Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 10 heures
Comment la rédaction du premier journal de France a-t-elle travaillé le soir des attentats de Saint-Denis et Paris, le 13 novembre 2015 ? Dans notre vidéo, nos journalistes reviennent sur cette nuit où tout a basculé…

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00Cette une de Ouest-France est sans doute la plus tragique des dix dernières années.
00:05C'est celle qui est parue le lendemain des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
00:10Plus de 100 morts au cœur de la capitale, 130 exactement,
00:14après les attaques au Stade de France, au Bataclan et sur les terrasses des cafés et restaurants.
00:19Dix ans après, on va vous raconter comment la rédaction du premier journal de France a travaillé cette nuit-là à Rennes.
00:24Retour sur cette nuit, minute par minute.
00:25A l'époque, j'étais dans un service qui s'appelle la mise en scène qui s'occupe du secrétariat de rédaction.
00:33Et je m'occupais ce soir-là de la une.
00:35On boucle le journal habituellement autour de 21h45-22h.
00:39Et vers 21h30, on voit une dépêche arrivée, une dépêche de l'agence France-Presse,
00:45qui évoque une fusillade à Paris auprès d'un restaurant qui s'appelle le Petit Cambodge.
00:51Monsieur, qu'est-ce qui s'est passé ?
00:53Il y a un attentat.
00:53Au même moment, on a un collègue des sports qui vient nous voir.
00:57Il y avait le match au Stade de France-France-Allemagne.
01:00Il nous dit qu'il y a eu deux explosions autour du Stade.
01:02On n'a aucune idée qu'il y ait un lien entre les deux à ce moment-là.
01:05Au moment où on va partir, ce collègue Jacques revient et nous dit
01:10que le président Hollande a été exfiltré du Stade de France.
01:13Alors là, on se dit que ce n'est plus la même danse.
01:16Et à peu près, concomitamment, il doit être autour de 22h.
01:18On a la première alerte AFP sur une prise d'otage au Bataclan.
01:22J'avais mon manteau, j'ai reposé mon manteau.
01:25Et puis le rédacteur en chef de jour, c'était Jean-Bernard Cazalet,
01:29qui avait dû partir une demi-heure avant, quelque chose comme ça.
01:32Je l'ai appelé directement.
01:34Je me souviens, je lui ai dit, Jean-Bernard, ça pète de partout, il faut que tu reviennes.
01:37Je lui ai dit, mais qu'est-ce qui se passe ?
01:39Ça canard vient vite.
01:40Donc je suis remonté dans ma voiture.
01:41J'habitais à 5-10 minutes du journal.
01:43Et j'ai eu le temps d'appeler les collègues.
01:46Moi, je reçois assez rapidement un coup de téléphone de la rédaction en chef,
01:49qui me dit, il va falloir revenir.
01:52J'appelle le chef de service, et je lui dis comment on s'organise.
01:56Lui me dit, entre-temps, j'ai fait demi-tour, parce que lui avait fini sa journée.
01:59Il revient directement au plateau,
02:02et me charge de revoir les plannings de tout le monde,
02:04en disant, on est vendredi soir,
02:06il va falloir qu'on soit nombreux, surtout le week-end.
02:11On pressent que c'est un événement qui va nous tenir sur plusieurs jours.
02:17Donc moi, ce soir-là, j'arrive autour de 22 heures.
02:20Auparavant, j'étais chez moi, je n'étais pas de service ce soir-là,
02:22puisqu'on était en effectif réduit le soir.
02:24Et je commence à recevoir des notifications,
02:27fusillade à Paris,
02:28et puis, à un moment donné, le bilan s'alourdit,
02:32et je vois 18 morts dans une fusillade à Paris.
02:34Donc là, j'ai remis mes chaussures.
02:36On avait ces explosions, du coup, au Stade de France,
02:39le président exfiltré,
02:41une fusillade au petit Cambodge,
02:43et une prise d'otage, au départ, au Bataclan.
02:45Mais on n'en sait pas plus,
02:46puisque personne n'est sur place,
02:48les secours sont en train d'arriver,
02:50et nous, on a un laps de temps extrêmement court
02:52pour refaire le journal.
02:54La une du journal, ce jour-là, c'était ça.
02:56Voilà, la une était partie.
02:58Et il faut absolument tout refaire.
03:00Les rotatives ont été arrêtées,
03:02ce qui est extrêmement rare.
03:03Les collègues vont faire une première série d'articles
03:06sur ce qu'ils entendent via l'AFP,
03:09puisque les dépêches commencent à tomber,
03:10sur ce qui se passe au Bataclan.
03:12Et on démarre quelques minutes après,
03:15quelques gros unis, un an après,
03:17avec un titre qui est au moins 18 morts.
03:22En soi, 18 morts à Paris,
03:24c'est déjà inconcevable dans une ville en paix.
03:2718 morts, pour nous, c'est déjà inconcevable.
03:29Et quand on écrit ça à la une, on se dit,
03:31punaise, mais qu'est-ce qui se passe ?
03:32À 23 heures, on reçoit la une qui parle de l'attentat.
03:39On ne sait pas encore, on ne parle d'ailleurs que des terrasses,
03:41quasiment à la une.
03:42Et ça nous permet de démarrer l'impression
03:44quasiment à l'heure prévue,
03:45mettons, un petit quart d'heure de retard.
03:47Alors, il y a à la fois la une,
03:48mais il y a aussi un article dans une page intérieure
03:50à ce moment-là.
03:51On est là, fusillade à Paris, au moins 18 morts.
03:54Les seuls éléments qu'on a, c'est ça,
03:55la fusillade au petit Cambodge,
03:57la prise d'otage, puisqu'on parle de prise d'otage au Bataclan,
04:00et les explosions au Stade de France.
04:01Donc c'est ça pour l'instant.
04:03Et la une a changé pendant toute la soirée,
04:05cinq ou six fois.
04:06On a une version suivante,
04:09qui est livrée à 23h45,
04:11donc trois quarts d'heure après.
04:12Celle-là, elle va servir huit éditions,
04:14et cette fois, on a une page complète.
04:16Et puis, la dernière version
04:17qu'on va mettre à imprimer,
04:20ça va être à 2h14,
04:22et là, ça va servir les 13 dernières éditions à imprimer.
04:25Tout l'île est vilaine,
04:27mais aussi la Loire-Atlantique.
04:29Et dans cette version-là,
04:30on a toujours deux pages,
04:32mais cette fois,
04:33en position 2 et 3 du journal,
04:35et évidemment,
04:36les dernières informations
04:37qu'on pouvait diffuser à cette heure-là.
04:39Et dans une soirée comme celle-là,
04:41le plus dur, le plus compliqué,
04:43c'est de gérer l'émotion.
04:44C'est-à-dire que les collègues arrivent,
04:46tout le monde revient,
04:47on voit qu'il se passe quelque chose de gravissime,
04:50il y a deux solutions.
04:51Soit c'est le grand bazar,
04:53on a l'émotion qui nous submerge,
04:55soit on se met en mode travail robot.
04:58Et le boulot pour nous a été vraiment
05:00d'être extrêmement rigoureux
05:02sur la vérification de l'info,
05:04parce qu'on ne peut pas écrire
05:05des dizaines de morts
05:06ou 130 morts à la fin de la soirée
05:08sans que tout ça ait été vérifié.
05:09C'est évident.
05:10Ça a été vraiment une course contre la montre
05:11toute la soirée
05:12pour faire le lien
05:15entre la rédaction
05:17qui, elle, était devant des informations
05:19qui étaient très mouvantes.
05:20Ça évoluait de minute en minute.
05:22Et les usines d'impression
05:25où là, tant qu'on n'a pas la page,
05:27on ne peut pas fabriquer des plaques
05:28et donc on ne peut pas imprimer.
05:30Et donc on ne peut pas servir les camions
05:33qui sont en attente
05:34pour partir à livrer les journaux.
05:36Donc ça a été très intense.
05:38Au final, je pense qu'on a eu
05:40une demi-heure à une heure
05:41de retard d'impression.
05:42mais ce retard,
05:44il a été compensé
05:45par les efforts de chacun
05:46et aussi par la bonne communication
05:48qu'il y a pu avoir
05:48entre les services d'impression
05:50mais aussi de distribution
05:51qui se sont adaptés
05:53de façon incroyable.
05:55Et moi, j'ai un souvenir,
05:56c'est aussi de terminer
05:57ce journal imprimé,
05:58on va dire, à 2h15.
06:00Et finalement,
06:00à 2h30 du matin,
06:02j'avais un peu terminé ma journée
06:03et de voir du côté du desk multimédia
06:06le relais se faire.
06:07C'est quelque chose
06:08qui me marque,
06:10ce côté,
06:10ça ne s'arrête pas,
06:12ça continue.
06:13C'était quelque chose
06:13d'assez de très impressionnant.
06:15Je crois avoir eu du mal
06:16quand même à m'endormir
06:17et en fait,
06:19à 4h du matin,
06:20je reviens au plateau
06:22pour être la relève aussi
06:25de ceux qui avaient bossé
06:26toute la nuit.
06:27Quand j'arrive sur le plateau,
06:28il y a, on va dire,
06:304 personnes au desk
06:32qui, depuis 21h,
06:33continuaient sans cesse
06:36à alimenter le site internet.
06:37On avait ici une ambiance
06:40de travail absolument invraisemblable.
06:42J'ai rarement entendu
06:43la rédaction aussi silencieuse
06:44que ce soir-là.
06:45On n'a jamais autant
06:46modifié le journal
06:47dans une soirée,
06:48on n'a jamais autant
06:49bousculé notre rythme de travail.
06:52En termes d'industrie,
06:53on pourrait trouver
06:53beaucoup plus simple
06:54de préparer un journal
06:56à 18h
06:56et de l'imprimer tranquillement
06:58toute la nuit
06:59sans le faire évoluer.
07:01Ce n'est pas le choix
07:01de Ouest de France.
07:02Le choix de Ouest de France,
07:03c'est effectivement
07:04de pouvoir donner
07:06un journal le plus frais
07:08comme on dit chaque matin
07:09et pour ça,
07:10ça nous oblige
07:11à savoir faire évoluer
07:13notre journal
07:13en cours de production.
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations