- il y a 2 semaines
160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France, selon la Ciivise, qui déplore le faible nombre de plaintes déposées par les victimes et de condamnations des agresseurs.Aujourd'hui, l'exposition croissante des plus jeunes sur les réseaux sociaux et le développement de l'intelligence artificielle, massivement utilisée par les pédocriminels, posent plus que jamais la question de la lutte contre la pédophilie, de la prévention et de la prise en charge des victimes.Où en est-on dans la lutte contre la pédocriminalité ?Pour en parler, Jean-Pierre Gratien reçoit Véronique Béchu, directrice de l'Observatoire contre le harcèlement et les violences numériques faites aux mineurs chez e-Enfance, Rodolphe Costantino, avocat pénaliste spécialiste des mineurs victimes et Florence Thibaut, professeure de psychiatrie à l'Université Paris Cité.LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
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NewsTranscription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous à l'affiche de ce débat doc aujourd'hui.
00:00:19Didier, moi et les autres, les enfants du silence.
00:00:23Son réalisateur, Nicolas Bourgoin, a été victime de violences sexuelles
00:00:27durant son enfance. Avec d'autres hommes, il décide enfin ici de parler.
00:00:32Je vous laisse découvrir ce film et je vous retrouverai juste après
00:00:35sur ce plateau en compagnie de mes invités pour nous interroger
00:00:39sur l'état de la lutte aujourd'hui dans notre pays
00:00:42contre la pédocriminalité. Bon doc.
00:00:45...
00:00:47...
00:00:51...
00:00:53J'avais neuf ans.
00:01:06Aujourd'hui, j'en ai cinquante-deux.
00:01:12Entre les deux, rien.
00:01:14Le silence.
00:01:15Le corps qui se ferme.
00:01:17La mémoire qui hurle sans faire de bruit.
00:01:19On m'appelait gueule d'amour, petit blond, yeux clairs.
00:01:26J'avais cette gueule-là, celle qu'on remarque.
00:01:29Celle qui a réveillé une pulsion chez un type de 40 balais.
00:01:32Un ami de mon père.
00:01:37Un soir, il est venu dans ma chambre d'enfant.
00:01:41Je dormais.
00:01:42Et plus rien n'a été pareil.
00:01:43...
00:01:44On ne raconte pas ça.
00:01:50Pas dans ma famille.
00:01:51Pas quand on est un garçon.
00:01:52Pas dans un monde qui ferme les yeux.
00:01:56Alors on se tait.
00:01:58Pendant des années,
00:01:59on devient expert en silence.
00:02:01En survie.
00:02:06Et puis un jour, ça sort.
00:02:09Parce qu'on étouffe.
00:02:10Parce qu'on croise d'autres types.
00:02:11d'autres mômes devenus hommes.
00:02:13Cabot, c'est pareil.
00:02:16Et on comprend qu'on n'est pas seul.
00:02:19Ce film, c'est pour eux.
00:02:22Pour nous.
00:02:23Pour ceux qui ont parlé.
00:02:24Et pour ceux qui n'y arrivent pas encore.
00:02:27Il est temps qu'on écoute.
00:02:28Il est temps qu'on écoute.
00:02:41Didier, c'est le premier mec que j'ai rencontré.
00:03:05Il m'a chopé d'entrée avec ses yeux, son silence, sa rage droite.
00:03:08Le type voulait retrouver celui qui lui avait bousillé la vie.
00:03:13Rien que ça.
00:03:14Il s'est mis en route.
00:03:16Moi, j'ai suivi.
00:03:17Sans lui, j'écrivais rien.
00:03:18Je ne filmais rien.
00:03:20Après, il y a eu Arnaud.
00:03:22Autre victime.
00:03:23Mais pas du genre à se planquer.
00:03:25Il a redressé la tête.
00:03:26Il a gueulé.
00:03:27Il a pris le combat à bras le corps.
00:03:30Aujourd'hui, on l'écoute.
00:03:31Même ceux qui faisaient semblant de rien.
00:03:33Et puis, Adrien.
00:03:36Lui, ce sont les mots.
00:03:38Une lumière bancale.
00:03:39J'ai aimé ses failles.
00:03:41Sa manière de tenir.
00:03:42De dire que oui, on survit.
00:03:43On vit.
00:03:44Même cabossé.
00:03:45Pleinement.
00:03:51Didier, c'est un grand type de 65 ans.
00:03:53Une gueule de père Noël.
00:03:55Le genre de mec qu'on imagine solide, rigolard.
00:03:57Il a été agressé à 11 ans.
00:04:00Et pour ne pas sombrer, ou peut-être justement parce qu'il était en train de sombrer,
00:04:04il s'est mis en tête de retrouver son agresseur.
00:04:06Puis de le filmer.
00:04:07Ouais.
00:04:08Le filmer.
00:04:09Va savoir ce qui se passe dans une tête fracassée.
00:04:12Moi, j'ai trouvé ça dingue.
00:04:14Brillant peut-être.
00:04:15Ou désespéré.
00:04:17Les deux.
00:04:19Ça m'est un endroit où je suis passé, repassé, retourné dans mon scooter
00:04:23pour arriver à au moins le voir.
00:04:28Ça m'est des années.
00:04:29Mais en fait, à mon avis, je l'ai topé.
00:04:34Tout le temps que je suis mis à Paris, parce que je suis dans le sud,
00:04:36je passais ici.
00:04:37Pour voir si tu le voyais.
00:04:38Ouais.
00:04:39C'est un peu obsessionnel.
00:04:40Mais quand je l'ai vu, là où on va y arriver,
00:04:45que j'ai pu faire une photo même de loin,
00:04:48j'ai su que c'était lui.
00:04:48Les images qu'il a filmées, les voilà.
00:04:53Brutes.
00:04:54Cinglantes.
00:04:55Glacées comme une lame.
00:04:57Chaque fois qu'il quittait son hameau dans les Cévennes,
00:05:00chaque fois qu'il remontait à Paris,
00:05:02il le traquait.
00:05:03Calme.
00:05:05Comme on ferait avec une bête.
00:05:07Son agresseur.
00:05:10Le type vivait encore.
00:05:11Marchait droit.
00:05:13Un balcon.
00:05:14Une rue.
00:05:15Une sortie de supermarché.
00:05:16Didier filmait.
00:05:18C'était son exutoire.
00:05:20Sa guerre à lui.
00:05:22Aucun mot.
00:05:23Juste ce regard à travers la caméra.
00:05:26Comme une promesse qu'il se faisait à lui-même.
00:05:29Je ne détournerai plus les yeux.
00:05:35Ce sont nos histoires qui nous ont foutu l'un devant l'autre.
00:05:38Adrien et moi.
00:05:39Deux ans déjà.
00:05:41Ça a collé tout de suite.
00:05:42Sans prévenir.
00:05:44Aller comprendre comment des trucs un peu cradent.
00:05:47Un peu trop lourds pour le commun des mortels.
00:05:49Peuvent vous rapprocher comme ça.
00:05:51Ça fait des nœuds solides.
00:05:53Peut-être même que ça s'appelle de l'amitié.
00:05:56J'avais 13 ans.
00:05:57C'est en Vendée.
00:06:00Et je suis vraiment un gamin.
00:06:01Dans tout ce que ça a d'excitant.
00:06:06Parce que c'est la découverte de plein de choses.
00:06:09Tu t'élabores.
00:06:11Tu te positionnes par rapport au groupe.
00:06:13Par rapport à la masculinité aussi.
00:06:15Ça commence tout de suite.
00:06:15C'est des ambiances de vestiaire.
00:06:18En plus on est dans des colonies de sport.
00:06:20Moi j'étais dans des colonies de sport.
00:06:24Cet été-là, 1994, on est dans des petites chambres.
00:06:29Et ce moniteur de colonie de vacances, il va s'en prendre à moi pendant 7 jours.
00:06:34Quelque chose comme ça.
00:06:35Tous les matins.
00:06:36Avant que la cloche du réveil sonne.
00:06:40À un moment il va s'arrêter.
00:06:41Mais il vient sonner à la maison un jour.
00:06:45On est 2-3 jours après.
00:06:46À la fin de la colonie.
00:06:48J'avais dû lui dire que j'étais seul à la maison quelques jours.
00:06:51Avec mon père qui travaillait en journée.
00:06:54Moi je m'en souviens très bien.
00:06:56Parce que c'est le Tour de France.
00:06:57Comme tous les étés.
00:06:59J'adore regarder le Tour de France.
00:07:01Et mon truc préféré.
00:07:03C'est de me préparer une glace à la vanille.
00:07:07Avec de la confiture d'abricot.
00:07:11Et le gars vient sonner.
00:07:16Et il veut rentrer.
00:07:18Et je lui dis.
00:07:21Il y a des ouvriers dans le salon qui font la peinture.
00:07:26Et il s'en va.
00:07:29J'ai refermé la porte.
00:07:31J'ai remonté le couloir.
00:07:34Et j'ai mangé ma glace à la vanille et à l'abricot.
00:07:38Et quand je repense à...
00:07:44Bref.
00:07:46Et ça s'est arrêté 19 ans.
00:07:49C'est...
00:07:50Il ne s'est plus rien passé après.
00:07:51Ici, l'Écosse, l'Écosse-Nart, ce n'est pas Pagnol.
00:08:06C'est plus rude, tu veux dire ?
00:08:07Il y a un côté direct et cache là-haut.
00:08:09Il y a un peu ce caractère, un peu grande de gueule.
00:08:13Mais ça donne un caractère un peu fort.
00:08:15Même si, soi-disant, on dit, les gens qui ont vécu d'agressions sexuelles, c'était les faibles.
00:08:23Et je ne me sens pas faible du tout.
00:08:28Mes origines sont fortes.
00:08:29Je suis issu d'une famille, comme disait ma mère, et soi-disant fière de paysans et d'ouvriers.
00:08:50Ma mère était femme de ménage, mon père était manutentionnaire.
00:08:52C'est des petits gens modestes, et ils essaient d'élever leurs enfants au mieux.
00:08:57Et moi, à 11 ans ou 12 ans, j'ai les pattes à roulettes, j'ai le vélo à 13 ans, et à 15 ans, j'ai la mobilette.
00:09:06On ne peut pas dire qu'on a été... Et pourtant, ils avaient des petits salaires.
00:09:09J'y vois plus clair, dans ce traumatisme, cette agression sexuelle, et j'en sais à peu près les conséquences.
00:09:31Quand ça se passe en 70, je ne sais pas ce qui se passe.
00:09:35Je ne le mémorise pas, je ne l'analyse pas.
00:09:37Le pédophile fait sa perversion, son sain de boulot.
00:09:42C'est quelque chose que je me suis rappelé en psychanalyse, au bout de deux séances, alors que je ne connaissais rien,
00:09:48en disant, après une histoire d'amour, je ne savais plus où j'étais, et au psychanalyse, je dis,
00:09:53cette histoire, ça me touche, ça me touche.
00:09:56Il a repris la phrase, comme ça, mécaniquement, ça vous touche.
00:09:59Et là, Nicolas, 33 ans, 32, 33, je suis à Paris, je suis déjà caméraman, bam, je vois le mec me toucher à la colonie.
00:10:12Voilà, donc là, je dis, voilà, et le nom ?
00:10:16Le nom te revient tout de suite ?
00:10:16Ah oui.
00:10:18C'est ça, les images, tu les as aujourd'hui ?
00:10:19Oui.
00:10:19Ces images-là ?
00:10:20Ah oui.
00:10:20Je suis dans le lit, moi.
00:10:23Lui, il lit Bob Moran.
00:10:25Il y a deux ou trois gamins autour, parce que les lits étaient rapprochés, donc ça, mais c'est clair, ça.
00:10:31Et donc, il lit Bob Moran.
00:10:33Et pendant ce temps, il me touche la zigounette, il la fait tournoier.
00:10:39Je ne sais pas comment il fait, mais les gamins qui sont là, on pourrait, s'ils étaient adultes et tout,
00:10:44ils auraient vu, ça devait bouger sous la...
00:10:47Voilà, et ça, je m'en souviens de ça, et ensuite, de suite, la 4L, il m'amène, je vois les images,
00:10:53j'avais été dans une petite maison, il m'amène en 4L, je suis devant, lui, il est là, il me conduit dans son studio d'étudiant.
00:10:58Donc, je monte dans la pièce, il me fait rentrer, il y a un lit à gauche.
00:11:06Il est assis sur le lit, je suis debout devant lui, entre ses jambes.
00:11:11Il me touche le zig, il le fait tournoier, j'ai le pantalon baissé, et il m'embrasse.
00:11:17Je vois la paume d'Adam, un nez long, des lunettes fines, et très fin, très fin, très fin, très sec, comme personne.
00:11:26Mais là, quand je te le dis, je ne peux pas te le... je pourrais le dessiner, presque.
00:11:30Il me dit, il faut que tu travailles bien à l'école.
00:11:33Ça, ça m'est venu en 92, 93, 94, au moment où j'ai fait deux séances de psychanalystes,
00:11:39qui a été révélateur, qui a provoqué tout ça.
00:11:41Quand un enfant est confronté à un traumatisme indicible,
00:11:48quand il est confronté à l'horreur absolue, ce que représentent les violences sexuelles, les viols,
00:11:53il y a une charge d'adrénaline et de cortisol qui est sécrétée par une partie du cerveau qui s'appelle l'amidale.
00:11:59Cette zone, elle se met en alerte.
00:12:01Le cerveau, il va devoir se déconnecter de tout ce qu'il ressent, d'atroces, d'innommables.
00:12:06Cette déconnexion, elle sert à supporter la situation, pour ne pas en mourir, parce qu'on peut mourir de peur.
00:12:14Le corps, il finit par supporter l'insupportable, mais le cerveau, lui, qui a disjoncté, ne permet pas à la mémoire d'encoder.
00:12:23Et donc, les jours qui suivent, quand cette amnésie traumatique est mise à l'œuvre,
00:12:28la victime est bien incapable de savoir ce qu'il s'est passé, s'il y a eu un viol, s'il n'y a pas eu de viol.
00:12:33Parfois, elle est incapable même de faire le récit.
00:12:35La victime ne peut pas se reconnaître comme victime, puisqu'elle n'a pas éprouvé la souffrance et la douleur.
00:12:40Enfin, elle l'a éprouvé, mais elle l'a oublié.
00:12:42Elle l'a mis dans une petite boîte noire dans son cerveau.
00:12:45Et c'est de là que naît aussi l'ambiguïté.
00:12:47C'est-à-dire que les personnes qui ne connaissent pas l'amnésie traumatique,
00:12:50les personnes qui ne sont pas formées à recueillir la parole des victimes,
00:12:53vont avoir l'impression que la victime ment ou exagère,
00:12:57et que finalement, elle a bien souhaité ou elle a bien suscité ce qui lui est arrivé,
00:13:01puisqu'elle n'est pas traumatisée, puisqu'elle n'a pas peur, puisqu'elle ne parle pas.
00:13:04En réalité, elle est désaffectée parce qu'elle est dissociée,
00:13:08et elle est dissociée parce qu'elle a dû se déconnecter au moment de l'agression et du viol
00:13:12pour survivre, juste survivre, au drame auquel elle était confrontée.
00:13:18L'explosion des souvenirs qui remontent à la surface,
00:13:22c'est vraiment pour moi une explosion, pas du tout une libération.
00:13:25C'est quelque chose, c'est un séisme de magnitude je ne sais combien.
00:13:29Au bout de combien d'années, les choses se sont revenues ?
00:13:32Cette explosion, ce séisme dont tu parles ?
00:13:34Les faits ont lieu l'été 1994.
00:13:38Les souvenirs remontent à l'été 2013.
00:13:41Ce sont des flashs ?
00:13:42Non, c'est d'abord des douleurs dans les jambes.
00:13:46J'ai l'impression que j'ai des fourmis qui courent sous la peau.
00:13:50J'ai envie de m'ouvrir la jambe pour me libérer de ces fourmis.
00:13:54C'est quelque chose d'absolument insoutenable.
00:13:58Il s'avère que l'individu, comme moi je l'appelle,
00:14:01a commencé par s'en prendre à mes jambes.
00:14:03Il a commencé par me masser les jambes.
00:14:05C'est comme ça que j'associe les deux.
00:14:09Et puis après, je prends vraiment l'image d'une mosaïque.
00:14:12C'est-à-dire que c'était des touches de couleurs.
00:14:15Et tu sais, une mosaïque, quand tu es tout près,
00:14:18tu ne vois pas ce que c'est.
00:14:19Ce sont des petits carreaux de couleurs.
00:14:21Puis plus tu recules, plus il y en a,
00:14:23et plus l'image apparaît.
00:14:25Et un jour, l'image est apparue.
00:14:27Ce qui va faire mon obsession, c'est ce trou entre les deux.
00:14:31Qui j'étais, moi, pendant ces 19 ans.
00:14:35où je ne me souvenais pas d'un truc aussi grave.
00:14:40Si je m'étais souvenu, je serais devenu qui ?
00:14:43Je serais devenu quoi ?
00:14:44Je crois que ce qu'on traverse,
00:14:46quand on est agressé comme ça,
00:14:48ça relève d'un questionnement sur qui on est.
00:14:50Notre identité qui se construit à l'enfance,
00:14:53elle est fracturée.
00:14:56On est complètement lézardé.
00:15:00Donc, qu'est-ce qu'on fait ?
00:15:02C'est-à-dire que chaque fois que je fais un pas,
00:15:03ça grince.
00:15:04Parce qu'eux, les pièces sont mal positionnées.
00:15:11Didier, lui, ne s'est pas loupé.
00:15:12Il a tout repris, à la rage.
00:15:15Chaque foutue seconde de ce jour-là,
00:15:17il l'a mâché, remâché.
00:15:19Là, c'est la colo.
00:15:20Le décor du carnage.
00:15:22Cette obsession de retrouver des éléments qui permettent de, je ne sais pas,
00:15:29c'est comme si je prenais par la main le petit Didier
00:15:31et je lui ai refait le vivre les choses où il était.
00:15:41On est 50 ans après.
00:15:43Putain, mais il y a les lits.
00:15:44Rien n'a changé ?
00:15:45Mais rien n'a changé.
00:15:47C'est ces lits.
00:15:47Moi, je sais qu'on avait une commande.
00:15:49Je posais mes tubes Nestlé, mes petits tubes Nestlé.
00:15:53Didier, lui, sa mémoire a tiré le rideau.
00:15:59Rideau de fer.
00:16:0030 ans sans rien.
00:16:01Nada.
00:16:02Un trou de silence.
00:16:04C'était pour le protéger, j'imagine.
00:16:07Le laisser respirer un peu.
00:16:09Vivre peinard.
00:16:11Loin du bruit.
00:16:13Moi, c'est pas pareil.
00:16:15J'ai jamais vraiment oublié.
00:16:17C'était là.
00:16:19Tapis quelque part.
00:16:20En boule dans un coin du crâne.
00:16:23Il suffisait d'un geste.
00:16:24D'un mot.
00:16:26Un souffle de travers.
00:16:27Et tout est revenu.
00:16:31En 25 ans, je vais boire un coup avec une copine.
00:16:32Et cette nana me raconte une histoire qui, en tout point, est proche de la mienne.
00:16:36Elle me dit ce que j'ai vécu très grave.
00:16:38J'en conclue que ce que j'ai vécu moi-même, il était grave.
00:16:41En miroir ?
00:16:42En miroir.
00:16:45Moi, je dormais.
00:16:46Le mec me réveille.
00:16:47Et il me réveille en pratiquant sur...
00:16:49J'avais 9 ans, donc.
00:16:51Il me réveille en faisant une fellation.
00:16:54Et moi, je me souviens très bien de ce...
00:16:57De ce sentiment à la fois d'effroi et de terreur absolue.
00:17:04De mélange de souffrance et...
00:17:07J'allais dire de plaisir.
00:17:11Et les deux se mélangent.
00:17:13Il y a des déclics.
00:17:14En général, c'est des déclics et des événements qui sont très inattendus et donc qui sont très violents pour la victime.
00:17:19Ça va être discuter avec quelqu'un qui a un récit qui vient faire écho.
00:17:25Mais ça peut être quelque chose de beaucoup plus insidieux, comme une odeur, un lieu, une voix, un souvenir, des cauchemars qui sont reconvoqués, des liens qui se font.
00:17:34Il y a beaucoup de flashbacks et de révélissances chez les personnes qui vivent une amnésie traumatique qui se lève.
00:17:39Il y a quelque chose comme un voile qui se lève progressivement.
00:17:42Comment tu peux répondre à ça, ce tabou dans le tabou, ce qui n'est pas rare parfois, dans les réactions sexuelles, que des victimes puissent rapporter avec une culpabilité absolument énorme ?
00:17:52Parce que c'est encore plus insupportable.
00:17:55C'est une notion de plaisir.
00:17:57Ces explications-là, le plus important, je pense, c'est de les avoir de la part d'un médecin.
00:18:01Il y a des réactions physiologiques qui font que le corps réagit à une stimulation, une stimulation sexuelle.
00:18:09Mais ce n'est pas du plaisir au sens plaisir charnel, désir.
00:18:13Moi, dans les patients que je vois et les patients adultes, on peine à aborder cette partie du trauma.
00:18:20Parce qu'elle a été un outil qui s'est retourné contre eux, souvent.
00:18:25C'est souvent l'ultime partie qui vient vraiment les...
00:18:30Les desservir ou les...
00:18:33Les détruire.
00:18:34Les détruire.
00:18:35Les détruire.
00:18:36Parce qu'en fait, au travers de cette question, ils entendent et on entend et on pense que les autres suggèrent, tu as pu prendre du plaisir, donc tu as souhaité et désirer ce qui s'est passé.
00:18:47Moi aussi, j'ai voulu retourner sur les lieux, voir si c'était toujours là, si ça ressemblait à ce que j'avais gardé en tête.
00:19:00Cagnes-sur-mer, la côte d'Azur, l'enfance, j'avais 9 ans.
00:19:09Un immeuble un peu classe, façade ocre, des stores orangés qui claquaient au vent.
00:19:17Mon frère et moi, on rentrait à pied de l'école.
00:19:23Ça grimpait sec.
00:19:26Notre immeuble, son entrée en marbre, moi je trouvais ça stylé.
00:19:32C'est con, hein, un hall en marbre.
00:19:34Mais j'adorais ça.
00:19:36Je me souvenais de presque rien, en vrai.
00:19:39Juste des bouts, des flashs.
00:19:41La résidence s'appelait les Glissines.
00:19:44Voilà, ça, ça m'est revenu comme une gifle.
00:19:45Ma chambre, c'était celle de gauche, au quatrième, volée à demi-fermée.
00:19:54C'est là que c'est arrivé.
00:19:57Derrière, c'est volé.
00:19:58J'ai ton analyse, je parle à mon psy.
00:20:00Il confirme que c'est très grave.
00:20:02Enfin, il confirme que c'est...
00:20:03En tout cas, c'est pas rien.
00:20:05Et il me dit, il faut que vos parents prennent leurs responsabilités.
00:20:10Et donc, je vais voir mes parents.
00:20:12Mes parents habitent en région parisienne, je vais les voir, je saute dans le RER.
00:20:14Et mon père vient me chercher, et il me demande ce qui se passe, pourquoi je viens si vite chez eux, alors que c'est pas prévu.
00:20:19Et dans la voiture qui nous ramène du RER à la maison, je lui raconte tout.
00:20:24Son collègue, qui me fait ce qu'il m'a fait quand j'avais 9 ans, je lui donne le nom, etc.
00:20:30Et j'exclose dans son collègue, je pleure dans ses bras, il me prend dans ses bras.
00:20:33Il était extrêmement bouleversé.
00:20:35Et en rentrant chez moi, chez mes parents, je racontais exactement la même histoire à ma mère.
00:20:41Et ma mère me dit cette phrase qui m'a hanté pendant 25 ans, c'est qu'elle me dit, c'est pas vrai.
00:20:48Si ça avait été vrai, si ce que t'as vécu est vrai, tu me l'aurais dit quand t'avais 9 ans.
00:20:54Donc c'est pas vrai.
00:20:55Et avec ma mère, on n'en a jamais reparlé.
00:21:01C'est presque plus dur que l'agression, c'est-à-dire que c'est une négation, un déni total de ce que j'ai vécu.
00:21:08Et c'est ma parole qui n'est pas prise en considération, etc.
00:21:11C'est vraiment la double peine, en fait.
00:21:14Didi n'en parle pas, à personne.
00:21:16Pas un mot, pas une plainte, pas même un soupir.
00:21:20C'est pas qu'il veut pas, c'est juste qu'il ne peut pas.
00:21:22Les mots, il se bloque, il se coince dans la gorge.
00:21:27Alors, il fait autrement.
00:21:29Il cherche une issue, une faille.
00:21:32Il tombe sur l'image, la photo, le cadre.
00:21:35À 10-11 ans, je fais des petites bandes dessinées.
00:21:38J'achète beaucoup de bandes dessinées, Spirou comme tout le monde.
00:21:40Ensuite, à 12-13 ans, je découvre la photo.
00:21:42Mon père avait un appareil photo Kodak, assoufflé, là, au petit canacon.
00:21:46Et il le mettait dans le placard, il le planquait parce qu'il voulait pas qu'on le touche, parce que c'était fragile.
00:21:49Mais moi, ça m'intéressait.
00:21:50Ça, c'est l'art de mettre trois objets, un rideau, une fenêtre et une ampoule et d'arriver à faire quelque chose.
00:22:06Ça, c'est ma chambre à l'époque.
00:22:08Dans une photo, tu mets deux choses et tu peux raconter une histoire.
00:22:16Je raconte une histoire.
00:22:20La mer.
00:22:21Bon, la mer, c'est l'espace aller au loin, partir.
00:22:24Et c'est la solitude, mais une solitude forte.
00:22:27Mais devant, il y a un crabe qui est là.
00:22:31C'est peut-être ça, la pédophilie.
00:22:32Je me suis exprimé grâce à la photo, à l'image.
00:22:48Je cadrais le monde.
00:22:50J'organisais quelque chose pour moi qui y est.
00:22:52Par rapport à la réalité qui est un bordel pas possible,
00:23:00j'ai été photographe très tôt et je mettais de l'ordre dans un cadre.
00:23:07La chambre noire.
00:23:09Pour avoir les idées claires.
00:23:12Un cadre, putain, enfin.
00:23:15Un truc qui borne, qui contient,
00:23:17qui arrête un peu le bordel.
00:23:18Il regarde à travers, il respire
00:23:21et doucement ça bouge dedans, ça craque, ça respire aussi.
00:23:26Il pousse plus loin, il s'y met pour de bon.
00:23:30Pas photographe, non, trop fixe.
00:23:32Mais caméraman, en mouvement dans le monde.
00:23:35Agence de presse, des pays entiers traversés à toute vitesse.
00:23:38Des conflits, des foules, du sang parfois.
00:23:41Mais c'est pas ça le sujet.
00:23:43Le sujet, c'est lui, en train de foutre le camp de revenir.
00:23:46Une fuite, ouais, mais pas seulement.
00:23:49Un métier, une trajectoire, un sens.
00:23:54J'ai quand même fait une carrière intéressante à Paris.
00:23:56On me connaît et j'ai fait des choses vraiment intéressantes.
00:24:00Tu dirais quoi au petit garçon, au petit Didier de 10 ans aujourd'hui ?
00:24:03Je lui dirais, je t'amène.
00:24:06Voilà, c'est pas que tu te vanges, mais tu as existé là, Didier.
00:24:10Et le petit inconscient du gamin de 10 ans, il a pu faire des photos, il a pu s'exprimer, il a du talent.
00:24:20Donc ça va.
00:24:21L'histoire d'Arnaud m'a secoué.
00:24:36C'est pas la même que celle de Didier, Adrien ou moi.
00:24:39Pas à cause de ce qu'on lui a fait, non.
00:24:40Lui aussi a goûté à la sauvagerie, à l'enfance dévastée.
00:24:45Et c'est ce qu'il en a tiré qui m'a scotché.
00:24:47Lui, dès qu'il a ouvert la bouche, c'était tout ou rien.
00:24:52Il a pris sa douleur à bras-le-corps.
00:24:54Il en a fait une arme, un truc tranchant, qui sert, un cri qui milite.
00:24:59160 000 enfants victimes chaque année de violences sexuelles.
00:25:04160 000 enfants, un enfant, toutes les trois minutes.
00:25:07Ensemble !
00:25:08Ensemble !
00:25:11Vérité, justice, réparation !
00:25:14Vérité, justice, réparation, prévention !
00:25:18Vérité, justice, réparation, prévention !
00:25:20Aujourd'hui, c'est un des types les plus debout, les plus écoutés.
00:25:24Il ne lâche rien, jamais.
00:25:26Le plus gros problème aujourd'hui, de manière très simple,
00:25:27il est l'absence de volonté politique.
00:25:29Exiger l'application de la Convention internationale des droits de l'enfant.
00:25:33N'hésitons pas, mobilisons-nous du côté des victimes.
00:25:36C'est important du côté de toutes les victimes
00:25:38qui d'ailleurs aujourd'hui sont broyées par le système.
00:25:40Mon géniteur était quelqu'un d'extrêmement violent.
00:26:10C'est-à-dire que j'ai été élevé, comme on dit, à la dure,
00:26:14avec des coups, des claques, mais aussi des actes de torture et de barbarie.
00:26:18C'est-à-dire que mon père, moi, prenait, je me rappelle,
00:26:20un chausse-pied en fer aussi grand que ça.
00:26:23Il me mettait des coups.
00:26:24J'ai encore des traces aujourd'hui sur le corps, donc je saignais.
00:26:27Et c'était une violence qui était connue de tout le monde.
00:26:29Donc moi, j'étais plutôt dans un milieu, on va dire, aisé,
00:26:32dans la banlieue parisienne, donc un endroit plutôt coçu,
00:26:35et une violence que les voisins connaissaient, l'école connaissait.
00:26:41Et je suis convaincu que ça a été pour moi,
00:26:44de cette manière-là, j'ai été la pro d'un agresseur.
00:26:48Parce que j'ai été victime, et je m'en souviens, de cinq viols
00:26:50entre l'âge de 8 ans et 11 ans par un prêtre pédocriminel
00:26:53qui était un grand-oncle, quelqu'un de ma famille.
00:26:56Il était prêtre missionnaire en Afrique.
00:26:59Mes parents avaient une chambre d'amis au premier étage.
00:27:02Moi, j'étais au deuxième étage avec tous les enfants,
00:27:03parce que j'avais deux sœurs également.
00:27:05Et j'ai jamais compris pourquoi mes parents le faisaient dormir dans ma chambre.
00:27:12En fait, il me présentait les choses, au début,
00:27:14comme une découverte de mon corps, etc.
00:27:16Et puis après, il allait jusqu'à Pulant,
00:27:17en disant que ça pouvait servir aussi à autre chose,
00:27:19et ça se transformait en viol, en fait, pas en sexualité,
00:27:23mais lui présentait bien ça comme de la sexualité.
00:27:25Vu la violence de mon père,
00:27:27vu l'absence de réaction de ma mère qui ne me protégeait pas non plus,
00:27:30ne me protégeait pas,
00:27:32forcément, je n'avais pas parlé de ce qui se passait le soir
00:27:35à des personnes de ma famille.
00:27:36Cette tupabilité-là, moi, elle m'a vachement interrogée,
00:27:38cette tupabilité qui te pousse dans le silence.
00:27:40Est-ce que tu as réussi à identifier la source, l'origine de ça ?
00:27:44Moi, je ne l'appellerais pas culpabilité.
00:27:46Je l'appellerais confusion.
00:27:48Je pensais réellement que j'avais été consentant A.
00:27:51Je pensais que c'était comme ça, en fait, qu'on apprennait à faire l'amour.
00:27:53Encore une fois, si je fais le parallèle avec la violence que je subissais de mon père,
00:27:56déjà, cette sidération, je la connaissais.
00:27:58Et le fait d'être dissocié, je connaissais ça.
00:28:00C'est-à-dire que je me prenais des coups quand même à outrance.
00:28:02Et donc, ça veut dire que déjà, je n'étais pas dans mon corps.
00:28:04Donc, je vivais ni plus ni moins,
00:28:06d'une autre manière, ce que mon père me faisait subir.
00:28:09Après, dans l'après-coup,
00:28:09c'est-à-dire que j'ai compris ce qui m'était arrivé,
00:28:11je me suis dit, pourquoi je n'ai pas réagi, etc.
00:28:13Et c'est vrai que dans un premier temps, de toute façon,
00:28:14je n'étais pas en état de le faire.
00:28:16Mais la culpabilité, pour moi, elle est venue quand même bien plus tard.
00:28:20Elle est venue peut-être après 19 ans,
00:28:21quand j'ai pris conscience d'eux,
00:28:22où je me suis dit, mince, j'aurais dû réagir,
00:28:24j'aurais dû, machin, mais parce que j'ai pris conscience d'eux.
00:28:26Donc, en fin de compte,
00:28:27je ne me mettais déjà plus à hauteur
00:28:30de ce qu'était un enfant quand j'avais 19 ans.
00:28:32Bonjour à toutes et tous.
00:28:39Je fais cette vidéo aujourd'hui depuis Vannes.
00:28:41Vannes, Mouve Enfants est mobilisé
00:28:43pour être du côté, en soutien,
00:28:46des victimes de Joël Le Squarnec.
00:28:47Vous savez, Joël Le Squarnec, c'est ce pédocriminel
00:28:49qui agissait, s'évissait au sein des hôpitaux,
00:28:53hôpitaux notamment en Bretagne, mais pas que.
00:28:55Et le procès a donc lieu en Bretagne, à Vannes.
00:28:58Et Vannes, on est mobilisé.
00:28:59Et vous, aujourd'hui, vous avez 299 victimes,
00:29:03299 victimes qui sont au tribunal.
00:29:07Et vous avez plus de 50 dont les faits sont prescrits.
00:29:09Donc, on est là aussi pour penser à elles et à eux.
00:29:15Chaque mot qu'il balance, c'est une balle dans le passé.
00:29:19Un truc qu'il arrache, qu'il fout dehors.
00:29:21Il en a besoin.
00:29:22Parce que pour lui, l'histoire tourne en boucle.
00:29:25Elle revient, encore et toujours.
00:29:26D'abord l'oncle, un curé, ouais.
00:29:30Puis les cousins.
00:29:31Un par un, viol en réunion, son étonne.
00:29:35Silence radio, trou noir.
00:29:37Le corps encaisse, le cerveau planque.
00:29:39Il oublie, il vit.
00:29:40Et puis, à 25 piches, ça pète.
00:29:42Tout remonte, d'un coup.
00:29:44Comme un déraillement, comme une cirèle intérieure
00:29:46qui hurle sans fin.
00:29:47On a une maison familiale, du côté d'Angers.
00:29:51Et j'étais avec deux cousins.
00:29:53On a fait des représentations théâtrales.
00:29:55Je me rappelle notamment d'une fois
00:29:57où on faisait une répétition.
00:29:59Et alors que je jouais le rôle d'une femme,
00:30:01mon cousin, moi j'avais 12 ans,
00:30:03mon cousin qui était l'aîné,
00:30:04donc qui en avait 15,
00:30:05m'a dit à un moment donné,
00:30:06tiens, je vais te montrer ce que je t'offrais.
00:30:07C'était une femme.
00:30:08Il m'a sauté dessus.
00:30:10Son cadet m'a saisi les mains.
00:30:11Il s'est mis à califourchon, en fait,
00:30:12au niveau de ma gorge.
00:30:15Et il m'a donc mis son sexe dans la bouche.
00:30:18Et là, le psy me dit, c'est un viol.
00:30:20Et moi, je me rappellerai tout le temps
00:30:21de cette séance en me disant,
00:30:22mais attendez, c'est incroyable.
00:30:24Il y a une action pénale qui est en cours.
00:30:26Eux reviennent sur le fait
00:30:28qu'ils reconnaissent tout
00:30:30sauf la pénétration.
00:30:31Leur stratégie, c'est quoi ?
00:30:32C'était de dire, c'est un jeu.
00:30:40La première personne qui a été informée,
00:30:42c'est ma mère.
00:30:43Et ma mère dit,
00:30:43oh là là, tu connais la violence de ton père
00:30:45et surtout, on n'en parle pas.
00:30:48Ce n'est pas grand-chose.
00:30:48Je ne suis pas croyant,
00:30:49mais je me rappelle notamment des Noëls,
00:30:51notamment tout seul.
00:30:51J'en ai vécu deux.
00:30:53Parce que justement,
00:30:54exclou de la famille
00:30:54au sens où eux,
00:30:56ils préféraient avoir
00:30:56mes cousins agresseurs
00:30:57en fait à la table
00:30:59plutôt que moi.
00:31:00C'est quelque chose
00:31:00qui pour moi, encore aujourd'hui,
00:31:02quand Noël arrive,
00:31:03je ne peux pas dire
00:31:03qu'il n'y a pas un seul Noël
00:31:04aujourd'hui où je n'y pense pas.
00:31:05C'est-à-dire que
00:31:06ça a été des moments
00:31:07d'une solitude extrême.
00:31:09C'est-à-dire qu'à bien ressentir,
00:31:10c'est une peine supplémentaire.
00:31:12C'est-à-dire que c'est sa propre famille
00:31:13qui fait le choix de t'exclure.
00:31:15Tu vois, tu es dans un truc
00:31:16où c'est un déni
00:31:19de ce que tu as pu vivre.
00:31:30Réaliser qu'on a été victime,
00:31:32ce n'est pas seulement
00:31:32l'acte de violence physique,
00:31:35c'est aussi
00:31:35la non-dénonciation des proches,
00:31:38les adultes
00:31:39qui ne vont pas protéger.
00:31:40Les victimes sont très souvent
00:31:41rejetées de leur famille,
00:31:43rejetées de la société
00:31:44parce qu'on préfère
00:31:45ne pas les entendre
00:31:45et ne pas savoir.
00:31:46Et ça, c'est le deuxième drame
00:31:47pour moi
00:31:49auquel se confronter les victimes.
00:31:51Le courage d'aller en parler
00:31:52à des proches
00:31:53ou à des professionnels de santé,
00:31:54puis à sa famille
00:31:55pour après s'entendre dire
00:31:57tu l'as bien cherché,
00:31:59t'exagères un petit peu
00:32:00ou c'était il y a 20 ans,
00:32:02passe à autre chose.
00:32:03Il y a des grosses décompensations
00:32:04psychiques à ce moment-là.
00:32:06C'est des moments vraiment
00:32:07extrêmement violents.
00:32:08avant d'aller mieux,
00:32:10parfois on va vraiment
00:32:11beaucoup plus mal.
00:32:21Je l'ai d'abord dit
00:32:22à ma mère.
00:32:23Tu te rappelles
00:32:23le mec qui venait à la maison
00:32:25de la colonie du Crouset ?
00:32:27Il me touchait,
00:32:28c'était un pédophile.
00:32:29et ma mère qui est une fois
00:32:32parce que je veux dire,
00:32:32ma mère, c'est la Sainte-Vierge.
00:32:35Et elle me dit,
00:32:36Didier,
00:32:37allez,
00:32:38c'est bon Didier,
00:32:39t'es bien là,
00:32:41il faut oublier,
00:32:42c'est caméraman et tout.
00:32:43Elle réagit comme elle peut.
00:32:45J'attends rien de ma mère.
00:32:47Il y avait beaucoup d'amour
00:32:48quand elle me dit,
00:32:48ça me dit,
00:32:49allez Didier,
00:32:50presque la vie c'est dur
00:32:50mais il faut aller au-dessus.
00:32:52Ben ouais,
00:32:52c'est une force.
00:32:53Mais elle te croit.
00:32:54Elle me croit.
00:32:56Mais,
00:32:57allez,
00:32:58on est au-delà de ça.
00:32:59C'est tout,
00:33:00c'est aussi comme que ça.
00:33:03Ma soeur,
00:33:03j'ai jamais eu de réponse.
00:33:04Je l'ai dit à ma soeur.
00:33:05Elle me dit,
00:33:06non,
00:33:06ne me rappelle pas.
00:33:07Ah oui,
00:33:07tu te rappelles pas,
00:33:07est-ce que tu ne veux pas
00:33:08t'en rappeler ?
00:33:09Le lendemain ou le sol lendemain,
00:33:10je dis,
00:33:11bon ben,
00:33:11je passe au PA.
00:33:12Alors lui,
00:33:13il comprend mieux
00:33:13que ma mère,
00:33:14presque.
00:33:15Il me dit,
00:33:17ben,
00:33:17pourquoi tu ne me l'as pas dit ?
00:33:20Je lui aurais cassé la gueule.
00:33:23C'est mécanique,
00:33:24mais c'est la plus belle réponse
00:33:25qu'il ait pu faire.
00:33:27Je suis content.
00:33:29Le petit Didier est content.
00:33:36Nicolas,
00:33:36tu m'as dit,
00:33:37il y avait une question,
00:33:38pourquoi je ne participe
00:33:39avec toi à ce film ?
00:33:40Ouais.
00:33:41Et en fait,
00:33:41je parlais aussi à mes parents
00:33:42qui sont enterrés là-haut.
00:33:44Et ce gars,
00:33:45ce pédophile,
00:33:45est venu interférer
00:33:47sur une certaine
00:33:48autorité parentale.
00:33:49donc la question,
00:33:52c'est,
00:33:52est-ce que ta mère
00:33:53qui n'a pas vu les choses
00:33:55et ton père aussi ?
00:33:56Non.
00:33:57Non,
00:33:57parce que c'était des gens
00:33:58très modestes.
00:33:59Ils faisaient confiance
00:34:00à l'autorité
00:34:01de la paroisse,
00:34:03une colline de vacances.
00:34:04Voilà,
00:34:04il n'y a pas quelque chose
00:34:05qui leur a échappé.
00:34:06Avec Didier,
00:34:08ce n'est pas une histoire
00:34:08de pardon
00:34:09ou de rancune.
00:34:11Les parents,
00:34:12ils les aiment.
00:34:13Point.
00:34:14Ils ne les touchent pas.
00:34:15Ils les gardent
00:34:16dans un coin intact.
00:34:17La colère,
00:34:19elle est ailleurs.
00:34:20Elle fonce tout droit
00:34:21vers le type,
00:34:22ce type-là
00:34:22où il agresseur,
00:34:23l'autre,
00:34:24celui qu'il traque
00:34:25depuis des années.
00:34:30Je me fous
00:34:31de retrouver ce gars.
00:34:33Je sais que c'est incompréhensible.
00:34:38Mais c'est pas,
00:34:40j'ai employé un terme,
00:34:42mais c'est pas ma quête.
00:34:44Oui, je comprends
00:34:45parfaitement ça.
00:34:45C'est pas mon os à ronger.
00:34:47Il y a un truc
00:34:47qu'on a pu se dire ensemble.
00:34:49Oui.
00:34:51En 2016,
00:34:53j'interview
00:34:53dans mon métier
00:34:54de journaliste
00:34:54des hommes victimes
00:34:55du père Préna
00:34:57à Lyon.
00:34:58Et là,
00:34:59je suis pris
00:35:00d'une pulsion
00:35:02de publicité,
00:35:05au sens
00:35:05de rendre public.
00:35:07Et donc,
00:35:0822 ans après les faits,
00:35:09j'en informerai
00:35:11mes parents.
00:35:13Et après,
00:35:14je vais faire
00:35:14un post Facebook.
00:35:15et donc,
00:35:1695%,
00:35:1819%
00:35:19de mes amis
00:35:20vont l'apprendre
00:35:21de cette manière.
00:35:29Je crois qu'on est
00:35:30un peu radioactifs
00:35:31à partir du moment
00:35:32où on parle.
00:35:33parce qu'on est
00:35:36cette espèce
00:35:36de grenade
00:35:38un peu dégoupillée.
00:35:40Et,
00:35:41oh là là,
00:35:42comment,
00:35:43qu'est-ce qu'on fait de ça ?
00:35:43Qu'est-ce qu'on fait de ça ?
00:35:44Mon propos
00:35:46n'est pas
00:35:47de devenir un sujet.
00:35:49Mon propos,
00:35:50c'est que
00:35:50si on considère
00:35:52que je suis
00:35:52une grenade dégoupillée,
00:35:53il y en a partout
00:35:54autour de nous
00:35:54des grenades dégoupillées.
00:35:55Et donc,
00:35:56il nous appartient
00:35:57à tous,
00:35:59collectivement,
00:35:59de les regarder.
00:36:00Nos sales histoires,
00:36:02non seulement
00:36:03on n'ose pas
00:36:03les raconter,
00:36:04mais en plus,
00:36:05elles emmerdent le monde.
00:36:06Personne n'en veut.
00:36:07Alors,
00:36:08on se débrouille.
00:36:09Didier le premier.
00:36:12Bonjour,
00:36:13vous êtes sur la messagerie.
00:36:15Les images datent,
00:36:16une dizaine d'années,
00:36:17une caméra bricolée,
00:36:18un collègue derrière.
00:36:19Didier épluche
00:36:20les pages blanches
00:36:21comme on gratte
00:36:21une plaie qui ne guérit pas.
00:36:23Un geste vieux,
00:36:24inutile peut-être,
00:36:26mais il n'a que ça.
00:36:27C'est pas de votre famille,
00:36:29ça aussi.
00:36:29Ah, non.
00:36:29C'est un neveu à moi.
00:36:31Ah, c'est votre,
00:36:31c'est un neveu.
00:36:32Je sais qu'il se destinait
00:36:33à être professionnel
00:36:34de mathématiques à l'époque.
00:36:35Non, non.
00:36:36Vous faites erreur.
00:36:37Je fais erreur, là, oui.
00:36:38Il est dans l'hôtellerie
00:36:39et il est tout à fait
00:36:40à l'opposé de ce...
00:36:41Ouais, mais ça a été à une époque
00:36:42moniteur de...
00:36:43dans des, comment on appelle ça,
00:36:45ou colonies de vacances
00:36:46et des choses comme ça.
00:36:46Non, non, non, non.
00:36:47Au revoir, merci.
00:36:48Au revoir.
00:36:51Des années à tourner en rond,
00:36:54à frapper à des portes
00:36:55où il n'y a personne.
00:36:57Des lieux fantômes,
00:36:58des souvenirs en ruine
00:37:00et toujours ce doute qui ronge.
00:37:02C'est ici ?
00:37:04C'était là ?
00:37:05Des témoins, tu parles.
00:37:07Des noms flous,
00:37:08des visages oubliés.
00:37:10Cinquante ans plus tard,
00:37:11il n'y a plus grand monde
00:37:12pour confirmer quoi que ce soit.
00:37:14Il reste sa sœur,
00:37:16la seule encore en vie
00:37:17qui pourrait dire un mot,
00:37:18un truc,
00:37:18une phrase qui débloque tout.
00:37:20Mais rien.
00:37:21Silence.
00:37:23Didier attend trop.
00:37:25Elle ne sait plus.
00:37:27Elle ne veut plus savoir.
00:37:27Moi, je n'ai rien vu.
00:37:29Donc, quand tu couches,
00:37:32voilà.
00:37:33D'accord.
00:37:34OK.
00:37:37Le pédophile,
00:37:39donc tu as quand même...
00:37:40Tu vois qui c'est, hein ?
00:37:40Tu vois qui c'est.
00:37:41Là, maintenant,
00:37:42il vient descendre dans la porte
00:37:43et dans la rue,
00:37:44je ne reconnais pas du tout.
00:37:46Oui.
00:37:47Je ne peux même pas
00:37:48le souvenir.
00:37:49D'accord.
00:37:50Voilà.
00:37:51Quand tu dis,
00:37:51je vois qui c'est,
00:37:52je sais de qui tu parles.
00:37:54Ah, tu vois
00:37:55qui est venu à la maison
00:37:56à l'époque.
00:37:57hein ?
00:37:58Oui, oui, oui.
00:37:58Non, moi,
00:37:58je vois le moniteur,
00:38:00voilà.
00:38:02Mais moi,
00:38:02je n'ai pas venu
00:38:03régulièrement.
00:38:04Je n'ai pas venu.
00:38:04Il n'y avait pas maman,
00:38:05donc tu y étais.
00:38:07Il te parlait.
00:38:08Il t'a dit des choses.
00:38:09Je suis venu à la maison,
00:38:10mais c'est qu'une fois
00:38:11que j'ai du souvenir.
00:38:12Je me parle
00:38:13comme si quelque chose
00:38:14qui s'est dit.
00:38:14Non, je ne sais pas.
00:38:15C'est que voilà,
00:38:16il n'y avait pas maman.
00:38:17Ils étaient tous les deux,
00:38:18ça, c'est sûr.
00:38:19Il n'y avait pas maman, non.
00:38:22Tu peux te rappeler
00:38:22ce qu'il te disait,
00:38:23comment il te parlait ou pas ?
00:38:24Non ?
00:38:25Non, ben non.
00:38:26Je sais que tu avais
00:38:28deux ans de plus que moi,
00:38:29tu es encore...
00:38:30Le seul truc,
00:38:31c'est que si moi je venais,
00:38:33il me faisait partir.
00:38:35Il y a deux moniteurs
00:38:36qui sont venus.
00:38:37Il y avait un
00:38:37qui devait être espagnol,
00:38:39je crois.
00:38:40Ou italien.
00:38:41Quand il a su
00:38:42que l'autre était venu,
00:38:43il a dit où ?
00:38:43Il a dit,
00:38:44il ne faut pas qu'il vienne.
00:38:45Il dit à ta maman
00:38:45qu'il ne faut pas qu'il vienne.
00:38:47Mais après,
00:38:48je suis incapable
00:38:49de te dire...
00:38:50Tu m'as vraiment...
00:38:52C'est que c'est...
00:38:53Ça me rassure.
00:38:57Oui.
00:38:57Parce que si tu n'as pas parlé,
00:38:59c'est que le mec,
00:38:59tu n'as pas donné la porte
00:39:00et la clé
00:39:01pour le dire.
00:39:02Donc c'est lui,
00:39:03effectivement,
00:39:03le deuxième qui savait...
00:39:05Oui, mais le deuxième,
00:39:06attends...
00:39:06Oui.
00:39:07Ben oui.
00:39:09Mais c'est bien
00:39:09qu'on n'en parle,
00:39:10là.
00:39:11Bon sang.
00:39:24C'est surtout avec MeToo
00:39:25que j'ai la claque,
00:39:26là.
00:39:26C'est assez récent,
00:39:27où je me dis,
00:39:27il faut que je le trouve.
00:39:28Parce que là,
00:39:29quand même,
00:39:29je commence à comprendre
00:39:30le dégât
00:39:31qu'il y a eu sur moi.
00:39:32Qu'est-ce que tu comprends ?
00:39:34Je comprends
00:39:35que ce mec
00:39:36a détruit
00:39:38une partie
00:39:38de mon évolution psychique
00:39:40et sexuelle
00:39:41et que c'est plus grave
00:39:44que je pensais.
00:39:45J'étais divorcé,
00:39:47je ne me remarie pas,
00:39:47mais j'ai des histoires.
00:39:49Mais j'ai peur de m'investir.
00:39:50Je n'ai pas d'enfant.
00:39:51Je ne suis pas traumatisé.
00:39:54J'ai ma philosophie
00:39:55de la vie.
00:39:56Mais là,
00:39:56j'ai envie de le retrouver,
00:39:57vraiment.
00:39:58Et puis un jour,
00:39:59ça claque.
00:40:01Il le voit.
00:40:02Il le reconnaît.
00:40:03La bouche,
00:40:04la pomme d'Adam,
00:40:05c'est comme une aiguille
00:40:05dans le cœur.
00:40:07Pas d'erreur possible.
00:40:08Il me le dit
00:40:09comme on dépose une bombe.
00:40:11Alors il y va.
00:40:12Justice,
00:40:13plainte,
00:40:14avocat,
00:40:14le monde en face.
00:40:16Prescrit ?
00:40:16Oui,
00:40:17et alors,
00:40:18la parole des victimes,
00:40:20ça commence à compter un peu
00:40:20maintenant, non ?
00:40:22Didier,
00:40:23lui,
00:40:23veut y croire.
00:40:24Oui,
00:40:25que son agresseur
00:40:26sache qu'une plainte
00:40:27a été déposée contre lui.
00:40:29Juste ça,
00:40:30ce n'était pas grand-chose
00:40:31quand même.
00:40:31Monsieur Lippon-Boretti
00:40:33a décidé,
00:40:34en accord évidemment
00:40:35avec l'institution judiciaire,
00:40:39de demander
00:40:40au procureur de la République
00:40:42d'accepter ces plaintes
00:40:43pour des faits prescrits.
00:40:45et de les investiguer.
00:40:48Il m'a été indiqué
00:40:48qu'une enquête
00:40:49avait été engagée.
00:40:51Mon problème,
00:40:52au moment où on parle,
00:40:54c'est que je n'ai pas eu accès
00:40:55à cette enquête.
00:40:57Ce n'est pas faute
00:40:57de l'avoir demandé.
00:40:58Pourquoi c'est important ?
00:41:00Parce que je voudrais
00:41:01savoir une chose,
00:41:02c'est savoir
00:41:03si dans les investigations
00:41:05qui ont été menées,
00:41:06et je pense que c'est le cas,
00:41:08la personne accusée
00:41:10des faits par Didier
00:41:12a été entendue.
00:41:13et si oui,
00:41:16que lui a-t-on dit ?
00:41:16Le rendement des choses,
00:41:17c'est signifiez-le aux gars.
00:41:19Moi, ça me suffirait presque.
00:41:21Mais c'est peut-être arrivé.
00:41:22Le pire,
00:41:23c'est que c'est peut-être arrivé,
00:41:24mais qu'on ne sait pas.
00:41:25La justice,
00:41:28elle n'a pas suivi.
00:41:30Pas de réponse,
00:41:31pas de dossier,
00:41:32pas de signe.
00:41:35Juste le vide,
00:41:36encore,
00:41:37et l'attente
00:41:37qui devient fièvre.
00:41:39Il faut que ça s'arrête.
00:41:40Ce truc a trop duré.
00:41:41Ça pourrit tout.
00:41:42Ça mange tout.
00:41:45Je ne pourrais pas vivre,
00:41:46je ne pourrais pas finir cette histoire
00:41:47si je sais que le gars
00:41:48n'est pas au courant
00:41:49de ma plainte
00:41:49ou que je veux
00:41:50qu'un pédophiste
00:41:51sache que même
00:41:5150 ans après,
00:41:53il peut avoir
00:41:53la victime à sa porte,
00:41:55qui tape à sa porte.
00:41:56Je suis prêt
00:41:56à y aller physiquement.
00:41:59Même s'il refuse
00:42:00la discussion
00:42:00ou quoi que ce soit,
00:42:01finalement,
00:42:02je lui dirai quelques mots,
00:42:03je pense,
00:42:04qu'il entendent.
00:42:05Et puis voilà,
00:42:06moi, je pense
00:42:07que je serai libéré.
00:42:08On tourne la page
00:42:09de le virer de ta tête ?
00:42:10Écoute,
00:42:10on ne tourne jamais la page.
00:42:11Je pense qu'on vit avec.
00:42:12Je pense que j'ai eu la chance,
00:42:13j'ai eu de la résilience.
00:42:14Ce n'est pas de tout le monde
00:42:15que de la résilience.
00:42:16Il y en a qui finissent
00:42:16dans la drogue,
00:42:17qui se suicident et tout.
00:42:18Il y a quand même
00:42:19des conséquences.
00:42:19En parlant,
00:42:20j'ai l'impression
00:42:21que je vivrai mieux.
00:42:29Cette journée-là,
00:42:30on l'avait en tête
00:42:31depuis des semaines.
00:42:32On s'en était parlé.
00:42:34On l'avait tourné
00:42:34dans tous les sens.
00:42:35On l'avait préparé
00:42:36comme une scène de théâtre.
00:42:38Mais on flippait.
00:42:40Grave.
00:42:41Pas dit qu'on soit prêt.
00:42:42Pas dit qu'on tienne debout.
00:42:44On savait juste un truc.
00:42:46Il allait se passer quelque chose.
00:42:48Un truc fort,
00:42:48qui fait du bien
00:42:50ou qui dégomme tout.
00:42:53Sur le chemin,
00:42:53au bord du canal,
00:42:54j'étais secoué.
00:42:56Comme pris entre deux feux,
00:42:57envie que ça s'apaise,
00:42:59peur que ça explose.
00:43:01Mais plus question de reculer.
00:43:02Vite, vite, vite, vite.
00:43:04Monsieur, monsieur.
00:43:06Oui, bonjour.
00:43:07Bonjour.
00:43:08On se connaît peut-être.
00:43:09Je ne me souviens pas de vous.
00:43:11On a été en colonie ensemble.
00:43:14Au cruzet.
00:43:16Voilà, j'étais un gamin à l'époque.
00:43:18Je m'appelle Didier.
00:43:19Didier.
00:43:201970.
00:43:21Vous étiez moniteur.
00:43:22Au cours de 1970 ?
00:43:23Oui.
00:43:25Ça ne risque pas.
00:43:26Pourquoi ?
00:43:26Parce que j'avais deux ans en 1970.
00:43:28Vous êtes né zéro ?
00:43:28Oui.
00:43:29La suite de la conversation,
00:43:32on s'en fout.
00:43:32Ça ne valait rien.
00:43:34Ce n'était pas lui.
00:43:35Je l'ai su tout de suite.
00:43:36Trop jeune, trop nette, trop à l'aise.
00:43:39Il a répondu du tac au tac,
00:43:40sans trou, sans peur.
00:43:42Mais Didier, lui, il est parti en vrille.
00:43:45Il n'a pas freiné.
00:43:46Il lui a balancé toute l'histoire, les détails,
00:43:49comme si ça pouvait encore servir à quelque chose.
00:43:51Comme si c'était lui, quand même.
00:43:53Le type, lui, il pigait rien.
00:43:55Il nous regardait avec ses grands yeux,
00:43:57baumés, figés.
00:43:58Et moi, j'ai attrapé Didier par le bras.
00:44:00Je l'ai tiré pour qu'on s'en aille.
00:44:02Je lui soufflais à l'oreille.
00:44:03Lâche, Didier, c'est pas lui.
00:44:04J'aurais pu lui gueuler, mais...
00:44:06J'avais plus de voix.
00:44:07J'ai attendu des mois,
00:44:08avant d'oser lui en reparler.
00:44:10C'est tellement gros.
00:44:11Je me dis, je suis maudit.
00:44:16Ce mec, il fait plus que son âge.
00:44:18C'est pas le bon, mais la démarche que j'ai eue,
00:44:20c'est la bonne démarche,
00:44:22et j'y ai cru.
00:44:23La question que je te pose,
00:44:25et que je me pose ici à moi-même,
00:44:26c'est qu'on est journalistes tous les deux.
00:44:27Par rapport à ça, on aurait pu vérifier son âge.
00:44:29Pourquoi on vérifie pas ?
00:44:30Parce qu'on veut que ce soit lui.
00:44:35Oui, parce qu'en un moment,
00:44:36il faut que ça s'arrête.
00:44:37Le cirque, le silence,
00:44:39les nuits à l'envers.
00:44:40On veut que ça cesse,
00:44:42que ça avance, que ça respire un peu.
00:44:43Marre de tourner en rond,
00:44:45de crier dans le noir,
00:44:46de recoller les morceaux à la petite cuillère.
00:44:50Alors moi, j'y suis allé, encore une fois.
00:44:52J'ai sauté dans un train,
00:44:54j'ai fermé les yeux.
00:44:57Direction l'enfance.
00:45:01Direction ma mère.
00:45:04J'avais tout un foutu carnet de questions dans la tête.
00:45:07Mais au fond,
00:45:08il n'y en avait qu'une qui brûlait.
00:45:09pourquoi tu ne m'as pas cru, maman ?
00:45:13Tout bébé,
00:45:14tu avais un problème cardiaque.
00:45:16Donc, tu as été très écouté,
00:45:18très gâté.
00:45:20Et que tu annonces ça à 20 ans,
00:45:24pour moi, la surprise.
00:45:25parce que...
00:45:26Le choc aussi,
00:45:27j'imagine que...
00:45:27Et le choc aussi,
00:45:29parce que c'est quelque chose d'odieux,
00:45:31c'est quelque chose d'impensable.
00:45:32Je me suis dit que tu m'avais dit
00:45:33que ce n'était pas vrai.
00:45:34Tu m'avais dit que ce n'était pas vrai.
00:45:36Tu m'avais dit que ce n'était pas vrai,
00:45:38si ça n'était pas vrai,
00:45:39tu me l'aurais dit
00:45:39quand on était tellement proches
00:45:41que tu l'aurais dit.
00:45:42Peut-être te l'as dit,
00:45:43je ne me rappelle plus
00:45:43de cette graine très longtemps,
00:45:45puis vieille,
00:45:46mais peut-être te l'as dit
00:45:47parce que c'était tellement suffocant
00:45:49à 20 ans
00:45:50de dire quelque chose
00:45:52qui est arrivé à devant,
00:45:53tu vois ?
00:45:53Oui, oui.
00:45:54Comment tu allais pu vivre
00:45:55avec ça ?
00:45:56Pour moi,
00:45:57la seule chose que je souhaite,
00:45:59c'est qu'ils s'en libèrent totalement
00:46:01et qu'ils vivent une vie normale
00:46:03et gai
00:46:04jusqu'à la fin de ses jours.
00:46:06Tu parlais d'il, il ?
00:46:07Hein ?
00:46:08Tu parlais qui, là, il ?
00:46:10Que mon fils,
00:46:11que mon Nicolas,
00:46:12que mon Nicolas.
00:46:13Mais tu peux dire toi,
00:46:13tu peux dire moi,
00:46:14tu peux dire mère.
00:46:15Et vous en avez parlé après, papa ?
00:46:17Oui.
00:46:18Qu'est-ce que vous...
00:46:18On en a parlé,
00:46:19mais étant donné que
00:46:21dans ce temps-là,
00:46:22on ne pouvait pas
00:46:23faire une réclamation
00:46:24ou on ne pouvait pas...
00:46:26Non, il y avait prescriptions, oui.
00:46:27Il y avait prescriptions.
00:46:28Et c'est ce qui nous a arrêtés.
00:46:29Tant que Nicolas sera...
00:46:30Enfin, maintenant,
00:46:31il va beaucoup mieux.
00:46:32Pourquoi tu fais ça ?
00:46:33Tu peux parler de moi ?
00:46:34Hein ?
00:46:35Je suis là.
00:46:36Non, mais tu veux...
00:46:37Tant que toi, mon fils...
00:46:39Oui, oui.
00:46:40Mon gamin...
00:46:41Oui, non, mais ça va te faire
00:46:42l'endouille au plus.
00:46:43Tant qu'il croit.
00:46:45Non, mais mon fils,
00:46:46tant que tu ne seras pas libéré
00:46:47totalement, toi,
00:46:49de ça,
00:46:50je serai toujours avec toi.
00:46:52Tu seras tout le temps
00:46:52dans mes pensées.
00:46:54Mais ce ne sont pas
00:46:55des pensées agréables,
00:46:55bien entendu.
00:46:56Dieu merci,
00:46:57tous les deux,
00:46:58nous voulons de bons moments
00:46:58autrement.
00:46:59Oui, non, mais ça va,
00:47:00je suis libéré quand même.
00:47:02Oui, oui, ça va.
00:47:03Mais c'est depuis que tu l'as dit.
00:47:06Depuis que tu l'as dit.
00:47:06Depuis que...
00:47:07Oui, oui, c'est sûr.
00:47:09Mais attends, 50 ans.
00:47:11Tu vois ?
00:47:12Ben oui, oui, oui, oui.
00:47:14Mais nous, on n'en avait jamais
00:47:15parlé rien de plus,
00:47:16tous les deux.
00:47:17Ben non.
00:47:17Moi, la parole,
00:47:18elle importe avec toi
00:47:19parce que c'est vrai
00:47:19qu'il y a eu ce moment
00:47:20de non partage,
00:47:23d'incompréhension,
00:47:23en fait.
00:47:24C'est l'impression que...
00:47:24On n'a pas pu s'en parler du tout.
00:47:27On n'en a pas parlé
00:47:27jusqu'à...
00:47:28Jusque là,
00:47:29il y a quelques mois,
00:47:30à peine, tu vois ?
00:47:30Donc, c'est quand même
00:47:31une vie de silence,
00:47:32quand même, tu vois ?
00:47:33Ah oui.
00:47:34Ah oui.
00:47:34Moi, c'est important
00:47:36de raconter les choses,
00:47:37je trouve.
00:47:38D'une part, parce que...
00:47:39Tu sais, les enfants
00:47:40qui témoignent aujourd'hui,
00:47:42encore, la grande,
00:47:43très grande majorité
00:47:44ne sont pas crues.
00:47:45Moi, ce qui m'intéresse,
00:47:46c'est de savoir
00:47:46ce que vous en disiez
00:47:48à tous les deux ensemble,
00:47:50quand vous en parliez
00:47:50tous les deux.
00:47:51Mais je dois te dire
00:47:52qu'avec ton père,
00:47:53on en a peu parlé.
00:47:55Ça, c'est le tort
00:47:56qu'on a eu.
00:47:58Tu vas croire
00:47:59qu'on en a peu parlé
00:47:59parce qu'on ne te croyait pas.
00:48:01Mais on t'a vraiment cru.
00:48:03Mais nous,
00:48:04ce qui nous a bloqués,
00:48:05c'est qu'on a dit
00:48:05qu'on ne peut plus
00:48:06rien faire maintenant.
00:48:08Lui, il va en psychiatrisse
00:48:10tout le temps.
00:48:11D'où, d'autre côté,
00:48:12on ne peut plus rien faire
00:48:13parce qu'il n'y a pas remboursu.
00:48:14Ça a été le point.
00:48:17De dire,
00:48:18on ne peut plus agir.
00:48:19Oui.
00:48:20Et même encore maintenant,
00:48:22moi, je sais qu'il y a
00:48:23trois personnes de ce nom
00:48:24sur la côte d'Azur.
00:48:25Si je retrouvais le prénom,
00:48:27je serais encore d'accord
00:48:28pour le voir
00:48:29et vraiment m'expliquer avec lui
00:48:32et lui dire
00:48:32le fait de ce qu'il a.
00:48:35Il a détruit une partie
00:48:36de la vie de mon fils
00:48:37quand il était enfant.
00:48:38Presque 35 ans
00:48:43à tourner autour du vide,
00:48:45à s'éviter dans les phrases,
00:48:47à marcher sur des oeufs
00:48:48lestés de honte.
00:48:50Sur ce sujet,
00:48:50ma mère et moi,
00:48:51c'était ça.
00:48:53Un vieux film
00:48:54muet en boucle.
00:48:55Et puis l'autre jour,
00:48:56les mots ont surgi
00:48:57comme des chiens lâchés.
00:48:59Je ne sais pas
00:48:59si ça m'a soulagé,
00:49:01mais fallait que ça sorte.
00:49:02Fallait qu'on se heurte
00:49:03au moins une fois
00:49:03à cette douleur
00:49:05qu'ils n'ont jamais su nommer.
00:49:06Le viol,
00:49:07mon viol,
00:49:08trop brutal pour eux,
00:49:09trop immense.
00:49:10Ils ont laissé le silence
00:49:11faire le boulot.
00:49:12Un silence bétonné,
00:49:14le leur.
00:49:14J'ai plus de 20 ans
00:49:25de thérapie derrière moi.
00:49:26Je pense que
00:49:26jusqu'à mon dernier souffle,
00:49:28j'en aurais besoin.
00:49:31Moi, la peur de l'abandon,
00:49:33c'est un truc
00:49:33presque tous les jours,
00:49:34ça me parle.
00:49:35C'est-à-dire que moi,
00:49:35j'ai été abandonné
00:49:36par toute ma famille, etc.
00:49:38Enfin, c'est quelque chose
00:49:39qui revient sans cesse.
00:49:40J'ai des moments de mal
00:49:40à faire du lien
00:49:41et même à m'attacher.
00:49:42C'est assez paradoxal
00:49:43parce que je connais
00:49:44énormément de monde,
00:49:45ce qui est vrai,
00:49:46je connais du monde
00:49:46dans le cadre de la lutte
00:49:48mais dans mon univers
00:49:49familial proche.
00:49:51Je compte les personnes
00:49:51sur la droite d'une main.
00:49:54Je ne fais pas de soirée.
00:49:55Je ne vais pas au cinéma
00:49:56avec des gens,
00:49:56je ne vais pas au théâtre
00:49:57avec des gens,
00:49:57je ne fais pas,
00:49:58c'est vrai.
00:49:58Mais j'en souffre réellement.
00:49:59C'est un handicap.
00:50:00Est-ce qu'on peut guérir
00:50:09de ce type de trauma ?
00:50:10Le traumatisme,
00:50:12ce n'est pas une maladie,
00:50:13ce n'est pas un trouble
00:50:14de la personnalité,
00:50:15ce n'est pas une dépression
00:50:16dans laquelle tu tombes,
00:50:19que tu traites,
00:50:20que tu travailles
00:50:20et puis ensuite,
00:50:21tu te relèves
00:50:22en tournant la page.
00:50:24Quand tu vis un événement
00:50:25comme aussi violent
00:50:26que ça,
00:50:28c'est une effraction à vie.
00:50:29C'est un avant
00:50:30et un après.
00:50:31C'est un nouveau chapitre
00:50:32de ton existence
00:50:32qui s'ouvre.
00:50:34Alors, comment tu fais ?
00:50:35Tu travailles dessus
00:50:36pour apprendre à vivre avec.
00:50:38Apprendre à vivre avec,
00:50:39c'est accepter
00:50:40que le souvenir
00:50:41ne s'effacera jamais.
00:50:43Mais là où tu peux progresser,
00:50:44c'est travailler
00:50:44sur les flashbacks,
00:50:46les révélissances,
00:50:47c'est-à-dire arrêter
00:50:47d'avoir ces pensées
00:50:48en boucle qui reviennent,
00:50:49ces cauchemars.
00:50:51C'est arrêter
00:50:51de ressentir aussi violemment
00:50:53de façon somatique
00:50:54le viol,
00:50:55les violences,
00:50:56les signaux du corps,
00:50:57d'alerte.
00:50:58C'est arrêter
00:50:58de souffrir psychologiquement
00:51:00et j'inclus
00:51:01la culpabilité
00:51:02dedans.
00:51:04C'est retrouver une place
00:51:05dans la société,
00:51:06s'insérer,
00:51:07avoir confiance
00:51:07en soi,
00:51:08refaire confiance
00:51:09en l'autre,
00:51:10réussir à établir
00:51:11des liens qui sont
00:51:12des liens sains.
00:51:13Tout ça,
00:51:14on peut le faire.
00:51:14Malgré cette cicatrice
00:51:16qui ne disparaîtra pas.
00:51:18Jamais.
00:51:19C'est trop violent.
00:51:22C'est un chemin
00:51:23d'acceptation.
00:51:25Et je l'ai compris
00:51:26avec toi.
00:51:27Tu as compris quoi ?
00:51:28Ouais.
00:51:29J'ai compris avec toi
00:51:30que l'acceptation,
00:51:32c'est pas la fatalité.
00:51:33C'est pas
00:51:33du laisser aller.
00:51:36Mais c'est dire
00:51:36OK,
00:51:37ce truc qui est là,
00:51:39ça n'est plus
00:51:41un cadre limitant.
00:51:42Tu vois ce que je veux dire ?
00:51:44Que c'est pas quelque chose
00:51:45qui voudrait
00:51:46nous rappeler
00:51:47sans cesse à l'ordre.
00:51:48Bah si,
00:51:49on peut en sortir
00:51:49de ce cadre-là.
00:51:50j'éprouve
00:51:51de la colère.
00:51:53Oui.
00:51:54J'éprouve
00:51:54beaucoup de colère,
00:51:55souvent.
00:51:59Vis-à-vis
00:52:00de cette société
00:52:01qui nous entoure
00:52:02et qui,
00:52:03je pense,
00:52:04ne mesure pas
00:52:05complètement
00:52:05ce dont on parle.
00:52:06c'est pas grandiloquent
00:52:08de dire que c'est
00:52:09vraiment l'affaire
00:52:10de tous.
00:52:11Quand on voit
00:52:11les chiffres,
00:52:12tous les milieux,
00:52:16toutes les époques,
00:52:17parce que j'aimerais croire
00:52:17que c'est fini,
00:52:18mais on sait que c'est pas fini.
00:52:19Comme toi,
00:52:20j'en veux au monde entier
00:52:21d'être passif
00:52:23ou pas assez
00:52:24concerné
00:52:25ou tourner les vidéos
00:52:27ou le regard
00:52:27par rapport
00:52:28à ces histoires-là.
00:52:28les hommes
00:52:29qui osent parler
00:52:29permettent
00:52:31à d'autres hommes
00:52:31de parler.
00:52:34C'est quelqu'un
00:52:35qui t'a piqué
00:52:36ta vie
00:52:36sur des 30 centres
00:52:37de vie,
00:52:38te les a piqués.
00:52:39C'est à moi.
00:52:39En plus,
00:52:40je pense que
00:52:40si on regarde,
00:52:41tu as un objet,
00:52:41c'est à moi.
00:52:42Et je te dis,
00:52:43il y a une partie
00:52:43de ma vie
00:52:44qui est là
00:52:44qui a un trou noir.
00:52:45Ce trou noir
00:52:45me fait chier.
00:52:47Quand on est adulte,
00:52:48on essaie de maîtriser
00:52:48sa vie,
00:52:49d'être conscient.
00:52:50Mais le petit Didier,
00:52:51il reexiste.
00:52:52Et peut-être
00:52:53que je recolle
00:52:54ce noir.
00:52:58Tu mets de la lumière.
00:53:00Et comme en photo,
00:53:01du noir,
00:53:01du négatif
00:53:02arrive dans le positif.
00:53:05La lumière.
00:53:15La vie est belle.
00:53:20J'avais 9 ans.
00:53:22Aujourd'hui,
00:53:22j'en ai 52.
00:53:23En bouclant ce film,
00:53:25je range une partie
00:53:25de cette sale histoire
00:53:26avec les vieilles bobines
00:53:27Super 8.
00:53:28dans une malle,
00:53:29au fond d'un placard
00:53:30que personne
00:53:31n'ouvrira plus jamais.
00:53:34Je regarde le petit Nicolas
00:53:35figé dans un sourire
00:53:37devant la caméra de mon père.
00:53:40Et je me dis que ouais,
00:53:41peut-être bien qu'aujourd'hui,
00:53:42il respire.
00:53:43Peut-être même
00:53:44qu'il est heureux.
00:53:45Enfin.
00:53:48On vient de le comprendre.
00:53:49Durant son enfance,
00:53:50le réalisateur
00:53:51de ce documentaire,
00:53:52Nicolas Bourgoin,
00:53:53a donc été victime
00:53:54de violences sexuelles.
00:53:55Et avec d'autres hommes,
00:53:56il a décidé enfin ici
00:53:58de parler.
00:53:59Des témoignages intimes,
00:54:01bruts, forts,
00:54:02qui nous amènent
00:54:03à nous interroger maintenant
00:54:04avec nos invités
00:54:05sur ce plateau de débats d'ocs
00:54:06à propos de l'état
00:54:08de la lutte aujourd'hui
00:54:09dans notre pays
00:54:09contre la pédocriminalité.
00:54:12Véronique Béchut
00:54:13est tout d'abord avec nous.
00:54:14Bienvenue à vous.
00:54:16Vous êtes ancienne
00:54:17commandante police,
00:54:18ancienne chef notamment
00:54:19du pôle stratégique
00:54:20de l'Office mineur,
00:54:22l'Offmin,
00:54:22dont il sera souvent question
00:54:23dans cette émission
00:54:24et aujourd'hui directrice
00:54:25de l'Observatoire
00:54:26des violences numériques
00:54:27faites aux mineurs
00:54:28pour l'association
00:54:29e-enfance.
00:54:31Vous êtes l'auteur
00:54:31de,
00:54:32derrière l'écran,
00:54:33combattre l'explosion
00:54:35de la pédocriminalité en ligne,
00:54:37publiée chez Stock,
00:54:37la pédocriminalité en ligne,
00:54:39phénomène qui prend
00:54:40de l'ampleur
00:54:41et d'où nous parlerons
00:54:42bien entendu
00:54:42à l'occasion
00:54:43de cet échange.
00:54:45Florence Thibault
00:54:46est également avec nous.
00:54:47Bienvenue à vous.
00:54:47Vous êtes professeure
00:54:48de psychiatrie,
00:54:49spécialiste de la pédophilie
00:54:50et auteur de ce livre
00:54:52Les abus sexuels,
00:54:53des clés indispensables
00:54:55pour comprendre,
00:54:56aider et prévenir.
00:54:58C'est un ouvrage
00:54:58disponible
00:54:59chez Odile Jacob.
00:55:00Et puis enfin,
00:55:01Rodolphe Constantino
00:55:02est également avec nous.
00:55:03Bienvenue.
00:55:04Vous êtes avocat pénaliste,
00:55:05spécialiste
00:55:06des mineurs victimes.
00:55:08Quelques chiffres peut-être
00:55:09après ce documentaire.
00:55:11Des chiffres tirés
00:55:12de la CIVIS,
00:55:13qui est la Commission indépendante
00:55:15sur l'inceste
00:55:15et les violences sexuelles
00:55:17faites aux enfants.
00:55:19Une commission indépendante
00:55:20créée en janvier 2021.
00:55:22160 000 enfants,
00:55:24aujourd'hui,
00:55:25sont victimes
00:55:25d'agressions sexuelles
00:55:26chaque année.
00:55:27Une personne sur dix
00:55:29est victime
00:55:30de violences sexuelles
00:55:31dans son non-enfance.
00:55:33Ce sont des chiffres
00:55:34assez effroyables.
00:55:35par certains côtés.
00:55:3681% des cas de pédophilie
00:55:37sont incestueux
00:55:38et dans 97% des cas,
00:55:41l'agresseur
00:55:42est un homme
00:55:42et les victimes
00:55:44sont très majoritairement
00:55:45des femmes.
00:55:47Et puis,
00:55:48ces quelques chiffres encore,
00:55:4981% des agresseurs
00:55:51sont au sein de la famille.
00:55:52Ce sont ces crimes incestueux,
00:55:55justement.
00:55:56C'est par là
00:55:56que nous allons commencer.
00:55:57C'est un sujet
00:55:58dans le sujet,
00:55:59l'inceste.
00:55:59tabou s'il en est encore
00:56:01aujourd'hui en France.
00:56:04C'est l'inceste
00:56:05qui constitue
00:56:06la majorité
00:56:07des cas de violences
00:56:08sur mineurs
00:56:08aujourd'hui en France.
00:56:10Alors,
00:56:10je dirais,
00:56:10au-delà de l'inceste,
00:56:12je dirais que
00:56:12c'est 90% des cas,
00:56:14c'est dans le cercle
00:56:15de confiance
00:56:16de l'enfant.
00:56:17C'est-à-dire majoritairement
00:56:19et effectivement
00:56:19des auteurs
00:56:20issus
00:56:21de la famille,
00:56:22mais il y a aussi
00:56:23les amis proches
00:56:25et les personnes
00:56:26ayant autorité
00:56:27sur les enfants.
00:56:27dans le cercle institutionnel,
00:56:30c'est-à-dire
00:56:31l'éducation nationale,
00:56:32le monde du sport,
00:56:33le monde de la culture.
00:56:35Le monde religieux aussi.
00:56:36Exactement.
00:56:37Donc,
00:56:37c'est vraiment
00:56:38des personnes
00:56:39qui ont un accès
00:56:40facilité aux enfants.
00:56:42Donc,
00:56:42les agresseurs,
00:56:43ce sont d'abord
00:56:44des frères,
00:56:46des pères,
00:56:47des beaux-pères,
00:56:49des oncles,
00:56:49des cousins.
00:56:50Et c'est un vrai sujet
00:56:51parce que le cousin
00:56:52n'est pas inclus
00:56:53dans la loi
00:56:54comme étant
00:56:54un auteur
00:56:56d'inceste.
00:56:57alors que,
00:56:59selon le dernier
00:56:59sondage IFOP,
00:57:00c'est la troisième
00:57:01personne auteure
00:57:03de violences sexuelles
00:57:04dans le lien
00:57:06de parenté.
00:57:06Donc,
00:57:07c'est un vrai sujet,
00:57:08les victimes
00:57:09de cousins
00:57:10ou de cousines.
00:57:13Mais c'est
00:57:14principalement
00:57:15dans le cercle
00:57:15de confiance
00:57:16de l'enfant,
00:57:16effectivement.
00:57:17Ce sont des hommes
00:57:18ici qui parlent.
00:57:19Il semblerait
00:57:19que ce soit
00:57:20beaucoup plus rare
00:57:20que cette parole
00:57:22se libère
00:57:23chez les hommes
00:57:24que chez les femmes
00:57:25qui sont
00:57:26les principales agressées.
00:57:27dans ce film,
00:57:28oui.
00:57:29En pratique,
00:57:30l'enquête récente
00:57:31qui a été faite
00:57:32dans le travail
00:57:33qu'on avait fait
00:57:34avec la SIAZ,
00:57:35la commission
00:57:36sur les abus sexuels
00:57:37dans l'église,
00:57:38donc il y a eu
00:57:38parallèlement
00:57:38une enquête
00:57:39en population générale
00:57:40qui rapporte
00:57:41que 20% des femmes
00:57:42et 9% des hommes
00:57:43ont été victimes
00:57:45d'agressions sexuelles.
00:57:46Donc,
00:57:46il y a un peu moins,
00:57:47en tout cas,
00:57:47de déclarations
00:57:48des hommes
00:57:49et les hommes
00:57:50déclarent moins
00:57:51probablement
00:57:52parce qu'ils ont
00:57:54le sentiment
00:57:54que c'est un peu
00:57:56plus compliqué
00:57:57parce que les agresseurs
00:57:58sont des hommes
00:57:58et que donc
00:57:59il y a une connotation
00:58:00homosexuelle
00:58:01dont ils n'ont pas
00:58:02forcément envie de parler.
00:58:04Et puis,
00:58:04il y a un aspect
00:58:05qui a été abordé
00:58:06dans le film,
00:58:07c'est qu'on imagine
00:58:08bien qu'une femme
00:58:09puisse être victime
00:58:10passivement
00:58:11d'un acte sexuel
00:58:12contre sa volonté.
00:58:13on l'imagine
00:58:15moins bien
00:58:15pour un garçon
00:58:16et les victimes
00:58:17en parlent très bien
00:58:18en disant
00:58:18j'ai pu avoir
00:58:19une érection
00:58:20totalement physiologique,
00:58:21mécanique
00:58:22à ce moment-là
00:58:22et donc sont
00:58:23extrêmement culpabilisés
00:58:25en se disant
00:58:25mais finalement
00:58:26comme j'ai peut-être
00:58:27épouvré du plaisir,
00:58:29je ne peux pas
00:58:29en parler.
00:58:30Donc,
00:58:30il y a plusieurs dimensions
00:58:32qui viennent se conjuguer
00:58:33et qui font que
00:58:34c'est encore plus tabou
00:58:35chez les garçons
00:58:35et puis,
00:58:36on en parlera peut-être
00:58:37tout à l'heure
00:58:37mais c'est aussi
00:58:38moins puni
00:58:38quand il s'agit de garçons.
00:58:40La prise de parole,
00:58:42le témoignage,
00:58:43c'est l'élément
00:58:43essentiel.
00:58:45Est-ce qu'on avance
00:58:46un grand soit peu
00:58:46dans ce domaine
00:58:48pour la prise en compte
00:58:48on va vous demander
00:58:49évidemment la même chose
00:58:50tout à l'heure
00:58:50mais dans la prise en compte
00:58:51de la parole
00:58:52de l'enfant,
00:58:54c'est de là
00:58:54où vient ce silence
00:58:56en réalité
00:58:57qu'on observe
00:58:58aujourd'hui
00:58:58dans notre société
00:58:59face à ce phénomène ?
00:59:00Les langues
00:59:01se délient un peu.
00:59:02Il y a une facilitation
00:59:03d'accès dans les commissariats,
00:59:06il y a une facilitation
00:59:06d'accès
00:59:07dans les différentes institutions
00:59:09c'est-à-dire
00:59:09que l'éducation nationale,
00:59:11la parole est plus entendue,
00:59:13dans les clubs sportifs
00:59:14elle est plus entendue,
00:59:15il y a eu beaucoup
00:59:16d'enquêtes
00:59:16dans le monde entier
00:59:18sur les victimes
00:59:20d'abus sexuels
00:59:21par les prêtres catholiques
00:59:23mais aussi
00:59:23par les protestants
00:59:24mais aussi
00:59:25dans les institutions juives
00:59:27et donc la parole
00:59:28est plus recueillie
00:59:29et les victimes
00:59:30sont plus prises en compte
00:59:32mais depuis peu,
00:59:33depuis les années 70.
00:59:35Les premières fois
00:59:35où les victimes
00:59:36ont été considérées
00:59:37comme des victimes
00:59:38au sens judiciaire du terme
00:59:39ça remonte aux années 70.
00:59:41Avant,
00:59:42quand on l'y met au passant,
00:59:43la victime
00:59:43c'était la double peine.
00:59:44Non seulement
00:59:45elle avait été victime
00:59:45mais en plus
00:59:46elle était mise au bon
00:59:47de la société.
00:59:47Lorsqu'on prend la parole
00:59:48notamment en cas d'inceste,
00:59:50c'est de la famille
00:59:51qu'on risque de s'exclure
00:59:52tout simplement.
00:59:52Oui,
00:59:53ça peut être la double peine.
00:59:54C'est-à-dire qu'on est placé
00:59:55et ses parents sont
00:59:56son père,
00:59:57le plus souvent,
00:59:57est puni.
00:59:59Donc c'est la double peine
01:00:00pour un enfant.
01:00:01Cette fameuse prise en compte
01:00:02de la parole de l'enfant,
01:00:05un thème cher
01:00:06à la commission
01:00:07dont j'ai parlé tout à l'heure,
01:00:09la CIVIS,
01:00:11quel est le problème
01:00:11pour la bonne prise en compte
01:00:13de la parole des enfants
01:00:14et donc des victimes ?
01:00:16Je dirais qu'il y a deux questions.
01:00:18Il y a un problème
01:00:20de positionnement d'abord.
01:00:21Qu'est-ce qu'on entend ?
01:00:23Qu'est-ce qu'on veut bien entendre
01:00:24de ces affaires ?
01:00:25De prise en compte
01:00:26d'une certaine réalité.
01:00:28De ce point de vue,
01:00:28on a quand même pas mal avancé.
01:00:30Je pense que les règles aussi
01:00:31de prescription,
01:00:32c'est-à-dire qu'il y amène
01:00:33en fait aujourd'hui
01:00:34des victimes qui sont
01:00:35des victimes adultes
01:00:36à dénoncer des faits
01:00:38qui ont été commis
01:00:39lorsqu'elles étaient enfants,
01:00:40sont venues aussi abonder
01:00:41dans le sens de ce que pouvait être
01:00:43la réalité de certains enfants victimes.
01:00:45Ça, c'est un fait.
01:00:47Et puis, il y a tout un problème
01:00:48de formation sur le recueil
01:00:49de la parole de l'enfant
01:00:50qui reste de toute façon
01:00:51très problématique.
01:00:53Et puisqu'on parle de ça,
01:00:55et puisque vous évoquiez
01:00:56tout à l'heure
01:00:57le fait que les victimes
01:01:01qu'on voit dans ce reportage
01:01:02soient des hommes,
01:01:03ce qui est très important,
01:01:04et c'est très important
01:01:05de leur donner la parole,
01:01:06parce que c'est toujours...
01:01:07Voilà, ils sont quatre fois
01:01:09moins victimes que les femmes.
01:01:10Mais il y a certainement
01:01:11un chiffre noir
01:01:12qui est plus important
01:01:13sur les hommes
01:01:13que sur les femmes.
01:01:14C'est certain.
01:01:15Mais pour autant,
01:01:16dans les procédures,
01:01:17ils sont davantage crus
01:01:18quand ils viennent déposer
01:01:21une fois adultes.
01:01:23C'est important de le dire.
01:01:25C'est important qu'ils l'entendent aussi,
01:01:27parce qu'il y a encore
01:01:27beaucoup de silence
01:01:28de leur part.
01:01:30Donc, je dirais que
01:01:33le recueil de la parole
01:01:34de l'enfant, oui,
01:01:34il reste encore
01:01:35extrêmement problématique.
01:01:37Il y a quelques points
01:01:38de repère législatif.
01:01:402016, le mot inceste
01:01:42fait son entrée
01:01:43dans le col pénal.
01:01:44C'est la loi Billon
01:01:45également en 2021
01:01:47pour établir
01:01:48un âge de présomption
01:01:49de non-consentement
01:01:51pour tout mineur
01:01:51de 15 ans.
01:01:52Et puis, vous l'avez dit,
01:01:53le délai de prescription
01:01:54des crimes sexuels
01:01:55sur mineurs
01:01:56a été fixé à 30 ans
01:01:57à compter de la majorité
01:01:58de la victime.
01:02:00Ça, c'est la loi Chapia
01:02:01de 2018.
01:02:03Ça a sans doute,
01:02:04vous venez de nous le dire,
01:02:05aussi contribué
01:02:06à la libération
01:02:06de cette parole.
01:02:08Que peut-on dire ?
01:02:08On a parlé des victimes.
01:02:10Que peut-on dire
01:02:10du profil des agresseurs
01:02:12hors pédo-criminalité en ligne ?
01:02:14On en parlera tout à l'heure.
01:02:15Alors, les agresseurs,
01:02:16il n'y a pas vraiment
01:02:17de profil.
01:02:19Et il y a de moins en moins
01:02:21d'âge, d'ailleurs,
01:02:23de profil d'âge,
01:02:24puisqu'on s'aperçoit
01:02:24qu'il y a de plus en plus
01:02:25de mineurs
01:02:26auteurs de violences sexuelles
01:02:29sur d'autres mineurs.
01:02:31Vous l'avez dit,
01:02:32majoritairement des hommes.
01:02:35Par contre,
01:02:36je pense qu'on sous-estime
01:02:37clairement la part de femmes
01:02:39auteurs de violences sexuelles
01:02:41sur des enfants
01:02:41pour en avoir eu
01:02:44à de nombreuses reprises
01:02:45dans mon parcours professionnel.
01:02:49J'abonde dans le fait
01:02:51que quand c'est une femme
01:02:52qui est auteure
01:02:54de violences sexuelles,
01:02:56la prise en compte
01:02:57des faits
01:02:58par la justice
01:03:00n'est absolument pas la même.
01:03:01On a une grosse tendance,
01:03:03je pense,
01:03:03à minimiser l'acte
01:03:05en lui-même
01:03:05en faisant passer ça
01:03:07pour un problème
01:03:09de soins,
01:03:11un problème
01:03:12de volonté
01:03:16de faire du bien
01:03:17à l'enfant,
01:03:18etc.
01:03:18Alors que c'est vraiment,
01:03:19il y a une intention
01:03:20criminelle derrière.
01:03:23Et des dernières études,
01:03:25il y en a une
01:03:25qui va sortir bientôt,
01:03:26elle nous a été présentée
01:03:27en Australie
01:03:28dernièrement,
01:03:28ça montre
01:03:30la sous-estimation
01:03:32du nombre de femmes
01:03:33auteures de violences sexuelles.
01:03:34Donc effectivement,
01:03:35on a l'habitude de dire
01:03:3697% sont des hommes,
01:03:38mais je pense que
01:03:39d'ici quelques temps,
01:03:40on va devoir
01:03:40baisser
01:03:42le nombre
01:03:43de...
01:03:44le pourcentage
01:03:45de ces auteurs masculins
01:03:46et laisser un peu
01:03:47et même beaucoup
01:03:48plus de place
01:03:49aux auteurs féminines
01:03:51parce que c'est le cas.
01:03:53Sur ce profil
01:03:54des agresseurs,
01:03:55qu'est-ce qui sort,
01:03:55ressort pour l'essentiel ?
01:03:57Est-ce qu'il y a
01:03:58un suivi aussi psychologique
01:03:59du côté des agresseurs
01:04:01après qu'on ait constaté
01:04:02effectivement
01:04:03qu'ils ont bel et bien
01:04:04été coupables
01:04:05d'agressions
01:04:06et de violences sexuelles
01:04:07sur mineurs ?
01:04:08Alors,
01:04:08heureusement,
01:04:09oui.
01:04:10Et on en discutait
01:04:12tout à l'heure,
01:04:12la justice a,
01:04:14je dirais peut-être
01:04:15un peu malheureusement,
01:04:16tendance maintenant
01:04:17à augmenter
01:04:17la durée
01:04:18des suivis sociaux judiciaires
01:04:19avec les injonctions de soins
01:04:20aux dépens des peines de prison
01:04:22qui sont,
01:04:24pour mon point de vue
01:04:24en tout cas,
01:04:25importants
01:04:26dans la mesure
01:04:26où ça permet
01:04:27d'insister
01:04:29sur la gravité des faits
01:04:31et d'aider l'agresseur
01:04:32à prendre conscience
01:04:33de la gravité des faits,
01:04:34ce qui ne prend pas forcément
01:04:35en compte
01:04:36quand il est simplement suivi,
01:04:38simplement astreint
01:04:40à un suivi
01:04:40socio-judiciaire
01:04:41et à une injonction de soins.
01:04:43Et donc,
01:04:43dans le cadre
01:04:44de l'injonction de soins,
01:04:45ça dépend bien évidemment
01:04:46du profil d'agresseur
01:04:47et donc il y a pour les...
01:04:50si on s'en tient
01:04:51aux agresseurs sexuels
01:04:52d'enfants,
01:04:53il y a à peu près
01:04:5440%
01:04:55qui sont
01:04:56des personnes
01:04:58qui ont des fantasmes
01:04:59pédophiles,
01:05:00voire qui sont
01:05:01des pédophiles exclusifs,
01:05:02c'est-à-dire qui n'ont pas
01:05:03d'autres formes de sexualité,
01:05:05et puis 60%
01:05:06qui sont des agresseurs
01:05:07sexuels d'enfants
01:05:07occasionnels,
01:05:08c'est-à-dire
01:05:09ils avaient bu,
01:05:10ils avaient pris des toxiques,
01:05:12ils voulaient se venger
01:05:12d'avoir été abusés petits,
01:05:14ils assument mal
01:05:15leur homosexualité,
01:05:16ils sont mal à l'aise
01:05:17avec des partenaires adultes,
01:05:19et donc,
01:05:19en fonction du profil
01:05:21des agresseurs
01:05:21sexuels d'enfants,
01:05:23on va mettre en place
01:05:23des thérapies
01:05:24complètement différentes
01:05:25et on va réserver
01:05:27des traitements
01:05:27plus lourds,
01:05:29on va dire,
01:05:29à ceux qui sont pédophiles
01:05:30et pédophiles exclusifs,
01:05:32c'est-à-dire à peu près
01:05:3210% des agresseurs
01:05:33sexuels d'enfants.
01:05:34Mais j'en reviens
01:05:35aux victimes
01:05:35et la prise en charge
01:05:36de ces victimes
01:05:38parce que les dégâts
01:05:39provoqués sont considérables.
01:05:40Dépression,
01:05:41risques suicidaires,
01:05:43troubles alimentaires,
01:05:44conduites addictives.
01:05:46Ce sont des victimes
01:05:48qui ont souvent du mal
01:05:49ensuite à construire
01:05:50une vie professionnelle,
01:05:51une vie de famille.
01:05:52Et être plus enclin
01:05:53à se refaire
01:05:54agresser sexuellement.
01:05:56Et on l'explique comment ?
01:05:58Besoin de se faire du mal,
01:05:59besoin de se souiller,
01:06:02besoin de comprendre
01:06:04ce qui s'est passé,
01:06:06il y a beaucoup de facteurs
01:06:07qui viennent se conjuguer.
01:06:09Je reviens à nouveau
01:06:10sur cette problématique
01:06:12très spécifique
01:06:13de votre reportage,
01:06:14c'est-à-dire les hommes,
01:06:14pour rebondir sur ce que dit
01:06:16madame.
01:06:19Le rapport de l'INED,
01:06:21par exemple,
01:06:22de 2025,
01:06:23met en avant le fait
01:06:24que, par exemple,
01:06:25chez les hommes
01:06:25qui ont été victimes,
01:06:26ils sont ensuite
01:06:27davantage victimes encore
01:06:29que les femmes
01:06:30par le fait que
01:06:31ce que ça produit
01:06:32aussi chez eux,
01:06:33c'est beaucoup
01:06:33de difficultés relationnelles,
01:06:34beaucoup de problématiques
01:06:37existentielles
01:06:38en termes de masculinité,
01:06:41de sexualité,
01:06:42etc.
01:06:42Donc,
01:06:43c'est un point
01:06:44qui est très important.
01:06:45Et puis,
01:06:46vous avez raison de le dire,
01:06:47on ne le dira
01:06:48jamais souvent,
01:06:50l'abus sexuel
01:06:51et ce reportage
01:06:51le démontre
01:06:52de manière
01:06:52absolument éloquente.
01:06:54c'est un poison
01:06:56qui se distille
01:06:57une vie durant
01:06:58et qui se fait entendre
01:07:01ici ou là
01:07:02et se réveille
01:07:03quand on le croyait
01:07:04devenu inerte
01:07:06au bout d'un certain
01:07:07nombre d'années.
01:07:08C'est-à-dire,
01:07:08dans cette matière,
01:07:09puisqu'on évoquait
01:07:10la prescription
01:07:10tout à l'heure
01:07:12de ces faits-là,
01:07:14le temps n'efface rien
01:07:16et un rien
01:07:18efface le temps.
01:07:19C'est-à-dire que
01:07:20une odeur,
01:07:22un mot,
01:07:23une rencontre,
01:07:25un regard croisé,
01:07:27tout ça vient réveiller
01:07:28chez les victimes
01:07:28des choses
01:07:29qui sont absolument
01:07:30extraordinairement douloureuses.
01:07:32Je voudrais que vous commentiez
01:07:33ces chiffres
01:07:34qui vont apparaître
01:07:35concernant le suivi judiciaire
01:07:37des actes pédocriminels.
01:07:393% des viols
01:07:40et des agressions sexuelles
01:07:41commises chaque année
01:07:42sur des enfants
01:07:43font l'objet
01:07:44d'une condamnation.
01:07:463%.
01:07:463%.
01:07:47Il y a 19%
01:07:48de cas
01:07:49de plaintes déposées
01:07:51et 3%,
01:07:52donc c'est le chiffre
01:07:53qu'il faut retenir
01:07:54dans ce panneau
01:07:55et puis 1% seulement,
01:07:561% seulement
01:07:57pour les cas insistueux.
01:07:59Là, on se dit
01:08:00qu'il y a une impunité totale
01:08:01pour les agresseurs
01:08:02au regard
01:08:03de ces chiffres.
01:08:05Il y a très peu
01:08:05d'affaires jugées
01:08:06au final,
01:08:07très peu de plaintes.
01:08:08Alors,
01:08:08est-ce que c'est la conséquence
01:08:09de tout ce qu'on vient
01:08:10de se dire avant ?
01:08:11C'est la difficulté
01:08:12de prendre la parole,
01:08:14ce silence
01:08:15ambiant
01:08:16qui règne
01:08:17autour de ces affaires
01:08:18qui explique
01:08:18c'est de tels chiffres ?
01:08:21Alors,
01:08:21il nous faudrait bien plus
01:08:22qu'un débat doc
01:08:23pour aller au fond
01:08:24de cette question.
01:08:26Mais on va devoir le faire
01:08:27dans les temps à partir.
01:08:27Mais en même temps,
01:08:29parce qu'il y a énormément
01:08:30de choses
01:08:30qui sont à prendre
01:08:32en considération,
01:08:34ce qui est certain,
01:08:35c'est qu'aujourd'hui,
01:08:36la situation telle
01:08:37qu'elle se présente
01:08:38aujourd'hui,
01:08:38ça a toujours été très difficile
01:08:39de se faire entendre,
01:08:41mais aujourd'hui,
01:08:41qu'on est au moins
01:08:42dans l'acceptation
01:08:42de l'idée
01:08:43que ça puisse exister,
01:08:44parce que ça,
01:08:45c'est le pas en avant
01:08:46qu'on a fait
01:08:47ces dernières dizaines d'années.
01:08:50Il y a un autre problème
01:08:51qui est à l'oeuvre,
01:08:52qui est un problème
01:08:53de moyens.
01:08:54Je suis désolé
01:08:55de dire des choses comme ça
01:08:56parce que c'est effrayant.
01:08:58Mais le mouvement
01:08:59MeToo,
01:08:59la libération de la parole,
01:09:01etc.
01:09:02MeToo inceste
01:09:02janvier 2021.
01:09:04A été un véritable tsunami
01:09:06pour l'institution judiciaire,
01:09:08mais pas seulement,
01:09:09pour toute la chaîne pénale.
01:09:11Et que si aujourd'hui,
01:09:13et je crois que c'est
01:09:13très important
01:09:14de dire ça,
01:09:15et je pense que
01:09:17Véronique Béchut
01:09:17ne dira pas le contraire,
01:09:20aujourd'hui,
01:09:21si l'institution
01:09:22veut se sauver
01:09:23de la noyade,
01:09:24elle n'a pas
01:09:25d'autre moyen
01:09:26elle-même
01:09:27que de faire passer
01:09:28par-dessus bord
01:09:28un certain nombre
01:09:29de victimes.
01:09:30Alors,
01:09:31Véronique Béchut.
01:09:32Alors,
01:09:33les chiffres
01:09:33de plaintes
01:09:35pour des faits
01:09:35de violences sexuelles
01:09:36sur des mineurs
01:09:37en 2023,
01:09:38c'est 65 300
01:09:40en France.
01:09:42Vous avez cité
01:09:43tout à l'heure
01:09:43le chiffre
01:09:44de le nombre
01:09:45de 160 000
01:09:47victimes par an.
01:09:49Donc,
01:09:49on est bien en deçà
01:09:50du nombre estimé
01:09:52de victimes par an
01:09:53dans les plaintes.
01:09:55Première chose.
01:09:56Deuxième chose,
01:09:56on sait que 75 %
01:09:58de ces 65 300
01:10:00vont être classés
01:10:01sans suite
01:10:01et qu'à l'issue,
01:10:04il y aura
01:10:05seulement 3 %
01:10:07de condamnation
01:10:07dans les 25 %
01:10:08restants.
01:10:09– Alors,
01:10:10là,
01:10:11je tape un peu
01:10:12sur mon ancienne institution,
01:10:14mais c'est le constat
01:10:15que tout le monde a fait
01:10:16et d'ailleurs,
01:10:16c'est pour ça
01:10:17qu'à la civise notamment,
01:10:19dont je suis membre,
01:10:20on milite
01:10:21pour plus de moyens,
01:10:24mais aussi
01:10:24plus de formation
01:10:25et de sensibilisation,
01:10:26non pas que
01:10:27des personnels
01:10:28de la chaîne pénale,
01:10:29mais aussi en amont
01:10:31pour l'accueil
01:10:32de la parole
01:10:32de l'enfant correct,
01:10:34de manière à ce que
01:10:34les informations
01:10:35qui remontent
01:10:36aux personnels
01:10:38d'enquête,
01:10:39que ce soit police
01:10:39ou gendarmerie,
01:10:40puissent être travaillées.
01:10:42Exactement.
01:10:43Je rejoins tout à fait
01:10:44Maître Constantino.
01:10:46Et encore une fois,
01:10:47il faut qu'on sorte
01:10:48encore de cette problématique
01:10:51de la parole
01:10:52contre la parole,
01:10:53c'est-à-dire que
01:10:54la parole de la victime
01:10:55contre la parole
01:10:56de l'auteur
01:10:56et notamment
01:10:56pour des faits actuels.
01:10:58On a maintenant
01:10:59le numérique
01:11:00qui est une aide
01:11:02indéniable
01:11:03dans les enquêtes
01:11:04et encore une fois,
01:11:06beaucoup de services
01:11:06ne s'en saisissent pas
01:11:07faute de formation,
01:11:09faute de moyens
01:11:10d'analyse,
01:11:11des supports numériques,
01:11:12etc.
01:11:12Alors qu'on sait
01:11:13que 100%
01:11:14des individus
01:11:15qui commettent
01:11:16des faits physiques
01:11:17sur des enfants
01:11:17ont une activité
01:11:18pédocriminelle en ligne.
01:11:20Donc c'est une aide
01:11:20à l'enquête certaine.
01:11:22Ce peu de plaintes,
01:11:23ce peu de jugement
01:11:24au final
01:11:25de ces affaires
01:11:25impactent les victimes
01:11:27et visiblement
01:11:27ça crée là encore
01:11:28un choc supplémentaire
01:11:30du côté des victimes.
01:11:31Et pour aller encore plus loin
01:11:32que ce que vous disiez,
01:11:33moi je suis toujours
01:11:34très intriguée
01:11:35parce que j'ai suivi
01:11:36des centaines
01:11:37et des centaines
01:11:37de personnes
01:11:38en poste pénal
01:11:39et on fait
01:11:40assez régulièrement
01:11:41une enquête
01:11:42de crédibilité
01:11:43sur la parole
01:11:43des victimes.
01:11:44On n'en fait pas
01:11:45sur la parole
01:11:46des agresseurs.
01:11:48Donc ça veut dire
01:11:49que la parole
01:11:49des agresseurs
01:11:50est davantage crue
01:11:51que celle des victimes.
01:11:53Et souvent
01:11:54ce que les victimes
01:11:55nous disent
01:11:55c'est
01:11:56je ne veux pas
01:11:57porter plainte
01:11:58parce qu'on ne me croira pas
01:12:00ou bien
01:12:01ça sera trop douloureux
01:12:02d'être confronté
01:12:03de nouveau
01:12:04à l'agresseur
01:12:05ou bien
01:12:05au vu des chiffres
01:12:06il ne sera pas condamné
01:12:08et c'est une lourde
01:12:09procédure pour moi
01:12:11onéreuse
01:12:12et je n'ai pas envie
01:12:13de me lancer
01:12:14dans cette histoire.
01:12:15Donc on entend souvent
01:12:16ce discours
01:12:16chez les victimes.
01:12:17La pédocriminalité en ligne
01:12:19je vais vous redonner
01:12:19la parole
01:12:20et ensuite
01:12:21vous nous direz
01:12:22ce que vous pensez
01:12:23de l'augmentation
01:12:24évidemment
01:12:25de la pédocriminalité
01:12:26en ligne
01:12:27parce que c'est le cas
01:12:28en quoi c'est vraiment
01:12:29quelque chose
01:12:30de nouveau
01:12:32par rapport
01:12:34à tout ce qu'on vient
01:12:35de se dire
01:12:35et pourquoi ça prend
01:12:36une telle ampleur
01:12:37aujourd'hui ?
01:12:38Alors ça prend
01:12:39une telle ampleur
01:12:40parce que
01:12:40internet est maintenant
01:12:41entre les mains
01:12:42de tous
01:12:43et notamment des enfants
01:12:44qui sont
01:12:45ultra connectés
01:12:47c'est dès le plus jeune âge
01:12:48la dernière étude
01:12:50d'e-enfance
01:12:52qui est sortie
01:12:52il y a 10 jours
01:12:53atteste que 67%
01:12:56des 6-10 ans
01:12:57sont déjà en ligne
01:12:58ont des réseaux sociaux
01:12:59sont sur Whatsapp
01:13:00etc.
01:13:01Donc en fait
01:13:01ce sont des proies
01:13:03extrêmement faciles
01:13:04et les pédocriminels
01:13:05sont là
01:13:06où sont les enfants
01:13:07les enfants sont en ligne
01:13:08les pédocriminels
01:13:09sont en ligne
01:13:09vous disiez tout à l'heure
01:13:12un enfant sur 10
01:13:13victime
01:13:14de faits de violences sexuelles
01:13:16en fait le Conseil
01:13:17de l'Europe
01:13:18il y a déjà
01:13:18quelques années
01:13:19a établi
01:13:20que sur le vieux continent
01:13:22c'était un enfant
01:13:23sur cinq
01:13:24si on prenait
01:13:25en compte
01:13:25ce qui se passait
01:13:26au niveau
01:13:27du numérique
01:13:28donc c'est pas
01:13:30trois enfants
01:13:30par classe
01:13:31qui sont victimes
01:13:32c'est six enfants
01:13:33par classe
01:13:34quand on inclut
01:13:35ce qu'on leur fait
01:13:36subir en ligne
01:13:37ce qu'ils sont obligés
01:13:38de faire devant une caméra
01:13:39etc.
01:13:40et encore une fois
01:13:41j'aimerais vraiment
01:13:43passer le message
01:13:44que la pédocriminalité
01:13:45en ligne
01:13:46ce n'est pas un type
01:13:47de pédocriminalité
01:13:48internet est juste
01:13:50le moyen
01:13:51pour les pédocriminels
01:13:52d'avoir un accès
01:13:53facilité aux enfants
01:13:54d'avoir un accès
01:13:55facilité entre eux
01:13:57et pour ça
01:13:58je tiens à préciser
01:13:59qu'on ne parle pas
01:14:00de réseau
01:14:01c'est la pédocriminalité
01:14:03les pédocriminels
01:14:04sont des individus
01:14:05ils sont très individus
01:14:07ils sont très individualistes
01:14:10justement pour garder
01:14:12leur anonymat
01:14:12etc.
01:14:13ne pas se mettre
01:14:14en difficulté en ligne
01:14:15par contre
01:14:16ils font communauté
01:14:18avec internet
01:14:19c'est à dire
01:14:19qu'ils peuvent
01:14:20discuter entre eux
01:14:21s'échanger
01:14:22des bonnes affaires
01:14:23les bonnes pratiques
01:14:25faire en sorte
01:14:26de rester
01:14:27en toute sécurité
01:14:29sur tel ou tel réseau
01:14:30et aussi
01:14:31ils peuvent échanger
01:14:32les moyens
01:14:33d'avoir des accès
01:14:33facilités aux mineurs
01:14:35donc savoir
01:14:36où ils se trouvent
01:14:36actuellement
01:14:37quelle plateforme utiliser
01:14:38quel phénomène
01:14:40mettre en place
01:14:40actuellement
01:14:41on a une explosion
01:14:42de ce qu'on appelle
01:14:43la sextorsion
01:14:44qui est le fait
01:14:45là pour nous expliquer
01:14:46exactement
01:14:47qui est le fait
01:14:47de après avoir obtenu
01:14:49un premier contenu sexuel
01:14:50de la part de l'enfant
01:14:52pouvoir
01:14:53obtenir d'autres contenus
01:14:56ou une rencontre physique
01:14:58en faisant chanter l'enfant
01:15:00en lui indiquant
01:15:00que s'il n'obtempère pas
01:15:03et bien son contenu sexuel
01:15:05va être distribué
01:15:06diffusé parmi tous
01:15:08ces contacts en ligne
01:15:08sur internet
01:15:09etc
01:15:10donc ils obtiennent
01:15:11de plus en plus
01:15:13de choses
01:15:14d'enfants
01:15:14de plus en plus jeunes
01:15:15pour avoir
01:15:17des rencontres physiques
01:15:19et d'autres contenus
01:15:20pédocriminels
01:15:20qui vont pouvoir
01:15:21échanger entre pédocriminels
01:15:23grâce à internet
01:15:24et vous l'avez dit
01:15:25au tout début
01:15:25de cette émission
01:15:26il y a de plus en plus
01:15:26de mineurs
01:15:27qui sont des agresseurs
01:15:29et il y a de plus en plus
01:15:31de mineurs
01:15:32par ce biaire
01:15:32oui alors pourquoi
01:15:33parce qu'ils ont un accès
01:15:34très jeune à la pornographie
01:15:36donc ils ont un biais
01:15:37de construction
01:15:38psychosexuelle
01:15:40qui est avéré
01:15:41maintenant
01:15:42et donc ils ont
01:15:44ils ont de plus en plus
01:15:46besoin d'avoir accès
01:15:47à des contenus
01:15:48de plus en plus violents
01:15:49sexuellement
01:15:50et donc ils tombent
01:15:51très facilement
01:15:52sur des contenus
01:15:53pédocriminels
01:15:54ils vont les appréhender
01:15:56et ensuite
01:15:57ils vont exercer
01:15:59ce type de comportement
01:16:00sur des enfants
01:16:00dans la réalité
01:16:01en 2024
01:16:03l'année dernière
01:16:03Love Me
01:16:04a reçu
01:16:04164 500
01:16:06signalements
01:16:07de contenus
01:16:08pédocriminels
01:16:09échangés
01:16:10en ligne
01:16:10en France
01:16:11un chiffre
01:16:12qui progresse
01:16:13dangereusement
01:16:15que peut-on faire
01:16:16que doit-on faire
01:16:17face à ce nouveau
01:16:19mode de pédocriminalité
01:16:20là encore
01:16:21et pardon de dire ça
01:16:22parce que cette réponse
01:16:23est totalement bateau
01:16:24mais elle est malheureusement
01:16:25tellement vraie
01:16:26il faut parfois
01:16:26les répéter peut-être
01:16:27ces réponses bateau
01:16:29il faut mettre là aussi
01:16:30des moyens
01:16:31qui soient des moyens
01:16:31considérables
01:16:32c'est-à-dire que
01:16:33l'offmin fait un travail
01:16:34extraordinaire
01:16:34qui est presque miraculeux
01:16:36compte tenu du peu
01:16:36qu'ils sont
01:16:37mais ça n'est pas assez
01:16:40et confronté
01:16:41à ce qu'il peut y avoir
01:16:43dans d'autres pays d'Europe
01:16:44on est vraiment
01:16:46totalement à la traîne
01:16:47là-dessus
01:16:47c'est-à-dire qu'il en faut
01:16:49beaucoup plus
01:16:49des agents
01:16:50derrière leur écran
01:16:51parce que vous avez dit
01:16:53combien de signalements
01:16:54on ne va pas avoir
01:16:55la cruauté de demander
01:16:56combien ont été traités
01:16:57parce que c'est impossible
01:16:59en fait
01:16:59de les traiter tous
01:17:00on n'est pas du tout
01:17:02à la hauteur de la situation
01:17:03de la même façon
01:17:04la justice n'est pas
01:17:05non plus à la hauteur
01:17:06de la situation
01:17:07dans le traitement
01:17:08de ces affaires
01:17:08qui sont des affaires
01:17:09de détention
01:17:11diffusion
01:17:12etc.
01:17:13etc.
01:17:14consultation
01:17:14d'images pédopornographiques
01:17:15parce qu'elle n'entend pas
01:17:18et elle n'entend toujours pas
01:17:19que derrière ces images
01:17:22il y a la réalité
01:17:23de ces enfants
01:17:23et que ce sont des peines
01:17:26qui sont extrêmement légères
01:17:27souvent des peines
01:17:28avec sursis
01:17:29on n'arrive pas
01:17:31à prendre en considération
01:17:32le fait qu'il y a
01:17:33des passages à l'acte
01:17:34bien sûr
01:17:35parce que longtemps
01:17:35la légende voulait
01:17:37que celui qui faisait ça
01:17:39sur internet
01:17:39en fait ne passait pas
01:17:40à l'acte
01:17:41ce qui est faux
01:17:41parce que
01:17:42presque un cas sur deux
01:17:43parce que les chiffres
01:17:44ont fait la démonstration
01:17:45du contraire
01:17:47et dans votre reportage
01:17:48il est fait mention
01:17:50de l'affaire
01:17:50qui a été plaidée
01:17:51à Vannes
01:17:52c'est-à-dire
01:17:53de ce pédophile
01:17:53qui avait fait
01:17:54plus de 300 victimes
01:17:55l'affaire
01:17:55Le Squarnec
01:17:56avant d'être démasqué
01:17:59Le Squarnec
01:17:59en 2005
01:18:01par le fait
01:18:03d'une
01:18:04d'une action
01:18:07d'ampleur
01:18:07venue des Etats-Unis
01:18:08est arrêtée
01:18:10pour détention
01:18:11et on lui desserne
01:18:13une médaille
01:18:14on lui dit
01:18:14rentrez chez vous
01:18:15on a bien compris
01:18:15que tout ça
01:18:16n'est pas très grave
01:18:16et ça a donné
01:18:17ce que ça a donné
01:18:18J'aurais pu rajouter
01:18:19aussi que
01:18:20le fléau des images
01:18:22pédocriminales
01:18:22générées par IA
01:18:24prend lui aussi
01:18:25énormément d'ampleur
01:18:26vous aurez le mot
01:18:26de la fin
01:18:27la pédocriminalité
01:18:29concernant les victimes
01:18:31sans doute
01:18:32avez-vous eu
01:18:33des victimes
01:18:34peut-être
01:18:35des parents de victimes
01:18:36pour témoigner
01:18:37de leur difficulté
01:18:37à faire face
01:18:38à cette pédocriminalité
01:18:40qui sont d'anciennes victimes
01:18:43et je voulais rebondir
01:18:44sur ce que vous disiez
01:18:44sur les enfants
01:18:45qui regardent très tôt
01:18:47des vidéos
01:18:48pédopornographiques
01:18:50puis pédopornographiques
01:18:51et sur les agressions
01:18:53qui sont de plus en plus fréquentes
01:18:54dans les cours d'école
01:18:55et j'imagine
01:18:57qu'on a la même chose
01:18:58en France
01:18:58mais en tout cas
01:18:59il y a des enquêtes
01:19:00qui sont faites actuellement
01:19:01en Angleterre
01:19:02où des gamines
01:19:03dans les collèges
01:19:04disent
01:19:05je n'ose plus aller aux toilettes
01:19:07ou en tout cas
01:19:08sauf quand j'ai
01:19:09trois ou quatre amis
01:19:09qui peuvent m'accompagner
01:19:10et garder la porte
01:19:11parce que j'ai peur
01:19:12de me faire agresser sexuellement
01:19:14et se faire agresser sexuellement
01:19:16dans l'école
01:19:17c'est juste quelque chose
01:19:19qui fait partie de la vie
01:19:20et il faut faire attention
01:19:21que ça ne nous arrive pas
01:19:22à nous
01:19:22je trouve que c'est impressionnant
01:19:24j'ai une gamine de collège
01:19:26des gamines de collège
01:19:27qui attestent de ça
01:19:28dans une étude
01:19:29anonyme
01:19:30ça sera le mot de la fin
01:19:31vraiment un grand merci
01:19:32à tous les trois
01:19:33d'avoir participé
01:19:34à ce débat doc
01:19:35aujourd'hui
01:19:36vos réactions
01:19:36ça sera sur
01:19:37hashtag
01:19:38hashtag pardon
01:19:39débat doc
01:19:40merci à Félicité Gavalda
01:19:42Thibaut Brossé et Kelle
01:19:44qui m'ont aidé à préparer
01:19:45cette émission
01:19:46prochain rendez-vous
01:19:46avec débat doc
01:19:47même place
01:19:47même heure
01:19:48avec toujours
01:19:49son documentaire
01:19:51et son débat
01:19:51à très bientôt
01:19:52génial
01:19:53merci à tous
01:20:02au revoir
01:20:04merci à tous
01:20:04etc
01:20:05au revoir
01:20:05merci à tous
01:20:06merci à tous
01:20:07pierre
01:20:07à tous
01:20:08tout
01:20:09merci à tous
01:20:10pas à tous
01:20:11vous
01:20:11le répète
01:20:12qui est
01:20:12tout
01:20:12au revoir
01:20:13et
01:20:13au revoir
01:20:14mon
01:20:15c'est pas
01:20:15tout
01:20:16trop
01:20:16à tous
01:20:17à tous
01:20:18on
01:20:18le répét
01:20:20au revoir
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