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  • il y a 2 jours
Réalisée par Rebecca Miller, la série documentaire "Mr. Scorsese" cartonne sur Apple TV+. L'occasion pour nous de se pencher sur ce géant du cinéma américain.

Pour en parler, deux passionnés de cinéma et de pop culture :

Jean-Baptiste Toussaint, youtubeur, créateur de la chaîne youtube Tales From the Click, qui décrypte le cinema avec humour et précision.

Et Yal Sadat, journaliste et critique, qu’on retrouve notamment dans So Film et Les Cahiers du cinéma et qui avait co-realisé le documentaire “Martin Scorsese, L’Italo-Américain” sur Arte.

Retrouvez "A la régulière" sur le site de France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/a-la-reguliere

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Transcription
00:00Bonsoir à toutes et à tous, bienvenue dans À la Régulière, l'émission de toutes les cultures.
00:15Ce soir, on parle d'un homme qui a passé plus de 60 ans à filmer la faute, la violence, la foi et la beauté du chaos.
00:21Un homme pour qui le cinéma n'est pas un métier, mais une manière de respirer.
00:24Un homme qu'on ne présente plus, mais qu'on découvre autrement dans un documentaire exceptionnel signé Rebecca Miller,
00:29disponible sur Apple TV+, son titre dit tout, Monsieur Scorsese.
00:34Dans ce film, Martin Scorsese revient sur toute sa vie, depuis Little Italy jusqu'à Killers of the Flower Moon,
00:39en passant par ses démons, ses triomphes et ses doutes, aux côtés de Leonardo DiCaprio, Robert De Niro, Steven Spielberg ou ses amis d'enfance, Marty dit tout.
00:47Pour célébrer ce document exceptionnel, je me suis dit que c'était le moment idéal pour consacrer une émission à celui qui est sans aucun doute
00:53le cinéaste qui a eu le plus d'impact sur ma cinéphélie.
00:56Et pour en parler, j'ai la chance d'être entouré de deux passionnés de cinéma et de pop culture,
01:00Jean-Baptiste Toussaint, youtubeur, créateur de la chaîne YouTube telle forme de clic qui décrypte le cinéma avec humour et précision.
01:07Bonsoir Jean-Baptiste.
01:08Salut Midi, ça va ?
01:09Très bien.
01:09Et Yal Sadat, journaliste et critique qu'on retrouve notamment dans ce film et les cahiers du cinéma,
01:13et qui avait co-réalisé le documentaire Martin Scorsese, l'italo-américain sur Arte.
01:18Bonsoir Yal.
01:19Bonsoir.
01:19Alors ce soir, on va remonter le temps avec Marty, de Little Italy à Hollywood, du péché originel à la rédemption,
01:25de Taxi Driver à The Irishman, parce qu'à 82 ans, Scorsese nous rappelle que le cinéma, c'est pas juste raconter des histoires,
01:31c'est croire qu'elles peuvent nous sauver.
01:32C'est parti pour une heure à la régulière.
01:34France Inter.
01:38À la régulière.
01:43Medimizing.
01:44Alors, vaste sujet que celui de Martin Scorsese, le documentaire dont je parlais, qui vient de sortir, dure 5 heures.
01:515 heures passionnantes, donc je ne sais pas si on va pouvoir tout résumer aujourd'hui.
01:55Il y a énormément de sujets, énormément de films, bien sûr, énormément de périodes différentes,
01:59mais on peut évidemment commencer avec le commencement, c'est-à-dire New York, c'est-à-dire Little Italy.
02:04Et Yal, toi qui t'es beaucoup intéressé au sujet, qui voulais consacrer un documentaire,
02:08comment est-ce que son enfance dans Little Italy, finalement, irrigue toute l'œuvre de Martin Scorsese ?
02:15C'est vrai que tout est presque déjà en place dans ce quartier de Little Italy,
02:19donc le Lower East Side à New York, puisqu'en fait, il est dans une sorte de bulle,
02:25alors évidemment italo-américaine, puisque c'est là qu'est concentrée la communauté,
02:28et d'autres communautés irlandaises, juives, cubaines, enfin voilà.
02:32Et dans cette espèce de bulle communautaire, minoritaire, il est aussi dans une bulle à la fois de religion et de cinéma.
02:43Et j'allais dire que c'est un peu la même chose, c'est-à-dire qu'en fait, sa première salle de cinéma, c'est l'église.
02:49D'ailleurs, on sait qu'il aurait pu être prêtre, il se distinguait.
02:52C'était son rêve, effectivement, il était enfant de cœur, il se destinait, il rêvait de devenir prêtre un jour,
02:57et en même temps, il découvre des films comme c'est par un enfant très sportif,
03:01on lui interdit le sport à cause de son asthme, il est assez enfermé comme gamin,
03:07et son rapport au monde, c'est la lucarne, la lucarne alors du grand écran, de la télé,
03:12et puis de la fenêtre par laquelle il regarde le monde, et New York qui grouille en bas,
03:17et ça on le reverra dans ses films très souvent, d'ailleurs des personnages souvent jeunes,
03:20qui découvrent le monde comme dans les affranchis, on les voit postés à leur fenêtre.
03:23Alors, Jean-Baptiste, c'est vrai que, bon, Martin Scorsese, il commence à faire du film des années 60, bien sûr,
03:29puis les années 70, c'est là où les gens le découvrent réellement,
03:33notamment quand il commence à faire un cinéma qui lui ressemble vraiment,
03:35c'est quelque chose que le documentaire montre bien,
03:37comment il passe d'un réalisateur qui même fait quelques films de commande,
03:41à quelqu'un qui va commencer à imprégner son cinéma,
03:44notamment évidemment avec Mineswitz, après avec Taxi Driver.
03:47Toi, quel regard t'as sur ces films-là, qui évidemment s'inscrivent aussi dans une forme de nouvel Hollywood ?
03:52C'est les premiers films de Coppola, bien sûr, de George Lucas, de Spielberg, de De Palma et de Scorsese.
03:57Comment toi, tu regardes un peu cette période, souvent qui est vue comme une période dorée ?
04:02Justement, son début de carrière, il est intéressant,
04:03parce qu'à la base, lui, il est fasciné par la nouvelle vague française, par la nouvelle vague italienne,
04:08et c'est un peu ce qu'il a envie de faire comme cinéma.
04:11Mais quand il arrive à Hollywood, il se rend compte qu'effectivement, il a des films de commande,
04:14il faut bien commencer, il faut bien faire des films.
04:16Il fait un film avec Roger Corman, qui est un producteur assez connu dans le monde des films un peu de série B,
04:23comme ça, donc il fait Bertha Boxcar, qui est un film qui lui prend beaucoup d'énergie,
04:27qui fait avec passion, mais qui est assez mal reçu.
04:30Et il a eu la chance au départ d'être accompagné par John Cassavetes,
04:33qui joue un rôle important, et on le voit dans le documentaire.
04:36Bien sûr, et qui a beaucoup compté dans sa carrière,
04:40et puis qui l'a poussé malgré l'échec, on va dire, de ce film Bertha Boxcar,
04:44qui lui a dit, voilà, t'as passé un an à faire ce film-là, qui ne te sert à rien,
04:48maintenant, fais des films qui te ressemblent.
04:49Et c'est à partir de là qu'il a commencé à se dire,
04:52ok, le plus important maintenant, c'est de faire des films qui me ressemblent.
04:54Il a fait Mean Streets, et c'est là qu'il a fait des...
04:56Mais c'est ce qu'il sort en 72, si je ne dis pas de bêtises, en tout cas c'est dans cette...
04:59C'est 73, 73, 73.
05:01Et finalement, en fait, on dit toujours que c'est bien de commencer avec un premier film
05:05dans lequel on parle de choses qu'on connaît, en fait.
05:08Et là, il savait tout, il connaissait tout.
05:10Et d'ailleurs, il y a un truc qui est super dans le documentaire,
05:11c'est qu'en fait, le personnage de Bob De Niro est inspiré par un pote d'enfance
05:15qu'il avait et qui est assez fantasque.
05:17Pour moi, c'est un des meilleurs moments du documentaire, d'ailleurs.
05:19Et voilà, on adore ce genre de perso.
05:21Absolument, le personnage de Johnny Boy, interprété par Robert De Niro,
05:23qui est inspiré d'un ami d'enfance qu'on voit dans le documentaire.
05:26Ça, c'est Mean Streets.
05:27Et puis, trois ans après, il y a évidemment Taxi Driver,
05:29toujours avec Robert De Niro, c'est leur deuxième collaboration,
05:31qui aura la palme d'or à Cannes et évidemment, fait de répliques mythiques.
06:01Au Panthéon, des répliques les plus connues, les plus parodiées,
06:13les plus pastichées, elle est en figure en bonne place.
06:15Donc, c'est une improvisation de De Niro.
06:18Je t'en prie, vas-y Jean-Baptiste.
06:18Non, je voulais juste dire deux choses sur cette réplique,
06:20parce que finalement, c'est une réplique assez culte.
06:23Il y a une légende qui dit qu'en fait, cette réplique, elle vient de Bruce Springsteen.
06:25Bruce Springsteen, absolument.
06:26C'est ça. En fait, De Niro est à un concert de Bruce Springsteen
06:28et très souvent, le public redemande.
06:31C'est une sorte d'habitude dans les concerts de Bruce Springsteen.
06:34Il poursuit le concert comme ça pendant des heures
06:38et en fait, le public était là, genre, on veut une autre chanson, on veut une autre chanson.
06:41You're talking to me, il jouait un peu avec eux.
06:43De Niro a vu ça, il a eu l'idée.
06:45Récemment, j'ai lu une interview de Vincent Cassel,
06:47parce que finalement, cette réplique, elle est aussi associée à Cassel dans la haine.
06:51Et en gros, Cassel disait, vous savez, je vais vous dire la vérité,
06:53je ne pensais pas à cette scène au moment de l'impro.
06:56C'est dire à quel point elle est dans l'inconscient collectif des gens qui aiment le cinéma.
06:59Bien sûr, complètement.
07:00Est-ce que c'est aussi à ce moment-là que Martin Scorsese accède à la reconnaissance ?
07:05Il y a, en tout cas, que ce n'est plus uniquement un jeune hérité indépendant,
07:07mais là, il y a une palme d'or avec un film très important,
07:09c'est dans ce qu'il raconte, de l'Amérique post-Vietnam, évidemment.
07:13C'est là où il se passe quelque chose de différent pour lui ?
07:15Oui, j'allais dire presque un virage à 180 degrés.
07:18Il y a quelque chose comme ça, parce qu'à la fois, oui, c'est la palme d'or à Cannes,
07:21contesté, mais enfin, c'est quand même la palme d'or.
07:24Contesté à l'époque, oui ?
07:25Oui, parce que le film est extrêmement violent.
07:27Et ce n'est pas la même violence que dans ses précédents films.
07:29Ça va encore plus loin.
07:30C'est un film sanglant.
07:32Pour ceux qui se souviennent du climax, du final, c'est dantesque.
07:37Mais c'est un film qui surprend, parce qu'autant il revient à New York,
07:40après Alice n'est plus ici, qui était un petit virage vers l'ouest.
07:44Il revient, mais ce n'est pas Little Italy, c'est un personnage, Travis Bickle, donc de Niro,
07:50qui n'est pas spécifiquement italo-américain, il s'appelle Bickle.
07:53Exactement.
07:54Et c'est un personnage inquiétant, qui est un chauffeur de taxi, qui a fait la guerre,
07:59en tout cas qui dit avoir fait la guerre, on n'en a même pas la preuve.
08:02C'est vrai.
08:02Et qui devient fou, qui bascule dans la folie de plus en plus.
08:07Qui veut nettoyer la ville.
08:08Qui veut nettoyer la ville comme un justicier, à la façon dont ce que les Américains appellent un vigilante.
08:13Il a des opinions qui sont extrémistes, voire racistes, carrément racistes.
08:18Il y a des plans qui le montrent.
08:19On bascule dans la psyché de ce mec et on voit que ce n'est pas très propre.
08:23Et alors les gens se disent, ce type, ce Martin Scorsese qui a fait entrer une minorité à Hollywood,
08:30les italo-américains qui n'avaient quasiment pas voix au chapitre.
08:33Bon, il y a le parrain juste avant, mais il fait partie des gens qui ont imposé un cinéma progressiste,
08:37féministe, avec Alice N'est Plus Ici.
08:39Tout à coup, il nous fait un film qui est presque solidaire avec ce personnage qui n'est pas recommandable du tout.
08:45Et donc, oui, à la fois, il y a une reconnaissance et en même temps, on se dit,
08:49c'est comme s'il enterrait le cinéaste social qu'il était en train de devenir.
08:52Bon, alors, évidemment, j'en prie.
08:54Et puis Taxi Driver, c'est aussi le triomphe de Paul Schrader, qui est le scénariste du film
08:57et qui est quelque part un peu l'alter ego dans l'ombre de Martin Scorsese.
09:01Et qui partage un peu avec lui cette passion aussi pour filmer justement le côté sombre,
09:07la noirceur de l'âme humaine.
09:08Dans le documentaire, Scorsese dit aussi à quel point parfois il s'est complé dans le péché.
09:12Il aime aussi ça, il est partagé entre, évidemment, le côté pieux et puis le péché.
09:17Alors, quand on parle de Scorsese, évidemment, la musique est très importante.
09:20Et il y a un groupe qui est sûrement plus important que l'autre, ce sont les Rolling Stones.
09:23Et donc, je vous propose qu'on écoute tout de suite Gimme Shelter,
09:26un des morceaux les plus récurrents dans la filmographie de Martin Scorsese.
09:30On a tout de suite plein de scènes en tête.
09:32On s'écoute ça tout de suite.
09:45C'est tout de suite.
13:16Gimmy Shelter des Rolling Stones, probablement un des morceaux préférés de Martin Scorsese.
13:37Et Martin Scorsese, c'est donc le sujet de l'émission du jour, car il y a ce documentaire qui est sorti sur Apple TV+, qui s'appelle Mister Scorsese et qui retrace brillamment sa carrière.
13:53Et donc on a commencé évidemment à Paris les années 70, qui est une décennie importante pour le cinéma tout court, pour le cinéma américain et pour Martin Scorsese.
14:01Et puis après notamment Taxi Driver, il y a ce projet New York, qui est une comédie musicale avec Robert De Niro, qui est un flop au box-office et qui est un film un peu bancal aussi, même si moi je lui trouve énormément de qualité.
14:13Mais on sait et on comprend aussi dans le documentaire à quel point Martin Scorsese était dans les excès, notamment dans la drogue, au moment du tournage de ce film et de la conception de ce film.
14:22Et puis après, il y a un film au début des années 80 qui figure un peu comme une forme de résurrection, peut-être personnelle et artistique, c'est Raging Bull.
14:30Bon ça aussi, c'est une autre réplique extrêmement mythique et connue.
14:54Donc dans l'extrait de Raging Bull, ce dialogue entre Robert De Niro et Joe Pettis, d'ailleurs la première fois qu'on les voit à l'écran tous les deux.
15:01Est-ce que c'est ça ?
15:02Donc c'est un film évidemment sur l'histoire de Jack Lamotta, qui était une idée de Robert De Niro, que Martin Scorsese ne voulait pas vraiment faire et puis finalement il s'est laissé avoir.
15:09Est-ce que c'est ça aussi qui quelque part, pas dire sauve la carrière, mais le remet sur pied, Yal, ce film-là ?
15:15Oui, parce que c'est effectivement De Niro qui lui apporte quasiment à son chevet et dans cette histoire qui est a priori très loin de lui, je le disais, c'était pas un enfant très sportif.
15:24Il va faire une sorte de récit de chute qui a quelque chose déjà de très christique.
15:31Il va aller encore plus loin dans l'exploration des vies christiques.
15:36Il y aura notamment la dernière tentation du Christ.
15:38Voilà, mais là on est déjà dans le corps mutilé, la souffrance, etc.
15:42Et dans l'idée de filmer encore une fois quelqu'un de cette communauté sicilienne, en tout cas italo-américaine, et sans l'épargner.
15:51C'est-à-dire qu'il y a presque une façon de penser contre sa propre communauté, d'aller chercher aussi quelque chose de macho chez ce personnage.
15:58Voilà, d'aller chercher...
16:01C'est quand même quelqu'un qui est violent contre les autres et contre lui-même.
16:04Et c'est presque l'antithèse d'un autre boxeur italo-américain célèbre qui est Rocky.
16:09Et c'est comme si, encore une fois, là, il retournait en arrière après avoir fait entrer et défendu son identité, on va dire, au cinéma et dans le champ mainstream.
16:20Tout à coup, il fait le contraire.
16:22Et en même temps, c'est une manière de complexifier, en fait, les personnages.
16:24C'est ça qui est intéressant avec le film.
16:26D'autant que ce qui est intéressant, c'est que Raging Bull se fait un peu grâce à Rocky II.
16:30Parce que c'est Irving Winkler qui produit le film.
16:33Et en gros, Winkler dit, on fait Rocky II si vous faites Raging Bull.
16:38Et ce qui est intéressant, c'est que dans les années 70, on a deux façons de filmer la boxe.
16:41Une façon de filmer la boxe pour un public très massif, populaire.
16:45Et une façon de filmer la boxe de façon plus « auteur ».
16:49Et je trouve ça intéressant, ce parallèle entre ces deux films de boxe sortis à peu près au même moment.
16:53Tout à fait, complètement.
16:53Dans les années 80, il y a aussi un autre film qui est très important, mais qui, pour le coup, ne va pas fonctionner, en tout cas en termes de sucre.
16:58C'est la Vals des Pantins, King of Comedy.
17:00Qui est un film que je trouve extraordinaire et qui est encore effectivement très très actuel.
17:06C'est l'histoire de Robert Pumpkin, le personnage joué par Robert De Niro, qui est fan d'un Jerry Lewis qui joue dans le film.
17:13Et qui donc veut lui aussi être comédien, faire du stand-up.
17:16Un film qui a largement inspiré le Joker de Todd Phillips avec Joachim Phoenix.
17:21Est-ce qu'on ne peut pas aussi se rendre compte à quel point ce film était finalement très actuel,
17:24voire même précurseur sur le rapport à la notoriété, à la célébrité, Jean-Mathiste ?
17:28Il y a quelque chose dans ce film qui est incroyablement intemporel, je trouve.
17:32Déjà, c'est quelque chose dont il souffrait à l'époque, Martin Scorsese, le fait d'être reconnu, le fait d'être devenu célèbre.
17:39Et d'ailleurs, c'est assez intéressant parce que dans sa carrière, on se rend compte qu'il a souvent été protégé par le FBI.
17:42C'était l'époque où Hinkley a tiré sur le président.
17:48Par le taxi driver.
17:50C'est ça. Hinkley qui était fasciné par le personnage de Travis Bickle et surtout par Judy Foster.
17:54C'est un type qui a pratiquement harcelé Judy Foster toute sa vie.
17:58Et en fait, à partir de ce moment-là et à partir du moment où Lennon a été tué, Scorsese a commencé un peu à flipper.
18:04Il restait cloîtré chez lui.
18:05Et puis, il avait ce truc de se dire, moi aussi, je pourrais me prendre une balle parce qu'il avait aussi un cinéma engagé.
18:10D'ailleurs, dans le documentaire, ce n'est pas écrit.
18:11Il le dit, il dit Scorsese, c'est my man parce que c'est un mec qui n'a pas peur de montrer ce qu'il a envie de montrer.
18:16Il n'a pas peur de montrer la réalité.
18:18Et forcément, ça dérangeait.
18:18Tout à l'heure, tu parlais de la dernière tentation du Christ.
18:20Ça, ça dérangeait beaucoup de personnes.
18:22Et donc, à un moment donné, lui, il a eu du mal avec ça.
18:25Et ce qui est intéressant avec la balle des épentins, c'est que lui, il n'a pris aucun plaisir à faire ce film.
18:29Il ne voulait pas faire ce film.
18:31Et sur le tournage, il allait un peu entrer dans la patte.
18:34Parfois, il arrivait en retard sur le plateau, alors que c'est lui le réalisateur.
18:38Et au final, le film a été mal reçu.
18:41Aujourd'hui, on le considère comme un grand film.
18:43Mais à l'époque, c'est un film qui, lorsqu'il est sorti, a été mal reçu, malheureusement.
18:46Yann ?
18:47Oui, c'est un film que j'adore, qui en un sens presque commence là où Raging Bull se termine,
18:53puisque le personnage de Raging Bull devient comédien.
18:56C'est vrai.
18:56Un comédien loose, complètement nul, qui fait parier, qui se fait insulter, etc.
19:01Et c'est ce qu'est Rupert Pumpkin.
19:04C'est-à-dire un comédien raté, qui accède à la célébrité, mais pas de la bonne façon.
19:08Et donc, la corrélation entre les deux films est superbe, moi, je trouve.
19:11On continue tout de suite à parler de Martin Scorsese.
19:14Il y a quelque chose qui est intéressant avec ce réalisateur.
19:24C'est que, parfois, pour le caricaturer, on dit que c'est le cinéaste des gangsters.
19:30Finalement, il n'y a pas tant de films de gangsters que ça.
19:32En fait, évidemment, il y a Mince Ritz, qui est une première incursion là-dedans.
19:35Mais même là, c'est des petits voyous plutôt que des gangsters.
19:37Et puis, je crois que c'est surtout à cause de Casino et, bien sûr, des Affranchis dans les années 90,
19:41où on a un peu cette image-là.
19:43Sûrement aussi à cause de la proximité avec Robert De Niro.
19:45Mais je pense qu'il y a vraiment eu un choc, au début des années 90, avec les Affranchis.
19:54Autant que je me souvienne, j'ai toujours rêvé d'être gangster.
19:56Pour moi, être gangster, c'était mieux qu'être président des États-Unis.
20:14Même avant le jour où je suis entré au dépôt des taxis pour un petit boulot après l'école,
20:17je savais que je voulais devenir comme eux.
20:19J'ai su tout de suite que ma place était là.
20:22Ça voulait dire être quelqu'un dans un quartier où les gens n'étaient rien.
20:25Ils n'étaient pas comme tout le monde.
20:27Eux, ils faisaient ce qu'ils voulaient.
20:29Ils se garaient en double fil devant une bouche d'incendie et on ne leur collait jamais de PV.
20:33En été, quand ils jouaient au quart toute la nuit, personne n'appelait jamais les flics.
20:39C'est aussi ce qui est intéressant, je trouve, avec la manière de filmer les gangsters,
20:42notamment dans les Affranchis, c'est qu'on n'est pas complètement dans le glamour comme le parrain.
20:47Il y a vraiment une forme de proximité avec ces personnages-là qui, effectivement, sont quand même des mecs de quartier.
20:51D'ailleurs, qu'on retrouve aussi, je trouve, cette manière de les peindre dans
20:54Il était une fois dans le Bronx, c'est la première élection de Robert De Niro.
20:57Mais elle vient d'où cette espèce de confusion sur le fait que Scorsese serait un réacteur, le cinéaste des gangsters.
21:02Alors que finalement, ce n'est pas quelque chose de si présent que ça dans son cinéma.
21:06Alors, c'est vrai, mais en fait, je dirais, c'est le cinéaste des gangs, tout court, en tout cas des bandes.
21:12Puisque déjà, donc, Minsteris, c'est des gens qui sont au bord.
21:15Et dans Who's That Knocking at My Door, son premier film fait à Little Italy,
21:18alors qu'il est encore étudiant quand il fait la version court-métrage.
21:21Enfin bref, il a cette fascination pour les bandes, les gangs de garçons qui viennent du cinéma italien aussi.
21:28Les Vitelloni, par exemple, c'est une de ses références.
21:31Et c'est des bandes de garçons désœuvrés.
21:33Et finalement, oui, dès les affranchis, il ne se restera pas de faire ça.
21:37Même dans des films qui ne sont pas des films de mafia, comme Le Temps de l'innocence, par exemple,
21:41qui a priori n'a rien à voir.
21:42Il y a aussi une histoire de société avec ses codes, avec son langage codé, quelque part.
21:47Quand on voit le film, on se dit, tiens, finalement, un type qui filme si bien la mafia,
21:50ce n'est pas étonnant qu'il fasse ça si bien.
21:52Et Killers of the Flower Moon, plus récemment.
21:54Bon, ce n'est pas des mafiosimes, mais c'est une mafia quand même.
21:58À l'ouest, simplement, il décale le truc.
22:00Donc, je pense qu'il y a cette espèce de fascination pour les bandes masculines.
22:04C'est ça, fondamentalement, qui l'intéresse.
22:06Et puis, ce qu'il aime filmer par-dessus tout, c'est ce qu'on appelle aux Etats-Unis les underdogs.
22:13Et en fait, l'underdog, c'est lui.
22:14Parce que quand Scorsese, il arrive aux Etats-Unis, quand il arrive à Hollywood, pardon,
22:18il est très vite, il ne se sent pas vraiment à sa place par rapport aux autres cinéastes.
22:23Et puis, que ce soit Travis Bickle ou alors Henry Hill dans Les Affranchis ou dans plein d'autres films encore,
22:29même dans Mean Streets, le personnage de Robert De Niro, ils filment des underdogs.
22:31Donc, un underdog, ça veut dire des types comme ça, un peu des vauriens, mais des mecs qui partent un peu de rien
22:36et qui peuvent prétendre un grand destin, mais qui n'y arrivent pas forcément au final.
22:41Jake Lemota aussi était quelque part un underdog.
22:43Donc, finalement, il a toujours un peu filmé son identité, sa personne à travers ses personnages.
22:48Et puis, dans ces underdogs, justement, il y a finalement rarement de happy end.
22:51Ce n'est pas spoilé que de dire ça, mais finalement, quasiment tous les films de Scorsese se finissent mal
22:55ou en tout cas se finissent avec une chute.
22:57Tout ça, je n'arrive pas à penser à un film qui finit bien.
23:00C'est ce qui filme un peu dans Les Affranchis, parce que quand on y réfléchit bien,
23:02Les Affranchis, ça commence par quand même pas mal de...
23:05On a envie d'être mafieux quand ça commence.
23:07Et quand ça se termine, on ne veut plus être mafieux.
23:09Donc, tu vois, finalement...
23:11C'est pareil même dans le loup de Wall Street.
23:12Jordan Belfort, finalement, la personne, je dis Caprio, qui connaît le succès et puis la fin est terrible.
23:17Enfin, je veux dire, c'est tout le cinéma de Scorsese, c'est ça.
23:19C'est finalement filmé des montées et puis des chutes.
23:22Même le personnage de Sam Rustin dans Casino, c'est ça.
23:24Tout son cinéma, finalement, est ponctué de montées et de chutes un peu tragiques.
23:28Dans Taxi Driver, il y a une sorte de happy end, mais on n'est pas bien certain qu'il soit réel ou fantasmé.
23:32Enfin, il y a quelque chose comme ça.
23:33C'est la scène de fin, c'est vrai, avec cette musique d'Airman extraordinaire.
23:36Il y a une sorte de doute quand même.
23:37Mais est-ce que c'est vraiment un happy end ?
23:39Mais c'est vrai que oui, le terme underdogs me fait penser aussi à Underworld.
23:43C'est vrai qu'en fait, c'est des underdogs qui vont conquérir un Underworld, c'est-à-dire ce qu'on appelle la mafia,
23:49mais aussi un monde souterrain, un côté du monde dans lequel on peut réussir.
23:53Si on n'arrive pas à arriver à ses fins dans le monde ordinaire, on peut aussi peut-être y arriver dans le monde souterrain.
24:00Et d'ailleurs, c'est pour ça que ça fait de ces films-là d'assez bonnes paraboles sur le rêve américain et le capitalisme.
24:06Je pense que s'il renoue vraiment avec le grand public en 1990, avec les affranchis,
24:10c'est aussi parce qu'il trouve une manière de parler de l'Amérique de la façon la plus pertinente et basique, qui est son économie.
24:19Alors, ça dit à quel point il était fasciné par le fait de filmer des bandes de mecs.
24:24Et donc, on a parfois aussi reproché à Scorsese d'avoir un cinéma très masculin, quelque part,
24:28avec peu de personnages féminins, hormis celui de la maman, etc.
24:32Alors, bien sûr, il y a Jodie Foster, tu l'as dit, dans Taxi Driver, qui a quand même un second rôle.
24:35Mais dans Casino, en 1995, il y a le personnage de Ginger, interprété par Sharon Sonne,
24:39qui est probablement le plus grand rôle de Sharon Sonne.
24:42Est-ce que c'est le plus grand personnage féminin filmé par Scorsese ?
24:46Parce que finalement, c'est vrai que quand on pense à Scorsese, on pense essentiellement à des hommes et peu à des femmes, quand même.
24:52Moi, je pense quand même à Alice N'est Plus Ici, parce qu'elle a obtenu l'Oscar.
24:54Et d'ailleurs, si je ne dis pas bêtises, je crois que...
24:56Et Anderstein, qui jouait le...
24:57Je crois qu'il a le record de femmes nommées aux Oscars.
25:02Donc quand même, ce n'est pas rien.
25:03Mais c'est vrai que quand on pense au cinéma de Scorsese, on pense plus à des personnages masculins.
25:07D'ailleurs, tu fais bien de parler de Sharon Sonne, parce que sur le tournage de Casino,
25:10elle a très mal vécu le début du tournage.
25:13Oui, elle l'explique dans le documentaire.
25:14Parce qu'en fait, forcément, il y avait un peu un boys club avec Joe Pecci et avec De Niro,
25:17parce qu'ils sont potes et ils se connaissent depuis toujours.
25:19Donc en fait, ils traînent souvent ensemble.
25:20Mais elle, elle voyait ça chaque jour en matinée sur le plateau.
25:24Et après, il y a eu une sorte de réajustement où finalement, Scorsese s'est rapprochée d'elle pour un peu plus l'accompagner.
25:32Et puis finalement, au final, on a la plus grande performance de Sharon Stone dans un film.
25:36Alors, Scorsese et ses cinéments ont été énormément cités dans la musique, notamment dans le rap français.
25:41Et je vous propose qu'on s'écoute tout de suite le morceau Magnum d'Anjo, Hawkins et Mani Days,
25:46qui a sorti un projet récemment, qui s'appelle Triple Crème.
25:49Énormément de références cinématographiques dans ce morceau.
25:51On l'écoute tout de suite.
25:53Petits artistes, on tire de bien grosses ficelles.
26:05Ah c'est parti, je deviens je sais pas qui, mais au moins c'est officiel.
26:09Petit rigolo, grand triste, les futurs apprentis beatmakers
26:12avaient senti pousser les centristes et les charcutiers traders.
26:16Insulte les fakes, ajoute les faits, ajuste les faders.
26:19La vie c'est une pute, mais elle peut pas trop me parler de ses problèmes.
26:22C'est trop bête, là j'peux plus verser une thune.
26:25Mes chats là j'fais pas de clip, ou en fait c'est une pub pour Citroën.
26:29Je l'ai su en dressant le shit coupé, ils veulent voir ça, j'en blazer.
26:32Dans le foot de buis coupé, je m'en fous de l'argent des glazers.
26:36La vie c'est facile quand tu crois que tu peux pas débarrasser de haine.
26:38Je trouve y'a trop de nazis, mais y'a pas assez de haine.
26:41Jamais je vais voir une balade, excuse-tu me parler, je sens pas la gravité.
26:44Juste j'avance dans mon corps et juste j'ai plus de balafre.
26:48Bien ou bien, ça va ?
26:49Moi super, j'ai pas dit.
26:50J'fais quoi là, moi j'place pour un pote.
26:52Son place c'est Mani Days et c'est un truc de malade.
26:55Magnum, la moustache de Magnum.
26:59Coup de chla, ça sort le Magnum.
27:03Magnum après Magnum.
27:06Bout de classe sur la moustache.
27:08Magnum, la moustache de Magnum.
27:12Coup de chla, ça sort le Magnum.
27:14Magnum, magnum après Magnum.
27:17Bout de classe sur la moustache.
27:21Je suis la cinquième étoile de Scolari.
27:25J'ai 99 dans Konami.
27:27Rap d'Adriano.
27:29Au kiss mani, on me plie comme au riz.
27:31Gami tient la rime, gratos.
27:35Des gains d'anciens tellement impeccables.
27:38Prince des régulards, des ordinaires.
27:40Rap comme personne.
27:41Classe comme Bear Camp à Saint-Jean-Spark.
27:44J'suis boldi de j'aime sur du party jet.
27:47Enfant du vin et de la Motown.
27:51Delonor, ça en laisse un mic.
27:54J'entends leur zoomba, que là m'en tape.
27:57C'est la mota derrière un cardioïde.
28:00Façon puzzle, on t'éparpille.
28:03Flague en silence comme Rowan Atkinson.
28:07Verbal, kint, day is l'artiste.
28:10Ballon, chalère, ils ont même pas de kilts.
28:13On est connecté mais y'a même pas de kit.
28:17Y'a pas de pont, y'a de firebird.
28:20Quand j'mets le contact, le firebird dans mes batteries.
28:23Que des bananes qu'à mes pénaltys.
28:26Magnum.
28:27Un moustache de Magnum.
28:30Couch là, ça sort le magnum.
28:32Magnum, magnum après magnum.
28:36Bout de glace sur la moustache.
28:38Magnum, la moustache de Magnum.
28:42Magnum, couche là, ça sort le magnum.
28:45Magnum, magnum après magnum.
28:49Bout de glace sur la moustache.
28:51Magnum.
29:02Au kiss, many days, le morceau s'appelle Magnum.
29:07Et l'album s'appelle Triple Crème.
29:11France Inter.
29:13Medi Maizy.
29:16A la régulière.
29:17Alors on parle de Martin Scorsese ce soir.
29:20Et finalement, les années 90 de Scorsese se finissent un peu comme les années 70.
29:25C'est-à-dire avec des grands films.
29:26Et puis avec une fin de décennie un peu plus compliquée.
29:29Avec moins de succès.
29:29Je pense aux années 90 avec bien sûr le film Kundun.
29:32Mais aussi à tombe ouverte avec Nicolas Sketch.
29:34Qui est un film très intéressant.
29:36Mais qui n'a pas marché.
29:37Qui n'a pas vraiment été compris.
29:38Et puis, comme les années 90, finalement, enfin les années 80, ça va repartir de pubelle avec une rencontre.
29:45Et la rencontre, c'est Leonardo DiCaprio.
29:47Dans quelle mesure cette rencontre est capitale pour Martin Scorsese ?
29:51Parce que c'est vrai que souvent on se dit, oui, Scorsese, il est très important pour De Niro.
29:54Mais on voit dans le documentaire à quel point De Niro aussi était important pour Scorsese.
29:57Et c'est pareil pour DiCaprio, Yal.
30:00C'est vrai que De Niro, il ne tire pas sa révérence.
30:03Il disparaît il y a quelques années du cinéma de Scorsese.
30:06Et on a l'impression que DiCaprio prend le relais en étant dans une continuité.
30:11Et en même temps, ce n'est pas du tout la même image.
30:14C'est-à-dire, ça reste quand même un blond dîner, un blond aux yeux bleus.
30:17Même s'il a un nom, un patronyme italien.
30:20Voilà, on n'imagine pas la même chose.
30:21Il ne connaît pas la même chose que toute la bande.
30:25Et c'est presque comme si à ce moment-là, effectivement, il ouvrait un peu son cinéma.
30:29Et c'est vrai qu'il enchaîne des films qui sont des fresques.
30:33Presque, par exemple, Gangs of New York, qui voulait faire depuis très longtemps d'ailleurs.
30:37Depuis très longtemps avec Léo DiCaprio.
30:39Et ça, c'est vrai que ça reconnecte à son désir de cinéma d'enfant qui dessinait des storyboards de Peplum,
30:45des affiches de Peplum et qui voulait voir grand, qui voulait raconter l'histoire du pays.
30:50Et là, il fait une sorte, lui qui a toujours aimé les westerns, mais sans vraiment réussir à en faire.
30:54Parce qu'effectivement, Bertha Boxcar, c'est une sorte de western, mais raté.
31:00Là, il fait un eastern, c'est-à-dire un western qui se passe sur la côte Est, à New York.
31:05Et je trouve que là, au niveau mise en scène des batailles, tout ça, il s'avère très très fort.
31:11Et c'est aussi grâce au véhicule, comme on dit, au vehicle, comme disent les Américains et les Hollywoodiens, Léo DiCaprio.
31:16Qui permet de financer des films, des films parfois très compliqués à financer, comme Gangs of New York, qui est un film extrêmement cher.
31:22Et puis aussi, comme les infiltrés, ce remake d'Internet Affairs, qui finalement va permettre à Scorsese d'avoir enfin son premier Oscar.
31:28C'est-à-dire qu'ils infiltraient, JB.
31:30Oui, il avait déjà tenu l'Oscar entre ses mains, parce que c'était Ellen Bursting qui l'avait envoyé récupérer le sien, mais il n'avait pas eu son Oscar.
31:37Exactement.
31:39Et oui, c'est vrai que, comme tu le disais, l'arrivée de DiCaprio, ça a changé beaucoup de choses aussi, parce que c'était l'acteur du moment.
31:44Et que, comme tu le disais, Mehdi, il finançait des films sur son nom, parce qu'il y avait eu Titanic en 97 et ça ouvrait tout un pan.
31:52Parce qu'en fait, ce qui est intéressant avec la carrière de Scorsese, c'est qu'on se rend compte qu'il a passé sa vie, il a plein de chefs-d'oeuvre, mais il a passé sa vie à courir après des financements.
32:00Oui, tout Scorsese qu'il est.
32:02Tout Scorsese qu'il est, et ça c'est intéressant, parce qu'en fait, il a tant de grands films, mais il a dû batailler pour ses films.
32:07C'est bien qu'à chaque fois, et d'ailleurs, tu en parlais tout à l'heure, à chaque fin de décennie, on a l'impression qu'il devait se réventer.
32:11D'ailleurs, on comprend qu'il a souffert de ses échecs à chaque fois, parce qu'un chef-d'oeuvre est suivi d'un flop, et d'un chef-d'oeuvre et d'un flop, et les infiltrer.
32:20Et à partir de Gangs of New York et aussi Des Infiltrés, qui est un remake d'ailleurs, au passage.
32:26De International Affairs.
32:27Oui, voilà.
32:29Ça change des choses.
32:29Et puis après, pour son Oscar, le casting est extraordinaire.
32:33Donc ça, ça change aussi beaucoup de choses.
32:34Je crois que c'est sa première collaboration avec Jack Nicholson.
32:36Exactement, avec Jack Nicholson, on retrouve Matt Damon dedans, Martin Sheen, Mark Wahlberg, encore des mecs.
32:41Et puis pour faire un parallèle avec DiCaprio, il y a eu une blague avec DiCaprio où très longtemps, on s'est dit, quand est-ce qu'il aura son premier Oscar ?
32:47Et Scorsese, c'était un peu la même chose.
32:49On ne comprenait pas vraiment pourquoi il n'avait pas eu d'Oscar, même s'il a eu la Palme d'Or avec Taxi Driver.
32:54Mais il l'a enfin eu.
32:56Et puis, le film extraordinaire, ça sonne aussi comme une récompense.
33:01Donc, c'était totalement mérité.
33:02Et j'ai l'impression, on en parlait un petit peu en antenne, que Scorsese, son nom est toujours présent dans l'actuel.
33:07Il y a encore une orame auprès des jeunes générations.
33:08Et c'est peut-être dû notamment à un film qui a eu énormément de succès dans les années 2010, Le loup de Wall Street.
33:15Règle numéro 1 à Wall Street.
33:16Il n'y a personne qui sait.
33:19Je me fous que tu sois Warren Buffett ou Jimmy Buffett, car personne ne sait si une action va monter, descendre, se barrer sur le côté ou tourner en rond.
33:26Et les courtiers encore moins que les autres.
33:28C'est que du vent.
33:29Tu sais ce que c'est que la finance ?
33:30Oui, la finance, c'est vendre, acheter...
33:33Non, ça n'a rien à voir.
33:33C'est du vent, du bluff.
33:36Poudre aux yeux, ça n'existe pas.
33:37Ça n'a rien de réel.
33:38Ça n'a aucune importance.
33:39C'est pas dans le tableau périodique des éléments.
33:41Putain, il n'y a rien de réel.
33:44Écoute-moi bien.
33:46On ne crée rien.
33:47On ne construit rien.
33:49Non.
33:50Ce monologue, lui aussi devenu culte de Matthew McConaughey, donc, vers le début du film Le loup de Wall Street.
33:56Et c'est vrai que moi, j'ai le sentiment que ce film-là aussi, il replace Scorsese dans une forme de pop culture.
34:01Non pas qu'il n'était plus dedans, parce qu'il y a eu Shutter Island avant, etc., qui a aussi très bien marché.
34:05Mais c'est vrai qu'à ce moment-là, c'est comme s'il était presque plus actuel que jamais, alors qu'il est déjà à un stade avancé de sa carrière.
34:10Je trouve ce film très intéressant.
34:13Il le replace encore dans l'actualité.
34:15C'est un film qui est impressionnant, déjà, parce que c'est le film de quelqu'un qui a passé la barre des 70 ans et qui fait un film d'une énergie qui est absolument dingue pour filmer.
34:23C'est une liberté aussi.
34:24La liberté et la débauche de ces gens, quand même, qui sont autour de Jordan Belfort, donc joué par DiCaprio.
34:29Et encore une fois, c'est un film, encore une fois, ce n'est pas un film de gangsters, mais de bangsters.
34:34Mais c'est au fond la même chose.
34:35C'est ça qu'il essaye de raconter.
34:37Et d'ailleurs, il lui dit, vous ne comprenez rien à la finance, ce n'est pas grave.
34:40À un moment, il y a DiCaprio qui s'adresse face caméra, qui est en train de vous parler de choses.
34:44Vous ne le comprenez pas, ce n'est pas grave.
34:45C'est vrai que ce qu'il raconte, ce n'est pas tant les dérives de l'économie américaine, c'est la débauche.
34:49Ça pourrait être l'histoire d'un autre milieu social, finalement.
34:52Exactement.
34:53Et c'est vrai qu'il est chez lui.
34:55En plus, c'est un aspect de New York qu'il n'avait pas vraiment filmé, qui est de plus l'Italie, mais Wall Street.
35:02Et toute cette débauche et ces codes mafieux, il est à la maison.
35:06C'est pour ça qu'il fait un film, à mon avis, qui est de son temps et qui est si fort.
35:10Toi, JB, qui parle du cinéma très régulièrement, en podcast, sur YouTube,
35:17est-ce que tu sens justement que, par rapport à d'autres artistes, d'autres réalisateurs de sa génération,
35:21il est justement encore très pertinent, en tout cas auprès d'une communauté qui peut être jeune, parfois sur YouTube ?
35:26Est-ce que tu sens que Scorsese peut être plus que Coppola ou que De Palma, il est encore dans les discussions ?
35:30Moi, je pense que c'est sa force, parce que rares sont les réalisateurs qui peuvent se targuer d'avoir un chef-d'oeuvre par cinq décennies.
35:39Il en a un dans les années 70, 80, 90, 2000, 2010.
35:44Et très souvent, il arrive à se réinventer avec des films qui plaisent à un jeune public.
35:50Ce que, par exemple, n'a pas réussi à faire Coppola avec son dernier film.
35:55Donc voilà, c'est en ça qu'il est fort.
35:58Et moi, je pense aussi que c'est surtout un type qui est très malin.
36:00Et puis même, quand on l'entend en interview, il ne fait pas son âge.
36:05Il est vif, il est comme son cinéma, il est nerveux, il est là, il est présent, il est toujours un peu malin, etc.
36:11Il participe au débat autour du cinéma, on sent que ça l'intéresse, qu'il est encore très attaché à l'art du cinéma.
36:16Et tu vois, mine de rien, alors même si c'est externe, mais mine de rien, tu sais, tous les TikTok qu'il fait avec sa fille Francesca Scorsese, ça le rend aussi attachant.
36:23Il y a un truc où tu sens qu'il est quand même connecté encore à la jeunesse, sans en faire trop et sans paraître pour un mec qui est genre le vieux qui essaie d'être un gars en voulant être jeune.
36:31Tu vois, c'est ça, ça force, je trouve.
36:32Ça tombe bien, justement, on avait prévu un extrait de TikTok avec Francesca Scorsese.
36:36Star Baby.
36:39The best, 2001 Space Odyssey.
36:42Mm-hmm, yeah.
36:44That one you could see on a big screen, if you can, on the Cinerama screen where I saw it originally.
36:51It even, if you get up close to your TV screen and don't move for the length of the movie, even on that screen, of course.
37:01It's like...
37:01Yeah, you just immerse yourself into this thing, it's fantastic.
37:05It's awesome.
37:05One of the greatest endings ever.
37:08Il parle de 2001, on disait de l'espace, si je ne dis pas de bêtises, donc ce chef-d'oeuvre de Kubrick, dont on parle aussi souvent dans cette émission.
37:15Et, bon, évidemment, c'est Scorsese, effectivement, qui reste en contact avec sa fille, mais aussi avec une forme de communication auprès de la jeune génération à travers ce réseau social.
37:24Et ça, c'est assez fou pour quelqu'un, effectivement, de cette génération-là.
37:29Mais c'est vrai qu'il y a une sorte de paradoxe, effectivement, c'est quelqu'un qui se préoccupe d'être un passeur.
37:35Plus que jamais.
37:36Il y a la Scorsese Foundation.
37:38Exactement.
37:38Voilà, c'est quelqu'un qui est très attaché à la conservation même des films.
37:42Et en même temps, il s'est aussi mis une partie de la jeunesse à dos, quand même, au moment où il s'est mis à critiquer le nombre de films de super-héros qui sortaient.
37:53En disant, c'est plutôt, c'est pas tellement du cinéma, c'est plutôt des films parcs d'attraction.
37:58Il appelait ça comme ça.
37:59Et donc, sur les réseaux sociaux, ça y allait.
38:02Il y avait des gens qui le dénonçaient, même qui écrivaient des choses comme, c'est pas parce que t'as réalisé Pulp Fiction que t'as le droit de dénigrer ce qu'on aime.
38:08Donc, on voyait qu'il y avait une sorte de conflit de génération et de décalage.
38:11Et puis, c'est ironique parce que du coup, on en fait une sorte de bataille d'ernanie, comme ça, Scorsese qui incarnerait le cinéma, le bon cinéma, le vieux cinéma, le cinéma d'auteur d'avant, contre le mainstream contemporain.
38:25Alors qu'en fait, c'est le cinéaste moderne par excellence et qu'il a fait comme à l'instar d'un Black Panther qui fait entrer les Afro-Américains dans le champ des super-héros.
38:36Lui a fait à peu près la même chose à Hollywood pour sa communauté, les Italo-Américains.
38:40Donc, voilà, cette espèce d'opposition comme ça entre ancien et moderne, elle est fausse chez lui.
38:44Ça reste un moderne pour moi.
38:45D'ailleurs, dans le documentaire, on apprend un truc que j'ai trouvé très très cool.
38:48Il avait réalisé un petit film, pas un grand film, mais un petit film comme ça, dans lequel il filmait un pote.
38:54Et en gros, on apprend dans le docu que Tarantino, parce que tu parlais de Pulp Fiction juste avant pour la transition,
38:58Tarantino s'est inspiré d'un des persos d'un de ses petits films pour la fameuse scène où Travolta ramène Thurman et qu'il faut balancer la seringue dans le cœur pour la réanimer.
39:10Et en fait, tout ça est pompé sur un petit film qu'a fait Scorsese.
39:13Ce qui prouve aussi toute la cinéphilie de Tarantino, d'ailleurs, sur ce genre de choses.
39:16On est avec Jean-Baptiste Toussaint et Yal Sadat pour parler de Martine Scorsese.
39:20Alors, on parlait, même s'il était critique envers les films Marvel et les films de super-héros,
39:36il est plutôt en phase avec les plateformes de streaming, puisqu'il a réalisé deux films pour les plateformes de streaming,
39:41The Irishman sur Netflix et Killers of the Fleur Moon pour Apple TV, même si le film était disponible, pour le coup, au cinéma.
39:49Est-ce que, on se posait la question tout à l'heure en préparant l'émission,
39:52est-ce que The Irishman est un film qui ne doit pas finalement se voir au cinéma pour être apprécié pleinement ?
39:57Et je ne dis pas ça pour faire le boomer, mais moi, c'est un film, je pense, que je n'ai pas apprécié pleinement,
40:02peut-être aussi parce que je ne l'ai pas vu au bon endroit.
40:04Déjà, à l'époque, il y avait quelque chose qui m'avait marqué, moi.
40:06Je me souviens que sur Twitter, quand The Irishman est sorti, des gens séquençaient le film pour le regarder comme une série.
40:15C'est-à-dire qu'en gros, ils faisaient des tweets en disant, regardez-le de la première à la 30e minute, ça fera un épisode.
40:20Puis ensuite, de la 30e à la 52e, ça ressemble à un deuxième épisode.
40:23Et voilà, en fait, le film se regardait comme ça pour certaines personnes.
40:25Et moi, je me souviens que ça m'avait marqué parce que je m'étais dit, OK, on entre vraiment dans quelque chose d'assez nouveau.
40:29Et à l'époque, je me disais, est-ce que Scorsese est au courant de ça ?
40:31Et est-ce qu'il est OK avec ça ? Parce qu'il fait un film avec Netflix.
40:34Et je me souviens que c'était un débat qui m'avait, moi, assez intéressé à l'époque.
40:40Et moi, pas mal de ton avis, je pense que j'aurais quand même plus apprécié Irishman au cinéma que chez moi avec le chat qui gratte la litière toutes les 30 minutes.
40:50Qu'est-ce que tu en penses de ça, Yael ? Parce qu'en revanche, pour le coup, il est toujours moderne.
40:54Parce qu'en plus, les films qu'il fait pour les plateformes ne sont pas des fonds de tiroir.
40:57Comme certains réalisateurs qui, parfois, le font pour prendre Killers of the Fall of the Moon, pardon, pour moi, est un des films qui m'a le plus bouleversé ces dernières années.
41:04Je trouve que c'est un chef-d'oeuvre extraordinaire.
41:06Mais voilà, il le fait aussi pour une plateforme.
41:08Peut-être parce que ces plateformes aussi financent ce genre de film.
41:10On en revient à ce qu'on disait tout à l'heure.
41:11Il a essayé de faire un film comme The Irishman, bien plus court.
41:17Il y avait des versions plus courtes qui existaient, avec des distributeurs plus classiques.
41:22Et puis, en fait, tout simplement, les plateformes lui ont laissé le champ libre.
41:26Et moi, effectivement, je ne l'ai jamais vu en salle.
41:28Et donc, j'aurais rêvé de le voir en salle.
41:30Mais je dois dire que le fait de l'avoir...
41:31C'est le film de français que j'ai peut-être le plus revu.
41:33Le fait qu'il soit fait pour être vu à la maison, c'est devenu un film de chevet.
41:38Et je crois que c'est dû aussi à la nature des films qu'il fait maintenant.
41:41C'est-à-dire que c'est des films fleuves dans lesquels on s'installe comme dans un lit.
41:46On se laisse porter ou dans une barque ou un lit sur une barque, je ne sais pas.
41:50On se laisse porter.
41:51Et en fait, on se laisse porter parce qu'il y a toute l'histoire de son cinéma.
41:53Il fait ces films-là en sachant qu'on connaît les acteurs, on connaît les visages.
41:57Ce sont des films bilans presque.
41:58Et c'est des bilans, des testaments.
42:00Mais pas vraiment parce que ce n'est pas ces derniers.
42:02Et puis, il est encore en ville.
42:03On le voit, il est actif.
42:05Voilà.
42:05Et j'aime bien cette nature de film fleuve dans lequel on est chez soi aussi.
42:08Bon, je vous propose, messieurs, de quitter Little Italy
42:11pour aller du côté du Texas avec Spoon, un groupe qui a le don
42:14pour transformer la tension en mélodie, la retenue en groove.
42:17Leur morceau « Guess I'm Falling In Love » pourrait presque figurer
42:19dans la bande-son d'un Scorsese.
42:21La preuve, tout de suite.
42:23Leur morceau « Guess I'm Falling In Love »
42:31Leur morceau « Guess I'm Falling In Love »
42:37She hurries out of you could stay a while.
42:41Guess I can't let you go yet.
42:44I hear the end of it another night.
42:46Let me light you a cigarette
42:49Let me light you a cigarette
42:49Every morning's the same old thing
43:07Guess I'm falling in love
43:09Every night it's the same again
43:13Looks like I'm falling in love
43:16Everybody says it's enough
43:20To lay down in the lap of love
43:23And never refuse it
43:25Chuck says it's just a word
43:29So just say the words you heard
43:32Before you lose it
43:35Before you lose it
43:36Before you lose it
43:38Before you lose it
43:41Oh, guess I'm falling in love
43:47Oh, every day before you surfaced
43:52What's stranger to me
43:57And never learn my land
44:01Cut behind while I was captured
44:05Let me walk up alone
44:12Every morning in the eastern sun
44:23Guess I'm falling in love
44:26There you are in the morning light
44:29Looking down at me from above
44:32I can't admit when I've seen the light
44:36When I do a jump on in
44:39Without you, it's just another light
44:43I've whiled up where I was again
44:45And everybody make it a thing
44:49Nobody can't say it enough
44:52Like they could have proven
44:54The breath says it's only a word
44:59Chuck says enough is enough
45:02Until they're losing
45:04Hey, guess I'm falling in love
45:10Hey, it looks like I'm falling in love
45:15Oh, I'm falling in love
45:28Sous-titrage MFP.
45:58Spoon avec Guess I'm Falling In Love.
46:02Est-ce qu'on pourrait jouer dans un Scorsese, ça, JB ?
46:04Pourquoi pas ?
46:05Pourquoi pas ?
46:05Bon, on parle de Scorsese tout de suite.
46:10Je vois que ça t'a pas en balle et c'est pas grave.
46:13Alors, effectivement, le sujet, c'est Martin Scorsese,
46:15puisqu'il y a ce documentaire vraiment qui est exceptionnel,
46:18qui s'appelle Mister Scorsese, donc sur Apple TV+.
46:21Scorsese, c'est énormément de choses.
46:24Évidemment, il y a plein de films dont on n'a pas parlé.
46:25Il y a des films un peu plus mineurs, comme Hugo Cabret, par exemple,
46:28qui étaient en 3D à l'époque.
46:29Mais c'était intéressant de voir Scorsese qui allait là-dedans aussi.
46:33Ou un film comme After Hours, qui est aussi très important
46:35et qui, je crois, aujourd'hui, redevient un petit peu culte,
46:38quelque part, même s'il n'a pas complètement été compris à l'époque.
46:42Yal, est-ce que toi, tu vois un héritier ou une héritière
46:45de Scorsese aujourd'hui dans le cinéma actuel ?
46:49Ou est-ce qu'il est trop à part ?
46:51Déjà, j'allais dire, non, il est partout dans le cinéma actuel.
46:54Déjà, on a parlé tout à l'heure, tu as parlé de Joker.
46:58Et c'est vrai qu'il y a cette notion, c'est un film qui est complètement héritier
47:02à la fois de La Valse des Pantins, de Taxi Driver.
47:06Il rejoue parfois, on voit des figurants, des personnages comme ça
47:09qui portent les mêmes costumes.
47:11Et l'univers de Paul Schrader aussi.
47:13Mais il y a aussi un cinéaste où il y a eu une influence évidente,
47:16c'est Paul Thomas Anderson, qui a été beaucoup comparé à ses débuts,
47:20à l'époque de films comme Bookie Nights, par exemple, à Scorsese.
47:26Et je pense qu'après, il s'en a émancipé, il a tué le père.
47:29Et c'est d'ailleurs ce que Scorsese fait aussi, c'est-à-dire qu'il a plein de maîtres,
47:32mais voilà, John Ford ou Rossellini ou qui on veut, ou Cassavetes ou Michael Powell,
47:36mais il finit toujours par ne jamais les copier et faire son propre cinéma.
47:42Mais c'est aussi ce qui est fascinant avec le cinéma,
47:44c'est que les grands cinéastes s'inspirent toujours des cinéastes qu'ils ont aimés.
47:48Pour Raging Bull, Scorsese s'est inspiré en partie de mouvements de caméra
47:54qu'on peut revoir dans Psycho de Hitchcock.
47:57Parfois, quand je vois des films des Frères Savedie,
47:59je sens aussi qu'il y a une inspiration Scorsese dans leur cinéma,
48:02dans le côté aussi un peu nerveux et tout.
48:06Donc en fait, il y a une sorte de...
48:08Tu parlais tout à l'heure de passeurs, il y a un peu ça dans le cinéma,
48:11de génération en génération, il y a des passeurs,
48:13et puis tout à l'heure on parlait de Tarantino aussi,
48:15sont pour autant pompés et copiés, mais une inspiration inconsciente.
48:19Est-ce que finalement, en y réfléchissant, en regardant le documentaire,
48:22en repensant à ces films,
48:23ce n'est pas le réalisateur peut-être avec Steven Spielberg
48:25qui a touché au plus de genres différents ?
48:27Parce que finalement, Le Temps d'Innocence,
48:29on parlait que c'est un film d'époque romanesque,
48:33Cape Fear, dont on n'a pas parlé, les nerfs à vif,
48:35est un film, un thriller, presque pas d'horreur,
48:38mais en tout cas un thriller qui est très différent.
48:39Est-ce que finalement, ce n'est pas le réalisateur le plus polyvalent
48:43de l'histoire du cinéma ?
48:44Moi, je penserais plus à Kubrick, à ce sujet-là,
48:47parce que moi, ce qui me fascine avec Kubrick,
48:48c'est qu'il a réussi à...
48:50À faire le meilleur film de chaque genre.
48:51C'est ça, voilà.
48:52Il a fait un chef-d'oeuvre pour chaque genre différent.
48:54Et de mon point de vue, ça n'a jamais été égalé.
48:57Yal ?
48:57Scorsese, c'est vrai qu'il a fait pas mal de genres.
49:00Même le western qui pensait ne pas savoir faire,
49:02il l'a à peu près fait.
49:03Après, je pense que si on le retrouve dans différentes cinématographies comme ça,
49:09c'est parce que justement, il est moins associé à un seul genre
49:12qu'à une façon de filmer, une grammaire, une énergie.
49:16Par exemple, je pense aussi à un film récent
49:19qui est le film de Michael...
49:23Pardon.
49:25Sinners.
49:25Sinners, absolument.
49:27Sinners.
49:28Avec Michael B. Jordan.
49:29Dorian Gogler.
49:30Dorian Gogler, merci.
49:32Extraordinaire.
49:33Et bien, dans ce film, on voit...
49:35Le nom de Scorsese est revenu
49:36parce qu'à un moment donné, comme ça,
49:37la caméra circule dans un concert.
49:39On a des gens qui dansent.
49:40Cette fameuse scène qui retrace presque toute l'histoire
49:42de la musique nord-américaine.
49:43C'est du Scorsese.
49:44On a cette fluidité.
49:45Et cette fluidité-là, en plus musicale,
49:47ça, on dit que c'est du Scorsese.
49:49C'est devenu presque un cliché,
49:50mais ce n'est pas tout à fait faux.
49:52Bon, messieurs, on discute.
49:54C'est bien.
49:55Mais c'est l'heure de la question qui tue.
49:57Elle est très simple, la question qui tue.
50:04Quelle est, pour vous, vous avez évidemment le droit
50:05à une réponse différente de chacun,
50:07la meilleure collaboration entre Martin Scorsese
50:10et Robert De Niro ?
50:12Si vous deviez n'en garder qu'une.
50:16On va avoir la même.
50:17Pour moi, mon classement, c'est...
50:18Alors, j'y vais.
50:19Une, une, il n'y a pas de classement.
50:20Ah, c'est Taxi Driver.
50:22Taxi Driver, pour toi aussi ?
50:23Ah ouais, ok.
50:24Ah, c'est marrant.
50:25Alors, pourquoi ?
50:27Parce que pour moi, déjà, c'est son chef-d'oeuvre.
50:29C'est son plus grand film.
50:29Si tu devais en garder qu'un, ce serait celui-ci ?
50:30Si tu devais en garder qu'un, ce serait Taxi Driver
50:33et puis le scénario de Schrader.
50:35Et puis, il y a aussi quelque chose qui me...
50:38D'ailleurs, je pense que c'est le plus grand rôle
50:39de Robert De Niro dans toute sa carrière.
50:41Et ce qui me fascine avec son film,
50:43c'est avant tout son ambiance, en fait.
50:45Il y a quelque chose d'assez aérien,
50:47comme si quelque chose...
50:49Comme si ça n'existait pas vraiment.
50:51Je pense que quelque chose qui est important
50:52c'est la musique de Bernard Herrmann
50:53qui est extraordinaire
50:54et qui, effectivement, ajoute à ce côté aérien un peu...
50:57On ne sait pas trop si tout ça est réel ou pas, en fait.
50:59Il y a quelque chose comme ça dans ce film.
51:00Et puis, même les couleurs de la rue,
51:03les couleurs des feux rouges, du pavé.
51:06Il y a quelque chose, moi, qui m'a marqué dans le documentaire.
51:08Parce que tout à l'heure, tu parlais de la musique
51:10et c'est là où je trouve que Scorsese est très fort,
51:13c'est qu'un réalisateur, par exemple,
51:15comme Robert Bresson, détestait la musique.
51:17C'est-à-dire qu'il voulait le moins de musique possible
51:18dans ses films.
51:19D'ailleurs, je ne sais même pas s'il y a des films de Robert Bresson
51:21avec de la musique.
51:21En tout cas, de la musique, de la soundtrack,
51:23pas du score, de la soundtrack.
51:25Et lui, c'est le contraire, en fait.
51:27Lui, ça donne vie à ces scènes.
51:28Et dans le documentaire, il parle d'un moment,
51:30il dit, quand j'étais petit,
51:31j'étais dans la voiture d'un pote
51:33et puis il y a Fats Domino qui passait dans la voiture.
51:36Et puis, d'un coup, comme ça, dehors,
51:37on voit un SDF en train de tenir la tête d'un autre SDF
51:40et il l'aide à vomir.
51:41Et il y avait la musique de Fats Domino derrière.
51:43Et en fait, ça rendait la scène un peu touchante.
51:45Et puis, la musique était en contradiction
51:47avec ce que je voyais.
51:48Mais pour autant, ça marchait, quoi.
51:49Et en fait, ce jour-là, quelque part,
51:52je pense que ça a créé chez lui
51:54l'envie d'associer des musiques à des images.
51:57Et finalement, tout à l'heure,
51:59tu parlais de ce qui différencie Scorsese
52:01et d'autres réalisateurs.
52:02C'est aussi sa patte, quoi.
52:03L'utilisation de la musique.
52:05Moi, je sais que de tous les réalisateurs
52:06que je connais,
52:09je crois que c'est celui qui utilise le mieux la musique.
52:11En tout cas, encore une fois,
52:11la différence entre la soundtrack et le score.
52:13C'est celui qui utilise le mieux la soundtrack.
52:14Tarantino, ça en rapproche aussi.
52:16Yal, pour toi aussi, c'est une évidence,
52:18X-Triber.
52:19Tu souscris à tout ce qu'a dit JB.
52:21Absolument.
52:21Et puis, aussi, c'est, je dirais,
52:23le film qui capture son l'air du temps.
52:26Le zeitgeist, quoi.
52:27Ils ont tapé juste à la fois lui, Scorsese,
52:31mais De Niro,
52:32et puis Paul Schrader,
52:33enfin, tous les gens qui ont travaillé sur le film
52:34pour capturer quelque chose
52:35qui est vraiment le New York des années 70
52:38et puis qui est bizarrement complètement ancré
52:41dans cet espace-temps
52:43et toujours d'actualité.
52:44Est-ce que c'est le plus grand rôle de De Niro ?
52:46C'est possiblement tout court
52:48le meilleur rôle de De Niro,
52:50tous cinéastes confondus, peut-être.
52:52D'ailleurs, on apprend un truc cool dans le docu.
52:55C'était de l'improvisation, cette scène.
52:56Une fameuse scène.
52:57Et lorsque De Niro répète
53:00« You're talking to me, you're talking to me »,
53:02Scorsese dit coupé
53:03et il dit à un pote à côté de lui
53:04« Je pense que cette réplique, elle va rester. »
53:07Et c'est fou de s'en rendre compte à l'instant T, quoi.
53:08Oui, généralement, ça n'est pas possible.
53:09C'est ce genre de choses.
53:11Bon, messieurs, c'est passé beaucoup trop vite,
53:13mais c'était un plaisir de vous avoir.
53:15Évidemment, on redirige les gens
53:16vers le documentaire de Rebecca Miller,
53:18Monsieur Scorsese, Mr. Scorsese,
53:20sur Apple TV+.
53:21Et pour les gens qui vous ont découvert,
53:24s'il y en a encore et qui vous ont adoré,
53:25Yal, il y a ton livre qui est sorti en début d'année
53:28sur Joachim Phoenix,
53:29« L'angoisse, c'est un métier »
53:30qui est sorti en début d'année.
53:31Puis JB, tu as un premier film,
53:32un premier court-métrage qui sortira prochainement.
53:34Et puis bien sûr, le podcast TFTC disponible.
53:37Tu as récemment sorti l'interview de John Woo.
53:38Exactement, c'est un bonheur.
53:40Merci aux personnes qui ont préparé cette émission.
53:42Alexia Lacour, Redouane Tela,
53:43une émission réalisée par Gaëtan Colli,
53:45la programmation musicale est signée Jean-Baptiste Odibert.
53:47Et la technique ce soir, c'était Clément Berman et Guillaume Roux.
53:50Merci aux équipes web et vidéos.
53:51Lundi prochain, on se retrouvera avec Elena Nagapétian
53:54pour découvrir, redécouvrir nos émissions.
53:57Pardon, abonnez-vous sur l'application Radio France.
54:00Très bon week-end !
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