitler acte
00:50:46la remilitarisation
00:50:47de la Rennanie
00:50:48sans que cela
00:50:49ne soulève
00:50:49une réaction internationale.
00:50:54Quelques semaines plus tard,
00:50:55comme si de rien n'était,
00:50:57les délégations de sportifs
00:50:58et des milliers d'étrangers
00:51:00débarquent à Berlin
00:51:01pour assister
00:51:01aux Jeux d'été.
00:51:04Parmi eux,
00:51:04le journaliste français
00:51:06Gaston Benac.
00:51:09« J'ai retrouvé Berlin en fête,
00:51:11tout enrubané d'oriflamme,
00:51:12de drapeau,
00:51:13de banderoles,
00:51:14accueillant,
00:51:15souriant,
00:51:16mais terriblement secoué
00:51:17par l'intense
00:51:18propagande olympique.
00:51:20À la fièvre brune
00:51:21a succédé la fièvre,
00:51:23j'allais écrire
00:51:23la folie olympique. »
00:51:28Les Jeux olympiques,
00:51:28c'est évidemment
00:51:29un outil de soft power
00:51:30auprès des puissances
00:51:32internationales
00:51:33pour dire
00:51:33« Regardez,
00:51:34tout ce que vous avez entendu
00:51:35sur les violences,
00:51:37la répression
00:51:37des mouvements de gauche,
00:51:38communiste et socialiste,
00:51:40les persécutions
00:51:40contre les Juifs,
00:51:41tout ça,
00:51:42ce ne sont que
00:51:42de la propagande.
00:51:43Nous sommes un pays
00:51:44qui fonctionne,
00:51:46un pays,
00:51:46l'Allemagne que vous avez
00:51:47toujours connu
00:51:48mais en plus jeune,
00:51:50en nouveau,
00:51:51et un certain nombre
00:51:52d'acteurs
00:51:53vont être charmés. »
00:51:57On voit moins ces jours-ci
00:51:58d'uniformes bruns.
00:52:00Et les hitlériens
00:52:01ne se hissent plus
00:52:01sur des camions
00:52:02pour hurler
00:52:03comme ils le faisaient
00:52:03leur reine du juif
00:52:04et du catholique
00:52:05à grand renfort
00:52:06de caricatures ridicules.
00:52:09C'est la trêve du muscle.
00:52:11Pour combien de temps ?
00:52:12Dans la manière dont les nazis
00:52:19se présentent,
00:52:21se projettent,
00:52:22se mettent en images,
00:52:23se mettent en récits
00:52:24et en mots,
00:52:25tout est faux.
00:52:26Tout est faux.
00:52:28C'est Jean Genet
00:52:29qui le dit très bien.
00:52:30Jean Genet fait un voyage
00:52:32en Allemagne
00:52:33à cette époque-là
00:52:35et il est très décompensé.
00:52:37Il est même un peu éperdu.
00:52:39Parce qu'il dit
00:52:40« Mais le voleur et le menteur,
00:52:41c'est moi d'habitude.
00:52:43Et là,
00:52:44je n'ai même plus
00:52:45ma singularité,
00:52:46ma spécificité.
00:52:47Ils sont tous menteurs.
00:52:49Ils sont tous voleurs.
00:52:50C'est une nation d'escrocs. »
00:52:55Cet été 1936,
00:52:57les touristes
00:52:57venus assister aux Olympiades
00:52:59découvrent une dictature
00:53:00sans heurts,
00:53:01sans violences.
00:53:02Dans les stades,
00:53:06les athlètes américains,
00:53:07anglais,
00:53:08français et allemands
00:53:09s'affrontent
00:53:10de façon pacifique.
00:53:12La foule applaudit
00:53:14et encourage
00:53:15leurs champions.
00:53:17Le fureur célèbre
00:53:18son triomphe
00:53:19et l'indifférence
00:53:20du monde
00:53:20face au démantèlement
00:53:21du traité de Versailles
00:53:22et de la République.
00:53:26Alors qu'au même moment,
00:53:28en Espagne,
00:53:29aux côtés des nationalistes
00:53:30du général Franco,
00:53:32des soldats de la Wehrmacht
00:53:33se battent
00:53:34et meurent au combat.
00:53:38Si Hitler promet
00:53:39aux puissances européennes
00:53:40la paix,
00:53:41sa marche vers la guerre
00:53:42a déjà commencé.
00:53:43Une fois nommé chancelier,
00:54:09le 30 janvier 1933,
00:54:11il aura donc fallu
00:54:11bien peu de temps
00:54:12à Adolf Hitler
00:54:13pour installer
00:54:14le régime nazi
00:54:15en Allemagne,
00:54:16un régime totalitaire
00:54:17où toute forme
00:54:18d'opposition politique
00:54:19est rapidement muselée
00:54:20et où les juifs
00:54:22deviennent ouvertement
00:54:23une cible prioritaire,
00:54:25le tout
00:54:25sous l'œil
00:54:26de représentants
00:54:26de la presse internationale
00:54:28présent sur place.
00:54:29Voilà ce que vient
00:54:30de nous raconter
00:54:31en images
00:54:31ce documentaire exclusif
00:54:33écrit et réalisé
00:54:34par Jean Bulot
00:54:35que nous retrouvons
00:54:36maintenant avec nous
00:54:37sur ce plateau
00:54:38de débat d'hoc
00:54:38en compagnie
00:54:39de nos autres invités.
00:54:41Jean Bulot,
00:54:41bienvenue.
00:54:42Bravo pour ce documentaire.
00:54:44On va y revenir,
00:54:44bien entendu.
00:54:45Vous êtes historien,
00:54:46auteur, réalisateur.
00:54:48Daniel Schederman
00:54:48est également avec nous.
00:54:49Bienvenue à vous,
00:54:50Daniel Schederman.
00:54:51Vous êtes journaliste
00:54:52et auteur,
00:54:53fondateur du site
00:54:54Arrêt sur image
00:54:55du nom de l'émission
00:54:56que vous avez animée
00:54:57pendant 12 ans.
00:54:58J'étais chez nos confrères
00:54:59de France 5.
00:55:01Nous venons de vous entendre
00:55:02témoigner avec d'autres,
00:55:03bien entendu,
00:55:03dans ce documentaire
00:55:05et pour cause
00:55:05puisqu'on vous doit
00:55:06Berlin 1933,
00:55:08la presse internationale
00:55:09face à Hitler,
00:55:10un ouvrage publié
00:55:11aux éditions du Seuil
00:55:13avec une réédition
00:55:14ensuite en poche
00:55:15et puis vous avez
00:55:16par ailleurs
00:55:16une actualité littéraire
00:55:17avec ce livre
00:55:18Le charlisme
00:55:20raconté à ceux
00:55:21qui ont jadis
00:55:21Aimé Charlie.
00:55:22C'est un ouvrage
00:55:23tout juste publié
00:55:24aux éditions du Seuil
00:55:26également.
00:55:27Et puis enfin avec nous
00:55:27Hélène Millard
00:55:28Delacroix.
00:55:29Bienvenue à vous,
00:55:30vous êtes historienne,
00:55:31professeure d'histoire
00:55:32et de civilisation
00:55:33de l'Allemagne contemporaine
00:55:35à Sorbonne Université.
00:55:37Vous êtes aussi
00:55:38secrétaire générale
00:55:39de l'Académie franco-allemande
00:55:41de Paris.
00:55:42Merci à vous aussi
00:55:43d'avoir accepté
00:55:44notre invitation.
00:55:45Jean Bulot,
00:55:45vous n'en étiez pas
00:55:46à votre coup d'essai
00:55:47avec ce film
00:55:48que nous venons de voir
00:55:48à l'instant
00:55:49parce qu'il y a eu
00:55:49un premier volet,
00:55:50cette fois sur la période
00:55:51de 1930-1933,
00:55:53il s'agissait donc
00:55:54de traiter l'accession
00:55:56au pouvoir des nazis.
00:55:57Cette fois,
00:55:57ils y sont,
00:55:58au début de ce film,
00:55:59ils y sont
00:56:00dès donc janvier 1933
00:56:03avec Adolf Hitler
00:56:04nommé à la chancellerie.
00:56:05Pourquoi avoir produit,
00:56:08réalisé, écrit
00:56:09ces deux films,
00:56:10celui que nous venons de voir
00:56:11et celui que je viens de citer
00:56:12juste avant ?
00:56:13C'est utiliser vraiment
00:56:14les articles de presse
00:56:15comme une source,
00:56:15une source pour l'historien
00:56:16pour raconter finalement
00:56:18la vie en Allemagne.
00:56:19C'est avant tout
00:56:20deux films,
00:56:22une collection
00:56:22sur les bouleversements
00:56:24en Allemagne.
00:56:25J'utilise les articles
00:56:26parce que ce sont
00:56:28ce que j'appelle moi
00:56:29des témoins de papier.
00:56:30Ils racontent au temps présent
00:56:31ce qu'ils ont vu.
00:56:32Ils racontent
00:56:33d'un point de vue social,
00:56:34pour ceux que j'ai utilisés,
00:56:36je n'ai pas un...
00:56:36j'ai un propos sur l'ensemble
00:56:38de la presse,
00:56:38mais moi je les utilise
00:56:39vraiment comme une source
00:56:41et ça m'a permis
00:56:43dans ces deux films
00:56:45d'éloigner le regard
00:56:46en fait de la tribune,
00:56:48des figures comme Hitler
00:56:49ou des différentes figures
00:56:51de la République de Weimar
00:56:53et ensuite de la dictature
00:56:54et plutôt se rapprocher
00:56:55de la société
00:56:56et voir comment
00:56:57la mise en place
00:56:59dans ce deuxième épisode
00:57:00de la dictature,
00:57:01de la mise au pas
00:57:02de la société allemande
00:57:03a été perçue à l'étranger
00:57:05par ces journalistes
00:57:07et la chance
00:57:08qu'on a aujourd'hui
00:57:09c'est que toute cette presse
00:57:10est accessible de chez soi
00:57:11autant la presse française
00:57:13que la presse internationale
00:57:15notamment anglo-saxonne
00:57:16et c'est vrai
00:57:17de se plonger
00:57:18dans ce quotidien
00:57:19dans les articles
00:57:20des correspondants
00:57:21et plutôt
00:57:21des envoyés spéciaux
00:57:23ça permettait d'avoir
00:57:24un regard différent
00:57:27et c'est aussi
00:57:28l'importance
00:57:29de cette collection
00:57:30c'est de faire un focus
00:57:31sur trois ans
00:57:32parce que l'événement
00:57:33est tellement important
00:57:34que de temps en temps
00:57:35les dates
00:57:35réduisent l'événement
00:57:38ou réduisent les espaces
00:57:39et là de rester sur trois ans
00:57:41du 30 janvier
00:57:42jusqu'aux Jeux Olympiques
00:57:44ça permettait
00:57:45d'avoir
00:57:46un regard différent.
00:57:48Hélène Meillère Delacroix
00:57:49vous êtes historienne
00:57:50vous travaillez beaucoup
00:57:51sur les archives
00:57:52j'imagine
00:57:53est-ce que vous travaillez aussi
00:57:54sur les coupures de presse
00:57:55en tant qu'historienne ?
00:57:56Est-ce que les historiens
00:57:57aujourd'hui
00:57:57travaillent sur cette période
00:57:59justement en regardant
00:58:00ce qu'on a dit
00:58:01la presse de l'époque ?
00:58:02Absolument
00:58:03la presse
00:58:04les médias
00:58:04qui façonnent
00:58:05l'opinion publique
00:58:06sont d'un acteur
00:58:08fondamental
00:58:09quelle que soit
00:58:10d'ailleurs l'époque
00:58:11que l'on prenne
00:58:12jusqu'au temps présent
00:58:13mais que vous soyez
00:58:13dans la guerre froide
00:58:14ou dans cette époque
00:58:15c'est une source
00:58:16absolument incontournable
00:58:17et c'est une source
00:58:18à prendre bien
00:58:19au sens historien
00:58:20une source
00:58:21c'est pas là
00:58:21où on va chercher
00:58:22ces informations
00:58:22c'est un objet
00:58:23que l'on observe
00:58:24en lui-même
00:58:25avec
00:58:26ces conditions
00:58:27de production
00:58:28qui sont les producteurs
00:58:30de ces discours
00:58:31à quelles contraintes
00:58:33quelles influences
00:58:33sont-ils soumis
00:58:36et ce qu'ils voient
00:58:38et je trouve que
00:58:39ce qui est tout à fait
00:58:40intéressant
00:58:40dans ce documentaire
00:58:41c'est non seulement
00:58:43ce que les nazis
00:58:44donnent à voir
00:58:45à leur propre population
00:58:46aussi
00:58:47c'est tout à fait
00:58:47bien montré
00:58:48comment la terreur
00:58:49n'est pas évidente
00:58:51y compris pour gagner
00:58:53une population
00:58:53qui est en partie
00:58:54pas tant
00:58:55complètement convaincue
00:58:56mais surtout
00:58:57entre ce qui est donné à voir
00:58:59et ce que
00:59:00les observateurs
00:59:00ici étrangers
00:59:01saisissent
00:59:03comprennent
00:59:04décodent
00:59:05et être capable
00:59:06de décoder
00:59:07ça veut dire aussi
00:59:08avoir les moyens
00:59:09d'identifier les signaux
00:59:11et pour avoir les signaux
00:59:12il faut avoir
00:59:13un peu plus de connaissances
00:59:14antérieures
00:59:15à ce qu'était
00:59:15le programme
00:59:16de ce régime
00:59:17et je trouve que
00:59:18de ce point de vue
00:59:19c'est tout à fait
00:59:19instructif
00:59:20quelle que soit
00:59:21la période
00:59:21sur laquelle on travaille
00:59:23alors Daniel Tchidermann
00:59:24j'ai évoqué
00:59:24cet ouvrage
00:59:25Berlin 1933
00:59:26qui évidemment
00:59:27lui se focalise
00:59:29sur ces fameux
00:59:29correspondants internationaux
00:59:31qui étaient présents
00:59:32pour la plupart
00:59:32d'entre eux à Berlin
00:59:33c'est ce qu'on découvre
00:59:33évidemment dans votre
00:59:34ouvrage
00:59:35alors ils n'ont pas
00:59:36tout à fait rien dit
00:59:37ces correspondants étrangers
00:59:38mais ils n'ont pas
00:59:39dit grand chose
00:59:40censure
00:59:41auto-censure
00:59:42pourquoi avoir
00:59:44raconté aussi peu de choses
00:59:45sur cette montée du nazisme
00:59:47qu'on a redécouvert
00:59:48dans ce documentaire
00:59:49censure
00:59:50pour auto-censure
00:59:50évidemment il y avait
00:59:51tout ça
00:59:51à l'époque
00:59:54et en Allemagne
00:59:56Hélène disait
00:59:57ceux qui voient
00:59:59mais le problème
01:00:01des envoyés spéciaux
01:00:03des correspondants
01:00:04occidentaux
01:00:05à Berlin
01:00:05dans ces années-là
01:00:07c'est pas seulement
01:00:07ce qu'ils voient
01:00:08c'est aussi
01:00:09d'arriver à croire
01:00:11ce qu'ils voient
01:00:11parce que très souvent
01:00:13ils sont dans une situation
01:00:14où effectivement
01:00:15ils voient des choses
01:00:16mais on est quand même
01:00:18à l'arrivée d'Hitler
01:00:20au pouvoir
01:00:20dans une situation
01:00:22de jamais vu
01:00:23c'est-à-dire
01:00:24qu'il va se passer
01:00:24en Allemagne
01:00:26dans toutes les années
01:00:27qui vont suivre
01:00:29quelque chose
01:00:29qui n'a jamais été vu
01:00:30et qui en même temps
01:00:32dont des éléments
01:00:34étaient déjà préexistants
01:00:36dans les années précédentes
01:00:3731, 32, etc.
01:00:39donc ils sont dans
01:00:40cette situation
01:00:41où ils doivent démêler
01:00:44le jamais vu
01:00:45du déjà vu
01:00:47il y a une historienne
01:00:48américaine
01:00:49qui a utilisé un mot
01:00:52qui je pense
01:00:53décrit bien
01:00:53la situation
01:00:54c'est unprecedented
01:00:55c'est-à-dire
01:00:56ils sont dans une situation
01:00:57de sans précédent
01:00:58donc la difficulté
01:01:00quand on est dans
01:01:00le sans précédent
01:01:02parce que
01:01:02comme n'importe qui
01:01:04un journaliste
01:01:04a toujours tendance
01:01:05à essayer de rattacher
01:01:06ce qu'il voit
01:01:07à ce qu'il a déjà vu
01:01:07à ce qu'il connaît
01:01:08à ses repères familiers
01:01:09etc.
01:01:10il y a des moments
01:01:10où c'est juste pas possible
01:01:11donc comment trouver
01:01:13les mots
01:01:13comment trouver
01:01:14l'équilibre
01:01:15entre surdire
01:01:17c'est-à-dire
01:01:18dramatiser
01:01:19ou soudir
01:01:21c'est-à-dire atténuer
01:01:22euphémiser
01:01:22etc.
01:01:23et par exemple
01:01:25c'est une situation
01:01:26dans laquelle
01:01:27on est encore aujourd'hui
01:01:27par rapport
01:01:28à ce qui se passe
01:01:29aux Etats-Unis
01:01:29comment trouver
01:01:31les mots
01:01:32par exemple
01:01:32sur le salut nazi
01:01:33de Musk
01:01:34est-ce qu'il faut dire
01:01:36salut nazi
01:01:36qu'est-ce qu'on a
01:01:37devant les yeux ?
01:01:39Est-ce qu'il faut dire
01:01:39geste interprétable
01:01:41comme un salut nazi
01:01:42geste dans lequel
01:01:43on voit un salut nazi
01:01:44je veux dire
01:01:45les...
01:01:46je pense que
01:01:47le...
01:01:48se replonger
01:01:49dans les...
01:01:51dans ces questions
01:01:51que se posent
01:01:52les journalistes
01:01:53de l'époque
01:01:53peut nous aider
01:01:54aujourd'hui
01:01:55nous les journalistes
01:01:57à essayer
01:01:58de trouver
01:01:58les mots
01:01:58les moins
01:01:59faux possibles
01:02:00on découvre aussi
01:02:01dans votre livre
01:02:02que la grande peur
01:02:03de l'époque
01:02:04ce n'est pas
01:02:05le nazisme
01:02:06c'est le bolchevisme
01:02:07et qu'un certain
01:02:09nombre de patrons
01:02:09de presse
01:02:10de ce point de vue-là
01:02:11ont limité
01:02:12la couverture
01:02:13de ce qui s'est passé
01:02:14à Berlin
01:02:15entre 1933
01:02:17et 1936
01:02:17pour en revenir
01:02:18à cette période
01:02:19que nous avons redécouvert
01:02:20ensemble
01:02:20oui bah oui
01:02:21c'est la peur des patrons
01:02:21non mais il y a
01:02:22plusieurs choses
01:02:22si vous voulez
01:02:23qui est du contexte
01:02:24de l'époque
01:02:25qui aide à comprendre
01:02:26et notamment ça
01:02:27c'est à dire
01:02:28qu'effectivement
01:02:29on est en 1933
01:02:30donc la révolution russe
01:02:31est toute proche
01:02:3217 c'était la semaine dernière
01:02:34quasiment pour eux
01:02:34à l'époque
01:02:35et effectivement
01:02:36les grands patrons
01:02:37de l'époque
01:02:37les grands patrons
01:02:38américains
01:02:39les patrons britanniques
01:02:40les patrons français
01:02:40sont exactement
01:02:42comme aujourd'hui
01:02:42des industriels
01:02:43des milliardaires
01:02:44donc des gens
01:02:45plutôt conservateurs
01:02:46et plutôt à droite
01:02:47on peut le dire
01:02:48et effectivement
01:02:48leur angoisse
01:02:49c'est le bolchevisme
01:02:50la propagation
01:02:51du bolchevisme
01:02:52en Europe
01:02:52et plusieurs
01:02:54enfin je pense
01:02:55qu'ils le pensent tous
01:02:56et plusieurs l'ont dit
01:02:57et l'ont écrit
01:02:57bon si c'est Hitler
01:02:59qui est un personnage
01:03:01certes un peu excentrique
01:03:03un peu bizarre
01:03:04peut nous aider
01:03:06et peut aider
01:03:07à contenir
01:03:08le bolchevisme
01:03:09va pour Hitler
01:03:10après tout
01:03:11Dachau
01:03:11le premier
01:03:12camp de concentration
01:03:13qui avait ouvert en Allemagne
01:03:14c'était le 20 mars
01:03:161933
01:03:17autrement dit
01:03:18nous sommes deux mois et demi
01:03:19après que
01:03:20Hitler a été nommé
01:03:21à la chancellerie
01:03:22où est-ce que nous sommes
01:03:23là Jean Bulot
01:03:24sur ces images
01:03:24à Orianenburg
01:03:26mais il faut savoir
01:03:28que ça c'est une visite
01:03:30mais il y a plusieurs
01:03:30dans l'année
01:03:31il y a aussi des camps
01:03:33de ce qu'on appelle
01:03:33des camps de concentration
01:03:34sauvages
01:03:35un peu partout en Allemagne
01:03:36et ce que montre
01:03:37cette séquence
01:03:38c'est que cette année
01:03:391933
01:03:40les nazis montrent tout
01:03:42ils montrent finalement
01:03:44leur évolution
01:03:45ce sont les termes
01:03:46utilisés par le chancelier
01:03:47à propos des camps
01:03:50de concentration
01:03:51mais aussi
01:03:51de la journée de boycott
01:03:52qui aura lieu
01:03:53le 1er avril 1933
01:03:54alors attendez
01:03:55les nazis montrent tout
01:03:56mais est-ce que
01:03:57les confrères
01:03:58les journalistes
01:03:58sur place
01:03:59sont autorisés
01:04:00à poser des questions
01:04:01à s'interroger
01:04:01sur ces personnes
01:04:03qui sont dans ces camps
01:04:04jusqu'où ouvre-t-il tout ?
01:04:07non
01:04:07mais il faut savoir
01:04:08que
01:04:08alors effectivement
01:04:09c'est une opération
01:04:11de communication
01:04:11donc les mots utilisés
01:04:13et après tout dépend
01:04:14des bons
01:04:14et des mauvais journalistes
01:04:15ceux qui vont
01:04:16à ces visites
01:04:17finalement
01:04:17officielles
01:04:19contrôlées
01:04:20ils racontent
01:04:21finalement
01:04:22ce qu'on leur fait entendre
01:04:23ils en déduisent
01:04:24que c'est un joyeux
01:04:25camp de travail ?
01:04:26quasiment
01:04:27quasiment
01:04:27quasiment
01:04:28non mais c'est très
01:04:28très encadré
01:04:29bon c'est très
01:04:31très encadré
01:04:31et le
01:04:32sur ces visites
01:04:34moi j'ai trouvé
01:04:35des documents incroyables
01:04:36que j'avais mis
01:04:37dans Berlin 33
01:04:37une des premières visites
01:04:39donc en 33
01:04:40dans un camp
01:04:41parmi les journalistes
01:04:43conviés
01:04:43il y a le correspondant
01:04:44de la société de presse
01:04:45AP
01:04:46qui est un personnage
01:04:47clé de cette époque
01:04:48parce que c'est le président
01:04:49de l'association
01:04:50de la presse étrangère
01:04:51et donc il va visiter
01:04:53le camp
01:04:54et notamment
01:04:54la cellule
01:04:56où est détenu
01:04:56un dirigeant communiste
01:04:58emprisonné
01:04:59et alors
01:05:00sa dépêche
01:05:01la dépêche
01:05:02qu'il envoie
01:05:03c'est une dépêche
01:05:04où on a l'impression
01:05:05que le gars
01:05:06il a sa bibliothèque
01:05:07dans sa cellule
01:05:09on lui demande
01:05:10s'il mange bien
01:05:10oui les menus sont bons
01:05:12etc
01:05:12et après-guerre
01:05:15quand ce correspondant
01:05:16de AP
01:05:17va raconter
01:05:18ses souvenirs
01:05:18Louis Lochner
01:05:20il s'appelle
01:05:20et qui va essayer
01:05:22de se justifier
01:05:23sur effectivement
01:05:24ses euphémismes
01:05:25du moment
01:05:26il va raconter
01:05:27la même visite
01:05:28mais alors
01:05:29cette fois
01:05:29en expliquant
01:05:30oui on était
01:05:31très encadré
01:05:31j'ai bien vu
01:05:32que effectivement
01:05:33l'expression
01:05:35des prisonniers
01:05:35était très contrainte
01:05:36etc
01:05:37on a deux textes
01:05:39racontant exactement
01:05:40le même événement
01:05:41et effectivement
01:05:41qui ne sont pas
01:05:43du tout les mêmes
01:05:431933
01:05:45le régime montre
01:05:47beaucoup de choses
01:05:48nous dites vous
01:05:49Jean Boulot
01:05:49c'est la réalité
01:05:51mais que montre-t-il
01:05:52et est-ce qu'effectivement
01:05:53cette année 1933
01:05:55comme vient de le dire
01:05:55Jean Boulot
01:05:56est une année
01:05:57où le régime
01:05:57décide de montrer
01:05:59une vitrine
01:06:00une vitrine
01:06:00à ses correspondants
01:06:01présents sur place
01:06:02une partie de ce qui est montré
01:06:05officiellement montré
01:06:06comme propagande
01:06:07fait partie aussi
01:06:08du message à envoyer
01:06:09je pense qu'il est important
01:06:10de souligner
01:06:11que le vocabulaire
01:06:12que nous avons aujourd'hui
01:06:13et le regard
01:06:13que nous avons aujourd'hui
01:06:14sur camp de concentration
01:06:15beaucoup de nos contemporains
01:06:17mélangent un camp de concentration
01:06:19et un camp d'extermination
01:06:20je pense qu'un camp de concentration
01:06:21c'était un endroit
01:06:21pour éliminer
01:06:22et gazer les juifs
01:06:23alors que
01:06:24et c'est tout à fait important
01:06:25de le souligner
01:06:25les premiers camps de concentration
01:06:27mars 1933
01:06:28Dachau
01:06:28dans la banlieue de Munich
01:06:31est un endroit
01:06:32il faut le dire
01:06:32pour enfermer
01:06:33les opposants politiques
01:06:35ils sont dans l'ensemble
01:06:36tous des communistes
01:06:37et des socialistes
01:06:38c'est pourquoi
01:06:39quand Madame Weidel
01:06:41dit aujourd'hui
01:06:42que Hitler était un communiste
01:06:43voilà
01:06:43rien que ses images
01:06:44le montrent très bien
01:06:45parenthèse fermée
01:06:46et c'est
01:06:47on appelle ça
01:06:48camp de concentration
01:06:48mais en fait
01:06:49c'est un camp de redressement
01:06:50et là aussi
01:06:51il y a un problème
01:06:53du vocabulaire
01:06:54il s'agit juste
01:06:54de concentrer
01:06:55dit-on
01:06:56et de rééduquer
01:06:57et de ramener
01:06:58un peu au travail
01:06:58des gens qui sont égarés
01:06:59contre lesquels
01:07:01nous devons nous défendre
01:07:02et c'est quelque chose
01:07:03qui je trouve
01:07:03traverse votre documentaire
01:07:05qui est absolument intéressant
01:07:06et qui a des échos
01:07:07après jusqu'au temps présent
01:07:09qui est l'argumentaire
01:07:10de dire
01:07:10nous voulons la paix
01:07:12et nous voulons nous défendre
01:07:13contre les ennemis
01:07:14qui veulent saper
01:07:15notre régime
01:07:16nos valeurs
01:07:17etc
01:07:17et donc vous pouvez
01:07:18très bien remplacer
01:07:19ces personnes
01:07:20qui sont enfermées
01:07:21considérées comme
01:07:22hostiles
01:07:24avec d'autres personnes
01:07:26qui aujourd'hui
01:07:26pourraient être
01:07:27identifiées
01:07:28comme menaçant
01:07:29la cohérence
01:07:30de la communauté
01:07:31dans laquelle nous sommes
01:07:32l'intensité aussi
01:07:34des événements
01:07:34dans les 100 premiers jours
01:07:35de prise de pouvoir
01:07:36il y a cet accès
01:07:37d'Hitler à la chancellerie
01:07:39la dissolution
01:07:40du parlement
01:07:41intervient
01:07:41quelques jours après
01:07:42c'est le 10 février
01:07:43incendie du Reichstag
01:07:45bien sûr
01:07:4527 et 28 février
01:07:47qu'on a revu
01:07:48dans ce documentaire
01:07:50élections législatives
01:07:52à nouveau
01:07:52le 5 mars
01:07:53ouverture de Dachau
01:07:55on l'a dit
01:07:55le 20 mars
01:07:56le 24 mars
01:07:57c'est la loi
01:07:58donnant plein pouvoir
01:07:58à Hitler
01:07:59et puis ensuite
01:08:00un premier décret
01:08:01le 7 avril
01:08:02qui exclut les juifs
01:08:03de la fonction publique
01:08:04en 100 jours
01:08:05les choses vont très vite
01:08:06il y a une intensité folle
01:08:08et ce pouvoir
01:08:09se met en place
01:08:10sous ce regard
01:08:13des confrères
01:08:15présents sur place
01:08:16ils vont au-delà
01:08:17des dates
01:08:18ils vont au-delà
01:08:19des décrets
01:08:19en fait
01:08:19les décrets
01:08:20ça dit une chose
01:08:21ça marque un temps
01:08:22mais quel est l'impact
01:08:24finalement de ces lois
01:08:26sur la société
01:08:27et effectivement
01:08:28dans les articles
01:08:29que je mets en avant
01:08:30qui sont à part
01:08:32finalement
01:08:32parce que la majorité
01:08:33de la presse internationale
01:08:35ne revient pas là-dessus
01:08:35mais ils donnent à voir
01:08:37leur impact
01:08:37au sein de la société
01:08:38allemande
01:08:39Daniel Guérin
01:08:40qui en plus
01:08:41écrit au Populaire
01:08:42qui est un journal
01:08:43marqué à gauche
01:08:44que vous citez
01:08:45d'ailleurs dans votre film
01:08:46mais il donne à voir
01:08:47notamment l'impact
01:08:48pour ceux qui passent
01:08:50les concours
01:08:50d'avocats
01:08:52il a cette rencontre
01:08:53avec un ancien camarade
01:08:55et qui explique
01:08:55qu'il est obligé
01:08:56de lire autour
01:08:57du nazisme
01:08:57de cette idée
01:08:58et ça me fait penser
01:08:59il y a un autre livre
01:09:00hyper important
01:09:01qui s'appelle
01:09:01l'histoire d'un allemand
01:09:02où on revient aussi
01:09:03sur cette étape là
01:09:04où dans la vie quotidienne
01:09:05finalement
01:09:06le régime
01:09:06avait un impact
01:09:08et ces journalistes
01:09:10donnent à voir cela
01:09:11donnent à voir cet impact
01:09:12et même si ça ne fait pas
01:09:15événement
01:09:15dans la presse internationale
01:09:16ça ne fait pas la une
01:09:17le camp de concentration
01:09:18ne font pas la une
01:09:19les personnes qui passent
01:09:21dans les camps de concentration
01:09:22ils passent
01:09:23ils n'y meurent pas
01:09:24c'est vraiment un passage
01:09:25de rééducation
01:09:26et certains ont parlé
01:09:27certains sont venus en France
01:09:30il y avait tout un
01:09:31je me rappelle d'un article
01:09:33où à l'arrivée
01:09:34à la guerre du Nord
01:09:34on va interviewer des gens
01:09:36et raconte finalement
01:09:37la terreur qui s'abat
01:09:38mais elle ne fait pas événement
01:09:40il y a quelque chose d'important
01:09:41dans ce que vient de dire
01:09:41Jean Bulot
01:09:42c'est quand vous citez
01:09:43Guérin
01:09:44du populaire
01:09:46moi ce qui m'a frappé
01:09:47quand on lit la presse
01:09:49de l'époque
01:09:49c'est le contraste
01:09:51entre la presse militante
01:09:52donc le populaire
01:09:53était un journal militant
01:09:54l'humanité
01:09:54était un journal militant
01:09:55et la presse
01:09:56prétendument
01:09:57apolitique
01:09:58et non militante
01:09:59dont Paris Soir
01:10:01qui est l'ancêtre
01:10:01de la presse populaire
01:10:02de l'époque
01:10:03et en fait
01:10:04les seuls
01:10:04qui font le boulot
01:10:06ou ceux qui font
01:10:06vraiment le boulot
01:10:07c'est la presse militante
01:10:08et ça c'est tout à fait frappant
01:10:11notamment une des choses
01:10:12que moi j'ai découverte
01:10:13c'est que
01:10:14les seuls
01:10:15qui parlent du nazisme
01:10:17et de Hitler
01:10:17comme on en parle
01:10:19aujourd'hui
01:10:19avec 80 ans
01:10:21de recul
01:10:22c'est à dire
01:10:22en écrivant les mots
01:10:23barbarie
01:10:24horreur etc
01:10:25c'est l'Huma
01:10:26donc c'est le journal communiste
01:10:28alors bon
01:10:29l'Huma
01:10:29il y en a un qui a fait le boulot
01:10:30comme vous dites
01:10:31pour reprendre votre expression
01:10:32et vous le dites d'ailleurs
01:10:32dans ce documentaire
01:10:33c'est Edgar Morer
01:10:34ce correspondant du Chicago
01:10:36Daily News
01:10:36il sera expulsé d'ailleurs
01:10:37très vite
01:10:38en 1933
01:10:39on l'a vu
01:10:39dans votre film
01:10:40lui il avait déjà
01:10:42écrit
01:10:43sur les exactions
01:10:44des SA
01:10:45ces paramilitaires nazis
01:10:46et vous dites
01:10:48dans votre livre
01:10:49c'est pour une raison simple
01:10:50c'est qu'il était lui
01:10:51inséré dans le tissu social allemand
01:10:53il n'était pas enfermé
01:10:54à Berlin
01:10:55avec ses confrères
01:10:56un espèce d'entre-soi
01:10:57que vous décrivez d'ailleurs
01:10:58très bien dans votre livre
01:10:59Berlin entre correspondants étrangers
01:11:02non
01:11:02ceux qui ont pu dire quelque chose
01:11:03qui ont osé
01:11:04dire quelque chose
01:11:05sont ceux qui étaient en contact
01:11:06avec ce tissu social allemand
01:11:08il était à Berlin
01:11:09mais effectivement
01:11:11il a des enfants
01:11:12donc ses enfants ont des médecins
01:11:13des dentistes
01:11:15il y a des commerçants
01:11:16il est inséré dans le tissu
01:11:18donc effectivement
01:11:19dès avant le 33
01:11:22c'est-à-dire dès avant
01:11:22l'arrivée d'Hitler au pouvoir
01:11:24oui il fait des papiers
01:11:26très très durs
01:11:27sur les exactions
01:11:28des SA et des nazis
01:11:29et donc comme vous le dites
01:11:31il va être expulsé très vite
01:11:33et son expulsion
01:11:34si j'ose dire
01:11:35va servir de leçon
01:11:36pour les autres
01:11:37c'est-à-dire les autres
01:11:38ceux qui restent
01:11:39vont tout de suite voir
01:11:40où sont les clôtures électrifiées
01:11:42si j'ose dire
01:11:44qui n'ont pas le droit
01:11:45d'approcher sous peine
01:11:47d'expulsion immédiate
01:11:48parce qu'ils ne veulent pas
01:11:49être expulsés
01:11:49ils ne veulent pas être expulsés
01:11:51parce qu'une grande part
01:11:54de leur plus-value professionnel
01:11:55c'est qu'ils parlent allemand
01:11:56ils sont germanistes
01:11:56donc s'ils sont expulsés
01:11:58où est-ce qu'ils vont aller bosser
01:12:00et d'autre part
01:12:01ils sont comme beaucoup de journalistes
01:12:03c'est-à-dire qu'ils sentent bien
01:12:03que c'est intéressant
01:12:04que c'est comme disent les journalistes
01:12:06un gros coup
01:12:06que c'est là que ça va se passer
01:12:08donc les nazis
01:12:09les tiennent comme ça
01:12:10par la menace de l'expulsion
01:12:11alors on s'interroge
01:12:12censure, auto-censure
01:12:14on parle beaucoup
01:12:14des correspondants étrangers
01:12:16présents sur place
01:12:16c'est le thème du film
01:12:17qu'en est-il des journalistes locaux
01:12:20ou des journalistes allemands
01:12:21là on peut réellement parler
01:12:22d'une censure
01:12:23de la part du régime
01:12:24vis-à-vis de ces journalistes allemands
01:12:26sur place
01:12:26très rapidement ou pas ?
01:12:28C'est évident qu'il y a
01:12:28une censure active
01:12:29mais il y a aussi
01:12:30cette forme d'auto-censure
01:12:32ce que Daniel Schneiderman
01:12:33décrit pour les correspondants étrangers
01:12:35vaut pour les journalistes
01:12:37qui ne veulent pas perdre leur emploi
01:12:38mais vaut aussi
01:12:39pour tout un ensemble
01:12:40de catégories sociales
01:12:42Jean Bulot évoque
01:12:43les juristes
01:12:44qui veulent être juristes
01:12:45et savent qu'ils doivent avaler
01:12:47ce gros morceau
01:12:48de l'idéologie nazie
01:12:49parce qu'ils vont être interrogés
01:12:51là-dessus
01:12:51les gens qui sont fonctionnaires
01:12:54qui ne veulent pas perdre leur emploi
01:12:55s'adaptent progressivement
01:12:57s'adaptent par le discours
01:12:58s'adaptent aussi par une gestuelle
01:13:01c'est ce que je trouve
01:13:02tout à fait intéressant
01:13:03aussi dans ces documents d'archives
01:13:04que vous montrez
01:13:05beaucoup font partie
01:13:06de la propagande
01:13:07mais il y a aussi
01:13:08si on a le regard
01:13:09qui ne suit pas
01:13:11ce que l'on veut nous montrer
01:13:12mais qu'on va regarder
01:13:12un petit peu autour
01:13:13le comportement des personnes
01:13:15des kidams
01:13:15qui sont tout autour
01:13:16comment la gestuelle
01:13:18s'adapte
01:13:19comment certains
01:13:20lèvent le bras
01:13:21d'autres lui baissent le bras
01:13:23et puis si quand même
01:13:24on le lève
01:13:24ces phénomènes
01:13:25d'adaptation progressive
01:13:27de l'individu
01:13:28qui sont
01:13:29j'allais dire
01:13:30une réaction trop humaine
01:13:31soit pour se protéger
01:13:33parce que tout le monde
01:13:34n'est pas un héros
01:13:35soit parce que
01:13:36on pourrait avoir
01:13:37une approche cognitive
01:13:38quand l'ensemble
01:13:39de votre environnement
01:13:40se comporte
01:13:41d'une certaine façon
01:13:41avec en plus
01:13:42cet enthousiasme
01:13:43qui est propagé
01:13:45la tentation est grande
01:13:47de faire pareil
01:13:48et on voit ainsi
01:13:49et c'est d'ailleurs dit
01:13:50très bien aussi
01:13:51dans le reportage
01:13:52que ce qui est anormal
01:13:55devient légitime
01:13:56c'est à dire
01:13:57que le hors norme
01:13:59l'extraordinaire
01:14:00devient le quotidien
01:14:01et devient ordinaire
01:14:03Jean Bulot
01:14:04il y a forcément
01:14:05des leçons à tirer
01:14:06d'une époque
01:14:06comme celle-ci
01:14:07la couverture médiatique
01:14:09d'une époque
01:14:09comme celle-ci
01:14:101933-191990
01:14:111936
01:14:12mais quelle leçon
01:14:14à tirer pour aujourd'hui
01:14:15quelle leçon
01:14:16peut-on encore tirer
01:14:17du travail
01:14:18que vous avez retiré
01:14:19de cette période
01:14:20si on la ramène
01:14:22aujourd'hui
01:14:22à notre époque
01:14:23contemporaine
01:14:23moi
01:14:24ça sera des leçons
01:14:25personnelles
01:14:26comme on vient
01:14:28de le dire
01:14:29c'est vraiment
01:14:30l'idée
01:14:30il y a un article
01:14:31qui m'a marqué
01:14:31sur ce deuxième volet
01:14:34de Soupo
01:14:34qui parle de l'indifférence
01:14:35l'indifférence des allemands
01:14:36face à la situation
01:14:37l'indifférence des allemands
01:14:39face à ce changement
01:14:40de régime
01:14:40mais finalement aussi
01:14:41l'indifférence
01:14:42de la presse internationale
01:14:44et des lecteurs internationaux
01:14:45face à ce qui se passait
01:14:47de l'autre côté
01:14:48du Rhin
01:14:48notre indifférence
01:14:50face aussi
01:14:51au choix
01:14:52des mots utilisés
01:14:53à quel moment
01:14:55on parle
01:14:56d'un changement
01:14:56de régime
01:14:56on parle là
01:14:58de la dictature
01:14:58nazi
01:14:59de la naissance
01:15:00du troisième Reich
01:15:00comme on le dit souvent
01:15:02mais sauf erreur
01:15:04la constitution
01:15:04de Weimar
01:15:05n'est pas abrogée
01:15:06le régime en tant que tel
01:15:08la constitution
01:15:09est toujours là
01:15:09elle devient caduque
01:15:11par principe
01:15:11mais ces petits décrets
01:15:13ces petites lois
01:15:14qui changent
01:15:15la vie de la société
01:15:15en fait
01:15:16on les a vues
01:15:18on les a racontées
01:15:19finalement
01:15:19mais
01:15:20on est indifférent
01:15:22du moins
01:15:22c'est le sentiment
01:15:23que j'ai eu
01:15:23à la lecture
01:15:25de ces articles
01:15:25et aussi de l'impact
01:15:26notamment en France
01:15:27la journée du boycott
01:15:28du 1er avril 1933
01:15:30ne soulève pas
01:15:30de manifestations
01:15:31en France
01:15:32il n'y a pas
01:15:33des grands meetings
01:15:34comme il peut avoir
01:15:34aux Etats-Unis
01:15:35sur cette période là
01:15:36et ça dit plein de choses
01:15:37aussi sur l'antisémitisme
01:15:39cette première journée
01:15:40du boycott
01:15:41des magasins juifs
01:15:43devait durer
01:15:44trois jours
01:15:44à l'origine
01:15:45et un certain nombre
01:15:46de correspondants
01:15:47j'ai aussi vu ça
01:15:47dans votre livre
01:15:48se sont surtout réjouis
01:15:50que les nazis
01:15:51les ramenaient
01:15:51à une seule journée
01:15:52ce qui tentait
01:15:53à prouver
01:15:54qu'ils étaient
01:15:54plutôt modérés
01:15:55c'est parce que ça
01:15:56n'a pas marché
01:15:56parce que la population
01:15:57n'a pas autant marché
01:15:58qu'on le voulait
01:15:59on s'attendait
01:16:01à une révolte
01:16:02violente
01:16:03de la population
01:16:04contre tous
01:16:05ses voisins juifs
01:16:05et on le voit bien
01:16:06c'est montré
01:16:06dans le film
01:16:07en fait on organise
01:16:09ce boycott
01:16:10enfin la prise
01:16:12de choix
01:16:13de celle dame
01:16:14vous pouvez quand même
01:16:15entrer si vous voulez
01:16:15et la dame
01:16:16entre dans le magasin
01:16:17quelle leçon tirez-vous
01:16:18du traitement
01:16:19de cette période
01:16:20pour les confrères
01:16:22et la manière
01:16:22de couvrir
01:16:23ce qu'est la montée
01:16:24du populisme
01:16:24des extrémismes
01:16:26et Trump
01:16:27enfin je veux dire
01:16:28c'est Trump
01:16:29qui vous vient tout de suite
01:16:30à l'esprit
01:16:30oui enfin non mais
01:16:31aujourd'hui
01:16:31l'AFD en Allemagne
01:16:34Trump aux Etats-Unis
01:16:35on est dans une espèce
01:16:37de unprecedented
01:16:38de 2025
01:16:39je veux dire
01:16:40on est exactement
01:16:41dans la même situation
01:16:43dans laquelle
01:16:44les mots nous manquent
01:16:46à nos journalistes
01:16:47pour décrire
01:16:48ce que nous voyons
01:16:50je parlais
01:16:52alors pourtant
01:16:52on l'a déjà vu
01:16:53parce que si je me réfère
01:16:54à ce que vous avez dit
01:16:55tout à l'heure
01:16:56il y avait
01:16:56c'était inédit
01:16:59ce que découvraient
01:16:59ces correspondants
01:17:00étrangers à l'époque
01:17:01là c'est pas vraiment inédit
01:17:02Trump
01:17:02c'est un deuxième passage
01:17:04à la Maison Blanche
01:17:05il y a un deuxième
01:17:06c'est Trump 2
01:17:07alors maintenant
01:17:07tout le monde nous dit
01:17:08que Trump 2
01:17:09ce sera pas Trump 1
01:17:11ce sera beaucoup plus dur
01:17:12etc
01:17:12je parlais au début
01:17:14du débat
01:17:14du choix entre
01:17:16surdire et sous-dire
01:17:17moi c'est quelque chose
01:17:18auquel j'ai toujours été
01:17:19extrêmement attentif
01:17:20à faire attention
01:17:22de ne pas surinterpréter
01:17:23d'être toujours
01:17:25très attentif
01:17:26à ce qui différencie
01:17:27ce que nous vivons
01:17:28aujourd'hui
01:17:28par exemple
01:17:29avec la montée
01:17:30de l'extrême droite
01:17:31dans plusieurs pays européens
01:17:33avec les montées
01:17:34du fascisme
01:17:35du nazisme
01:17:36notamment avec
01:17:37une différence
01:17:38quand même de taille
01:17:39entre les deux situations
01:17:40c'est que
01:17:41dans les années 20
01:17:42en Italie
01:17:43ou dans les années 30
01:17:44en Allemagne
01:17:45les fascistes
01:17:45et les nazis
01:17:46tiennent la rue
01:17:47ils tiennent la rue
01:17:48physiquement
01:17:49les SA tiennent la rue
01:17:50et c'est extrêmement violent
01:17:51on n'est pas dans cette situation
01:17:53aujourd'hui
01:17:53donc il faut faire
01:17:54extrêmement attention
01:17:55aux différences
01:17:56cela dit
01:17:57la leçon personnellement
01:17:59que je tire
01:18:00de mon enquête
01:18:01de mon voyage
01:18:02dans les années 30
01:18:02c'est que je crois
01:18:04que tout bien peser
01:18:05il vaut mieux
01:18:06surdire
01:18:07que sous-dire
01:18:08c'est-à-dire
01:18:09il vaut mieux
01:18:10surligner
01:18:11il vaut mieux
01:18:12être plus explicite
01:18:14quitte
01:18:15effectivement
01:18:16à ce que
01:18:17un Schneiderman
01:18:18dans 50 ans
01:18:19ou dans 80 ans
01:18:20puisse reprocher
01:18:21aux journalistes
01:18:22d'aujourd'hui
01:18:22plutôt que de cacher
01:18:24voilà
01:18:25au total
01:18:25c'est toujours
01:18:26si vous voulez
01:18:27une espèce de
01:18:27de balance
01:18:28de risque
01:18:29avantage
01:18:30je crois que
01:18:31le risque
01:18:33de la sous-estimation
01:18:35de ce que nous voyons
01:18:35est plus important
01:18:36que le risque
01:18:37d'y être
01:18:38trop attentif
01:18:40merci vraiment
01:18:41à tous les trois
01:18:41d'avoir participé
01:18:42à ce débat doc
01:18:43aujourd'hui
01:18:44encore merci
01:18:44pour ce documentaire
01:18:47vos réactions
01:18:47ça sera sur
01:18:48hashtag débat doc
01:18:48bien entendu
01:18:49merci aussi
01:18:50à Félicité Gavalda
01:18:51Victoria Bélé
01:18:53qui m'ont aidé
01:18:53comme à l'accoutumée
01:18:54à préparer cette émission
01:18:55je vous donne tout simplement
01:18:56rendez-vous pour un prochain
01:18:57débat doc
01:18:58ça sera bien sûr
01:18:59avec son documentaire
01:19:00et son débat
01:19:01à très bientôt
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