Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 4 novembre 2025, le journaliste et écrivain Bruce Toussaint. Il publie "Dites-lui que je pense à elle", aux éditions Stock.
00:02Vous êtes journaliste et animateur de télé actuellement à la tête de la matinale Bonjour sur TF1.
00:07Votre visage et votre voix sont d'ailleurs souvent associés aux matinales.
00:10C'est vrai que vous avez officié dans cette case sur Canal+, sur ITV et même sur France Info ici.
00:15C'est un petit retour au bercail.
00:16Pourtant vous avez démarré en tant que journaliste sportif avant de rejoindre l'émission Nul Par Ailleurs sur Canal+,
00:21après le départ de Philippe Gildas.
00:23Depuis 2023 vous avez une casquette de plus, celle d'écrivain.
00:27Après heureusement elle n'a pas souffert en hommage à votre mère disparue et sortie il y a deux ans.
00:32Vous publiez, dites-lui que je pense à elle, aux éditions Stock, un livre à cœur ouvert, on ne va pas se mentir,
00:36dans lequel vous racontez comment vous avez découvert après la disparition de votre grand-mère, Colette,
00:41en vidant les tiroirs de sa table de chevet, une coupure de journal sur laquelle se trouvait un article consacré au meurtre d'une adolescente de 14 ans.
00:49Ce bout de papier vous a replongé violemment dans votre passé.
00:53Pour cause, cette adolescente qui s'appelait Nathalie était votre cousine.
00:56Vous n'avez jamais oublié ni la violence de l'annonce, ni l'incompréhension de sa disparition,
01:01le lendemain de votre anniversaire et de vos 11 ans, donc le 18 octobre 1984.
01:06Ce livre n'est-il pas finalement une belle manière de redonner vie à votre cousine,
01:11en rendant hommage à cette grand-mère adorée finalement qui ne s'est jamais remise de cette disparition ?
01:17Oui, c'est un double hommage, vous avez raison.
01:20Cette grand-mère a eu un rôle très important pour moi dans mon éducation, c'est une sorte de grand-mère idéale,
01:27je la compare à Denise Gray dans la boum, et c'est vrai qu'il y avait quelque chose comme ça,
01:31beaucoup de fantaisie et en même temps une grande écoute.
01:34J'ai adoré cette femme qui est décédée il y a une dizaine d'années,
01:40et cette cousine en fait était enfouie dans le passé.
01:44C'est quelqu'un qui a disparu au sens propre et au sens figuré lorsqu'elle a été assassinée.
01:52Et la famille a comme mis une sorte de chape de plomb sur cette disparition et sur cet acte horrible.
02:02Et j'ai voulu comprendre pourquoi.
02:04C'est en me replongeant dans cette histoire que j'ai compris en effet ce qui s'était passé.
02:10Quand on a 11 ans, on n'a pas conscience forcément des circonstances et de tout ce qui peut se passer.
02:17On est encore tout petit.
02:18Et donc, 40 ans après, j'ai pu faire ce travail.
02:23Ce 18 octobre, il est horrible pour vous.
02:25Vous avez perdu votre cousine le lendemain de votre anniversaire et pareil pour votre mère.
02:28Donc c'est vraiment, vous le dites, j'ai hâte d'avoir mon anniversaire,
02:32mais le lendemain, c'est toujours un moment d'angoisse.
02:35À cette époque, Bruce, on ne croyait pas beaucoup aux victimes.
02:39D'ailleurs, vous recensez le nombre de plaintes à l'époque.
02:43C'est 3000 plaintes à l'époque de viol.
02:46Vous expliquez d'ailleurs à travers cet ouvrage à quel point même les termes sont totalement révolus.
02:55Les termes journalistiques, puisque quand on plonge dans les articles des journalistes,
03:01ils précisent par exemple qu'il a tué.
03:03Aujourd'hui, il y a cette présomption d'innocence.
03:05Et puis, vous racontez aussi que le gros plan, il est mis sur l'auteur des faits et pas sur la victime.
03:12C'est-à-dire qu'on limite, on s'apitoyait beaucoup sur le sort de l'accusé.
03:17C'est-à-dire qu'il se passe quelque chose lorsque je commence à enquêter, à m'intéresser à cette histoire.
03:23Je me rends compte de l'incroyable chemin qui a été parcouru en 40 ans.
03:28À l'époque, on parle de quoi ? On parle d'un crime passionnel.
03:31C'est un homme de 29 ans qui tue une adolescente de 14 ans parce qu'elle se refuse à lui.
03:35Et on n'explique pas ça comme un féminicide.
03:39C'est le terme qu'on utiliserait aujourd'hui.
03:42Mais comme au fond quelque chose...
03:45Il y aurait une sorte de fatalité face à un acte aussi horrible.
03:50Parce que ce garçon, par ailleurs, a eu des problèmes réels dans son enfance et son adolescence.
03:55Donc il a beaucoup de circonstances atténuantes à tel point que la justice, d'ailleurs, ne va le condamner que, on va dire, modérément.
04:04Même si 15 ans, c'est beaucoup, attention, mais par rapport à ce qu'il risquerait sans doute aujourd'hui.
04:09Donc c'est aussi tout ça.
04:11C'est le regard de 2025 sur un truc qui s'est passé en 84.
04:14Et là, on se dit, mais qu'est-ce qui s'est passé ?
04:17Comment la société pouvait-elle être à ce point avec des œillères ?
04:21Comment la société a-t-elle pu évoluer autant ?
04:23Alors favorablement, évidemment, aujourd'hui sur ces sujets-là.
04:26Mais c'est fou, moi, ça m'a sauté aux yeux.
04:29C'est une suite logique, j'ai l'impression, avec votre premier livre, Bruce.
04:33C'est-à-dire qu'il y a effectivement la perte de votre principale fondation, votre mère.
04:39Et il y a la perte de cette grand-mère qui ressurgit là.
04:41En fait, il y a une espèce de manque abyssal.
04:46Et en même temps, vous venez en quelque sorte combler les manques et leur permettre à elles, de là-haut sans doute, d'être beaucoup plus apaisées.
04:54C'est le sentiment qu'on a.
04:55C'est juste.
04:58Vous savez, je pense que vous avez eu la gentillesse de me présenter tout à l'heure comme écrivain.
05:05Je ne suis pas écrivain et ce n'est pas de la fausse modestie.
05:08Moi, j'ai écrit deux livres.
05:11J'ai trop de respect, trop d'estime et d'admiration pour les écrivains.
05:17Qu'est-ce que je fais ?
05:18J'essaie juste de raconter un peu des choses qui me sont arrivées.
05:23Et ce sont des événements qui m'ont forgé, qui ont fait ce que je suis aujourd'hui.
05:31Il y a un lien entre les deux livres, en effet.
05:33C'est évident.
05:33Il y a une volonté de rendre hommage aux morts, à ceux qui ne sont plus là.
05:39Et de les maintenir vivants.
05:40Et de les faire revivre, absolument.
05:43En effet, c'est très important.
05:46Le travail de deuil que j'ai fait après la disparition de mes parents m'a changé.
05:52M'a changé, pardon.
05:53A changé toute ma façon de voir le monde, la vie et tout ça.
05:57Pardon, ça fait un peu grandiloquent de dire ça, mais oui, c'est vrai.
06:00Je ne vois plus les choses tout à fait de la même façon.
06:04Et donc, je pense que c'est parce que j'ai écrit le premier que j'ai eu envie d'écrire le deuxième,
06:10même si les deux histoires sont complètement différentes, bien sûr.
06:13Enfin, il y a toujours le lien de la famille, quand même, qui est quand même très, très présent.
06:15La famille que vous appuyez sur le terme de cousin éloigné, par exemple.
06:21Famille éloignée, c'est-à-dire qu'effectivement, depuis des années, c'est toujours très compliqué de maintenir les relations avec les familles.
06:28Je vais vous dire, c'est quelque chose que je n'ai pas écrit, mais que je peux vous dire ici.
06:31Le milieu social de cette partie de ma famille, du côté de mon père, donc de ma grand-mère, c'est un milieu, on va dire, très défavorisé, très modeste.
06:47Et aujourd'hui, moi, j'ai été élevé dans une famille de Français moyen-moins, on va dire,
06:55avec ses cousins qui étaient des gens très, très modestes.
07:02Et aujourd'hui, je vois le chemin que moi, j'ai parcouru et j'ai une espèce de...
07:10C'est sûrement très judéo-chrétien, mais un peu de culpabilité par rapport à ça.
07:16Parce que je me dis, il y a un tel écart entre moi, la chance de...
07:20Ce que je vis, moi, l'aisance dans laquelle je vis, ce genre de choses.
07:27C'est fou de se dire ça.
07:29Il y a une forme de nostalgie, évidemment, à l'intérieur de cet ouvrage.
07:32Vous racontez ce pays de côte, cette côte d'Albâtre, comme vous le dites, avec le patois.
07:37Par moments, c'est assez fou, d'ailleurs.
07:40Vous racontez sa chambre à elle, à votre cousine.
07:43Et donc, votre chambre à vous, sur lequel il y avait tous les posters de Michel Platini.
07:48Et cette chaîne IFI qui vous avait été gentiment apportée un jour de Noël,
07:55c'est en écoutant la radio, d'ailleurs, que vous refaisiez déjà les matchs.
07:59Vous rêviez grand très tôt, vous avez rêvé grand très tôt, finalement, Bruce ?
08:04Je ne sais pas si j'ai rêvé grand, mais en fait, j'ai eu la chance de savoir assez vite ce que je voulais faire.
08:11J'ai eu la chance, très jeune, 12-13 ans, de savoir que j'avais envie de faire ce métier de journaliste.
08:17Alors, comment est-ce que ce serait la presse écrite, la radio, la télévision ?
08:22Assez vite, quand même, la radio m'a beaucoup intéressé, m'a beaucoup attiré.
08:28Et j'ai eu envie, comme ça, dans ma chambre, de refaire de la radio.
08:33C'est-à-dire que j'avais une chaîne IFI avec deux lecteurs, donc on pouvait enregistrer, passer des trucs, etc.
08:41J'avais un micro et je faisais la radio dans ma chambre.
08:44Mais c'est vrai, et j'avais 13 ans, 13-14 ans.
08:48Et puis, comme j'adorais le sport et le foot, parfois, je commentais des matchs de football.
08:53Je faisais comme si j'avais une radio.
08:56C'est pour ça que je dis souvent, parce que moi, j'ai commencé très jeune.
08:58J'ai eu la chance de commencer à travailler.
08:59J'avais à peine 18 ans, mais ça faisait des années que j'en faisais dans ma chambre, en fait, de la radio.
Écris le tout premier commentaire