Depuis vingt-six ans, sœur Paësie se consacre aux enfants haïtiens de Port-au-Prince. Fondatrice de la Famille Kizito, elle témoigne : face à la violence des gangs, aux catastrophes naturelles et à la pauvreté extrême, l’Église et sa communauté offrent protection, éducation et espérance à plus de 3.000 enfants dans les rues de Cité Soleil. Entretien.
00:00L'idée, c'est vraiment de créer des lieux où les enfants peuvent être protégés.
00:03Les quartiers ont été envahis par les groupes armés.
00:06Là, il y a eu une trentaine de morts en Haïti.
00:08Ils choisissent ce moment difficile pour exprimer et professer leur foi.
00:11On a un Dieu qui est présent.
00:12Sœur Païzi, est-ce que vous pourriez d'abord vous présenter et présenter votre œuvre à Haïti ?
00:17Je m'appelle Sœur Païzi, je suis née et j'ai grandi à Nancy.
00:21J'ai ressenti l'appel du Seigneur quand j'étais en seconde.
00:25C'était précis, c'était chez les Sœurs de Mère Thérésa.
00:27J'ai vécu 30 ans chez les Sœurs de Mère Thérésa.
00:30J'ai été envoyée en Haïti il y a 26 ans.
00:33Mes premières années, c'était un service surtout médical.
00:35J'ai vu de nombreux enfants dans les rues de Boroprince, vraiment exposés aux dangers de la rue.
00:41Ça m'a inspirée pour la fondation d'une nouvelle communauté qui est vraiment dédiée à la protection et à l'évangélisation de ces enfants.
00:48Elle s'appelle la famille Kizito.
00:50Ça fait 8 ans que la communauté est fondée.
00:52Nous avons créé des écoles, des petites écoles gratuites dans le bidonville de Cité-Soleil à Boroprince.
00:58Des foyers d'accueil, des centres de catéchèse, des équipes de sport, toutes sortes d'activités.
01:04Mais l'idée, c'est vraiment de créer des lieux où les enfants peuvent être protégés, où ils peuvent manger, jouer, apprendre et puis découvrir l'amour de Jésus.
01:12Est-ce que vous pouvez nous parler des conséquences de manière plus générale des inondations qui ont lieu à Cité-Soleil et comment les habitants font face à ces catastrophes naturelles ?
01:20En effet, Haïti a été touchée par l'ouracan Mélissa, même si l'œil n'est pas passé sur Haïti.
01:27Très souvent, quand il y a des pluies torrentielles, les rivières débordent et emportent les petites maisons qui sont construites trop près des rivières.
01:36Là, il y a eu une trentaine de morts en Haïti.
01:38Ce n'est pas la première fois, malheureusement.
01:40Et aussi dans les villes, comme les services de l'État ne fonctionnent pas bien, il n'y a pas de curage des canaux.
01:46Et donc, dès qu'il pleut, les maisons sont inondées.
01:48Et souvent, les gens sont obligés de quitter leur maison le soir, s'il pleut le soir, pour ne pas se faire surprendre pendant la nuit.
01:53Debout sur les routes, en attendant que le jour se lève, parce que c'est trop dangereux de rester dans leur maison.
01:58C'est une réalité à laquelle ils font face souvent à chaque fois qu'il pleut, disons dans la saison des pluies.
02:04Est-ce que vous pouvez nous parler de la manière dont l'église là-bas aide les habitants ?
02:09L'église est très présente à travers tout le pays, même s'il y a malheureusement beaucoup de paroisses qui ont dû fermer cette année, en 2025.
02:17Je crois qu'il y a une quarantaine de paroisses à Port-au-Prince qui ont fermé parce que les quartiers ont été envahis par les groupes armés.
02:23Dans ces quartiers-là, tout le monde s'est enfui, y compris les prêtres.
02:26Mais dans les quartiers où il y a encore des paroisses, il y a une grande entraide entre les gens quand il y a des catastrophes naturelles.
02:35Quand vous avez interviewé en novembre 2024, vous nous aviez parlé de cette flambée de violence et vous nous aviez dit qu'il y avait 40 000 personnes qui avaient dû être déplacées.
02:45Comment ça a évolué depuis un an ?
02:46Ça s'est empiré parce que si c'était 40 000 l'année dernière, maintenant les chiffres qu'on donne des personnes déplacées, c'est 1 200 000 sur Port-au-Prince.
02:56Tout au long de cette année, il y a eu de nouveaux quartiers qui ont été attaqués par les groupes armés, y compris aussi des villes de province.
03:02Je crois qu'il y en a au moins 6, 6 villes de province qui ont été attaquées par des gangs.
03:06Les populations ont dû s'enfuir aussi.
03:08Donc on ne peut pas dire que les conditions se soient améliorées cette année.
03:12Et la foi des Haïtiens que vous voyez tous les jours, comment elle réagit face à cette violence ?
03:18Les gens ont vraiment une force intérieure qui est particulièrement visible quand ils sont victimes soit de catastrophes naturelles, soit d'attaques violentes, d'attaques des gangs.
03:28Moi j'ai souvent entendu cette phrase prononcée par des mères de famille ou par d'autres personnes qui étaient victimes de cette violence qui disent en créole « bon Dieu connaît, Dieu sait ».
03:38Et cette phrase est souvent prononcée avec une grande paix qui m'a toujours frappée.
03:42Et j'ai souvent le sentiment qu'en fait ils choisissent ces moments difficiles pour exprimer et professer leur foi en un Dieu bienveillant, en un Dieu qui est présent malgré les circonstances.
03:52L'année dernière vous comptiez 2500 enfants.
03:56Vous aviez, vous parliez de 8 écoles, de 6 foyers d'accueil et de 6 centres de catéchisme.
04:01Comment la famille Kizito a évolué ?
04:03Alors on a un foyer d'accueil en plus.
04:05Le total maintenant c'est plus de 3000 enfants entre les écoles, les centres de catéchèse et les foyers d'accueil.
04:13On a de plus en plus d'enfants.
04:14La communauté est toujours très petite, on n'est que 3 religieuses.
04:17On a toute une équipe par contre, les salariés ils sont 205.
04:21Et puis on a les membres de l'association ici en France qui nous soutiennent à distance par la prière et par des actions aussi.
04:27Je ne regarde pas tellement le long terme, on est vraiment un petit peu comme les haïtiens à vivre au jour le jour.
04:32On vit dans des conditions difficiles.
04:35Chaque jour le Seigneur nous donne ce dont on a besoin pour servir les enfants.
04:39J'ai confiance que le Seigneur va continuer à nous accompagner dans ce service des enfants.
04:44Et comment chacun de nous ici en France peut aider la famille Kizito ?
04:48La première chose c'est les actions de l'association qu'on peut retrouver sur, ils ont un site internet, famille Kizito.
04:54Et puis se joindre à cette chaîne de prière qui nous porte vraiment, qui marche dans les deux sens.
04:59Parce que les enfants en Haïti, ils sont aussi très conscients que tout ce qu'ils reçoivent vient de dons.
05:04Et donc ils prient pour les bienfaiteurs, ils ont une prière spécialement pour ça tous les jours.
05:09Donc voilà, il y a cette chaîne de prière pour le pays, pour les enfants, pour l'œuvre.
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