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  • il y a 2 jours
Il y a un an, Donald Trump remportait les élections présidentielles américaines pour la seconde fois avec 77 millions de voix. Jamais un candidat républicain n'avait remporté une élection avec autant de voix. Qui est-il ? Portrait croisé. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/le-grand-entretien-du-dimanche-02-novembre-2025-6499348

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Transcription
00:00Et un grand entretien ce matin à quelques jours de l'anniversaire de l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.
00:08C'était le 5 novembre 2024, victoire absolument sans appel, 77 millions de voix.
00:17Jamais un candidat républicain n'avait obtenu autant de voix à une élection présidentielle américaine.
00:22Et nous voulions croiser les regards pour comprendre ce qu'il y a dans la tête.
00:28Et sur la langue de l'homme qui joue le monde à pile ou face, comment il mène la guerre des mots également.
00:35Ce sont les titres de deux livres passionnants qui viennent de paraître.
00:39Et chers auditeurs, vous pouvez nous écrire pour nous dire ce que vous pensez justement de cette manière dont le monde, selon Trump, vous inspire ou vous désespère au 01 45 24 7000
00:52ou en nous écrivant sur l'application Radio France.
00:56Barbara Cassin, Guillaume Hennette, bonjour à tous les deux.
00:59Bonjour.
00:59Bonjour.
01:00Et bienvenue, nous voulions croiser vos regards.
01:03Celle de l'académicienne, docteur en lettres, directrice de recherche au CNRS, philosophe, philologue, donc spécialiste des mots et de langage justement.
01:14Il est largement question dans la guerre des mots.
01:16« Trump, Poutine et l'Europe », le livre que vous publiez aux éditions Flammarion.
01:21Guillaume Hennette, vous êtes le rédacteur en chef et notamment chargé des reportages de l'émission quotidien sur TMC.
01:28Et vous publiez « Donald, le monde à pile ou face », c'est aux éditions Taillandier, Bangoumi.
01:34On va démarrer avec une question assez simple ou peut-être difficile.
01:39On va voir un mot, un mot pour qualifier la langue de Trump, Barbara Cassin.
01:44Fuck, fuck !
01:46Et on a le droit de le dire car on est en France.
01:49On peut le dire alors ?
01:50Guillaume Hennette.
01:51Je suis surpris.
01:52Moi, déjà là, je…
01:54Waouh !
01:54Sacré début.
01:56Moi, je dirais…
01:57Alors moi, forcément, je vais…
01:58Barbara Cassin, de l'académie française.
02:00C'est l'académie française qui commence donc notre grand entretien avec fuck.
02:03Moi, j'aurais dit « pauvre » et « efficace ».
02:06Parce que « pauvre », il n'y a pas beaucoup de mots, mais « efficace » parce que ça marche très bien.
02:09La preuve.
02:10Alors, Barbara Cassin, expliquez-nous.
02:12Comment se fait-il que vous ayez eu l'idée de travailler sur la langue de Trump ?
02:18Votre vie, vous l'avez largement consacrée à traduire du grec ancien, des chefs-d'œuvre,
02:24à travailler sur la poésie d'Homère, sur de grands textes.
02:28Quel rapport entre votre travail, le travail d'une vie, et ce que vous faites dans ce livre,
02:36à savoir essayer d'analyser, de prendre au sérieux la langue de Trump ?
02:41Celui qui tord, celui qui parle de manière étonnante, toujours surprenante.
02:49Le rapport le plus évident, c'est le rapport aux politiques.
02:53Quand je travaille sur la Grèce ancienne, je travaille sur la politique contemporaine aussi.
02:58Et là, c'est le cas.
03:00J'ai été horrifiée par la manière dont Trump barrait, interdisait l'utilisation de certains mots,
03:09à peu près 150, du courant, du quotidien, des mots dont on a envie, du genre, je ne sais pas moi,
03:16« diversité », « équité », « inclusion », même à un moment donné, « femme », là, il n'a pas osé jusqu'au bout.
03:20Donc, ces 150 mots qu'il ne faut pas prononcer si on veut être financé, parce que c'est toujours un deal dont il s'agit, ça m'a terrifié.
03:29C'est assez frappant. C'est un homme qui parle et qui écrit avec une gomme.
03:32Une gomme.
03:34Il l'efface. Il efface certains mots.
03:37Qu'est-ce que ça veut dire, ce besoin que vous avez eu, comme jamais d'écrire ce livre-là,
03:43au moment même, je le disais, où vous donniez des conférences sur Homer ?
03:46Ça vous a apparu quasiment absurde. C'est ce que vous racontez, d'essayer de comprendre ce sentiment de honte que vous éprouviez en écoutant Trump.
03:58Oui. Ma honte, c'était de parler d'Homer quand il y avait un Trump, quand il y avait un Netanyahou, quand il y avait Gaza, quand il y avait l'Ukraine.
04:08Donc, ma honte, c'était ça.
04:09Et j'en parlais à Galatasaray, c'est-à-dire à Istanbul, à des jeunes.
04:17Et je me disais, mais pourquoi ils veulent m'entendre parler de ça alors qu'il se passe tellement de trucs terribles dans le monde ?
04:22Et je me suis consolée avec eux, d'ailleurs, en réfléchissant un peu plus et en me disant que la seule manière de résister,
04:29la seule manière de résister à Trump comme à Poutine, c'était la culture.
04:34Et donc, en étant fortement ancré sur ce qu'on peut faire de mieux, ce qu'on peut lire de mieux, ce qu'on peut penser de mieux, en Europe notamment.
04:44Comme outil de résistance. Et on va en parler.
04:46Votre livre de Guillaume Hennette, Donald, Le Monde à pile ou face, il faut nous décrire d'ailleurs la couverture, parce qu'elle...
04:54Alors, il faut imaginer.
04:55C'est une folie graphique et très pédagogique, ce livre.
04:59Voilà, donc on a une image de Trump, une photo de Trump, la photo officielle de 2016 et la photo officielle de 2024.
05:05Et en fonction de comment on bouge le livre, où on se situe, on a soit l'une, soit l'autre.
05:112016, il est souriant. Salut, c'est moi, nouveau président.
05:142024, il fait la gueule. Salut, c'est moi et on ne va plus rigoler maintenant.
05:18Donc, c'est une image lenticulaire assez catchy.
05:20Dans l'émission quotidien, vous envoyez des reporters très régulièrement, vous travaillez sur les images, les discours de Donald Trump.
05:29Est-ce que ce n'est pas épuisant et est-ce que vous avez l'impression de mener un travail vain ?
05:34C'est une question qui est V-A-I-N, c'est une question que pose le magazine Le New Yorker cette semaine.
05:41Et il la pose de manière extrêmement sérieuse.
05:44Au fond, est-ce que ça sert encore à quelque chose d'essayer de décrypter, de déminer, de débunker, comme dirait Barbara Cassin, les mensonges et le rapport complètement tordu à la vérité de Donald Trump ?
05:57Alors moi, je crois que c'est nécessaire de le faire.
05:59C'est important de le faire, de décrypter, d'essayer de comprendre qu'est-ce qui se passe derrière.
06:03Après, c'est vrai que lui, son objectif, c'est la saturation médiatique.
06:07C'est de dire je n'arrête jamais, je n'arrête jamais, je n'arrête jamais, je n'arrête jamais.
06:10Au tout début de sa présidence, vu qu'on parle des un an de Donald Trump, on se souvient qu'il a signé un nombre de décrets hallucinants.
06:16Il n'arrêtait pas, il signait avec son gros feutre noir, il montrait les décrets.
06:19Décret, je sors des accords de Paris, décret, je sors de l'Organisation mondiale de la santé, décret, je libère tous les prisonniers de l'assaut sur le Capitole.
06:27Bref, il sature l'espace médiatique et il y a deux façons de voir les choses.
06:31Soit ça ne sert à rien de courir après lui, soit ça sert de continuer à expliquer qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce que ça veut dire de l'Amérique de 2025.
06:39Donc une autre manière de résister ou d'essayer de créer quelque chose comme un contre-modèle ou d'essayer de faire porter la voix des faits, la voix de la vérité dans un monde de la post-vérité qui est le sien.
06:53Et j'imagine que si le New Yorker se pose cette question-là, et il n'est pas le seul, c'est que ça veut dire que chez nous aussi c'est très compliqué.
06:59Déjà chez eux, ils ont du mal, parce qu'en plus il s'en prend pas mal aux médias.
07:04Il a lancé un procès à 15 milliards de dollars contre le New York Times, à 10 milliards de dollars contre le Wall Street Journal.
07:09Il vient de restindre l'accès des journalistes à la Maison-Blanche, c'était une info qui est sortie hier ou avant-hier.
07:14Bref, c'est très compliqué, mais encore une fois, je pense que c'est nécessaire.
07:17La politique, ce sont des mots dire, c'est faire.
07:21Barbara Cassin, c'est le titre d'un livre célèbre.
07:24Quand on entend parler Donald Trump et il sature l'espace médiatique, comme le disait Guillaume Hennette à l'instant,
07:30il sature l'espace médiatique avec quoi ? Avec du bruit ?
07:34Est-ce que c'est encore une langue ? Est-ce que c'est une neuve langue, comme vous l'expliquez ?
07:40Oui, c'est une neuve langue, c'est-à-dire que les termes n'ont pas le même sens.
07:43Regardez, j'ai mis en exergue trois phrases.
07:47L'Union européenne a été créée pour nous arnaquer.
07:50Il faut les attraper par la chatte.
07:52Les Mexicains sont des violeurs.
07:54Vous imaginez un président du plus grand pays du monde, ou à peu près, s'exprimer comme ça ?
08:02Mais c'est quoi ? Oui, effectivement, c'est une neuve langue.
08:05C'est une neuve langue.
08:06Est-ce que c'est si loin, finalement, de l'effet sophistique,
08:10qui était l'un des titres d'un livre que vous avez publié il y a longtemps,
08:14puisque la philosophie, elle commence par Socrate, qui essaye, par le langage,
08:20de montrer que les sophistes racontent n'importe quoi ?
08:23Son relativisme déforme le rapport à la vérité.
08:26Est-ce que c'est une même filiation, ou avec cette forme de populisme,
08:30de discours direct de Donald Trump, on est dans un autre ordre de communication ?
08:35On est dans un autre ordre de communication, mais là, vous parlez des sophistes,
08:38justement, comme Platon ou comme Socrate le fait.
08:41Et ce n'est pas du tout comme ça que je les vois.
08:43C'est-à-dire que, pour moi, c'est plutôt comme, puisqu'on est dans la philo,
08:47c'est plutôt comme Hegel.
08:48Ce sont les maîtres de la Grèce.
08:50C'est-à-dire qu'ils lui apprennent à parler, et qu'ils lui apprennent à penser.
08:53C'est les maîtres en culture et en parole.
08:55Et donc, les sophistes, ce sont ceux qui pensent que dire, c'est important.
09:00Parler, c'est important, mais pas parler n'importe comment.
09:02Et le plus connu des sophistes, c'est Protagoras, qui dit
09:07« L'homme est la mesure de toute chose ».
09:09Dans le « Té-et-et », à ce moment-là, on voit Socrate qui dit
09:11« Alors, tu pourrais dire, si je t'étais un cochon,
09:14tu dirais « Le cochon est la mesure de toute chose ».
09:16Et Socrate, tout seul, se répond à lui-même
09:21« Mais si Protagoras était là, il me dirait « Tu n'as pas honte, Socrate ».
09:24Mais si, si, j'ai honte.
09:26J'ai honte, parce que ce que veut dire Protagoras,
09:28c'est que toi, toi, toi, il te faut supporter d'être mesure.
09:32Autrement dit, juge.
09:34Et donc, politique, faire de la politique, être un être politique,
09:38c'est parler et juger.
09:40Et nommer.
09:41Et je vous pose la question de la continuité entre la Grèce antique,
09:45que vous connaissez si bien, avec Donald Trump et le moment contemporain que nous vivons.
09:51Très simplement parce que Protagoras, celui qui dit que l'homme est la mesure de toute chose,
09:56c'est ce qui conduit Donald Trump, par exemple, à être climato-sceptique.
09:59Vous me parlez de réchauffement climatique.
10:01Regardez, moi, j'ai froid.
10:02Ça, c'est quelque chose qui est très frappant, Guillaume Hennette.
10:05C'est...
10:06De toute façon...
10:07Allez-y, Barbara.
10:09Au secours !
10:10Non, mais au secours, mais c'est l'un des ressorts du climato-scepticisme.
10:14Le réchauffement climatique n'existe pas, j'ai froid.
10:17Mais c'est juste un relativisme extrêmement mal compris et certainement pas celui de Protagoras.
10:22Celui de Protagoras, c'est celui qui dit, jugez, c'est-à-dire prenez les éléments qu'il faut
10:28pour décider de ce qui est.
10:30Regardez, prenez un pas de recul et regardez ce qui est, non pas ce que vous, vous, Trump ou un tel, ressentez,
10:38mais jugez.
10:40Jugez ?
10:41Oui.
10:41Prenez le taureau par les cornes et la politique par là où il faut, c'est-à-dire comme jugement.
10:49Guillaume Hennette ?
10:50Sur le réchauffement climatique, effectivement, Donald, il a une sorte de constance là-dessus
10:54de toutes les manières.
10:55Par exemple, sur les éoliennes, il a toujours dit...
10:57Donald.
10:57Oui, Donald, j'ai dit.
10:59Donald.
10:59Non, mais Donald.
10:59Donald.
11:00Je ne dis pas le président Trump ou 47.
11:02Non, Donald.
11:03Notre Donald.
11:04Votre Donald.
11:06Fucking Donald.
11:07L'heure Donald.
11:07Si on peut aller jusqu'au bout.
11:08Ce n'est pas encore dans le dictionnaire de l'Académie française, mais après cette
11:11émission, ça va y rentrer.
11:12Après cette émission, j'ai l'impression que c'est vrai.
11:14Non, mais là aussi, on revient sur le langage en disant, effectivement, je disais tout à
11:17l'heure deux mots pauvres et efficaces.
11:19C'est vrai qu'il y a eu des analyses.
11:21Alors nous, dans le livre, à intervalles assez régulières, on essaye de mettre des
11:25phrases clés de Donald Trump en gros.
11:28Pourquoi ? Parce que c'est toujours un peu le même schéma.
11:31Il dit toujours, personne ne connaît autant, et après il met quelque chose, que moi.
11:36Personne ne s'y connaît autant sur l'environnement que moi.
11:38Personne ne s'y connaît autant sur les drones que moi, sur la Bible que moi, sur les femmes
11:42que moi, sur les afro-américains que moi, etc.
11:45Et ce qui est intéressant, et ça, d'ailleurs, vous en parlez dans votre livre, c'est aussi
11:48une étude qui avait été publiée par le Boston Globe en 2016.
11:52Il y avait 19 candidats pour être président.
11:53Le Boston Globe fait, ok, je prends tous les discours de ces 19 candidats et je leur fais
11:57passer le test de Kincaid pour savoir la lisibilité, c'est-à-dire qui comprend les
12:01discours.
12:02Et le discours de Donald Trump a été jugé, compréhensible, par un enfant de 9 ans.
12:06Donc grosso modo, ce que disait le Boston Globe, c'est le discours de Trump, les mots
12:11qu'il emploie, le très faible nombre de mots qu'il emploie, c'est pour être compris
12:15par quelqu'un qui a 9-10 ans.
12:17Et à partir de là, on se dit, voilà, lui, il dit quelques mots.
12:20« Grab them by the pussy », « Fake news », « Build that wall », « Make America
12:25great again », il le répète, il le répète, il le répète, et honnêtement, tout le monde
12:28connaît ces mots maintenant.
12:29Barbara Cassin.
12:30Oui, c'est comme, il a le langage d'un mot au maximum de 14 ans et la même syntaxe.
12:35Vous parlez d'ailleurs, vous montrez que le niveau lexical de Donald Trump, c'est
12:38celui d'un élève en gros de cinquième avec des oppositions binaires.
12:41Ah oui.
12:42Les oppositions binaires, c'est bien mal, vrai faux, j'aime, j'aime pas, et ça
12:47ne le décrédibilise pas, au contraire.
12:50Non.
12:50Comment le comprendre ?
12:51Ça s'appelle le populisme.
12:53Ça s'appelle le populisme.
12:54Ah oui, c'est très simple.
12:55Et c'est quelqu'un, donc, si j'insiste sur la dimension du langage et des mots, il y a
13:00dans un instant les questions des auditeurs de France Inter qui s'intéressent et qui sont
13:04fascinés eux aussi par cette manière qu'il a de s'adresser à tout le monde.
13:08Quand, Guillaume Hennette, vous travaillez sur les mots de Trump, il y a cette phrase
13:14« Nous ne serons pas réduits au silence ». L'usage de Twitter, l'usage de X, l'usage
13:20de trousse sociale et des médias sociaux, ça fonctionne comme un mégaphone.
13:28Ah ben c'est un mégaphone, mais vraiment très très puissant.
13:30Effectivement, en 2021, il est suspendu de X, enfin de Twitter à l'époque, parce qu'on
13:34le suspecte d'avoir encouragé l'assaut sur le Capitole.
13:38Et donc, du coup, à ce moment-là, effectivement, il dit « On ne se laissera pas faire, on ne
13:42se laissera pas réduire au silence ». Et il lance sa nouvelle plateforme « Trousse
13:45sociale ». Et donc « Trousse sociale », rien que le nom, déjà c'est magique.
13:49Ce nom est génial.
13:50Ce nom est génial.
13:51« Je suis celui qui parle ».
13:53Oui.
13:54C'est comme ça que commence votre livre, Barbara Cassin.
13:57Et du coup, « Je suis celui qui parle » et « Trousse sociale », « Je suis celui qui
14:00dit la vérité ».
14:00Qui dit la vérité et qui dit la vérité de la société que vous êtes, que nous sommes.
14:05Parler, c'est l'un des fondements de l'action politique.
14:08On peut même dire que la politique, c'est un art de la parole, mais d'une parole performative.
14:14On parle, donc on fait.
14:17Et vous vous amusez à voir tous les mots qu'il emploie, par exemple, pour rebaptiser.
14:22Il a rebaptisé même des mots qui concernent des zones géographiques.
14:27Le golfe du Mexique devient le golfe des Amériques.
14:31Mais à quoi ça sert, Barbara Cassin ?
14:33C'est un affichage massif de la puissance américaine par rapport à ceux qui sont des
14:39trafiquants de drogue et des repris de justice.
14:42C'est un affichage de la puissance.
14:44On a commencé effectivement en rappelant quelques phrases qu'il a dit, notamment sur
14:48le Mexique.
14:49Et on sait à quel point il ne porte pas le Mexique dans son cœur.
14:51Donc, le fait d'avoir sur les côtes des Etats-Unis le golfe du Mexique, pour lui,
14:56c'était juste insupportable.
14:58Et donc, le golfe d'Amérique, c'est quand même beaucoup plus classe.
15:01Et il y a d'ailleurs ce que vous faites dans votre livre, je le disais, avec ce graphisme
15:05qui est très frappant, qui est extrêmement clair et pédagogique.
15:09Vous vous amusez pour avoir une analyse de certains mots.
15:14BFF, ça aussi, ce n'est pas dans le dictionnaire de l'Académie française.
15:17BFF, c'est best friend forever.
15:22Et c'est...
15:22Alors, justement, il en a plusieurs.
15:24Il en a plusieurs.
15:25Il en a plusieurs parce que le premier mandat, en 2016, il s'est entouré de gens.
15:28Grosso modo, c'était le parti républicain qui lui disait, il faut que tu travailles
15:31avec telle personne, telle personne.
15:32Résultat, ça n'a pas du tout marché.
15:33En 2016, entre 2016 et 2017, il a viré un tiers de ses équipes.
15:37Là, cette année, il ne s'est entouré que de BFF.
15:41GD Vance, par exemple, et plein d'autres comme ça.
15:43Pourquoi ?
15:44Parce qu'ils lui sont super fidèles.
15:45Pas de Bondy.
15:46Super fidèle.
15:47Pam Bondy, c'est la ministre de la Justice, évidemment.
15:49Ancienne avocate de Donald Trump.
15:51Et l'art des mots, il est extrêmement important.
15:54Il est important.
15:56Oui, sur l'art des mots, parce que c'est très important, je trouve.
15:58Son ministre de la Défense, ce n'est plus son ministre de la Défense.
16:01Comme on est sur les mots, c'est le ministre de la guerre.
16:04Il a changé ministre de la Défense, Security of Defense, par Security of War.
16:09Ministre de la guerre.
16:10Ça, ce changement-là, il est hyper important pour comprendre ce qu'il est en train de faire en ce moment, c'est-à-dire montrer ses muscles.
16:17Et son ministre de la Défense, Pete Exet, d'ailleurs, c'est un sacré personnage, oui.
16:21Est-ce qu'on peut encore parler de fake news, Barbara Cassin ?
16:26De vérité ?
16:27Vérité alternative.
16:28Oui, de vérité alternative.
16:30Ou est-ce que finalement, ces cadres-là, ces cadres qui structurent la pensée rationnelle,
16:35ont complètement éclaté avec ce que vous décriviez tout à l'heure comme un phénomène qui dépasse largement Trump,
16:41qu'on retrouve chez Poutine, qu'on retrouve chez d'autres populistes,
16:45comme une nouvelle manière de faire de la politique ?
16:47Mais il ne faut absolument pas parler de vérité alternative, non.
16:50Non.
16:51Il faut parler de mensonges.
16:52Il faut parler de vraiment de fake news.
16:57C'est-à-dire d'un fox, d'un tox.
17:00D'un fox, d'un tox.
17:01On retrouve le côté binaire dont on parlait tout à l'heure.
17:03C'est-à-dire, encore une fois, son réseau social, c'est Trousse Social.
17:05Et à côté, il y a les fake news.
17:07Donc c'est ce que je dis, c'est la vérité.
17:09Tout ce que disent les autres et qui me critiquent, c'est un mensonge.
17:11C'est-à-dire que si Donald Trump était là, dans le studio, et qu'on lui disait
17:15« Vous êtes sur France Inter », il disait « Non, on n'est pas sur France Inter ».
17:17Et il maintiendrait qu'on n'est pas sur France Inter.
17:19Bon, ben voilà, c'est comme ça.
17:20Il répète, il répète, il répète, jusqu'à ce que ça rentre dans la tête des gens.
17:23Enfin, ça l'arrangerait qu'on soit sur France Inter.
17:25C'est vrai, Barbara Cassin, il a souvent cette expression.
17:30Donc, oui, comment dire ?
17:33Il faut supposer que c'est volontaire, ces erreurs qu'il commet lorsque,
17:38Guillaume, vous reproduisez cette page où Donald Trump dit que Belgique est une ville magnifique.
17:43La Belgique est une ville magnifique.
17:44Lorsqu'il dit, par exemple, qu'il a fait la paix entre l'Arménie et l'Albanie,
17:50est-ce que ce sont des erreurs ?
17:52Pour vous, c'est volontaire, Guillaume Hennette ?
17:54Il est un culte aussi.
17:57Il ne sait pas exclure.
17:58Ce n'est pas exclure.
17:59Effectivement, il y en a plusieurs aussi.
18:01Quand il se trompe sur le nom des pays africains,
18:04quand il se trompe sur une cible,
18:07quand il pense qu'il est allé frapper l'Irak,
18:09il dit qu'il a frappé la Syrie.
18:11Enfin bon, bref, il se trompe.
18:12La géopolitique, une carte de géographie,
18:15ce n'est pas vraiment le truc qu'il regarde tous les matins.
18:17Ce qui l'intéresse, lui, c'est son pays.
18:20Barbara Cassin, j'aimerais vous soumettre une question
18:23que Catherine vous pose sur l'application de France Inter.
18:27Est-ce qu'il a changé à jamais la manière de faire de la politique
18:31jusqu'en Europe, jusqu'à ce côté-ci de l'Atlantique ?
18:36Il a vraiment décomplexifié tout le monde.
18:40Et plus personne n'a honte.
18:43Maintenant, j'espère qu'il n'a pas changé ça pour de bon.
18:47C'est-à-dire que je pense que la honte est un grand atout en politique,
18:53est un grand mobile de politique.
18:55Et puisque vous disiez que j'étais héléniste,
18:59ce qui est absolument vrai...
19:00Oui, je le maintiens.
19:02Même si votre premier mot a été « fuck », vous êtes héléniste.
19:06Eh bien, les deux vertus en politique, pour les Grecs,
19:11c'est aïdos, la honte, c'est-à-dire la conscience du regard de l'autre,
19:15et d'iké, la justice, c'est-à-dire la juste répartition,
19:18la bonne répartition.
19:20Aïdos et d'iké, j'espère que ça restera.
19:22Aïdos et d'iké, j'espère que ça restera aussi.
19:24Hélène, sur l'application France Inter,
19:27dit « super » ces invités qui tombent à pic.
19:30« Élève de seconde, mon fils vient de découvrir 1984 » de George Orwell.
19:35Merci pour cette résonance actuelle.
19:37Barbara Cassin, c'est une référence constante, George Orwell,
19:40dans le discours du commentaire politique.
19:44Pourquoi est-ce que George Orwell est indispensable pour comprendre Donald Trump ?
19:47Parce qu'il remanifeste la manière dont on peut transformer les mots
19:54et transformer le sens des mots.
19:57Et au fronton de son ministère de la vérité,
20:01il y a, si je ne me trompe...
20:02Dans 1984.
20:03Dans 1984.
20:04Ça n'existe pas encore aux Etats-Unis, mais ça ne va pas tarder.
20:07Non, parce qu'il n'y a pas non plus de ministère de la vérité.
20:09Il n'y a qu'un ministère de la guerre.
20:11Mais il pourrait y avoir guerre et paix.
20:12C'est assez juste.
20:14Il y a guerre et paix, vérité et mensonge, etc.
20:17C'est-à-dire que, voilà, Trump réussit à faire dire au mot le contraire de ce qu'ils disent.
20:27Guillaume Hennette, ça c'est assez frappant aussi.
20:29Oui, mais moi...
20:30Et vous en jouez d'ailleurs.
20:31La mise en scène dans votre livre permet de voir les contradictions, mais...
20:35Les contradictions, ça, en plus, lui, il s'en fout.
20:38C'est-à-dire qu'il peut dire à Zelensky un jour,
20:40quand il l'humilie à la Maison Blanche, qu'il n'a pas les cartes en main
20:42et qu'il ne pourra jamais regagner tous les territoires perdus en Russie,
20:45et dire deux mois après exactement l'inverse, en lui disant « je pense que tu peux faire ça ».
20:49Il peut dire il n'y a pas longtemps « je ne veux plus de tête nucléaire nulle part »
20:52et dire avant-hier « je veux reprendre les essais nucléaires ».
20:55Donc, les contradictions, ça, ce n'est pas un problème pour lui.
20:58Au contraire, ça fait sidérer et ça, c'est tout ce qu'il demande.
21:01Et d'ailleurs, vous vous arrêtez tous les deux sur son rapport à Zelensky.
21:05Pourquoi avoir fait la carte de tous ces golfs ?
21:09Ce n'est pas qu'anecdotique, Guillaume Hennette.
21:11Dans votre livre, les golfs, alors non pas au sens du Golfe du Mexique,
21:15mais des parcours de golf où il a l'air de passer l'essentiel de ses journées.
21:19Peut-être qu'il faut faire un golf sur le Golfe du Mexique,
21:20un truc qui reviendrait sur l'eau, un truc un peu original.
21:23Ce n'est pas impossible.
21:23Alors, un, ça fait partie de…
21:25Parce que Trump, avant tout, c'est un businessman.
21:27Donc, il ne faut pas oublier cette dimension-là.
21:29Et c'est pour ça que dans le livre, on va aussi beaucoup sur ses biens immobiliers, ses golfs, etc.
21:33Et puis aussi, c'est un outil et un terrain diplomatique, le Golfe.
21:38C'est-à-dire qu'il s'en sert à la fois pour faire venir des chefs d'État d'étrangers
21:41ou alors pour provoquer.
21:43C'est-à-dire que quand l'autre jour, il y a eu les manifestations « No Kings »,
21:467 millions de personnes dans les rues aux États-Unis,
21:48ce qui honnêtement n'est pas énorme quand on regarde sur la totalité des pays.
21:50« No Kings », pas de roi.
21:51Pas de roi.
21:52Manifestation.
21:53Lui, il est où à ce moment-là ?
21:54Il est parti jouer au golf.
21:56Donc, c'est aussi une façon de leur dire « Je m'en fous de votre truc.
21:59Moi, je fais ce que je veux. »
22:00C'est Uburois ?
22:02Oui, c'est Uburois, tout à fait.
22:03Mais c'est grave que ça existe pour de bon.
22:08Jusqu'à maintenant, ça n'avait pas existé à ce point-là.
22:10Pas à ce point-là.
22:11Voilà.
22:12Pas à ce point-là.
22:13Il y a en ce moment une campagne importante
22:15et qui défie aussi la manière de pratiquer la politique.
22:19C'est l'élection pour le maire de New York, Guillaume Hennette,
22:22vous êtes en vacances, vous allez reprendre le travail dès demain.
22:25Dès demain, quotidien de retour.
22:26Oui, mais justement, vous allez suivre l'élection du maire de New York
22:30avec un personnage totalement à l'opposé de Donald Trump.
22:34En apparence, décrivez-nous Mamdani.
22:36Alors, pour moi, l'élection de mardi, ça va être un test ultra important pour les États-Unis.
22:42Donc, Zoran Mamdani, né en Ouganda, parent indien, grandit en Afrique du Sud,
22:46arrive à 7 ans dans le Queens à New York, naturalisé américain en 2018 seulement.
22:51Il a 34 ans, il est tout jeune,
22:53et il a, d'après tous les sondages, 95% de chances de gagner mardi.
22:58Même Donald Trump a dit « c'est plié, c'est terminé ».
23:00Il a gagné une primaire démocrate, c'est-à-dire que le Parti démocrate a fait une primaire
23:04avec Andrew Cuomo, un mec très connu, ancien gouverneur de l'État de New York, etc.
23:08Un vieux de la vieille.
23:09Un vieux de la vieille.
23:10Et ce petit Zoran Mamdani, 34 ans, on s'est dit « il va être balayé ».
23:14Pas du tout, il gagne.
23:15Et alors, il est musulman, pro-palestinien.
23:17Il a dit que si Netanyahou arrive à New York, il ferait arrêter Netanyahou.
23:21Bref, Donald Trump le qualifie de « cinglé communiste »
23:25et a dit que si jamais il gagnait, ça allait faire quelque chose de…
23:29Honnêtement, voyons, mais ça peut être quelque chose de…
23:32S'il envoie la garde nationale, s'il envoie l'ICE, etc. à New York, dans les semaines de l'année,
23:37ça va faire des images incroyables.
23:38En tout cas, ça va faire des images incroyables.
23:40Mais les mots, en tout cas, montrent que quelque chose est en train de passer aux États-Unis.
23:45Et c'est une manière de résister à Donald Trump.
23:47Manière dont vous résistez aussi, Barbara Cassin, de l'Académie française,
23:52et dans ce livre « La guerre des mots, Trump, Poutine et l'Europe »
23:55chez Flammarion, de l'Académie française « Fuck » et « Donald, le monde à pile ou face »,
24:01c'est passionnant et c'est publié chez Talendier Bangoumi.
24:05Merci infiniment à tous les deux.
24:06Bonne journée à suivre la revue de presse.
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