- il y a 6 semaines
Sur les pas de l’artiste israélien Dani Karavan (1930-2021), suivi lors de sa tournée d’adieu à ses monumentales sculptures.
Auteur de sculptures monumentales dialoguant avec les paysages où elles s’insèrent, l’artiste Dani Karavan, à l’aube de ses 90 ans, a entrepris un voyage d’adieu à ses œuvres, en Allemagne, en France, en Espagne et en Israël. Avec attention, l’artiste scrute l’état de ses créations et s’inquiète de leur bon entretien. La ville de Cergy et son célèbre Axe majeur représentent l’une des grandes destinations de cet émouvant périple. Les travaux de cette gigantesque œuvre hybride, qui forme une promenade urbaine de plus de 3 kilomètres, ont commencé voilà plus de trente ans, et l’artiste espérait encore en voir aboutir la construction de son vivant. Alors que ses réalisations sont remplies de souvenirs du temps passé, Dani Karavan commence à perdre la mémoire au cours du voyage. Malgré ces premiers signes de faiblesse, l’homme se montre énergique, provocateur et plein d’humour. Un hommage à cet "artiste de la paix" – comme il fut qualifié par l’Unesco –, qui s’est éteint en mai 2021.
Auteur de sculptures monumentales dialoguant avec les paysages où elles s’insèrent, l’artiste Dani Karavan, à l’aube de ses 90 ans, a entrepris un voyage d’adieu à ses œuvres, en Allemagne, en France, en Espagne et en Israël. Avec attention, l’artiste scrute l’état de ses créations et s’inquiète de leur bon entretien. La ville de Cergy et son célèbre Axe majeur représentent l’une des grandes destinations de cet émouvant périple. Les travaux de cette gigantesque œuvre hybride, qui forme une promenade urbaine de plus de 3 kilomètres, ont commencé voilà plus de trente ans, et l’artiste espérait encore en voir aboutir la construction de son vivant. Alors que ses réalisations sont remplies de souvenirs du temps passé, Dani Karavan commence à perdre la mémoire au cours du voyage. Malgré ces premiers signes de faiblesse, l’homme se montre énergique, provocateur et plein d’humour. Un hommage à cet "artiste de la paix" – comme il fut qualifié par l’Unesco –, qui s’est éteint en mai 2021.
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00:30Vous entendez ? Vous êtes sourds ou quoi ? Vous entendez ?
00:36Le vent s'engouffre dans la tour et la tour produit des sons.
00:40Tout a commencé avec un vieux tuyau que j'ai trouvé ici.
00:43J'ai soudain entendu un sifflement et il n'y avait personne.
00:47C'était le tuyau et la nature.
00:50Si la nature me faisait une telle proposition, j'aurais vraiment été stupide de ne pas l'accepter.
01:00La nature, c'est mon grand patron.
01:05Quand j'arrive sur un site, j'écoute ce qu'elle a à me dire.
01:09Le lieu me parle. C'est lui qui me guide.
01:15Qu'est-ce qu'on ressent quand la nature nous parle ?
01:17Comment ça se passe ? Qu'est-ce que ça signifie ?
01:20Vous ne pouvez pas comprendre. Vraiment pas.
01:24Seul un véritable artiste peut comprendre.
01:28Je ne peux rien vous dire de plus.
01:30Papa, ça suffit. Sois gentil.
01:32Je suis très gentil.
01:34Donc, on peut dire que vous n'écoutez que la nature.
01:39Il n'y a que ce qu'elle vous dit qui compte pour vous.
01:41Non, il n'y a pas qu'elle que j'écoute.
01:46J'écoute aussi ma femme et mes filles.
01:49La nature a une puissance colossale.
01:52Mais elle ne parle pas de Netanyahou.
01:56Vous comprenez ? C'est tout.
01:58Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
01:59Je veux dire qu'en la matière, je n'écoute pas la nature.
02:02Bon, d'accord.
02:03Mais oublions Netanyahou.
02:04On est là pour parler de votre art.
02:06D'accord.
02:07Je veux seulement vous faire comprendre que mon art est politique.
02:10Ce qui signifie que je réagis de façon politique à ce qui se passe dans le monde.
02:15Et à ceux qui prétendent que l'art et la politique n'ont rien à faire ensemble,
02:19je ne leur dis qu'un seul mot.
02:21Guernica.
02:22Comment ?
02:23Guernica, ça ne vous dit rien ?
02:25Le tableau de Picasso ? Guernica ?
02:27Non.
02:30Tami, viens, on s'en va.
02:32Ce gars n'a jamais entendu parler de Guernica.
02:34Je suis prêt à vous donner un cours d'art.
02:43Gratuitement.
02:47C'est une honte de ne pas connaître cette œuvre majeure de Picasso.
02:51Ici, il devrait y avoir de l'eau, normalement.
02:57Elle s'écoule jusqu'au bout, puis elle est récupérée et remonte jusqu'ici.
03:01C'est un système en circuit fermé.
03:03Ça me rend fou et je me battrai jusqu'au bout.
03:05Je hurlerai s'il le faut depuis ma tombe.
03:08Qu'est-ce qui vous rend fou ?
03:09Ça me rend fou que mes travaux ne soient pas entretenus convenablement.
03:26Je ne monte plus là-haut.
03:28Je n'en suis plus capable physiquement.
03:30C'est fini.
03:30Il y a environ deux mois, j'ai pris l'avion pour aller à Paris.
03:58et pendant le vol, d'un seul coup, la moitié de mon œil voyait noir.
04:03Je sais.
04:04D'ailleurs, vous me l'avez déjà raconté la dernière fois.
04:06Non, non, si.
04:07Vous êtes venu me voir le 6 juin.
04:09Et vous avez même admiré les tableaux dans le couloir.
04:11Je suis vraiment venu chez vous ?
04:12Absolument.
04:13Vous êtes venu le 6 juin.
04:16Ça alors ?
04:17Tout est noté dans votre dossier.
04:26Je perds un peu la mémoire.
04:28Je ne me souviens pas du tout être venu ici.
04:31Son visage me dit quelque chose, mais c'est tout.
04:35C'est comme ça, on n'y peut rien.
04:37Il faut faire avec.
04:38C'est récent.
04:40Oui, mais c'est progressif.
04:42Ça s'aggrave petit à petit.
04:45Ça fait déjà longtemps que j'oublie les noms des gens,
04:47mais maintenant, il arrive que certains mots m'échappent de temps en temps.
04:50J'espère seulement que ce n'est pas...
04:53Comment s'appelle cette maladie déjà ?
04:55Celle où on oublie tout, où on ne reconnaît plus personne.
05:00Il aime aller chez le médecin.
05:03Elle fabule.
05:03Pour lui, c'est comme un loisir.
05:08Vous voyez ?
05:09Il va chez le médecin comme on va à un rendez-vous avec des amis.
05:12Si vous voulez entendre dire du mal de moi, vous avez trouvé la bonne personne.
05:16Moi, je suis malheureuse quand je dois aller chez le médecin.
05:18Je me demande comment ça va se passer.
05:20Tout ce que je veux, c'est que ça se termine.
05:22Lui, il se réjouit, il se prépare.
05:26Parce qu'on va parler de lui.
05:28Il va raconter qu'il a du mal à respirer,
05:32et qu'il a mal à l'oreille, et qu'il a des problèmes.
05:35Et on l'écoute.
05:37C'est le paradis.
05:40Et on m'examine.
05:41L'axe majeur de Sergi Pontoise est l'un de mes travaux les plus importants.
06:00Il s'agit d'une sculpture environnementale qui s'étend sur 3 kilomètres.
06:05J'y travaille depuis 40 ans.
06:07Vous réalisez ce que cela représente ?
06:10Travailler pendant 40 ans sur le même projet ?
06:16Comment vous appelez-vous ?
06:17Dani Caravane.
06:21J'aime votre projet.
06:23C'est formidable.
06:24Merci.
06:25C'est magnifique.
06:27Je suis fière d'habiter ici.
06:29Ah oui ?
06:30Dans votre projet.
06:31Merci beaucoup.
06:32Il y a beaucoup de monde qui vient.
06:33Ah oui, je vis maintenant aujourd'hui.
06:35Il y a beaucoup de monde ici.
06:37Merci.
06:37Et bon continentien.
06:38Merci.
06:38Donc, à l'occasion, qu'est-ce que je voulais dire ?
06:41Je vais dire à tout le monde, j'ai rencontré un musical.
06:44Ok.
06:44Ah oui, c'est la musique là.
06:49Sa structure rappelle celle d'une œuvre musicale.
06:52On ne peut pas l'embrasser d'un seul regard.
06:56C'est une sculpture qui évolue avec le temps.
06:59Dans mon travail, le temps, le chemin parcouru est très important.
07:03C'est un processus.
07:13Regarde.
07:17Vu d'ici, c'est incroyable, papa.
07:19Ah oui ?
07:20C'est un scandale d'avoir laissé la végétation envahir le site.
07:28Il fallait arracher toutes ces plantes tant qu'il était encore temps.
07:32Ce n'est pas l'intention de l'œuvre.
07:34C'est une sculpture environnementale.
07:36Et ce qu'on voit là, c'est un manque total de respect envers une œuvre d'art.
07:39C'est de la négligence.
07:40J'ai réalisé plus de 70 œuvres à travers le monde.
08:10Beaucoup d'entre elles sont en très mauvais état.
08:15Ces œuvres sont censées être là pour l'éternité.
08:18Et si je ne m'occupe pas de leur entretien, personne ne le fait.
08:40Tanny, quand avez-vous créé cette œuvre ?
08:48Je ne me souviens pas des dates.
08:50Il y a 10 ans ou 40 ans ? Vous ne vous souvenez pas ?
08:52On va regarder ce qui est écrit.
08:54Mars 1988.
09:00Et c'est un travail qui m'a pris 8 ans.
09:02Donc j'ai commencé en 1980.
09:09Et voilà, il n'y a pas d'eau.
09:11Merde.
09:11De l'eau doit circuler dans ce canal.
09:15On m'avait promis qu'on y veillerait.
09:18Qu'est-ce qui se passe ?
09:19Il n'y a pas d'eau dans le canal.
09:21Le gardien ne sait pas si...
09:22Comment ça ?
09:23L'eau ne circule pas, je vous dis.
09:25Pourquoi l'eau ne coule pas ?
09:26Mais si elle coule...
09:28C'est faux.
09:29Ça fait longtemps que je ne suis pas monté là-haut.
09:36Il y a combien de marches ?
09:38Je ne sais pas.
09:38Je n'ai jamais compté.
09:45Il veut que je fasse une attaque.
09:56Vous êtes en forme, Danny ?
09:58Vous feriez mieux d'appeler une ambulance.
10:15Dans ce travail, le vide entre les formes est plus important que les formes en elles-mêmes.
10:20On ne peut pas déplacer ces éléments d'un millimètre.
10:23Sinon, l'équilibre est rompu et la forme générale de l'œuvre en bâti.
10:28Ce n'est pas entretenu.
10:35Il va falloir effectuer un décapage avec des jets de sable et ensuite, il faudra nettoyer à l'eau tous les jours, comme on le fait chez soi, vous comprenez ?
10:43Pas une fois de temps en temps, comme d'autres sculptures.
10:46Et pourquoi ce n'est pas fait ?
10:48Vous n'avez qu'à leur demander.
10:48Je ne sais pas.
11:18Notre invité est un sculpteur et artiste plasticien à qui l'on doit de nombreuses œuvres monumentales, en Israël et partout dans le monde.
11:28Il a reçu le Grand Prix d'Israël et de nombreuses autres distinctions, comme le Kaysering en Allemagne, le Premium Impérial au Japon et le titre d'artiste de l'UNESCO pour la paix.
11:40Bonsoir, Danny Caravan.
11:42Bonsoir.
11:43J'aimerais parler de votre bas-relief qui orne l'un des murs intérieurs de la Knesset.
11:48C'est mon père qui m'a aidé à trouver la roche.
11:55C'est du calcaire provenant du village de Diralassad, en Galilée.
11:59J'aimerais parfois qu'un fragment de cette roche tombe sur quelqu'un.
12:02Et je regrette que la phrase « même les pierres des murs crieront pour vous accuser » ne soit pas une réalité.
12:08Mes pierres se taisent.
12:10Vous n'avez signé votre œuvre que récemment ?
12:12Au début, je ne voulais pas le faire.
12:14Je me sens en lien avec les artistes italiens de la Renaissance.
12:17Michel-Ange ne signait pas ses œuvres, sans vouloir me comparer à lui, bien sûr.
12:21A l'époque, les artistes ne signaient pas leurs travaux.
12:24Ceux qui s'y intéressent savent qui les a réalisés.
12:27Le nom importe peu.
12:28Je me suis finalement laissé convaincre, mais c'est parce que j'avais une idée derrière la tête.
12:33Je voulais que mon nom soit écrit en hébreu et en arabe.
12:36De cette façon, on ne pourrait plus dire que l'arabe n'est pas une des langues officielles d'Israël.
12:43Laboratoire.
12:5172,6 kg.
12:52Je m'en souviendrai.
12:54Je me pèserai à la maison et je verrai si ma balance est juste.
12:56Je vous le note ?
12:57Oui, s'il vous plaît.
12:58Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
13:08Je travaille à la création d'un monument en Pologne, devant le musée Polin, le musée de l'histoire des Juifs polonais.
13:15D'accord.
13:16Je suis en train de concevoir un monument en l'honneur des justes parmi les nations,
13:21pour les Polonais qui ont porté secours aux Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale.
13:25C'est un travail très important pour moi.
13:36L'élément fort de ce monument, ce sera la lumière qui émanera du sol,
13:44parce que les justes étaient comme des lueurs dans les ténèbres de la guerre.
13:51Pour moi, ce sont des super-héros.
13:55Ils ont accepté de mettre en danger toutes leurs familles, leurs enfants, leurs frères.
14:01C'est incroyable.
14:04Par conséquent, je pense que ce que nous faisons ici est très important.
14:12J'espère que ça fonctionnera et que l'œuvre saura toucher les gens qui la regardent.
14:16Depuis le changement de gouvernement, on a tendance à mettre en avant les justes polonais,
14:27comme s'ils étaient représentatifs de l'ensemble de la société polonaise pendant la guerre.
14:35Et ce n'est bien sûr pas le cas.
14:36C'est une réécriture de l'histoire.
14:38Les justes étaient une minorité.
14:40En Pologne, ce n'est pas des Allemands dont les Juifs avaient le plus peur,
14:43mais de leurs voisins polonais qui pouvaient les dénoncer.
14:46Nous ne pouvons pas leur refuser la reconnaissance parce que d'autres se sont comportés honteusement.
14:52Mais nous ne voulons pas fournir un alibi aux menteurs.
14:55Si mon travail devait servir à les laver de leurs crimes,
15:04une partie d'entre eux, pas tous les polonais,
15:08cela me ferait très mal et me mettrait dans une colère noire.
15:13Peut-être que je m'en voudrais de m'être lancé dans ce projet.
15:20Elle est où l'entrée du café ?
15:22Quoi ?
15:23C'est vrai, c'est la terrasse de quel café ?
15:27Je crois que c'est celui-là, là-bas.
15:29Il n'y a pas de carte, je ne sais pas combien ça coûte.
15:33On va partir sans payer, ce n'est pas grave.
15:35Non, non.
15:40Nous devons partir, vous voulez être payé ?
15:43Alors où êtes-vous ?
15:46Bon.
15:53Qu'est-ce qu'il fait ?
15:59Qu'est-ce qu'il fait ?
16:02Nous voulons payer.
16:04D'accord, un instant.
16:08Un instant.
16:08On est là, en train d'attendre.
16:22Mais il y a ma collègue, là-bas.
16:24Non, il n'y a personne.
16:26Une collègue ? Quel collègue ?
16:27Il n'y a personne.
16:29Vous avez dit combien ?
16:30Environ 17.
16:31Yad Vashem a reconnu 6883 Polonais
16:47comme juste parmi les nations
16:49selon des critères assez stricts.
16:53Supposons qu'il y en ait trois fois plus.
16:56Parce qu'on ne sait pas, finalement.
16:57Des gens ont peut-être été tués ou sont morts
17:01sans que personne ne sache
17:02qu'ils ont tenté de sauver des Juifs.
17:05Et supposons que nous ajoutions
17:07ceux qui n'ont pas sauvé de Juifs
17:09mais qui les ont aidés d'une façon ou d'une autre.
17:13Alors, il faut multiplier
17:14le nombre de justes parmi les nations par 3
17:17et multiplier le chiffre obtenu par 5.
17:20Pourquoi ?
17:21Comme ça.
17:22Ah, d'accord.
17:24On arrive alors à environ 100 000 personnes.
17:26Oui.
17:27En Pologne, il y avait 21 millions de Polonais
17:32dits ethniques.
17:33Et les Juifs étaient dispersés un peu partout.
17:38Il y avait des Juifs dans pratiquement
17:40chaque petit village.
17:43Donc, si 100 000 Polonais n'étaient pas hostiles aux Juifs,
17:47qu'en étaient-ils des 20 900 000 autres ?
17:51Voilà pourquoi je suis favorable à ton initiative.
17:55parce qu'elle met quelque chose en lumière.
18:00J'ai compris.
18:00la minorité face à la majorité.
18:04Cela transmet aussi un message.
18:06Il existait une autre possibilité.
18:10Un autre chemin.
18:12C'est ça, le message.
18:13à ta place, je m'en tiendrai à l'idée initiale,
18:24parce que je pense que c'est très important.
18:27Tu te souviens sans doute de ce que tu as écrit dans ce cercle.
18:37Seule la moralité de nos actions peut donner beauté et dignité à notre vie.
18:42C'est très beau ce que tu as fait ici.
18:50Cette eau qui jaillit.
18:53Tu es parfois fier en voyant certaines de tes heures ?
18:56Elles te rendent heureux ?
18:57Oui.
18:59Bien.
18:59À une certaine époque,
19:02je n'étais pas en paix avec mes travaux.
19:06Je trouvais que j'aurais pu mieux faire
19:08et j'avais envie de les détruire.
19:10Mais avec le temps, je suis devenu...
19:12Plus indulgent envers toi-même ?
19:14Oui, je crois avoir un peu mûri.
19:16Je ne suis plus aussi stupide qu'avant.
19:18Il était temps.
19:21Tu as 87 ans aujourd'hui.
19:2487 et demi.
19:25Il est incroyable.
19:31J'aime le fait que dans ses heures,
19:34il nous laisse toujours suffisamment d'espace pour rêver.
19:38Je pourrais venir ici tous les jours,
19:41m'asseoir ici
19:41et être heureux.
19:44Tu marches trop vite ?
19:49Je ne t'entends pas.
19:51J'entends rien.
19:52Ce que j'aime en lui,
19:56c'est sa jeunesse
19:57et son optimisme sans limite.
19:59Il laisse toujours parler l'enfant
20:01qui est en lui,
20:02à chaque instant.
20:03Regarde.
20:05Regarde.
20:07Regarde comme cet arbre est beau.
20:09On dirait un dessin.
20:11Regarde.
20:14Tu connais un sculpteur
20:15capable de créer quelque chose de semblable ?
20:18Regarde la forme de cette fleur.
20:20Qui l'a conçue ?
20:22La fleur a créé sa forme toute seule.
20:25Et c'est un modèle
20:27qui restera toujours le même
20:28dans mille ans
20:29lorsqu'on nous aura oubliés depuis longtemps.
20:33Non.
20:33On ne nous oubliera jamais.
20:35Jamais.
20:37Toi et moi,
20:38on ne nous oubliera jamais.
20:39A ton avis,
20:44qu'est-ce que les gens retiendront de toi ?
20:46Y a-t-il quelque chose
20:47que tu aimerais encore faire
20:49et dont tu aimerais qu'on se souvienne ?
20:50Le jardin des Finzi continuit.
20:53Le jardin qui n'existe pas.
20:56Tu veux le créer ?
20:58Oui.
20:59Par le biais de l'imagination.
21:00Sous la forme d'un vide.
21:03Le vide est la chose la plus difficile à créer.
21:05Oui.
21:07Mais c'est ce qu'il y a de plus beau.
21:09Le vide,
21:10c'est le nez entre deux choses.
21:14C'est la tension.
21:18Montre-moi tes mains.
21:21J'aime tes mains, Danny.
21:23Tes mains sont pleines de sagesse.
21:26Mets-les devant ton visage.
21:29Un peu plus par là.
21:32Voilà.
21:32J'adore cette photo.
21:37Merci.
21:39Les collines ne seront jamais plus hautes.
21:42Mais les valeurs, elles,
21:45sont de plus en plus profondes.
21:47Tu veux dire les vallées ?
21:48Les vallées, oui.
21:49Parce que si les valeurs sont de plus en plus profondes,
21:51nous allons avoir des problèmes.
21:53Nous avons déjà des problèmes, tu ne le savais pas ?
21:55Ici, il est écrit Mauthausen.
22:07Et c'est le nom de...
22:08Mauthausen, vous ne connaissez pas ce nom non plus ?
22:12Buchenwald.
22:13Le fronton en triangle de ce côté du Reichstag
22:20se reflète dans l'eau,
22:21juste à côté du triangle de granit.
22:23C'est un hasard.
22:25Ce sont des choses qui arrivent comme ça
22:26et qui donnent des frissons.
22:31La fleur, c'est le point de départ de ce travail.
22:35Elle symbolise les fleurs sauvages
22:37qui ont poussé là où les Sintés et les Roms ont été tués.
22:40Je me suis demandé comment protéger cette fleur
22:43et j'ai eu l'idée de la mettre au milieu de l'eau.
22:55Il y a une petite bestiole là.
23:01Elle s'enfuit.
23:02Ils viennent de changer la fleur, Ava.
23:29Cette eau est sombre
23:36et le silence qu'elle impose
23:40vous amène à prendre conscience de vous-même.
23:47Pour prendre conscience de soi-même,
23:52il faut savoir regarder son propre côté obscur.
23:55Le génie de Danny consiste à imaginer
23:59ce dont a besoin une personne
24:01qui veut se souvenir.
24:04La simplicité,
24:05tout comme la beauté du site,
24:08le rend très percutant.
24:11Et il me touche.
24:16Et c'est un cadeau.
24:19Ça, ce sont les plans pour l'hiver ?
24:23Je ne sais pas.
24:24Et ça, c'est l'été.
24:28Bien.
24:29Il y aurait quand même dû y avoir du bleu clair ici.
24:32Le violet, c'est bon.
24:35Bleu au milieu.
24:36Ça non plus n'est pas bon, ça devrait être jaune.
24:38Oui, mais là, ça doit être bleu clair.
24:39Il faut que ce soit plus fourni.
24:40Et là, ça doit être bleu foncé.
24:41Il faut qu'on corrige ça, non ?
24:43Oui, on va s'en occuper.
24:44Ce qui me dérange aussi,
24:48c'est que l'onagre a pris le dessus.
24:51Elle contrôle tout le terrain,
24:52comme Israël.
24:54Il faudrait peut-être carrément enlever cette fleur.
24:57Non, pas complètement.
24:59On va le faire, et on verra bien.
25:02Bonjour.
25:03L'Ital.
25:04L'Ital Smoke.
25:06Elle aménage avec moi la place Abima.
25:08Pourquoi vous n'avez pas prévu d'ombrager la place ?
25:11Comment ça ?
25:11En plantant des arbres ?
25:13Oui.
25:13Si je fais ça, ça ne sera plus une place.
25:16On pourrait mettre des voiles d'ombrage.
25:18Des voiles ?
25:19Vous avez déjà vu une place dans le monde avec des voiles d'ombrage ?
25:21Même en hiver, il fait très chaud ici.
25:23En hiver, les gens viennent s'asseoir et profiter de cette place.
25:26Pourquoi est-ce que vous ne m'écoutez pas ?
25:28Si vous n'êtes pas capable d'écouter, ce n'est pas la peine de parler.
25:31Mais j'écoute.
25:32Non, je parle et vous m'interrompez.
25:34Pendant au moins huit mois par an,
25:36les gens s'assoient ici et ils profitent des lieux au soleil.
25:40C'est tout.
25:40Nous sommes au Moyen-Orient.
25:43Il fait chaud.
25:44Alors s'il y avait un peu plus, au moins par là.
25:47Ces arbres ne suffisent pas.
25:50Excusez-moi, mais...
25:51Attendez une minute.
25:52Vous ne comprenez pas.
25:53Les gens ne font que traverser cette place.
25:56Cette place est une réussite internationale.
25:59On dit qu'elle est unique au monde.
26:00Écoutez-moi.
26:01Je n'ai plus envie de vous écouter.
26:02J'en ai assez.
26:03Vous êtes prêts à tout sacrifier, même la beauté.
26:05Tout ça pour de l'ombre.
26:06Non, je pense que...
26:07D'accord.
26:09Eh bien, on s'en va, il m'énerve.
26:12De l'ombre.
26:14Ça n'a pas de sens.
26:18Ce qu'ils veulent, c'est une pergola.
26:20Ça a l'air de vous rendre fou.
26:22Bien sûr que ça me rend fou, parce que c'est ridicule.
26:24Si on installait des pergolas sur toutes les places du monde,
26:28mon Dieu, mais il ne resterait pas une seule place.
26:30Imaginez une pergola sur la Piazza Navona,
26:33sur la grande place de Sienne,
26:34une pergola sur la place Saint-Marc.
26:36Mais de quoi ça aurait l'air ?
26:39C'est vrai qu'il aurait pu trouver une solution d'ombrage.
26:43Pas un toit, mais...
26:44Il aurait pu trouver quelque chose.
26:46Le problème, c'est qu'il est têtu.
26:50Peut-être que je ne sais pas comment faire
26:52pour qu'il y ait de l'ombre sur la place.
26:54On a parlé derrière ton dos.
26:57Si toi, tu sais comment faire, fais-le.
27:00Moi, je ne sais pas.
27:03Mais je peux te dire une chose.
27:05Il y a plein de gens qui viennent me parler dans la rue
27:07et qui me disent merci beaucoup.
27:10Tu l'as vu de tes propres yeux.
27:11C'est vrai.
27:18La critique me blesse beaucoup.
27:21Surtout lorsqu'elle n'est pas justifiée.
27:22Et lorsqu'elle est justifiée ?
27:25Lorsqu'elle est justifiée ?
27:26Il n'y a jamais eu de critique justifiée à mon propos, à mon avis.
27:30Vous vous rendez compte de ce que vous dites ?
27:31C'est comme si vous disiez
27:32« Ce que je fais est toujours formidable ».
27:35Si je ne pensais pas faire parfaitement les choses,
27:38j'arrêterais de les faire.
27:40Je suis certain de faire ce qu'il y a de mieux
27:41et le mieux possible.
27:42Quel est votre rapport artistique ici ?
27:49Les proportions.
27:52C'est tout ?
27:52C'est tout, oui.
27:54La distance du mur.
27:56La distance du deuxième mur.
27:58La distance d'ici à là.
28:01La vue vous est agréable ?
28:02Ça vous fait du bien ?
28:03Ça vous agace ou ça ne vous agace pas ?
28:06C'est toute la question.
28:07En fait, vous avez juste pris des figuiers de barbarie
28:10et vous les avez plantés au milieu.
28:12Je ne les ai pas plantés au milieu.
28:14J'ai mesuré l'endroit, j'ai fixé les distances,
28:17j'ai fixé les proportions pour que l'ensemble soit harmonieux.
28:21Plus petit, ça aurait été moins bien, à mon avis.
28:24Plus grand, ça aurait été encore moins bien.
28:27Ce sont exactement les bonnes dimensions.
28:29Voilà mon apport artistique.
28:31C'est très simple.
28:32Oui.
28:33J'insiste encore sur le fait que c'est une œuvre très très simple.
28:37C'est ce qu'il y a de plus beau.
28:39C'est ce qu'il y a de plus beau.
28:42Il n'y a pas plus beau que la simplicité.
28:45Et donc, plus c'est simple, plus je suis heureux de l'avoir fait.
28:49Faire simple, c'est ce qu'il y a de plus compliqué.
28:52Mon travail à Nitzana est une suite de 100 colonnes en direction de la frontière égyptienne.
29:14Sur chacune d'elles, le mot paix est inscrit, en 100 langues différentes.
29:20Je l'ai appelé le chemin de la paix.
29:23Et maintenant, on veut construire des habitations ici.
29:26Si ça se fait, ça va tout ruiner.
29:27Vous vous imaginez comment ça sera ici, avec des maisons ?
29:35Ce sera affreux.
29:36Ça ressemblera à Tel Aviv.
29:38Ce sera une banlieue de Tel Aviv.
29:40Quelle horreur !
29:42Vous vouliez qu'il n'y ait pas plus de 90 familles ici ?
29:44C'est ce que vous voulez ?
29:47Si ça ne tenait qu'à vous, il n'y aurait que 90 familles à la frontière égyptienne.
29:51Le désert est énorme.
29:53Construisez où vous voulez, mais ne touchez pas à ça.
29:55Je suis un artiste attaché au lieu.
29:58Aucune de mes sculptures n'a jamais été déplacée.
30:01C'est impossible.
30:02Elles appartiennent au lieu.
30:03L'endroit fait partie de la sculpture.
30:05Plus loin, il y a une réserve naturelle.
30:07Ça ne m'intéresse pas du tout.
30:08Si on m'avait proposé de créer une œuvre là-bas, j'aurais sans doute fait autre chose.
30:12Voilà.
30:12Je propose ceci.
30:14Pas la peine.
30:14La proposition est rejetée.
30:16Point barre.
30:16Danny, allons jeter un coup d'œil.
30:18D'accord, on peut y aller, pas de problème.
30:20Et après, vous déciderez ce que vous voulez.
30:22J'ai déjà pris ma décision.
30:24Mais allons voir quand même.
30:26D'accord, je suis prêt à tout voir.
30:27Bien.
30:29Vous voyez ce qui se passe ici ?
30:31Je me fiche de ce que je vois ici.
30:32Mais enfin, Danny, un peu d'ouverture d'esprit.
30:34Vous ne pouvez pas être aussi borné, franchement.
30:37Vous n'avez pas compris ce que j'ai dit.
30:39Mais c'est sans importance.
30:40La sculpture commencerait ici.
30:47Si je n'ai pas le choix, je ferai exploser ce travail.
30:54Si ce travail perd son sens, il n'a plus de raison d'être.
30:58Qu'est-ce que tu vas dessiner aujourd'hui ?
31:26Je cherche un paysage.
31:27Et si tu dessinais de mémoire ?
31:29Des paysages de mémoire, c'est impossible.
31:31Pas de mémoire, alors.
31:32Mais on a inventé un.
31:33On n'invente pas un paysage.
31:36Les paysages doivent être dessinés d'après la nature.
31:40Je ne peux pas concurrencer la nature.
31:49Qu'est-ce que tu veux écouter ?
31:51Bac.
31:52Quoi de bac ?
31:53N'importe quoi, une cantate de bac.
31:54Quelle est la chose la plus difficile que tu penses avoir surmontée alors que tu ne pensais pas y arriver ?
32:22En fait, tout.
32:27Chaque fois que j'ai entrepris quelque chose, j'étais persuadé que je n'irais pas au bout.
32:32Comme quoi ? Tu parles de ton travail ?
32:34Bien sûr.
32:36Ce n'est pas aussi évident que ça.
32:38Il n'y a pas que le travail dans la vie.
32:40Il y a l'amour, l'amitié, il y a plein d'autres choses.
32:43Pour moi, il n'y a rien de plus important que le travail.
32:46Comment peux-tu dire une chose pareille ?
32:49Alors que je suis ici avec toi.
32:52T'es culottée tout de même.
32:53Tu trouves ça normal d'être avec ta fille et de lui dire que le plus important pour toi, c'est ton travail ?
32:57Tu n'as plus 20 ans.
32:59Même si tu le penses, tu peux éviter de le dire.
33:01Je dois me justifier en permanence ?
33:07C'est un peu dur d'entendre ça.
33:08Bon, je n'arriverai pas à dessiner aujourd'hui.
33:11Allez, prends sur toi.
33:12Je ne peux pas.
33:13Je vais faire du café.
33:15Ou toi, tu ne veux pas t'en occuper ?
33:16Non, je ne fais pas de café pour un père qui dit ce genre de choses à sa fille.
33:20Tu vas te débrouiller tout seul.
33:22Comment peux-tu dessiner des cœurs quand tu entends ce genre de choses ?
33:27C'est ce qui m'aide à supporter tes paroles.
33:30À ta place, j'aurais couvert toute la feuille de noir.
33:36Tu as de la chance. Vraiment de la chance.
33:41C'est ça, j'ai de la chance.
33:43Je ne crois pas qu'on va dessiner ensemble aujourd'hui.
33:57Les fleurs.
34:18Je voulais que les fleurs soient disposées selon mon croquis.
34:23C'est un scandale ce que je vois ici.
34:24D'où sort cette ligne violette ?
34:28Elle vient d'où ?
34:30Il y a un plan précis, un croquis.
34:33Mais on n'en a rien à foutre de ce plan, vous comprenez ?
34:36C'est beau, je trouve.
34:37Non, ce n'est pas beau.
34:39Ce que j'avais prévu au départ, ça, c'est beau.
34:42Il ne faut pas utiliser des plantes aussi petites,
34:45mais des plantes qui ont déjà un peu de hauteur.
34:48Qu'est-ce que c'est que ces plates-bandes ridicules ?
34:51Vous voyez ce psychomore ?
34:53Il va mourir.
34:54Il faut que quelqu'un vienne l'examiner.
34:56C'est vrai qu'il pousse dans le béton, dans un sol en béton.
34:59Mais la terre qu'on avait apportée devrait lui suffire.
35:02Et si ce n'est pas le cas, il faut l'enrichir.
35:05J'ai remarqué qu'il dépérissait il y a 5 ans
35:07et j'ai dit qu'il fallait s'en occuper.
35:08Ça fait 5, 6 ou 10 ans que j'en parle.
35:12Et il ne se passera rien jusqu'à sa mort.
35:14Et après, on l'enlèvera.
35:16Regardez ces figuets de barbarie.
35:18Vous savez à quoi ressemble un figuet de barbarie ?
35:21C'est une plante imposante.
35:22Et là, ils s'autourent à bougri.
35:24Pourquoi les jardiniers ne font rien ?
35:26Comment un jardinier peut traiter son jardin ainsi ?
35:29Ce travail est comme ma fille ou mon fils.
35:52C'est ma création, vous comprenez ?
35:59Vous n'avez sûrement pas remarqué
36:16que les dimensions de ce bassin
36:17sont exactement les mêmes que celles du jardin.
36:20Sa largeur est la même que celle du jardin.
36:23C'est élémentaire ?
36:24Élémentaire, bien sûr.
36:27Vous auriez fait exactement la même chose.
36:29Absolument.
36:30N'importe quel étudiant en deuxième année au Beaux-Arts
36:32aurait pu concevoir cette place.
36:35Pas tous, mais la plupart.
36:41Bonjour.
36:41Bonjour, bonjour.
36:43Yoav, enchanté.
36:44Bonjour, enchanté.
36:46Bonjour, enchanté.
36:47Bonjour, monsieur, enchanté.
36:48Bonjour, vous m'appelez monsieur ?
36:50Mon Dieu.
36:55C'est bon ?
36:56Comment définiriez-vous votre travail au musée Pauline ?
37:03Il est plus particulier que les autres ?
37:05Il n'est pas particulier.
37:06Alors peut-être plus émotionnel ?
37:09Non, il est comme les autres.
37:11Il est lié au lieu, lié au sujet,
37:13lié à l'environnement comme n'importe lequel de mes travaux.
37:16Donc vous voyez ce travail d'un point de vue professionnel seulement.
37:20Pas de place pour l'émotion.
37:23Bien sûr que j'éprouve une certaine émotion,
37:26parce que je pense faire quelque chose d'important
37:29pour honorer la mémoire de ces personnes courageuses.
37:33Il s'agit d'un monument en l'honneur des justes parmi les nations,
37:37une toute petite partie des Polonais qui ont vraiment aidé les Juifs.
37:40Et pour le concevoir, le musée a choisi de faire appel à un artiste israélien connu.
37:47Très connu.
37:48Pas très connu, connu ça suffit.
37:51Un artiste primé.
37:52Et on l'utilise pour blanchir les Polonais.
37:56On sert leurs intérêts.
37:57Pour moi, il me semble que c'est une manière de détourner l'attention.
38:04Pour qu'on s'intéresse moins à tout ce qui...
38:06Je ne sers pas les intérêts de tous les Polonais.
38:08Mais ceux des Polonais qui ont sauvé des Juifs au risque de leur vie
38:12et qui ont mis en danger leur famille dans un environnement hostile.
38:16Et ça n'a pas d'autre objectif que de leur rendre l'hommage qu'ils méritent.
38:21Chacun peut penser ce qu'il veut.
38:24Ça ne m'intéresse pas.
38:25Je n'ai pas besoin qu'on me fasse la leçon.
38:29Que ce soit à propos de Pauline.
38:32N'y a aucun autre propos d'ailleurs.
38:34On se sert de moi ?
38:36Qu'est-ce que j'y peux ?
38:40C'est vraiment problématique.
38:42Toute cette histoire est très problématique.
38:46Et peut-être que si j'avais su ça,
38:49je ne me serais pas lancé là-dedans.
38:51Vraiment ?
38:52Oui.
38:55Bonjour, c'est Danny Caravan. Comment allez-vous ?
39:03Bien.
39:06J'aimerais parler au professeur, si c'est possible.
39:11Bien, merci.
39:13Je me sens très faible.
39:16Depuis une semaine déjà.
39:18Hier, j'ai vu mon médecin de famille qui m'a envoyé aux urgences.
39:21Mais je ne veux pas y aller.
39:22J'ai offert deux de mes travaux à son service.
39:27On peut y aller et filmer.
39:28On les a déjà vus et on les a filmés la dernière fois.
39:30Vous ne vous en souvenez pas ?
39:32Je ne me rappelle pas.
39:38Tu te rappelles, Kobe ?
39:40Oui.
39:40Vous n'avez plus 20 ans, c'est normal.
39:49Ils vont me tuer.
40:15Qui va vous tuer ?
40:20Tout ce temps à attendre.
40:24Attendre, attendre, attendre.
40:28J'attends déjà la mort.
40:30Il faut aussi que j'attende ici.
40:32Je t'en prie.
40:59Quelle est l'ambiance à Varsovie en ce moment ?
41:19Plutôt mauvaise.
41:20Mauvaise ? Ok.
41:23D'ici un mois ou deux, nous saurons si le gouvernement décide de poursuivre sa politique.
41:29Ou s'il fait marche arrière.
41:35Je dois dire que je suis très heureux que le projet de monument n'aboutisse pas pour l'instant.
41:44C'est vraiment ce que j'espérais.
41:47Le lancer maintenant serait une catastrophe.
41:50Mais pourquoi dites-vous que ce serait une catastrophe si on démarrait le projet maintenant ?
41:59Parce qu'il serait instrumentalisé par le gouvernement polonais.
42:03Le pouvoir en place s'en servirait pour conforter sa position et justifier la loi abjecte qu'il vient de faire passer.
42:10Vous pensez que ce projet pourrait être abandonné ?
42:15Qu'il est complètement mort ?
42:18En mai ou plus tard, nous pourrons prendre notre décision.
42:24Le projet pourrait être suspendu pendant quelque temps.
42:28Je ne parle pas de l'abandonner, mais de le suspendre.
42:30Quand vous êtes-vous implanté le stimulateur cardiaque ?
42:56Il y a longtemps. Il y a cinq ans ou dix ans.
43:00Il y a huit ans.
43:09Ici, on a un aperçu de l'enfer.
43:12Voilà ce que les humains doivent subir en enfer.
43:14Je ne trouve pas ma carte.
43:41Je ne la trouve pas.
43:45Vous la chercherez tranquillement à la maison, ce n'est pas grave.
43:47Si vous l'avez perdue, on vous en donnera une nouvelle.
43:50D'accord, merci.
43:50Et si on la retrouve ici, on vous la mettra de côté.
43:52Parfait.
43:54C'est par où la sortie ?
43:55Où sont les ascenseurs ?
43:57C'est oublié.
43:58Appelez-moi.
44:10Je crois que j'ai aussi perdu mon téléphone.
44:14À moins qu'on me l'ait volé.
44:17Vous l'avez éteint, je crois.
44:19Ah, ça y est, j'ai compris.
44:21Appelez Rava.
44:21Ah, je l'ai peut-être laissé à la maison.
44:26Je ne crois pas, je ne m'en souviens pas.
44:28Et voilà, maintenant, j'ai perdu mon téléphone.
44:30Il ne manquait plus que ça.
44:35Je suis trop distrait, je ne peux pas...
44:38C'est pas bien, je suis un peu perdu, là.
44:41Arrêtez de tourner, ça vaut mieux.
44:43Pourquoi ?
44:43Parce que votre client est absent.
44:46Mais vous n'êtes pas le client, vous êtes le héros.
44:48Je suis le héros, d'accord.
44:51Mais quel héros ?
44:52Je suis une loque, pas un héros.
44:59Elle ne répond pas.
45:04Ça va, je ne sais pas.
45:07Est-ce que j'aurais laissé mon téléphone à la maison ?
45:11Alors je ne l'ai plus.
45:13J'ai aussi perdu ma carte.
45:16Elle n'est pas dans mon short.
45:19En fait, je ne peux plus sortir seul de la maison, Rava.
45:25Tu entends, Rava ?
45:27C'est fini, je n'ai plus de mémoire.
45:31C'est simple, je ne comprends pas ce qui m'arrive.
45:33Soudain, j'ai reçu le message.
45:47J'ai compris que la mort m'attendait derrière la porte.
45:50Ça a été une véritable révélation.
45:57Tout est devenu clair.
46:03Non, ce n'est pas l'heure des adieux.
46:05Je n'envisage pas de le quitter maintenant.
46:13Comment pourrais-je vivre sans Rava ?
46:16Je ne te laisserai pas vivre sans moi, ça c'est sûr.
46:21Je ne veux pas la perdre, pas question.
46:23Si je pars, il y aura tout de suite 50 jolies femmes devant la porte.
46:26Qu'elles viennent ?
46:27Sûrement pas.
46:29Je ne le laisserai pas vivre tout seul, pas question.
46:32On se débrouillera.
46:33Ensemble.
46:34Il faut mourir ensemble.
46:36Il faut trouver un moyen.
46:37Quand l'un de nous mourra, l'autre...
46:41Je préfère qu'on parle d'autre chose.
47:03Attendez, regardez-moi, vous avez un truc dans l'œil.
47:05Il y a plein de gens qui viennent pour vous voir.
47:07Vous devez être impeccable.
47:09Laissez ça.
47:10Alors enlevez-le vous-même.
47:12D'accord.
47:14Tous ces gens sont là pour votre anniversaire.
47:17C'est vrai.
47:17Et qu'est-ce que vous avez dans l'oreille ?
47:18C'est nouveau ça ?
47:19C'est pour entendre.
47:20C'est quoi ?
47:21C'est pour entendre.
47:22C'est un appareil ?
47:23Oui, c'est un appareil auditif.
47:25Et ça vous aide ?
47:26Oui.
47:27D'une oreille j'entends bien, mais je suis pratiquement sourd de l'autre.
47:32Vous n'êtes pas en très bon état en fait.
47:34Et non.
47:35On veut vivre longtemps, pas vrai ?
47:39Eh bien, c'est le prix à payer.
47:41Nous évoluons dans l'espace et nous entrons en relation avec ceux qui nous entourent.
48:02Et ceux qui nous entourent, ce sont des ensembles architecturaux, des lieux ouverts ou encore des sculptures environnementales.
48:16Ces constructions qui se trouvent dans notre espace nous parlent sans cesse, nous instruisent.
48:21Qu'on le veuille ou non, nos valeurs sont soumises en permanence à des attaques idéologiques.
48:31Alors tous ceux qui participent à la création de cet espace mènent une action politique.
48:36Passage, hommage à Walter Benjamin, à Portbou.
48:48J'ignore ce qu'est l'exil.
48:54Je n'ai jamais dû fuir ou demander l'asile.
48:58Mais pour moi, cette œuvre est l'expression même des sentiments contradictoires qu'on peut éprouver dans cette situation.
49:05Le désir et la crainte, la peur et l'espoir.
49:17J'ai demandé à Dany comment il était parvenu à un tel degré de conscience.
49:22Vous avancez dans un tunnel rouillé et obscur qui descend droit vers la mer,
49:27semblant plonger dans le vide, vers un tourbillon d'écume,
49:30quand soudain, votre progression est stoppée nette par du verre blindé avec un impact de balle.
49:39Comment a-t-il eu cette conscience profonde du sentiment d'exil ?
49:44Il m'a répondu que c'était les contraintes du projet qui l'y avait amené.
49:52Le budget était de temps et il manquait tel matériau, etc.
49:55Ne le croyez pas.
49:56Un projet de cette envergure comporte toujours des contraintes qui peuvent expliquer certains partis pris,
50:04mais pas le message de l'œuvre.
50:06Dany, ton acte est politique et pédagogique.
50:26Je suis très touché que vous soyez venu voir mon exposition à Giva Traviva.
50:47Je suis désolé de ne pas avoir pu être avec vous,
50:55mais j'ai 90 ans et ce n'est pas facile pour moi.
51:02J'espère que vous avez perçu le message politique que j'ai voulu faire passer.
51:07Ne renoncez jamais.
51:10Luttez.
51:11Luttez pour les droits des autres.
51:14Luttez pour le droit des Palestiniens de vivre en démocratie.
51:18J'ai de l'espoir, mais je ne veux pas attendre 2000 ans.
51:22Il faut que cela arrive dès demain.
51:24Ça va se durer demain.
51:25C'est ça le coeur de ma chère.
51:25C'est ça le coeur de ma chère.
51:27C'est ça le coeur de ma chère.
51:58...
52:28...
52:30...
52:32...
52:34...
52:36...
52:38...
52:40...
52:46...
52:48...
52:50...
52:52...
52:54...
52:58...
53:00...
53:02...
53:04...
53:06...
53:10...
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