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  • il y a 20 heures

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Personnes
Transcription
00:00Alors en fait c'est le livre de Robert Linnart qui m'a accompagnée.
00:07En fait, dans la pièce, Eden a ce travail de blanchisseuse d'abattoir
00:14qui est un travail qui est extrêmement répétitif.
00:18Et on s'est posé la question avec toute l'équipe du spectacle,
00:23mais notamment avec les comédiennes,
00:25quelle représentation en fait on a du travail, de l'usine,
00:34est-ce que certains d'entre nous avaient pu avoir un travail à la chaîne ou pas,
00:42est-ce qu'à quoi était lié pour nous quand on parlait des 3-8,
00:48à quoi ça faisait les références.
00:51Et en fait, il y a cette question, c'était une question qui était double,
00:57à savoir qu'est-ce que nous on amenait comme imaginaire en jouant ces blanchisseuses.
01:02Et aussi, en fait c'est une question que se pose Eden à travers toute la pièce,
01:06qui est comment je raconte un travail qui est répétitif,
01:08alors que la répétition, par définition, dans une histoire,
01:13c'est quelque chose qui est considéré comme mauvais,
01:15c'est quelque chose qui est considéré comme ennuyeux.
01:17Donc on s'est dit, ok, on va chercher des représentations non seulement du travail,
01:22mais du travail répétitif.
01:23Et moi, assez tôt, dans mon parcours d'écriture,
01:27j'avais lu l'établi de Linnart,
01:31qui est donc sur un jeune bourgeois normalien, maoïste,
01:40qui décide de s'établir comme ouvrier dans les années 70 à la chaîne de Citroën.
01:45Et en fait c'est très très rare, les livres et les films dans lesquels on peut voir ce travail
01:52qui se répète encore et encore,
01:55et donc ça a beaucoup occupé ma pensée,
01:59la manière dont Linnart, dans ce livre, décrit notamment le rapport du corps avec la chaîne.
02:06Et contrairement, en fait c'est le premier qui a déjoué, je pense un cliché que j'avais,
02:11et c'est que la chaîne c'est quelque chose qui va très très vite,
02:15et je pense que ça venait des films de Chaplin qui sont toujours un peu en accéléré,
02:19et Linnart dit, non non, c'est pas la chaîne qui va vite,
02:22c'est la répétition qui en quilosent.
02:24Et donc quand on commence, on croit que ça va être facile,
02:28et en fait, parce que les courbatures, parce que la fatigue,
02:32parce que l'ennui, parce que le bruit,
02:34petit à petit, la chaîne nous rattrape,
02:37et à la fin elle nous double, et quand elle nous double, on se fait mal.
02:41Et je trouvais que c'était une image qui était très belle,
02:45et donc c'est l'œuvre qui m'a beaucoup occupée pour ça.
02:51Une autre chose pour laquelle le film, je le trouve hyper intéressant
02:55par rapport à ma démarche d'écriture,
02:57c'est la féminisation de l'histoire que raconte Linnart.
03:04C'est-à-dire, si vous avez lu le livre,
03:08c'est très étonnant de voir qu'il y a des personnages féminins dans le film
03:12qui n'existent absolument pas,
03:15parce qu'en fait, Linnart écrit vraiment ce livre
03:20dans une usine où il ne bosse qu'avec des hommes,
03:23et à un moment où c'est complètement OK pour lui
03:27d'invisibiliser le fait qu'il a une femme et une fille.
03:31Ça n'existe pas, ce qui existe, c'est son action politique importante
03:34quand il va s'établir, et c'est lui dans la lutte,
03:37et c'est lui avec ses camarades ouvriers.
03:39Et en fait, des années plus tard, sa fille a écrit un livre
03:42en racontant ce qu'a été la vie de famille avec ce père
03:46qui était parti s'établir,
03:49et qui a énormément souffert de l'échec.
03:55Il était persuadé que la révolution allait arriver
03:57quand il allait lancer la grève chez Citroën.
04:00Je pense ne rien spoiler si je vous dis qu'elle n'est pas arrivée.
04:05Et en fait, à la suite de ça, il a arrêté de parler
04:08pendant plusieurs années.
04:11Je crois que sa fille a écrit un livre sur ça,
04:12et je trouvais ça très beau de se dire qu'aujourd'hui,
04:16quand on raconte cette histoire-là, l'histoire de Lina,
04:19qu'on est obligé d'intégrer dedans sa femme et sa fille
04:22qui ont aussi vécu cette situation
04:25et que c'est plus possible d'invisibiliser les femmes
04:27comme c'était possible il y a 50 ans.
04:32La dernière chose qui fait que c'est une œuvre que je trouve très riche,
04:35c'est qu'il n'y a finalement pas tant que ça d'œuvres
04:40dans lesquelles des personnages de classes sociales très différentes
04:43se retrouvent sur un point de rencontre
04:46qui n'est pas utilitaire,
04:51comme un bourgeois qui aurait un petit marchand
04:56qui n'est pas du tout de la même classe,
04:58où je parlais des personnages qui sont dans des trucs d'ascension sociale
05:06et donc eux qui viennent d'un milieu pauvre
05:08et qui vont utiliser les bourgeois pour essayer de monter.
05:12Dans Eden, il y a cette idée de voir si c'est possible
05:15de faire se rencontrer deux personnes
05:16qui viennent de milieux sociaux très différents
05:18autour d'une histoire d'amour.
05:20Et dans l'établi, il y a la question de
05:22est-ce qu'on peut faire se rencontrer des personnes
05:23qui viennent de milieux sociaux très différents
05:25autour d'un projet de révolution.
05:28et donc de raconter la lutte des classes
05:31mais pas en racontant uniquement la lutte,
05:36en racontant des personnages qui réussissent
05:38à sortir de leur classe pour aller rencontrer les autres
05:41et de dire, ok, quel commun est possible ?
05:43Et ça c'est pareil, je trouve qu'il n'y a pas beaucoup d'œuvres
05:45qui se posent ces questions-là.
05:47Donc pour toutes ces raisons, j'ai choisi
05:49pour cette carte blanche de présenter l'établi.
05:52Je vous souhaite un bon film à toutes et à tous.
05:56Merci.
05:56Merci.
05:58Applaudissements.
05:59Merci.
06:00Merci.
06:01Merci.
06:02Merci.
06:03Merci.
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