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  • il y a 4 jours
C'est une députée plutôt discrète, mais inflexible sur ses convictions. Elue sous les couleurs d'En Marche en 2017, Stella Dupont a fini par quitter le camp macroniste pour siéger à l'Assemblée parmi les non inscrits.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00Mon invitée est une députée plutôt discrète, mais dotée d'un sacré caractère.
00:04Et lue sous les couleurs d'En Marche, elle a fini par quitter le camp macroniste
00:07pour siéger à l'Assemblée parmi les non-inscrits.
00:26Bonjour Stella Dupont.
00:27Bonjour.
00:27À l'Assemblée, vous êtes une spécialiste des sujets plutôt techniques,
00:32notamment dans le domaine des finances publiques.
00:34Et en préparant cette émission, j'ai découvert une autre Stella Dupont,
00:37celle qui a quitté son poste de comptable pour aider ses sœurs dans la ferme familiale.
00:43Qu'est-ce qui s'est passé à l'époque ?
00:44Vous en aviez marre d'être plongée dans les bilans comptables des entreprises ?
00:47Je travaillais déjà dans le secteur agricole.
00:51Effectivement, mes parents étaient agriculteurs,
00:54donc dans la comptabilité plutôt du secteur agricole.
00:56Donc j'avais déjà un intérêt sur le sujet.
00:58Et effectivement, après la naissance de ma première fille, retour aux sources.
01:03Donc j'ai souhaité et nous avons souhaité collectivement travailler ensemble.
01:08Donc mes sœurs étaient encore étudiantes, mais mes parents et mon beau-frère étaient agriculteurs.
01:13Et depuis, mes sœurs, effectivement, ont repris la suite de mes parents.
01:16Et vous les avez aidés à mettre en place un système de vente directe à la ferme, c'est ça ?
01:19C'est ça. On a changé l'orientation de l'exploitation vers un système plus valorisant.
01:25On gagne davantage avec la valorisation de produits de volailles fermières élevées à la ferme,
01:31avec les aliments produits également sur l'exploitation.
01:34Et vous arrivez de conduire un tracteur, plumer des poulets, pour donner un coup de main à la ferme ?
01:38Alors, aller aider aux périodes de Noël, où on a, vous savez, toutes ces volailles de Noël à préparer,
01:44ça m'arrive encore, mais c'est rare, puisque souvent on est dans le budget à l'Assemblée nationale.
01:48Et puis, traire les vaches avec mon autre sœur, ça m'arrive très rarement, mais...
01:53Ça vous arrive ?
01:54Très rarement, mais pour donner un coup de main, oui.
01:56Et si vous deviez me donner un conseil pour bien traire une vache, il faut s'y prendre comment ?
02:00Il faut être zen, c'est-à-dire qu'il ne faut pas avoir peur des bêtes, puisqu'on est très proches.
02:05Et puis, il faut les prévenir, en définitive, pour ne pas qu'elles n'aient peur elles-mêmes.
02:11Voilà, tout simplement, lorsqu'on s'approche.
02:12Vous expliquez, quand j'ai commencé la politique, je me suis rendu compte qu'on pouvait très vite y perdre pied
02:16en se coupant de ces liens et de ce que l'on est.
02:20La ferme, ça vous permet de ne pas vous couper de vos liens et de ce que vous êtes ?
02:24C'est vrai, c'est vrai que je me suis rendu compte très tôt, dès 2004,
02:29mon premier mandat important de conseillère générale à l'époque,
02:33donc au département de Maine-et-Loire, qu'on pouvait fonctionner en vase clos
02:37et très vite rencontrer uniquement des élus, des responsables d'organisations diverses et variées
02:44et ne plus avoir les pieds vraiment sur terre.
02:47Ça, c'est une vigilance que j'ai toujours, de garder des amis, de garder ma vie de chalonaise.
02:53Je vis toujours dans la commune dont j'ai été le maire et c'est essentiel et c'est vraiment...
03:01Il faut y être attentif et vigilant, sinon on peut se faire emporter dans un autre monde.
03:08Alors pour évoquer votre parcours politique, vous l'avez dit d'un mot,
03:10mais vous avez suivi l'exemple de votre père en devenant conseillère municipale de votre village,
03:14je crois que vous aviez 27 ans à l'époque.
03:16Et là, le PS est venu vous voir pour vous proposer de vous présenter au cantonal,
03:19pour siéger au département. Vous avez d'abord dit non et puis il y a quelque chose qui vous a fait changer d'avis.
03:24Effectivement, j'étais déjà maman et bien occupée et j'ai choisi d'aller...
03:31Enfin, j'ai demandé à assister à une séance du conseil départemental
03:34et dans cette grande salle de l'hôtel du département à Angers,
03:39eh bien il y avait 41 élus et sur ces 41 élus, il y avait une seule femme, Marie-Pierre Martin.
03:44Et c'est ça qui vous a convaincue d'y aller ?
03:45Et c'est ça...
03:46Par conviction féministe ?
03:47Ah ben j'ai été vraiment interpellée. Effectivement, on est une famille de femmes et de féministes
03:51et bien entendu qu'en tant que jeunes, à l'époque, constater qu'il y avait très très peu de jeunes
03:56et quasi aucune femme, c'était désolant.
04:00Et donc j'ai été élue en 2004 et nous étions trois ensuite, vous vous rendez-vous compte ?
04:03On avait triplé l'effectif, disait le vice-président du département, ce qui me mettait dans une colère folle.
04:08Vous êtes quelqu'un de plutôt discret dans votre façon, en tout cas, de faire de la politique
04:11et en même temps, vous n'hésitez pas à bousculer votre propre famille politique.
04:15Vous l'avez fait à plusieurs reprises, notamment en 2017.
04:18Le PS, vous avez choisi pour être leur candidate aux législatives
04:22et vous avez préféré y aller sous les couleurs d'En Marche à l'époque,
04:26sous les couleurs d'Emmanuel Macron en 2017. Pourquoi ?
04:29Effectivement, j'ai fait la campagne du Parti Socialiste pour les présidentielles
04:35et en fait, c'est En Marche, Emmanuel Macron, qui est venu me chercher
04:39et j'ai hésité, beaucoup discuté avec mon prédécesseur, Marc Goua,
04:46qui connaissait le ministre des Finances Emmanuel Macron
04:51et qui m'a convaincue, effectivement, de faire ce pas
04:55dans cette logique de concorde nationale,
04:59de chercher à rapprocher des gens de gauche, des gens de droite
05:02et à travailler davantage ensemble et à sortir du bloc contre bloc.
05:07Dix ans après, presque, on pourrait en tirer un bilan.
05:10Alors, on va le tirer, mais pas tout de suite.
05:11On va d'abord tirer le fil de votre cheminement politique
05:14à l'Assemblée, à plusieurs reprises.
05:17Ensuite, vous vous êtes à nouveau opposé à votre famille politique.
05:20Ça s'est traduit, je cite par exemple,
05:22votre abstention sur la loi Asile-Immigration en 2018,
05:25abstention sur le vote du CETA en 2019,
05:27vote contre la loi Sécurité globale en 2020,
05:30vote contre la seconde loi Immigration en 2023.
05:34Derrière votre côté député raisonnable,
05:37il y a un côté un peu rebelle quand même ?
05:40Il y a surtout des convictions profondes
05:43qui viennent de loin, effectivement.
05:45Et j'ai toujours dit que je voulais bien faire de la politique,
05:49mais que je ne voulais pas m'y perdre.
05:51Donc cet ancrage sur le terrain est important pour moi.
05:54Et il y a des valeurs sur lesquelles je ne veux pas transiger.
05:58Et sur l'immigration en particulier,
06:00j'ai un désaccord de fond avec la politique
06:02qui a été conduite jusque-là.
06:04Je pense qu'il faut effectivement de la rigueur
06:08et qu'on ne peut pas accueillir la terre entière.
06:12Et bien entendu qu'il faut des règles.
06:13Mais je trouve qu'on se trompe de chemin
06:16pour tout ce qui est immigration-travail.
06:19On a besoin d'hommes et de femmes
06:21pour travailler dans nos entreprises,
06:23dans nos services publics, etc.
06:25Et aujourd'hui, on crée des parcours d'obstacles
06:29à l'inverse de ce qu'il faudrait faire, il me semble.
06:32Et à l'inverse, on se disperse.
06:33C'est-à-dire que des gens délinquants
06:35qui effectivement n'ont pas leur place chez nous,
06:38sont traités comme les autres.
06:39Et les OQTF, elles sont délivrées à ces délinquants,
06:42mais elles sont délivrées à monsieur et madame Tout-le-Monde
06:44qui fait son job, qui a une famille
06:47et qui est installée et qui ne pose pas de problème.
06:48J'ai un désaccord de fond avec la politique d'immigration.
06:51Donc pendant 7 ans, vous avez affirmé de façon constante
06:54cette ligne de centre-gauche sur plusieurs sujets,
06:56notamment la question de l'immigration,
06:59toujours de façon assez discrète,
07:00sans chercher à faire le buzz, à une exception près.
07:03On va le voir, c'était pour obtenir
07:05la régularisation des travailleurs sans papier.
07:07Défendre les régularisations,
07:10les rendre incontournables.
07:13C'est tout le sens de l'appel
07:14de 35 parlementaires de différents partis.
07:17Sur la photo, un vert, une socialiste,
07:20le communiste Fabien Roussel est surprenant,
07:23une figure de l'aile gauche de Renaissance,
07:25Sacha Houllier.
07:27Des députés de la majorité main dans la main
07:29avec la gauche, cela crispe
07:31au sein du camp présidentiel.
07:33Alors je précise qu'il n'y avait pas une,
07:35mais deux figures de l'aile gauche
07:37de Renaissance sur la photo,
07:39en une de Libé.
07:40Il y avait Sacha Houllier,
07:41et puis il y avait vous.
07:42Et ça a eu un très gros écho médiatique.
07:45Pourquoi est-ce que vous n'avez pas adopté
07:46cette méthode plus souvent ?
07:48Parce que lorsqu'on est présent sur les plateaux,
07:53lorsqu'on rencontre des journalistes,
07:54on n'est pas au travail,
07:55on ne peut pas tout faire.
07:57Et donc c'est un choix tout simplement.
07:59Et dans le rapport de force politique,
08:00ça compte ?
08:01Bien sûr, parfois il faut effectivement
08:03jouer ses rapports de force.
08:05Mais je suis, et je suis régulièrement,
08:09peut-être dans l'ombre de certains rapports de force,
08:11puisque je n'aspire pas à être sur le devant de la scène.
08:14Ce qui m'importe, c'est l'efficacité et le résultat.
08:17Sur ce sujet que je connais particulièrement,
08:22la question du travail des étrangers
08:24et qui m'habite depuis 20 ans,
08:27oui, j'ai été très présente, effectivement.
08:29À partir de 2019, vous avez adhéré au parti En Commun.
08:33Alors En Commun, ça fait partie du bloc macroniste,
08:36on va dire, mais ça regroupe l'aile gauche de la Macronie.
08:40Ça a été créé par Barbara Pompili.
08:42Et puis, vous avez fini par rompre avec Emmanuel Macron.
08:45Ça s'est fait à l'occasion de la nomination de Michel Barnier
08:47en tant que Premier ministre en 2024.
08:50Pourquoi rompre précisément à ce moment-là ?
08:53Un désaccord avec Gabriel Attal sur la politique en matière de fiscalité,
08:59puisque, à l'époque, le groupe macroniste n'avait qu'un seul mot,
09:07c'était aucune augmentation d'impôts.
09:09Et compte tenu de l'équation budgétaire de la France,
09:12mon analyse technique, c'est que certes, il faut faire des économies,
09:17et j'en propose et je continuerai à en proposer,
09:19mais il faut aussi actionner le levier des recettes et donc des impôts.
09:23Il y a en plus un sujet d'injustice fiscale,
09:25c'est un autre moteur qui me amène à agir, voilà.
09:32C'est ce sujet de l'injustice dans tous les domaines,
09:34mais de l'injustice fiscale en particulier.
09:36Donc c'était vraiment un désaccord de fond.
09:37C'était une ligne que je tenais au sein du groupe macroniste
09:42depuis ses débuts quasiment, depuis 2018 et la crise des Gilets jaunes,
09:45où je disais qu'il y avait un sentiment très présent d'injustice.
09:49fiscale et qu'il fallait y apporter une réponse.
09:51Ce n'a pas été le choix.
09:52Et donc à cette occasion, alors que les comptes se cassaient la figure,
09:57les comptes publics, j'ai dit stop, j'ai dit non,
10:00il faut faire autrement, il faut choisir un autre chemin.
10:02Et donc désormais, vous siégez comme députée non inscrite à l'Assemblée.
10:06En 2023, vous expliquiez qu'à l'Assemblée, on ne fait jamais rien tout seul.
10:10Aujourd'hui, vous êtes un peu seule dans l'hémicycle.
10:13Vous ne faites plus partie d'aucun groupe.
10:15Est-ce que ça ne vous condamne pas à une forme d'impuissance ?
10:18Alors, peut-être qu'en d'autres temps, ce serait le cas.
10:22C'est vrai que là, on est dans un contexte particulier,
10:24avec ces 11 groupes, aucune majorité.
10:27Et que, de fait, il nous faut travailler ensemble,
10:30on n'a pas d'autres alternatives.
10:31Donc moi, je continue à animer des groupes de travail,
10:34à participer à d'autres groupes de travail,
10:37sur les déserts médicaux ou sur la santé en matière de psychiatrie.
10:42Donc, ce n'est pas un obstacle aujourd'hui, si vous voulez.
10:46Mais quand on est dans un groupe, pour que les gens comprennent,
10:48un groupe politique à l'Assemblée, ça donne aussi du poids,
10:51ça donne du temps de parole dans l'hémicycle ?
10:54Détrompez-vous, j'ai plus de temps de parole en tant que non inscrite.
10:58Parce qu'on ne vous donnait pas la parole à l'époque, quand vous la demandiez ?
11:01Quand on est une centaine, 200 ou 300, on a la parole, mais de temps en temps.
11:06Les non-inscrits, c'est chacun notre tour.
11:08Donc, comme on n'est pas si nombreux, en définitive, j'ai beaucoup plus la parole que par le passé.
11:14Mais ce qui est important, c'est le sérieux qu'on a produit jusque-là,
11:20la confiance des collègues, quelle que soit la sensibilité qu'ils ont,
11:25dans une capacité à travailler ensemble et à nouer effectivement des accords,
11:29des partenariats, à l'heure où on doit trouver des compromis tous les jours.
11:33Eh bien, bien entendu, c'est plutôt une qualité que d'avoir cette indépendance d'esprit,
11:38ces valeurs, cette solidité politique et cette structuration politique,
11:42mais une capacité à discuter, y compris avec des gens qui ont des avis divergents.
11:47On va conclure l'émission avec notre petit quiz.
11:50Donc, l'idée est simple, je vais vous proposer des débuts de phrases
11:52que vous allez devoir compléter.
11:55Je retournerai au PS si...
11:58Alors, ce n'est pas dans mon...
12:02Ce n'est pas dans vos projets ?
12:04Ce n'est pas dans mes projets si Bernard Cazeneuve y était.
12:11Ah, parce que vous êtes à la fois membre d'en commun et proche de Bernard Cazeneuve.
12:15Je suis proche de Bernard Cazeneuve et membre de la convention, son parti, effectivement.
12:20Avoir été meneuse d'une équipe de basket ?
12:22C'est très formateur.
12:25Dans quel sens du terme ?
12:27Dans la capacité à créer une dynamique avec des jeunes, en l'occurrence,
12:33et de porter un projet commun, bien entendu.
12:35Enfin, si j'arrête la politique, est-ce que vous retournerez dans les bilans comptables ?
12:41Je pense que je serai toujours dans l'intérêt aux autres, dans l'attention aux autres.
12:49Est-ce que c'est dans le monde associatif ou dans le monde d'une entreprise ?
12:54Je ne sais pas, mais peut-être les ressources humaines également qui m'intéressent beaucoup.
12:57Merci beaucoup, Stéphane Dupont, d'être venue dans La Politique et moi.
13:00Merci.
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