- il y a 2 jours
DB - 01-11-2025
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00:00...
00:00Jean-Michel Ribes, né à Paris, 34 ans.
00:17Débute comme acteur, puis très vite passe à la mise en scène.
00:20Il fonde à 18 ans sa propre compagnie.
00:22En 1970, il écrit et monte sa première pièce, Les Fraises Musclées.
00:26Puis entre autres, il faut que le psychomore coule, par-delà les marronniers,
00:29tout contre un petit bois qui lui vaut le prix des U.
00:32Et enfin le sautel, celui des jeunes auteurs.
00:34Et enfin, Jackie Paradis.
00:361979, il réalise son premier film, Rien ne va plus.
00:40Jean-Michel Ribes affirme, écrire une pièce me rend malade, la montée me guérit.
00:44La raison pour laquelle il est toujours en bonne santé.
00:59Vous vous noyez ?
01:24Plantin, êtes-vous en train de vous noyer ?
01:30Je ne vous entends pas, Plantin, répondez.
01:36Je scrute.
01:37Vous pourriez prévenir mon vieux, c'est agaçant à la fin, j'allais jeter la bouée.
01:42Ça n'aurait servi à rien, je scrute.
01:44Oui, mais comment voulez-vous que je sache, moi, que vous scrutez, vous faites le même bruit que quand vous vous noyez ?
01:49Alors déjà, que je m'époumone à vous envoyer cette bouée 20 fois par jour,
01:53parce que vous êtes incapable de tenir plus d'une demi-heure debout sur ce radeau sans tomber dans l'eau,
01:58si en plus il faut que je ne vous la jette pas ?
02:00Faisons comme avant.
02:02Qu'est-ce que nous faisions avant ?
02:03Quand je commençais à glisser et que je sentais que j'allais me noyer, je criais « Au secours, au secours ! »
02:09Oh là oui, je me souviens.
02:10Alors c'était affreux, c'est braillement, ce tohu-be-hu, non, surtout plus ça, non.
02:14On continue à vous noyer en silence.
02:16Par contre, si vous ne scrutez pas plus de deux à trois fois par jour...
02:24C'est à peu près le rythme que je m'impose.
02:26Parfait.
02:26Alors dans ce cas, c'est quand vous scrutez que je vous demanderais de crier « Au secours, au secours ! »
02:33Ça déconcentre.
02:34Mais si vous vous y tenez absolument...
02:36Oui, vous êtes gentil, c'est pour éviter la confusion.
02:40Comme ça, quand j'entendrai « Au secours, au secours », je saurai qu'il ne faut pas que je vous envoie la bouée.
02:46Où en êtes-vous, Blandémé ?
02:50Ben, je termine.
02:53J'espère cette fois que ça vous conviendra.
02:57Je trouve que ce n'est pas mal tourné, mais vous savez, comme nous en sommes à la cinquième version, je n'ose trop rien dire.
03:04Et vous ?
03:05Moi ?
03:05Je scrute.
03:06Ah oui, je m'en suis aperçu, mais c'est nouveau.
03:09Vous n'avez jamais vu scruter auparavant ?
03:12C'est exact, je scrute depuis ce matin.
03:14Ah bien, et que scrutez-vous ?
03:15L'horizon.
03:16Dommage.
03:17Pardon ?
03:18Oui, je dis dommage parce que c'est sans surprise.
03:20L'horizon ?
03:21Oui, on sait maintenant d'une façon très précise ce qu'il y a à l'horizon.
03:25Non.
03:26Ah, je vous assure.
03:27Et qui est-il à l'horizon ?
03:30Le plus souvent rien et le reste du temps des pirates, une épave, un navire ennemi, une voile et quelquefois une terre, un point c'est tout.
03:41Rien d'autre ?
03:42Rien d'autre ?
03:42Ah, je vous l'affirme.
03:44Je vous conseille d'ailleurs de consulter l'excellent ouvrage de Brindutier et Colasson.
03:50Compte tenu de l'horizon, vous verrez qu'on n'a plus rien à attendre de ce côté-là.
03:54On a fait le tour de la question.
03:56Oh, tiens, oui.
03:57Mais alors, que me conseillez-vous de scruter ?
03:59L'infini, Plantin.
04:01L'infini ?
04:02Sans hésiter.
04:03C'est plus grand, plus haut, il y en a partout.
04:05Ce n'est pas juste un petit lacet qui sépare le ciel et la mer en deux.
04:09C'est une grande chaussure.
04:10L'infini, une immense godasse où il y a tout.
04:13Du fromage, des peignes, deux dames, même Dieu, et surtout, l'espoir.
04:21Alors, croyez-moi, laissez tomber l'horizon et foncez sur l'infini en essayant d'apercevoir un petit bout d'espoir.
04:29C'est la seule chose qui puisse nous sortir de là.
04:32Et ma bouteille ?
04:33Oh, avec votre bouteille, bien sûr.
04:37J'ai l'impression que vous y croyez moins, ma bouteille.
04:40Non, non.
04:41Non, je comprends que les vents de mer vous abrutissent, Plantin,
04:46que chaque jour, ils émoussent un peu plus votre grain d'intelligence,
04:50mais tout de même pas au point de dire que je ne crois plus dans votre bouteille.
04:53Ça fait trois jours et trois nuits que je me couenne le fessier sur mon raffia
04:56à écrire le message que nous devons justement placer dans votre bouteille.
05:01J'espère qu'il sera moins à cul que la dernière fois.
05:03Sinon, ma bouteille, n'y comptait pas.
05:06Alors, où vous en êtes, Mlandémé ?
05:07Je fignole.
05:08Je serre les derniers écrous, je mets les accents,
05:14j'ôte une virgule, je fixe un point.
05:15J'aimerais le lire.
05:16Une seconde, Plantin, je termine, vous voulez bien ?
05:18Qu'est-ce que vous faites ?
05:22Là ?
05:22Oui.
05:23Eh bien, comme d'habitude, je glisse,
05:25et puis je vais dans quelques instants tomber dans l'eau,
05:27où je vais commencer à me noyer,
05:29mais vous allez m'envoyer la bouée,
05:31et je vais remonter.
05:35Exaspérant, cette manie que vous avez,
05:36au moindre clapotis, clapotas,
05:38de vous foutre à la bague !
05:39Mais ça n'est pas une manie !
05:55Si, c'est une manie !
05:57J'avais une tante comme ça,
05:58dès qu'elle voyait des cerises,
05:59il fallait qu'elle en fasse des confitures,
06:00puis ce fut les prunes, les pommes, les châtaignes.
06:03À la fin de sa vie,
06:03elle a mis ses trois chats dans des bocaux,
06:05chez nous, on appelle ça une manie.
06:07Oui, mais moi, ce n'est pas une manie.
06:08Bon, à part les chats, les cerises et ma tante,
06:10ça y ressemble foutrement, Plantin.
06:11Je vous dis que ce n'est pas une manie.
06:13Bon, alors c'est quoi,
06:13cette frénésie de déquiller dans la flotte
06:1520 fois par jour ?
06:15C'est que j'ai la mauvaise place, Blanc d'Aimé !
06:18La mauvaise place de ce radeau !
06:19Vous m'avez mis sur le côté pourri !
06:21Celui qui grince, qui plie, qui penche,
06:24celui qui craque, celui qui est toujours au nord,
06:26qui s'enfonce, qui prend l'eau !
06:28Le côté pauvre, le côté abandonné,
06:31la zone, le bidonville de ce radeau
06:34dont je suis la méduse et vous le méduseur !
06:42Je m'excuse.
06:44Je m'excuse.
06:45Je m'excuse, Plantin !
06:49Déconnez-t-on que vous voudrez,
06:50mais n'écourtez pas votre mémoire à ce point.
06:55Je vous rappelle, Plantin,
06:57que la nuit où le Neptune explosa,
06:59me projetant par miracle,
07:01moi et un morceau de cabine
07:02à une centaine de mètres de l'endroit
07:03où il sombrait corps et bien
07:05avec ses 600 passagers,
07:07je vous rappelle que c'est à ce moment précis
07:10que dans une brasse très approximative,
07:13vous vous êtes approché
07:14de mon radeau de fortune
07:16et, ah, ah non,
07:17vous m'avez demandé l'hospitalité.
07:19Je vous ai répondu très franchement.
07:22L'appartement est pris.
07:25Il ne reste que le palier,
07:27mais je ne suis sûr
07:28ni de son confort,
07:30ni de sa stabilité.
07:32Vous m'avez fait beugler,
07:33je m'en fous !
07:35Alors, je vous ai tendu la main
07:37en disant
07:38bienvenue à bord.
07:43Madame la baronne.
07:46Comment ?
07:47Vous m'avez tendu la main.
07:48Bienvenue à bord,
07:49madame la baronne Katjoucha.
07:51Et alors ?
07:53Est-ce ma faute à moi
07:54si vous avez la même carrure,
07:56la même carnation,
07:59le même coefficient de flottaison,
08:03ma mère,
08:03que la baronne Catherine Vankarpoutsov,
08:06ma voisine de Coursive,
08:07dont c'est vrai ?
08:08J'ai été follement épris
08:10dès le début de cette croisière.
08:12Mais dites-moi, Plantin,
08:14lequel de nous deux,
08:15tout compte fait,
08:16fut le plus à plaindre
08:17lorsque là,
08:18vous, habitant, disons,
08:20la chambre de bonne du radeau,
08:21mais vivant,
08:22ou moi, persuadé
08:23d'avoir sauvé d'une mort atroce
08:26la dame de mon cœur,
08:27la baronne Katjoucha Vankarpoutsov,
08:28qui s'avéra être en séchant
08:30le barman du salon
08:32des deuxièmes classes,
08:34qui est le plus à plaindre, Plantin ?
08:37Le sauveteur amoureux Bernet,
08:38ou le sauvé mal radoté ?
08:40Qui ?
08:42On est ma place.
08:42Un gras.
08:45Sans compter que de dépit,
08:47j'aurais pu vous découvrir
08:48une niobles caricature
08:49de ma Katja
08:50vous rejetée à la mer.
08:51Non, Blond-Aimé, ça, non.
08:53Ah bon ?
08:53Mais pourquoi donc ?
08:54Vous supposez peut-être
08:54m'avoir séduit ?
08:55Non, mais je fais contrepoids,
08:57Blond-Aimé.
08:59Je fais contrepoids,
09:00vous savez bien.
09:01S'il n'y a personne
09:02sur cette partie-ci du radeau,
09:03l'autre chavire,
09:04vous avec.
09:05Vous le savez bien.
09:06Sinon, pourquoi vous fatigueriez-vous
09:07m'envoyer la bouée une vingtaine de fois par jour
09:08pour m'éviter de la noyade ?
09:10C'est qu'elle vous sauve aussi,
09:11cette bouée.
09:13Ce n'est pas la seule raison.
09:15Il n'y en a pas d'autre, Blond-Aimé.
09:17Vous possédez
09:17une bouteille, Plantin.
09:20Exact.
09:20J'avais oublié.
09:21Et vous, un stylo.
09:22Oui, que vous ne pouvez me prendre
09:24sans me balancer à l'eau,
09:27c'est-à-dire
09:28sans vous saborder,
09:30car je suis aussi
09:32votre contrepoids, Plantin.
09:36Disons qu'économiquement,
09:37nous ne sommes pas dans la même situation,
09:39mais que stratégiquement,
09:40nous nous valons.
09:41C'est à peu près ça.
09:43Pensez-vous tomber dans l'eau
09:45dans les 5 à 10 minutes
09:46qui suivent ?
09:47Normalement, non.
09:48Dans ce cas,
09:50tenez,
09:51c'est terminé.
09:51Allô ?
10:10Je trouve ça littéraire.
10:12Vraiment ?
10:13Oui.
10:14Empoulé même, par moments.
10:15Empoulé ?
10:15Ah oui.
10:16Moi, je lirais cette lettre
10:17comme ça à l'improviste.
10:20Je n'y croirais pas.
10:20Personne ne vous demande
10:22de la lire à l'improviste.
10:23Mais enfin,
10:23celui qui va la trouver,
10:24si quelqu'un la trouve,
10:26ce sera forcément à l'improviste.
10:27Eh bien, croyez-moi,
10:28avec votre style tire-bouchonné,
10:30on n'a aucune,
10:30mais aucune chance.
10:31Il n'y a aucun progrès
10:33sur l'année dernière.
10:34C'est toujours du caca parfumé.
10:36Non, non.
10:37C'est toujours aussi commode.
10:40Commode ?
10:41Oui, commode 815.
10:43Doré,
10:43contourné,
10:44marqueté,
10:45ventru,
10:46poudré,
10:47perruqué,
10:48bourbon.
10:49C'est toujours aussi bourbon.
10:50On n'en sent pas, quoi !
10:52Bon, alors,
10:53Plantin,
10:54écoutez-moi,
10:54si vous ne pouvez plus me supporter,
10:56je vous demande de me le dire tout de suite.
10:58Mais je n'ai pas dit ça.
10:59Non, ne jouez pas sur les mots.
11:00Depuis deux jours,
11:01je sens que je vous agace,
11:02que je vous crispe,
11:03que je vous courousse.
11:04si vous refusez mon varec,
11:08que vous ne vous retournez même plus qu'en jurine,
11:12que vous vous mettez à faire des choses non concertées comme scrutées,
11:17que vous me chiez une colère de tonalité syndicaliste sur la surface corrigée concernant votre part de radeau,
11:22et maintenant vous me dites que j'écris comme une vieille dinde.
11:24Non, Plantin, non, il est temps de percer l'abcès.
11:27Mais ça fait la cinquième fois que je vous donne mon avis sur ce texte,
11:32et j'ai pu vous assurer que je sais...
11:33Rien, Plantin, vous ne savez rien !
11:42Qui est Théodore de Baize,
11:45Bauclin-Lafrénet, Archinard,
11:47le préfet du Cotentin, celui de la Gironde ?
11:50Qui est Souffautin de Breuil ?
11:53Où se trouvent l'Illirie, l'Istrie, la Croatie, la Macédoine, le Péritoine ?
11:57Chichi Casténango, de quel Louis Blériot ?
12:00Celui des Orfèvres ?
12:02Qui a découvert le silicate de permanganèse ?
12:04Rien !
12:04Vous ne savez même pas,
12:06même pas le nom de cet oiseau qui traverse le ciel en ce moment.
12:10C'est un couvre-temps, Plantin,
12:12un couvre-temps de la famille des Cullulus,
12:15un ingénie qui se nourrit uniquement de farine
12:17et qui au printemps vient péter des nuages sur les océans.
12:19Heureusement, c'est une femelle.
12:31Avec un mâle, nous aurions eu de l'orage.
12:35Rien ! Vous ne savez rien !
12:36Vous êtes un glaire de mouche coincé entre le nul et le zéro
12:39et vous osez dire que j'écris, tire-bouchonné ?
12:41Attention, Blondie, mais attention !
12:43Je supporte tout sauf vos grands chevaux.
12:46Je suis loin d'être sur mes grands chevaux, Plantin, très loin.
12:48Alors, tant que vous n'êtes pas en selle,
12:50relisez-vous, Blondie.
12:51Bon, alors,
12:52qu'est-ce qu'il y a de tire-bouchonné là-dedans ?
12:56Toi qui viens de trouver cette bouteille,
13:02sans doute humide encore de la vague
13:05qui la porta sur la grève,
13:09sache que ceux qui t'écrivent
13:11sont les deux seuls rescapés du naufrage du Neptune.
13:16Nous dérivons depuis des jours
13:19sur l'océan Indien,
13:21en équilibre instable,
13:23sur un frêle esquiffe fait de planches
13:26sommairement jointes ensemble.
13:29Elle obligeance de téléphoner
13:31au poste de secours le plus proche
13:33pour qu'il nous dépêche une brigade
13:35de nos courageux sorteurs
13:36en attendant de vous voir,
13:37croit, cher monsieur,
13:38en expression de...
13:40etc. etc.
13:40C'est clair, précis,
13:41on voit tout de suite à qui on a affaire.
13:43C'est bien pour cela qu'ils ne se dérangeront pas.
13:45Bon, alors,
13:46là, Plotin,
13:47vous passez les bornes.
13:48Qu'est-ce que vous cherchez ?
13:49La lutte des classes ?
13:51L'affrontement social ?
13:52Je vous signale que ce message
13:53me concerne autant que vous,
13:54Blondé, mais j'ai quand même mon mot à dire.
13:56Ah !
13:57Vous assassinez mes vingt phrases
13:58et vous n'avez qu'un mot à dire en échange,
14:00qu'un mot à proposer.
14:02Mon Dieu, mon Dieu,
14:03dans quelle époque vivons-nous ?
14:04Allez, dites-le, votre mot.
14:06Écrivez.
14:07Ah.
14:07SOS, stop !
14:17SOS, stop !
14:19Dérivons Est-Ouest, stop !
14:22Océan Indien, stop !
14:23Suite au naufrage, Neptune, stop !
14:26SOS, stop !
14:27SOS, stop !
14:29Vous plaisantez ?
14:32Non !
14:34Mais enfin, si vous leur dites stop sans arrêt,
14:36comment voulez-vous qu'ils arrivent jusqu'à nous ?
14:38C'est le code radio habituel !
14:39Mais on n'envoie pas ce texte par radio,
14:41on l'envoie par bouteille !
14:42Mais c'est forcément un marin
14:43qui va trouver ce message.
14:44Ils sont habituels à la radio, ces gens-là !
14:46Vous dites n'importe quoi !
14:47Les marins sont beaucoup plus habitués
14:48à la bouteille qu'à la radio.
14:50Regardez le naufrage du Neptune.
14:52Si le marin radio s'était servi aussi souvent
14:54de sa radio que de sa bouteille,
14:55nous n'en serions pas là.
14:56Peut-être.
14:57Mais si c'était vous
14:57qui aviez dicté le message de perdition
14:59en marin du Neptune,
15:00non seulement nous en serions même point,
15:02mais en plus, j'aurais honte
15:03que quelqu'un l'ait reçu.
15:04Ah oui !
15:05Ah ah ah !
15:05C'est mon éducation qui vous gêne, n'est-ce pas ?
15:11Vous ne supportez pas qu'on appelle au secours
15:13avec tact, raffinement,
15:15qu'on demande de l'aide avec courtoisie.
15:17Ça vous irrite, vous ?
15:18C'est le rugissement de l'orque blessé
15:21qui fait frémir la banquise.
15:23C'est ça ou rien.
15:25Ce n'est pas de l'aide
15:26que nous allons recevoir avec votre foutulette.
15:28Ah oui, et c'est quoi ?
15:29Oh mais, diverses choses.
15:31Les œuvres complètes de madame de Sévigné,
15:33une botte de dragée,
15:35un canichelin.
15:37J'en étais sûr.
15:40Vous êtes marxiste.
15:42Quoi ?
15:42Mais oui, ça y est, j'y suis, je vous revois.
15:46La hargne avec laquelle les cocktails,
15:49ce regard gorgé de haine que vous portiez
15:51sur l'élégante assistance du pont numéro 2.
15:54Au secours à votre shaker, je me souviens,
15:56je vous rends de servir des petits fours
15:58avec un couteau entre les dents.
15:59Vous aviez tout du rouge, tout.
16:01Jusqu'à votre veste.
16:02Ma veste de barmane ?
16:03Ah !
16:04Votre veste de barmane
16:06avec vos deux époulettes dorées.
16:08Vous me prenez pour qui ?
16:10C'est l'uniforme des officiers du KGB.
16:14Du quoi ?
16:15Vous voyez ?
16:16Vous ne le saviez même pas.
16:17C'est une preuve supplémentaire
16:18que vous en faites partie.
16:19On ne dit jamais aujourd'hui KGB
16:20qu'ils sont du KGB par sécurité.
16:22Preuve irréfutable, Plantin.
16:23Vous délirez, Plantin,
16:24mais vous remessez par le cerveau.
16:30Plantin.
16:30Plantin,
16:33dites-moi tout.
16:35Le Neptune, le naufrage,
16:37c'est vous, c'était une bombe.
16:40Qu'est-ce que vous dites ?
16:41Embrassez-moi.
16:43Quoi ?
16:43Avant de m'égorger.
16:45Je ne peux pas.
16:48Pourquoi ?
16:49Vous faites contrepoids.
16:52Donnez-moi la seule chose qui reste humaine.
16:55Chez un soviétique,
16:57l'attendrait ce slave.
16:58Oh, Katia !
17:00Katia, mon amour, pourquoi ?
17:03As-tu coulé, toi aussi,
17:05comme toute l'aristocratie ?
17:07Arrêtez, Plantin, mais arrêtez !
17:09Vous me rappelez Adolf Hitler
17:10dans ses derniers instants
17:11et dans son bout de cœur ?
17:13Comment le pousseriez-vous
17:16si vous n'étiez pas un bolchevique ?
17:18Ce sont eux qui sont entrés les premiers.
17:19Vous êtes un fou, Blond-Débé !
17:21Un fou !
17:23Ça, je ne vous permets pas !
17:24Un fou !
17:25J'aurais pourtant dû m'en douter
17:26quand vous m'avez parlé de votre tante
17:28qui faisait des confitures avec ses chats.
17:31Vous avez si jeune !
17:32Ah non, pas la famille.
17:33Tout, mais pas la famille.
17:35On s'était mis d'accord, Plantin.
17:36Pardon, je vous prie de m'excuser.
17:42Ce n'est rien, mais faites attention
17:43la prochaine fois.
17:55Coupons la poire en deux.
18:00C'est-à-dire ?
18:02Vous écrivez le début
18:04et moi à la fin.
18:06Stop, stop, stop, stop.
18:07SOS, stop.
18:08Dérivons ces indiens, stop.
18:10Suite naufrage Neptune, stop.
18:13Appelez-nous courageux sauveteurs
18:17et recevez l'expression
18:19de nos sentiments de gratitude
18:21signés Plantin et Blond-Aimé
18:23qui a écrit la seconde partie du message.
18:30C'est grotesque !
18:33Mais qui êtes-vous, Plantin ?
18:34Qui êtes-vous ?
18:35Même Staline a accepté Yalta.
18:38Il n'avait pas le cousin
18:38de Marcel Proust en face de lui.
18:40Ah, pas la famille.
18:41Ça suffit, Plantin.
18:42On vient de le rappeler.
18:46Que n'est-ce que c'est ?
18:48Je suis navré, oui.
18:51Je ne savais pas que Proust
18:52était votre cousin.
18:53Ah, ben, c'était celui
18:54de la mère de la baronne Bonkarpoutsov.
18:56Je suis désolé.
18:58Non, je n'ai rien.
19:12Le vent se lève.
19:13Les couches-mettons en mâle
19:19traversent le ciel.
19:20Plantin et visite votre stylo.
19:22N'essayez pas ici.
19:23Ah, ça, jamais.
19:24Je n'ai pas envie
19:25d'être repêché
19:26par les vôtres
19:27et s'unir au coulard.
19:30Liberté.
19:32Liberté, chérie.
19:34Je suis Plantin et Blond-Aimé,
19:35c'est notre dernier sens.
19:36Ah, quand il n'y a plus de chance,
19:38il y a encore de l'espoir.
19:41Faites donner l'espoir.
19:43Je vais te boubler, Blond-Aimé.
19:45Je ne veux pas.
20:06Vous scrutez ?
20:18Oui.
20:20L'infini.
20:21Je vous le déconseille.
20:23On s'y perd.
20:24Oh, vous n'allez tout de même pas
20:26me faire scruter l'horizon.
20:28Ici ?
20:29Il y a moins de grandioses,
20:30mais moi, ça me suffit.
20:32Un bateau, une voile, une terre,
20:35ce n'est pas grand-chose,
20:36mais ça me suffit.
20:40Si vous apercevez quelque chose,
20:43n'hésitez pas à crier, Blond-Aimé.
20:51Quand je pense que j'étais parti
20:53sur un fringant navire
20:56pour une croisière idyllique
20:59en compagnie de mon amour,
21:02la baronne Katjoucha von Karputsov,
21:04et que je me retrouve en haillant
21:07faisant le guet sur un radeau pourri
21:09gouverné par une brute matérialiste
21:13et qui, de plus,
21:16est le sosie de ma bien-aimé.
21:20Mais, finalement,
21:24c'est peut-être ça, la vie.
21:28Non,
21:37non,
21:39oui,
21:39non,
21:41non,
21:41non,
21:42non,
21:43non,
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