«Ceux qui haïssent ne crieront jamais plus fort que ceux qui aiment. Les assassins ont trouvé plus combattifs qu'eux.», le discours intégral d'Emmanuel Macron qui rend hommage aux victimes du 13 novembre.
00:00Dix ans après les attentats les plus meurtriers
00:02que jamais connus la France.
00:05Dix ans.
00:09Mais que pèsent ces dix années ?
00:13Que pèsent les mots devant les douleurs, les silences ?
00:18Ce qui est advenu est à coup sûr irréparable.
00:24Et vous avez eu des jours muets et des jours aveugles,
00:33des jours de nuit et des nuits blanches,
00:38des jours où il fallait faire semblant, où il fallait tenir,
00:45des jours où la vie semblait revenir, fugace,
00:51des jours impossibles.
00:54Parce que le moindre son, la moindre odeur
00:57vous faisait revivre à l'identique un passé toujours présent.
01:02Les hurlements dans la musique,
01:05le sang sur l'asphalte,
01:08l'odeur de poudre,
01:11les corps,
01:13vos vies suspendues par les poignées,
01:16suspendues au silence.
01:17Les téléphones par terre, sonnant dans le vide et affichant des noms d'êtres aimés auxquels personne ne décrocherait jamais,
01:26l'angoisse,
01:27l'horreur, le deuil.
01:36Ceux parmi vous qui sont tombés pour ne jamais se relever.
01:44Ceux parmi vous qui se sont relevés, blessés dans leur chair, dans leur âme,
01:49avec si souvent la culpabilité d'être encore là.
01:56Ceux parmi vous qui ont été classés parmi les survivants,
01:59mais que la mort avait simplement choisi de frapper plus lentement ou plutôt d'avertir
02:07et qui ont eu à revivre.
02:11Ceux qui ont perdu ce jour-là,
02:13leurs enfants, leurs parents, leurs frères, leurs sœurs, leurs amis,
02:21l'homme ou la femme de leur vie,
02:23le père de leur petite fille à naître et leur vie d'avant.
02:32Le corps et le cœur en lambeaux, le visage cousu puis recousu.
02:41Avec cette question lancinante, pourquoi ?
02:47On voudrait trouver du sens à ce qui s'est passé.
02:54Mais chacune de vos douleurs est insensée, injuste, insupportable.
03:01On vous a dit parfois de retourner à la vie normale,
03:05mais rien de normal dans une vie fauchée dans la fleur de l'âge,
03:09dans un enfant qui meurt avant ses parents, dans un bébé qui naît orphelin.
03:12Rien de normal.
03:16Dans cette douleur larvée, lancinante,
03:19ressurgit chaque fois qu'un autre attentat frappait notre sol.
03:23Des enfants, des adultes, des forces de l'ordre, des professeurs,
03:28de Nice à Strasbourg, victimes à nouveau du terrorisme.
03:31Et nous pensons à eux tous, ce soir, le cœur serré.
03:39Au lendemain des attentats, vous avez fait l'épreuve de la normalité impossible,
03:47la tranquillité impossible, la vie impossible et la vie pourtant.
03:55Ceux qui haïssent ne crieront jamais plus fort que ceux qui aiment.
04:03Et le soir du 13 novembre, les assassins ont trouvé plus courageux, plus combatifs qu'eux.
04:10Ces forces de l'ordre qui sont intervenues,
04:13les gendarmes montés du Stade de France,
04:15les policiers du quartier du Bataclan,
04:19les deux hommes de la BAC qui, en quelques minutes,
04:22ont ouvert le feu et atteint un terroriste,
04:24armes de poing contre Kalachnikov,
04:27ces hommes de la BAC 75,
04:30de la brigade de recherche et d'intervention,
04:32du RAID en appui,
04:34tous ceux qui ont envoyé à leur famille ce soir-là
04:37des messages d'amour qu'ils pensaient devoir être les derniers et qui y étaient prêts.
04:46Ces policiers,
04:48intervenus dans les colonnes Alpha et Bravo pour neutraliser les assaillants
04:52et qui seront élevés dans la Légion d'honneur
04:54en témoignage de la reconnaissance particulière de la nation.
05:00Ces policiers municipaux,
05:02arrivés avant les autres sur les terrasses,
05:06prenant tous les risques.
05:08Ces Stadiers qui, à Saint-Denis, étaient là, aux avant-postes et ont tenu.
05:12Ces médecins, ces infirmiers et infirmières,
05:15ces aides-soignants,
05:17projetés soudain dans ces paysages de guerre
05:19comme ils n'avaient jamais cru possible de l'en voir.
05:21Ces secouristes, des mineurs,
05:23sapeurs-pompiers,
05:25ces élus, ces agents,
05:27ces membres de la police scientifique et des équipes médico-légales,
05:30tous ceux qui ont traqué sans relâche le commando des terrasses,
05:34chacune et chacun,
05:36service de nettoyage,
05:38gardiens et gardiennes,
05:40passants, serveuses et serveurs,
05:43chacun à sa place.
05:46Celui qui a aidé à les débusquer,
05:49celle qui, ensuite, a aidé au risque de sa vie,
05:51à les repérer,
05:54assumant le seul choix qu'il fallait faire,
05:58oui, celle à qui nous devons une reconnaissance plus grande encore.
06:03Ces hommes et ces femmes cachés au milieu des corps sans vie
06:06qui ont tenu la main d'un inconnu en silence pour qu'il ne se noie pas dans la peur.
06:12Cet homme qui part deux fois traverser la salle du Bataclan,
06:16lorsque les tirs ont éclaté pour ouvrir les sorties de secours latérales.
06:20Et cet autre qui a évacué les chanteurs et les a poussés dans un taxi.
06:23Cette femme qui a ouvert sa porte à vingt personnes ensanglantées et tant d'autres personnes comme elle,
06:31ouvrant plus que leurs portes, leur cœur.
06:36Cet homme qui est descendu dans la rue avec sa trousse de secours en entendant les coups de feu,
06:41cet homme torse nu parce qu'il avait utilisé d'abord le matériel de sa trousse pour faire les garrots,
06:48puis sa ceinture, puis n'ayant plus rien, avait ôté sa chemise et l'avait déchiré en morceaux pour continuer de sauver.
06:54Et notre État qui a tenu,
07:00M. le Président de la République, M. le Premier ministre, M. le Ministre de l'Intérieur et les jours et les nuits,
07:10et à vos côtés, les préfets, tous les services de l'Etat,
07:15Mme la maire de Paris, Mesdames et Messieurs les élus,
07:18tous, unis, inébranlables.
07:26Puis nos services judiciaires, magistrats, avocats, greffiers,
07:31tous et toutes qui ont tenu pendant toutes ces années,
07:35puis pendant tant de mois la plus grande audience criminelle de notre histoire,
07:39ce procès aux centaines d'avocats aux milliers de partis civils,
07:42et nos associations qui ont tenu, qui se sont levées,
07:50comme vous venez de le décrire l'un et l'autre à l'instant,
07:55avec le soutien de la délégation interministérielle d'aide aux victimes
07:59pour faire entendre leur voix pour ne laisser personne.
08:02de ces personnes et ces milliers de Français qui ont marché,
08:09et la statue de la République couverte de bougies, de fleurs et de paroles d'amour.
08:16Oui, oui, les terroristes ont trouvé beaucoup plus courageux qu'eux.
08:23Paris a tenu.
08:27Vous avez tenu.
08:29La France a tenu.
08:31La République a tenu.
08:34Dans l'urgence,
08:36par la fraternité,
08:39par la justice,
08:41par la vérité,
08:43par l'amour de la vie,
08:45nous avons tenu.
08:47Et chacun y a joué son rôle.
08:50Vos vies qu'ils avaient niées,
08:54réduites au statut de choses,
08:57voilà qu'elles étaient devenues nos vies universelles.
09:04Ces terroristes islamistes ne vous en voulaient pas à vous individuellement.
09:11Ils n'en voulaient pas à vos enfants,
09:13ils n'en voulaient pas à vos proches,
09:15ils en voulaient à la France.
09:16Ils nous en voulaient d'être Français.
09:20Ils en voulaient à une manière d'être au monde,
09:24teinté d'enracinement et d'universalisme,
09:27un monde où la femme est l'égale de l'homme,
09:30un monde où l'on rencontre l'autre dans sa différence,
09:33où on le considère à visage découvert, face à face,
09:37où chacun peut penser ce qu'il veut et dire ce qu'il pense,
09:40jouer la musique qui lui chante, exprimer la foi qui l'anime ou l'absence de foi protégée par la laïcité.
09:50Un monde où Voltaire le dispute à Molière, un monde de culture où l'on chante, où l'on danse, où l'on aime le théâtre.
09:57Et quand des terroristes veulent frapper la démocratie, la liberté, c'est la France et Paris d'abord qu'ils prennent pour cible.
10:10Ce soir-là, ils ont frappé des lieux de sport, de convivialité, d'art,
10:21des lieux où se brassaient les âmes, des lieux de liberté.
10:27Et c'est parce que vous étiez des enfants de cette France libre,
10:31parce que vous veniez d'elle ou parce que, étrangers, vous étiez sur son sol que vous êtes tombés,
10:36vous veniez de 17 pays.
10:41Mais aux yeux des meurtriers, vous étiez tous des enfants de France.
10:49Au lendemain de l'attentat, au lendemain, une femme,
10:54avec nous, ce soir,
11:00a récupéré les effets que l'homme de sa vie portait sur lui.
11:07Parmi les papiers de son portefeuille, sa carte électorale.
11:10Et sur le visage de Marianne, une goutte de sang avait roulé, comme la trace d'une larme.
11:20Les disparus du 13 novembre ne sont pas simplement des victimes de la haine, ni d'une abstraction vague.
11:30Les concepts n'ont pas de main.
11:35Ils ont été tués par des terroristes, porteurs d'une idéologie islamiste identifiée, active,
11:42structurée en réseau, en zone d'influence, avec ses codes et ses modalités d'action,
11:48désireuses d'annihiler la vision de l'humanité que porte notre pays par son histoire, son action présente et sa vision de l'avenir.
12:01Ce djihadisme projeté, nous avons tout fait pour l'endiguer, le juguler.
12:08Mais il renaît sous une autre forme intérieure, insidieuse, moins détectable, moins prévisible.
12:18À tout moment, le terrorisme islamiste projeté peut renaître au Moyen-Orient, en Asie centrale, dans la corne de l'Afrique ou ailleurs.
12:26Et la vigilance est permanente en chacun de ces lieux.
12:30Et d'autres formes de terrorisme émergent auxquelles nous ne céderons rien non plus.
12:36Face à cela, notre nation est garante du combat perpétuel, menée sans jamais renier nos valeurs de justice et de liberté.
12:51Elle se porte garante que tout sera fait pour empêcher toute nouvelle attaque et pour punir de manière implacable ceux qui s'y risqueraient.
13:00Et dans cette décennie écoulée, la nation s'est fortifiée.
13:04Des mesures sans précédent ont été prises immédiatement.
13:09Déclaration de l'état d'urgence, protection à nos frontières, puis l'écriture de lois qui sont venues adapter le droit à l'état de la menace et nous ont permis de lutter dans la durée contre le terrorisme en protégeant nos libertés publiques.
13:25Visites domicilières, dispositions de fermetures, des lieux de culte, périmètre de protection, mesures individuelles de contrôle et de surveillance, autant de barrières mises sur le chemin des assassins.
13:38Programmes de déconstruction des discours radicaux pour étouffer dans l'œuf le passage à l'acte pour éviter sa récidive en prison.
13:50Et je sais combien vos associations, combien nombre d'entre vous ont participé à ces actions.
13:58Les moyens humains de la Direction générale de la sécurité intérieure ont été augmentés d'un tiers, ces moyens financiers doublés.
14:04Les effectifs de la Direction générale de la sécurité extérieure ont augmenté d'un quart, tandis qu'un service national de renseignement pénitentiaire a été créé en 2019.
14:15Pour renforcer encore nos services de renseignement, nous avons procédé à la création d'une coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, d'un parquet national antiterroriste,
14:27renforçant aussi le travail avec tous les partenaires européens, car le terrorisme se joue des frontières.
14:38Aussi avons-nous porté le règlement européen de retrait des contenus terroristes en ligne, désormais adopté, et travaillé à sevrer le terrorisme de ces financements.
14:47Et nous traquons et continuerons de traquer sans relâche les terroristes à l'étranger, au Moyen-Orient comme au Sahel, aussi bien que sur notre sol.
14:57Indiguant les flux de retour de Syrie ou d'ailleurs, prévenant les dérives.
15:0485 attentats ont ainsi été déjoués en 10 ans, dont 6 cette année.
15:13Face à l'assaut, nous avons consolidé les valeurs d'une nation que nous construisons depuis des siècles
15:19et que nous n'aurons jamais fini de défendre.
15:23Et nous devons inlassablement poursuivre ce travail de transmission à nos enfants, d'éducation pour notre jeunesse.
15:32Nous devons inlassablement continuer de faire des républicains.
15:42Personne, personne ne peut garantir malheureusement la fin des attentats.
15:48Mais nous pouvons garantir que pour ceux qui prendront les armes contre la France, la réponse sera intraitable.
15:58Que nous continuerons ce combat contre le terrorisme sans relâche et que nous continuerons le combat pour notre jeunesse avec la même force.
16:06Que pas un seul des dispositifs et des droits que vous avez construits, vous, vos associations, pierre à pierre, ne sera vain.
16:20Que pas une vie ne sera oubliée, que pas une goutte de vos larmes ne sera perdue.
16:32Non, il n'y a pas de sens, pas de justification à votre douleur et il n'y en aura jamais.
16:43On ne peut pas donner de sens au 13 novembre, mais on peut donner un sens au 14 novembre, à chacun de vos lendemains, à chacun de vos pas,
17:02qui, mis bout à bout, nous racontent une histoire de courage, d'entraide, de vie.
17:07Une histoire de vigilance, car à toute heure du jour, désormais, une partie de la nation reste aux aguets, du levant au couchant, tendu vers la sûreté de ses enfants.
17:20Une histoire de mémoire, avec notre Musée mémorial du terrorisme, qui, implanté dans le 13e arrondissement de Paris,
17:28transmettra aux générations de demain l'histoire de la violence terroriste, de ses victimes et des réactions de nos sociétés tournées autant vers le passé que vers l'avenir.
17:41Une histoire d'espérance, un printemps de fraternité, chère Anne Hidalgo, d'un jardin de fleurs bleues, de fleurs blanches, de baies rouges,
17:53qui nous rassemblent autour des noms de ceux qui sont tombés.
18:00Symbole de la force de notre nation qui, sur le terreau de la mémoire s'unit, fait bloc et toujours se hisse à la hauteur des temps.
18:11Oui, unis et ensemble.
18:17C'est par notre force pour mener ces combats que nous serons à la hauteur de ces lendemains, revivre plus fort encore, porteurs de ce que nous sommes et qu'ils voulaient abattre.
18:28Abattre chacun de vos pas, chacun de vos jours depuis dix ans porte ce sens et ce qui nous tient, l'esprit de résistance.
18:45Par lui, la mort est découronnée, vos vies relevées, l'amour de la France consacrée.
19:02Ils voulaient semer la mort, vous avez rehaussé la vie.
19:06Ils voulaient nous paralyser par la peur.
19:09Ils ont décuplé notre vigilance, l'amour de nos valeurs, notre appétit de vivre.
19:17Ils voulaient diviser et nous sommes unis.
19:22Ils voulaient effacer.
19:24Ils nous ont rappelé que nos combats étaient universels et nous sommes là et nous tiendrons à vos côtés demain encore.
19:36pour vous, pour ceux qui ne sont plus, pour leurs enfants.
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