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  • il y a 6 semaines

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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie Nationale ?
00:19Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls, les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55Amélie rebouche le flacon de vernis rose pâle qu'elle vient d'appliquer sur ses ongles
01:06et frissonne délicieusement quand, sur l'écran télé,
01:11l'héroïne s'engage dans la ruelle sombre où se dissimule le tueur.
01:16Oubliant le vernis frais, Amélie presse l'ongle de son pouce entre ses dents,
01:22souhaitant que la fille se retourne et parte en courant.
01:25Non, trop tard ! Une forme bondiversel.
01:28La fille hurle, des projecteurs s'allument, des coups de feu éclatent
01:32et le meurtrier s'affale sur le pavé.
01:36Musique triomphante, fondue enchaînée et le mot fin apparaît.
01:40Amélie laisse échapper le souffle qu'elle retient,
01:47éteint le poste et se met à réparer son ongle.
01:52Dans le silence, tous les bruits familiers de la vieille maison se réveillent.
01:58L'horloge du grand-père, les craquements de la chaudière,
02:02celui des lames de parquet.
02:04Amélie tressaille.
02:08Le plancher ne craque jamais tout seul.
02:12Quelqu'un marche dans la maison.
02:14« Mon Dieu ! » se dit-elle.
02:16« La porte de la cuisine ! »
02:19Amélie se souvient que...
02:20Mais oui, oui !
02:21En rapportant son assiette à la cuisine,
02:23elle a tout simplement oublié de fermer la porte à clés.
02:27Elle a l'impression de revivre le suspense du film,
02:30sauf qu'elle en est, elle, la malheureuse héroïne.
02:34Le plancher craque à nouveau.
02:39Amélie pense à tous ces crimes qui font les gros titres des journaux,
02:43ces vieilles dames assassinées.
02:46Amélie n'est pas vieille, mais plus toute jeune non plus.
02:50Une petite cinquantaine.
02:53Une certaine agilité, même pour son âge.
02:55Mais si son agresseur est un jeune gaillard de vingt ou trente ans,
02:58c'est sûr, elle ne fera pas le poids.
03:01Et le téléphone qui est à l'autre bout de la pièce.
03:04Amélie se redresse les jambes tremblantes.
03:07Quand elle atteint le téléphone,
03:09la porte de la salle à manger s'ouvre brusquement
03:11et une voix retentit.
03:13« Touche à ça et tu es morte ! »
03:15Pivotant pour voir l'agresseur,
03:17Amélie éclate d'un rire nerveux.
03:21« Ah, ah, ah !
03:22Si tu voyais ta tête, ma pauvre Amélie ! »
03:26dit l'autre.
03:28« Une femme du même âge environ qu'Amélie ! »
03:31« Oh, ma pauvre, je t'ai vraiment fait peur ! »
03:35poursuit Clara, puisque c'est de Clara qu'il s'agit.
03:39« Je suis désolée, mais vraiment,
03:42tu devrais faire plus attention et mieux fermer tes portes.
03:45Pense à cette vieille femme de notre âge
03:47qui s'est faite assassiner la semaine dernière
03:49dans son propre vestibule ! »
03:52Sans cesser son bavardage, Clara s'affaire dans la cuisine
03:56et revient avec un petit verre de chéri qu'elle tend
03:59à Amélie, livide et affalée dans le canapé vieillot du salon.
04:03« Ma pauvre Amélie, je voulais juste te montrer
04:07que tu n'es pas assez prudente ! »
04:10« Mais c'est la première fois que j'oublie de fermer cette porte
04:13depuis des mois ! »
04:15dit Amélie.
04:16« Il suffit d'une fois ! »
04:19ajoute Clara, fronçant les sourcils,
04:22dans une expression si ressemblante
04:24au visage de son regretté Henri
04:27que le cœur de la pauvre Amélie en est tourtourné.
04:32Il y a dix longues années déjà
04:35qu'Henri, le frère de Clara, est mort.
04:40Et de temps en temps, le visage de sa sœur
04:42lui rappelle douloureusement son défunt mari.
04:46Une belle histoire d'amour.
04:51Il s'était rencontré à la fleur de l'âge.
04:54En effet, Amélie, trop soumise à l'autorité de son père,
04:58avait passé toute sa jeunesse à éconduire ses amoureux.
05:03Et puis, Henri était arrivé dans sa vie
05:06quand Amélie avait perdu son père.
05:10Il l'avait aidé à régler la succession
05:12et il ne s'était plus jamais quitté.
05:18« Je prendrais bien un petit scotch ! »
05:21dit Clara.
05:22Et ces mots ramènent Amélie au présent,
05:25car il est rarissime que Clara boive de l'alcool.
05:30« C'est assez d'un poivreau dans la famille ! »
05:33C'est comme ça que Clara justifie sa sobriété.
05:37Le poivreau, c'était Henri.
05:43Et c'est resté.
05:45Et elle ne pouvait pas s'empêcher
05:47à l'occasion de parler de son frère dans ses termes.
05:51Pourtant, Henri avait toujours été bon avec sa sœur.
05:55Tiens, quand Clara avait perdu son mari,
05:58la laissant sans le sou et au bord de la dépression nerveuse,
06:01c'est lui, Henri, qui l'avait fait soigner
06:03et qui lui avait proposé de venir vivre chez lui.
06:06Au cours des années,
06:10Clara a raconté tous les détails de cette histoire à Amélie
06:13et celle-ci avait toujours senti
06:16une sorte de gêne au sujet des infortunes de Clara.
06:22Mais Amélie n'avait jamais posé de question.
06:25Henri avait tout fait pour que Clara et elle
06:27deviennent de bonnes amies.
06:31Mais sont-elles de bonnes amies ?
06:36Amélie se pose la question
06:38en regardant Clara avaler son whisky
06:41avec une délectation
06:43qu'elle ne lui a jamais connue.
06:46Clara est tout ce qui lui reste d'Henri.
06:50Elle est la seule personne
06:51avec laquelle elle peut évoquer le passé
06:53sans avoir l'impression de radoter.
06:55même si Clara ne manque jamais une occasion
06:58de se moquer d'elle,
06:59de sa crédulité,
07:00de sa naïveté.
07:03« Tu es vraiment trop fleur blé, ma chère ! »
07:07est l'expression favorite de Clara
07:09qui juge vraiment facilement Amélie,
07:13la rabaissant souvent,
07:16trop souvent.
07:16Clara pose son verre
07:20et passe sa main potelée
07:21dans ses cheveux courts.
07:22« Bon, eh bien maintenant,
07:24il faut que je rentre chez moi.
07:26Moi aussi.
07:27Je vais aller m'enfermer
07:28à double tour. »
07:31Amélie la raccompagne
07:32à la porte principale.
07:34« Tu parles comme si les rues
07:36étaient pleines de voyous, Clara.
07:39Il n'y a pas autant de crimes
07:40que tu l'imagines. »
07:41« Oh, une fois suffit ! »
07:43dit l'autre,
07:44s'arrêtant sur le seuil.
07:46« Et maintenant,
07:47ferme bien ta porte à clé,
07:48tu m'entends ?
07:49Et ferme aussi la porte de derrière. »
07:51« Oh, Clara, ça suffit ! »
07:53dit Amélie,
07:54fatiguée du ton protecteur de l'autre.
07:57« Tu envisages toujours le pire
07:59et pourtant il ne t'arrive jamais rien.
08:01Je suis navrée, ma chère,
08:02mais tu es la seule amie
08:04que j'ai dans cette ville
08:05et tu fais tellement confiance
08:06à tout le monde
08:07alors que ça recommence. »
08:11À nouveau,
08:11Clara fronce les sourcils
08:13comme Henri.
08:16« Tu comprends
08:16ce que je veux dire, n'est-ce pas ?
08:18C'est que je ne voudrais pas
08:19qu'il t'arrive quelque chose.
08:21Je te promets
08:22de m'enfermer à clé, Clara.
08:24Voilà, tu es satisfaite. »
08:28Quand la voiture de Clara
08:29s'éloigne,
08:31Amélie ferme
08:32tous les verrous de la maison
08:33à double tour.
08:36« C'est vrai, »
08:37se dit-elle.
08:38« C'est vrai,
08:40j'ai tendance à croire
08:41les gens sur parole. »
08:43Tenez,
08:44quand son père lui avait dit
08:45que c'était mieux pour elle,
08:47qu'elle lui dévoue sa vie,
08:50elle l'avait crue.
08:52Et Henri aussi,
08:53elle l'avait jugée
08:54sur sa mine.
08:55Quand il manquait un rendez-vous
08:57et prétextait une bronchite,
08:59elle le croyait.
09:00« Saut comme une bourrique
09:03à chaque fois
09:04qu'il te décommandait. »
09:06lui avait raconté Clara
09:07après sa mort.
09:09« Bien sûr,
09:10il avait une faiblesse pulmonaire,
09:12cette famille. »
09:14Ça, c'était vrai.
09:16D'ailleurs,
09:17c'était de ça
09:17qu'il était mort.
09:19Pauvre Henri.
09:22Amélie était sûre,
09:23néanmoins,
09:23que personne dans la ville
09:25ne connaissait son vice.
09:28Et personne n'avait compris
09:29pourquoi il s'était retrouvé
09:31dehors cette nuit-là,
09:33une nuit glacée
09:34où la pluie n'arrêtait pas
09:36de tomber.
09:38C'est Clara
09:39qui lui avait raconté
09:40ce qui s'était passé.
09:42« Il n'avait plus de whisky,
09:43voilà tout.
09:44Tu ne l'as jamais vu
09:45en train de boire, Amélie.
09:47Il devenait quelqu'un d'autre.
09:50Je l'avais aidé
09:50à monter dans sa chambre
09:51et je le pensais
09:52ivre mort.
09:54Mais quand je suis allé voir
09:55s'il dormait,
09:56il n'était pas
09:57dans sa chambre.
09:59Si seulement je n'avais pas
10:00caché les clés
10:00de sa voiture,
10:01mon Dieu.
10:02Il a donc essayé
10:03de partir à pied
10:04et dans cette nuit froide
10:07avec sa poitrine fragile,
10:09il s'est effondré
10:10au bout de l'allée.
10:12Je l'ai trouvé
10:12trempé jusqu'aux os
10:14et à moitié gelé.
10:16J'étais moi aussi
10:17terriblement mouillé
10:19en le ramenant.
10:21Clara s'en était tirée
10:23avec un gros rhume.
10:25Henri, lui,
10:26avait eu une pneumonie
10:27et était mort
10:30deux jours plus tard
10:30à l'hôpital.
10:35Amélie fait le tour
10:35de la maison.
10:37Elle met un peu d'ordre,
10:39état les lampes,
10:40jette un œil inquiet
10:41par la fenêtre.
10:44Elle n'a jamais eu peur
10:45et ce soir,
10:47l'obscurité la terrorise.
10:49Elle se sent exposée
10:51et vulnérable.
10:53Maintenant,
10:54elle ressent douloureusement
10:55qu'elle est seule,
10:56qu'elle n'a personne
10:58pour la protéger.
11:00Bon, bien sûr,
11:01si vraiment
11:01elle devait appeler au secours,
11:03il y a le fils Higgins
11:04de l'autre côté de la rue.
11:06Il vient d'entrer
11:06dans la police.
11:07Mais comment être sûre,
11:09certaine,
11:10qu'il soit là
11:11au moment où Amélie
11:12se sentirait en danger ?
11:15Il faut absolument
11:16que je retrouve
11:17le vieux revolver
11:18de mon père,
11:19se dit-elle.
11:21Et puis, bousquement,
11:22elle est furieuse.
11:23Furieuse contre Clara
11:24de l'avoir effrayée
11:25comme ça.
11:26Voilà, maintenant,
11:27tout la terrorise.
11:28Oh, cette Clara,
11:30elle mérite vraiment
11:31que je lui rende la pareille.
11:35Quelle idée vient de germer
11:37dans l'imagination d'Amélie
11:38qui ne pense plus
11:40qu'à se venger ?
11:42Vous le saurez
11:43dans quelques instants.
11:44Amélie s'est bien
11:52fait avoir, oui,
11:53mais ça ne se passera
11:55pas comme ça.
11:56Elle veut,
11:57à son tour,
11:58terroriser Clara,
12:00juste pour rire,
12:01n'est-ce pas ?
12:04C'est avec cette idée
12:05germant dans sa tête
12:07qu'Amélie se couche,
12:10énervée.
12:10Le lendemain soir,
12:14Amélie se rend
12:14chez Clara
12:15et elle se cache
12:16dans les buissons
12:17sous la fenêtre.
12:19Amélie a essayé
12:20d'entrer
12:21par toutes les portes
12:22mais en vain.
12:23Elles sont
12:24toutes fermées.
12:25Par une fente
12:26entre les doubles rideaux,
12:28elle aperçoit
12:29Clara
12:29paisiblement installée
12:31dans un fauteuil,
12:32feuilletant un magazine,
12:34un verre de thé glacé
12:36posé sur la table basse
12:38à portée de sa main.
12:40Ce tableau apaisant
12:42irrite Amélie
12:43au plus haut point,
12:45sa façon bourgeoise
12:46aussi de boire son verre
12:47tout en feuilletant
12:48son magazine.
12:50Elle est venue
12:51pour lui faire peur
12:52mais elle ne sait pas comment.
12:55Avec ses portes fermées,
12:57il y a bien la fenêtre
12:58mais Amélie n'a plus
13:01dix-huit ans
13:02pour jouer les acrobates.
13:04« Et si je frappais
13:07tout simplement ? »
13:09se dit-elle.
13:10« Non, c'est stupide.
13:12Elle n'aura pas peur. »
13:14Soudain,
13:15Amélie se souvient
13:16des plaintes amères
13:18de Clara
13:19à propos d'un chien
13:20du quartier
13:21qui s'entête
13:21à venir renverser
13:22ses poubelles.
13:24D'ailleurs,
13:25Clara garde
13:26à portée de main
13:26une provision
13:28de cailloux
13:29qu'elle lui jette dessus.
13:30C'est ça
13:32l'idée
13:33qui vient de germer
13:34dans la tête
13:35d'Amélie.
13:38Elle trouve
13:38un râteau
13:39à long manche
13:40et tapie
13:41dans les hauts buissons,
13:42elle donne un coup
13:43sur une poubelle
13:44avec le râteau.
13:45La poubelle se renverse
13:46sur le sol
13:46avec un formidable bruit.
13:48Presque aussitôt,
13:49une lumière apparaît
13:50autour de la porte.
13:51Amélie est complètement
13:52recroquevillée
13:53dans sa cachette
13:54quand Clara
13:55jette un œil
13:55par la fenêtre.
13:57Avec le manche
13:58du râteau,
13:58Amélie pousse
13:59une boîte de conserve
14:00et l'envoie rouler
14:01sur le ciment.
14:03Clara ouvre
14:03brusquement la porte
14:04et descend les marches
14:05du perron,
14:06menaçante.
14:07« Tu es va filer,
14:07sale bête ! »
14:09Et elle passe
14:09devant Amélie
14:10une poignée de cailloux
14:11dans la main.
14:12Elle les jette
14:13en direction du bruit.
14:15Amélie sort
14:16de sa cachette.
14:17Clara surgit
14:18dans la lumière.
14:19« Coucou ! »
14:21fait Amélie,
14:22triomphante.
14:22« Dis donc,
14:23Clara,
14:24on dirait
14:24que tu t'es fait avoir ! »
14:26Et elle éclate de rire
14:26en voyant
14:27l'expression terrorisée
14:29sur le visage
14:29de Clara.
14:31« Finalement,
14:32ma chère Clara,
14:33ça ne sert à rien
14:34de fermer les portes
14:35si n'importe quoi
14:36ou n'importe qui
14:38peut te faire sortir
14:39de chez toi
14:39aussi facilement ! »
14:42Clara la regarde
14:44d'abord stupéfaite,
14:47ensuite furieuse.
14:48« Tu ne vas pas
14:50te fâcher,
14:51n'est-ce pas,
14:51Clara ? »
14:53demande Amélie.
14:55« Après tout,
14:56chacune son tour,
14:57n'est-ce pas ?
14:57C'est toi
14:58qui as commencé ! »
15:00Elle lui tend la main
15:01mais Clara recule.
15:03« Fiche le camp !
15:04Laisse-moi tranquille !
15:06Qu'est-ce qui t'a pris,
15:07hein ?
15:07Venir chez moi
15:08verser mes poubelles !
15:09T'es complètement idiote !
15:10Venir m'espionner !
15:11Je ne suis pas venu
15:13t'espionner ! »
15:15proteste Amélie.
15:16« Je suis venu
15:16te faire une petite visite,
15:18incognito,
15:19c'est tout,
15:19comme toi ! »
15:21En titubant,
15:23Clara ramasse la poubelle
15:24et, affichant une mine vexée,
15:28commence à ramasser
15:29les déchets
15:29qui sont étalés à terre,
15:32puis elle s'arrête
15:33brusquement.
15:35« Tant pis,
15:36je ferai ça demain ! »
15:38Évitant le regard d'Amélie,
15:41Clara,
15:42ivre de colère,
15:44remonte les marches
15:45du perron d'un pas lourd.
15:48« Bonsoir, Amélie ! »
15:51Et elle referme
15:51la porte derrière elle.
15:55Honteuse comme une enfant
15:56qui a fait une grosse bêtise,
15:58Amélie part en courant
15:59vers sa voiture,
16:00mais dans l'obscurité,
16:02elle ne voit pas
16:02la boîte de conserve
16:03qu'elle a fait rouler.
16:04Elle glisse dessus,
16:05tombe lourdement,
16:06une cheville
16:07sérieusement meurtrie.
16:09Elle se relève
16:09difficilement et,
16:11avance en boitillant.
16:13Quand elle a rejoint
16:14sa voiture,
16:15la douleur est devenue
16:15intolérable.
16:18Elle arrive laborieusement
16:19à conduire
16:20jusqu'à la maison
16:21du bon docteur Sorkin.
16:23Le vieil homme a cédé
16:26la plupart de sa clientèle
16:28depuis plus de deux ans,
16:29mais il a conservé
16:31son cabinet démodé
16:32chez lui
16:33et il accepte
16:34de traiter
16:34les petits bobos
16:35de ses patients
16:36quand il les soigne
16:38depuis aussi longtemps
16:39qu'Amélie.
16:40« Eh bien, ma grande,
16:41qu'est-ce qui t'arrive ? »
16:43dit le vieil homme,
16:45chaussé de ses lunettes
16:46et de ses pantoufles.
16:48« Entre, entre,
16:50fais voir ça. »
16:52Amélie sautille
16:53sur une jambe
16:53jusqu'à son cabinet
16:55et se laisse examiner.
16:57« Oh, une belle foulure,
16:59dis-moi.
17:00Bon, je vais t'arranger
17:02ça, ma grande. »
17:04Avec dextérité
17:05et rapidité,
17:07le vieux docteur
17:08bande la cheville
17:09en dolorie.
17:10Il apporte à Amélie
17:11un verre de vin
17:12pendant qu'ils attendent
17:14tous deux
17:14que la piqûre calmante
17:16fasse son effet.
17:18Depuis qu'il est
17:19à la retraite,
17:21le vieil homme
17:21est devenu
17:22terriblement bavard
17:23et, comme Amélie
17:24a toujours été
17:25une de ses clientes
17:26préférées,
17:27sa venue accidentelle
17:29devient une agréable visite.
17:31« Ah, tu t'es fait ça
17:33en descendant
17:34l'allée de chez Clara.
17:35Clara démarrait,
17:37c'est ça.
17:38Comment va-t-elle,
17:39Clara, maintenant ? »
17:42Le vieux médecin
17:43sert à Amélie
17:45un autre verre de vin.
17:49Amélie repart,
17:51tard,
17:52beaucoup plus tard,
17:54de chez le docteur Sorkin.
17:57Elle a les yeux
17:57pleins de larmes.
18:00Oh, pas de douleur,
18:01non, ça cheville la gêne,
18:03mais, grâce au calmant,
18:05elle ne la fait plus
18:06du tout souffrir.
18:07Non, non, non,
18:08des larmes de colère,
18:12des larmes de gros chagrin.
18:14Elle fait le trajet
18:17en se mordant
18:17les lèvres.
18:19Elle a terriblement
18:21envie de crier.
18:24Comme une automate,
18:26elle garde sa voiture
18:27et entre chez elle
18:29en se soutenant
18:30sur son parapluie.
18:33Quand elle met la clé
18:33dans la serrure,
18:34elle entend sonner
18:35le téléphone.
18:36Sans se presser,
18:38elle ouvre la porte
18:39et se dirige
18:41vers le téléphone.
18:42Amélie,
18:44enfin,
18:45j'allais appeler
18:46la police,
18:47le fichier guise,
18:47enfin,
18:48est-ce que je sais ?
18:49J'étais si inquiète,
18:50enfin, tu es là,
18:50mais dis-moi,
18:51tu as mis un sacré bout
18:52de temps pour aller
18:53de chez moi à chez toi.
18:54Où étais-tu passé ?
18:56Je me suis tordu
18:57la cheville
18:58en sortant de chez toi,
19:00explique Amélie,
19:01froidement.
19:03Alors,
19:03je suis allé voir
19:04le bon docteur Sorkin.
19:06Je suis resté
19:07bavardé avec lui.
19:08Ah ah,
19:09cette vieille pipelette
19:11de Sorkin.
19:12Pas étonnant
19:13que tu aies mis
19:13si longtemps.
19:14Bon,
19:14écoute Amélie,
19:15je voulais seulement
19:16te dire que,
19:16voilà,
19:17je suis désolé,
19:19n'est-ce pas,
19:19confuse de ce qui s'est passé.
19:22Je sais,
19:22je suis très mauvaise joueuse
19:24ce soir,
19:25particulièrement.
19:26Tu comprends ?
19:27J'étais vraiment furieuse
19:28tout à l'heure.
19:29La façon dont tu m'as tiré
19:31de chez moi,
19:32enfin,
19:33et puis tu sais,
19:34j'ai un de ces maudits rhumes
19:35de poitrine.
19:36Sincèrement,
19:37je n'étais pas moi-même
19:38ce soir,
19:39tu vois,
19:39je n'aurais jamais dû crier
19:41comme ça après toi.
19:42Je voulais te dire,
19:44tu as très largement
19:45gagné la deuxième manche.
19:49Amélie
19:49essaie d'adoucir sa voix.
19:54Ça va,
19:54ça va,
19:56tout va bien maintenant,
19:57Clarage,
19:58je ne suis pas fâchée.
20:01À la fin de la semaine,
20:03la cheville d'Amélie
20:05est remise d'aplomb.
20:07Clara a décidé
20:08qu'elle n'a plus
20:09son rhume de poitrine.
20:11Amélie invite Clara
20:13à déjeuner samedi.
20:15Elles ont de la chance,
20:16c'est une très belle
20:17journée d'automne.
20:19Elle déjeune sur la terrasse,
20:21à l'ombre des branches
20:22qui commencent à roussir.
20:25Clara semble parfaitement
20:26remise du tour
20:27que lui a joué son amie.
20:29Et elle rit quand Amélie
20:31se moque gentiment d'elle
20:32et de la façon
20:33dont elle s'est laissée prendre.
20:36Quand même,
20:37je dois reconnaître
20:38que tu as un peu triché,
20:39Amélie.
20:40Un vrai malfaiteur
20:41n'aurait jamais su
20:43pour le chien.
20:45S'autise,
20:47répond Amélie.
20:48À mon avis,
20:49c'est un coup classique.
20:50C'est arrivé à tout le monde,
20:51un jour ou l'autre,
20:52d'avoir sa poubelle
20:53renversée par un chien.
20:54Et avec un bruit pareil,
20:56n'importe qui
20:57penserait qu'il s'agit
20:58d'un chien.
20:59un cambrioleur
21:01ne ferait pas
21:02un tel vacarme.
21:03Non, non, non, non,
21:04ma chère Clara,
21:05j'ai agi
21:05de façon
21:06très régulière,
21:08ce qui prouve
21:08qu'à ta façon,
21:10tu es aussi
21:11crédule
21:12que tu me reproches
21:13de l'être.
21:16Clara
21:16pince les lèvres,
21:18mais ne dit rien
21:19pour ne pas remettre
21:20de l'huile
21:21sur le feu,
21:22comme on dit.
21:24L'après-midi
21:25tire à sa fin.
21:26Un vent frais
21:28vient de se lever.
21:29Les deux femmes
21:30commencent à ranger.
21:33Amélie rapporte
21:34la table roulante
21:35et Clara propose
21:36« Je vais te ranger
21:38les fauteuils
21:39dans la cave. »
21:40« Oh, merci,
21:41Clara, »
21:42dit Amélie.
21:43« Et sois gentille,
21:45quand tu auras fini,
21:46veux-tu bien
21:47fermer la porte à clé ? »
21:49« Bien sûr, »
21:50dit Clara
21:51en descendant
21:53les fauteuils
21:54à la cave.
21:55Dès que Clara
21:57est partie,
21:59Amélie va voir
22:00la porte
22:01de la cave.
22:03Comme elle
22:04s'y attend,
22:05celle-ci n'est pas
22:06fermée à clé.
22:08« Comme d'habitude, »
22:10se dit-elle.
22:12Clara s'est moquée
22:13de ma confiance.
22:15« Mais attends,
22:16ma vieille,
22:17je te prépare
22:18une surprise,
22:20une de ces surprises. »
22:25Amélie attend
22:27que la nuit
22:28soit complètement
22:29tombée
22:30pour allumer
22:31toutes les lumières
22:32du rez-de-chaussée
22:33et soigneusement
22:34tirer les doubles rideaux
22:36de toutes les pièces.
22:38Elle laisse
22:39la radio
22:40marcher doucement
22:41et monte
22:42au premier étage.
22:44Elle se dirige
22:45vers une des chambres
22:46les plus retirées,
22:47derrière une des fenêtres
22:49donnant à l'arrière,
22:51et reste là,
22:53immobile.
22:54dans l'obscurité.
22:58Sa patience
22:59n'est pas récompensée
23:00avant
23:01vingt-deux heures.
23:04Elle a eu
23:04tout le temps
23:06de revivre
23:06et de revivre
23:07encore
23:08la conversation
23:09qu'elle a eue
23:10avec ce bon
23:11vieux docteur
23:12sorquée.
23:14Comment va Clara
23:16maintenant ?
23:18Est-ce qu'elle y va
23:18plus doucement
23:19avec le scotch ?
23:21Toutes ces zones
23:25d'ombre
23:25qu'Amélie avait ressenties
23:27pendant toutes ces années
23:29étaient soudain
23:31sous la lumière,
23:33une clarté
23:34impitoyable.
23:38Elle n'avait même pas eu
23:39besoin de poser
23:39cette question.
23:41Le vieux médecin
23:42racontait,
23:43racontait.
23:45Un vrai saint,
23:47votre Henri.
23:48La recueillir
23:50comme ça,
23:51après que son mari,
23:52fatigué de ses crises
23:53d'étilisme,
23:55l'ait jeté dehors.
23:56Et puis,
23:56tout l'argent
23:57qu'Henri a dépensé
23:59pour la faire
23:59désintoxiquer.
24:00« Ah, mon Dieu,
24:02c'est bien triste
24:03la façon dont il a
24:04attrapé cette pneumonie
24:06en allant la chercher
24:08sous la pluie.
24:09Mais est-ce que la mort
24:10d'Henri
24:11l'a assez secouée
24:12pour que maintenant
24:13Clara reste au moins
24:15chez elle
24:16pour boire ? »
24:19Amélie
24:20a à peine entendu.
24:23Elle se souvient
24:24du thé glacé
24:26dans la main
24:27de Clara
24:27et comment
24:29elle avait réagi
24:30à sa farce.
24:33Peut-être
24:34que la poubelle
24:34était pleine
24:35de bouteilles d'alcool ?
24:38C'est ce qui l'avait mise
24:39dans une telle colère.
24:43Amélie attend.
24:45Elle voit
24:45la silhouette massive
24:47de Clara
24:47disparaître
24:48par l'escalier
24:49de la cave.
24:50Se déplaçant sans bruit,
24:52Amélie sort
24:53de la chambre
24:54et descend
24:55l'escalier.
24:57Pourquoi Clara
24:59a-t-elle
25:00toujours pris
25:01un malin plaisir
25:02à la rabaisser,
25:04à la ridiculiser,
25:06alors que depuis
25:07tant d'années
25:08c'est elle
25:09qui lui ment
25:10et de la façon
25:11la plus odieuse
25:12qui soit ?
25:14Non seulement
25:14Clara était la cause
25:15de la mort
25:16de la seule personne
25:17qu'Amélie ait jamais aimée,
25:18mais elle avait gâché
25:19son souvenir
25:20en lui faisant croire
25:21qu'Henri n'était
25:22qu'un alcoolique,
25:24un être superficiel
25:25et gâté.
25:27C'est avec
25:28le plus grand calme
25:30qu'Amélie
25:31ouvre la porte
25:32de la cave.
25:34Clara
25:35cligne des yeux
25:36quand surgit
25:37la lumière.
25:38Elle se retourne
25:38vivement
25:39et un doigt
25:39pointé vers Amélie
25:41« Bang !
25:42Tu es morte,
25:42Amélie ! »
25:43« Non, Clara,
25:47c'est toi
25:47qui es morte »
25:49dit Amélie
25:50en pointant
25:52le revolver
25:53de son père
25:53sur Clara
25:55et en appuyant
25:57par trois fois
25:58sur la détente.
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26:09issu des archives
26:10d'Europe 1.
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26:12Julien Tarot
26:13Production
26:14Estelle Laffont
26:15Patrimoine sonore
26:17Sylvaine Denis
26:18Laetitia Casanova
26:19et Antoine Reclus.
26:23Au cœur du crime
26:24est disponible
26:25sur le site
26:25et l'appli Europe 1.
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