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  • 18 hours ago

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00:00C'est un sujet encore largement tabou en France, comme dans le reste du monde,
00:04celui des injonctions liées à la parentalité et plus précisément à la maternité.
00:09Comment l'idéal de la mère parfaite hante encore nos sociétés
00:12et comment déconstruire ce mythe ?
00:15À quel point les femmes sont-elles encore condamnées à être soit des madonnes, soit des médées ?
00:20C'est pour explorer ces questions que trois autrices ont unis leur voix,
00:24parmi elles Laure Ouesteland, pédopsychiatre.
00:27Bonjour Laure, merci d'être avec nous.
00:29Vous signez, aux côtés de vos deux co-autrices et dessinatrices, ce récit puissant,
00:35Madonnes et Médées, figure imposée de la maternité aux éditions Futura Police,
00:39un livre qui s'inspire directement de votre parcours professionnel,
00:43vous qui avez exercé plusieurs années à l'hôpital Necker, puis à la Pitié-Salpêtrière à Paris.
00:49Donc, avant de traiter et de parler plus précisément des souffrances des femmes
00:53que vous explorez dans la bande dessinée, un mot sur son titre,
00:56Madonnes et Médées, ce sont deux archétypes extrêmes de la maternité,
01:02la mère idéale d'un côté et la mère monstrueuse de l'autre.
01:06Est-ce que ce sont encore, selon vous, les deux seuls miroirs
01:10qui sont proposés aux femmes et aux mères aujourd'hui ?
01:13Oui, bonjour Nina Masson.
01:15En effet, l'idée de cette bande dessinée était de continuer à explorer comment,
01:20dans les figures idéalisées contemporaines de la maternité qui sont proposées aux mères et aux parents aujourd'hui,
01:28comment ces archétypes anciens de la Madone et de ces déclinaisons qu'on connaît,
01:32la mère sacrificielle, la mater Dolorosa, et la mère un peu plus monstrueuse de Médée,
01:38donc mère infanticide, était encore présente aujourd'hui dans ce qu'on peut voir dans la mère un peu idéale proposée aux parents.
01:49Votre récit s'articule autour du parcours de cinq femmes,
01:53chacune confrontée à des souffrances spécifiques,
01:55le burn-out parental, la dépression post-partum,
01:59les phobies d'impulsion aussi dont on parle peu,
02:02mais aussi l'ambivalence sur le désir d'enfant ou encore toutes les questions de deuil.
02:06Ce sont des tabous encore aujourd'hui ?
02:09Oui, disons qu'en dehors de la représentation de la maternité comme une épiphanie,
02:14où tout devrait être très heureux, très joyeux,
02:17il n'y a pas beaucoup de nuanciers proposés aux femmes pour s'y retrouver,
02:22alors que la maternité, ou plutôt les maternités,
02:24sont des expériences beaucoup plus complexes
02:26et traversées par tout un tas d'expériences diverses
02:29qu'on a essayé d'explorer à travers ce livre.
02:32Alors Elsa, c'est le nom de votre héroïne,
02:35elle se retrouve enceinte elle-même sans l'avoir vraiment désirée,
02:39elle va aller jusqu'à se poser cette question,
02:41comment savoir si moi aussi je ne vais pas dérailler ?
02:44Est-ce que c'est une manière aussi de dire que personne n'échappe à ces injonctions,
02:49liées à la maternité, même les plus armées d'entre nous ?
02:52Oui, effectivement, l'idée aussi c'était de proposer aux femmes et aux lectrices, aux lecteurs,
02:59qu'en tant qu'humains, on peut tous être traversés à ce moment-là,
03:03pendant la maternité, par des moments de vacillement ou des lignes de faille,
03:07alors après ça peut devenir plus ou moins pathologique,
03:10mais en effet tout le monde peut être traversé par des moments d'interrogation,
03:15d'extrême doute et de fragilité à ce moment-là.
03:17Et en quoi tous ces tabous, justement, freinent la libération de la parole ?
03:21Parce qu'il s'agit encore et toujours de ça,
03:23autour de toutes ces souffrances liées à la maternité.
03:26Parce que les femmes ont honte, les femmes ont honte de dire qu'elles ne vont pas bien,
03:30que c'est compliqué, que c'est difficile pour elles,
03:33justement parce que ça ne vient pas correspondre à cet idéal
03:36qu'on leur impose d'une maternité extrêmement heureuse.
03:41Comment, vous, la fiction, je rappelle que vous êtes soignante,
03:44vous êtes pédopsychiatre, comment justement cet outil de la fiction
03:48vous a permis de dire ce que la médecine ne peut pas toujours exprimer
03:51et que peut faire aussi la fiction pour participer à ce processus
03:55de libération de la parole ?
03:57Disons que la fiction permet, évidemment plus que la médecine,
04:01de transfigurer un peu le réel et de pouvoir proposer aussi des figures.
04:07La fiction peut être un vecteur d'identification un peu plus fort,
04:11un peu plus puissant à travers des représentations,
04:13justement plus complexes pour que les femmes puissent peut-être ressentir
04:18certaines choses, puissent s'identifier à des moments particuliers,
04:23à des contextes spécifiques que la médecine ne permet pas.
04:28Vous voulez, quand on dit à une femme qui, par exemple,
04:31souffre de dépression du postpartum, on sait que c'est maintenant
04:33à peu près 25% des femmes qui peuvent présenter une dépression du postpartum,
04:37ça reste assez désincarné.
04:38C'est un chiffre, c'est une statistique et ça ne fait pas vraiment référence
04:42à quelque chose de plus expérientiel qui est proposé à travers la fiction.
04:46Est-ce que vous pensez que la société, notre société, est prête à entendre
04:51cette complexité-là, à accepter, par exemple, qu'une mère puisse ne pas être heureuse ?
04:56Ça commence. Il y a encore beaucoup de travail à faire,
04:59mais en effet, je pense que ça commence.
05:01Ça commence à pouvoir s'entendre et surtout à pouvoir s'accepter.
05:04Grâce à votre travail, aussi, Laure Westoland, il y a aussi la réalité du terrain,
05:09celui d'un hôpital public à bout de souffle, avec des soignants épuisés,
05:13c'est très montré dans le livre.
05:15À un moment, votre personnage Elsa, lâche, j'ai l'impression de faire de la psy à emporter.
05:20Est-ce que c'est une phrase que vous auriez pu dire, vous,
05:22dans l'exercice de votre métier, à la pitié salpitrière ou à Necker ?
05:27Oui, tout à fait. Moi et mes collègues pédopsychiatres,
05:30je pense que de toute façon, l'agonie de l'hôpital n'est plus à démontrer,
05:33malheureusement, de manière générale, mais encore plus dans les services de pédopsychiatrie
05:38qui restent le parent extrêmement pauvre et démuni de la médecine.
05:42Donc oui, c'est une phrase que j'aurais pu complètement prononcer.
05:45C'était important pour moi et pour nous toutes d'ancrer aussi cette histoire
05:50dans une réalité sociale plus vaste.
05:54Comment dessiner justement au milieu de tout ça,
05:56au milieu de ces figures imposées que vous nous exposez,
05:59une autre figure, une figure libre ?
06:02Est-ce qu'une maternité émancipée, pourrait-on dire, est possible selon vous ?
06:07Oui, plus émancipée que libre d'ailleurs,
06:09car nous sommes des êtres extrêmement déterminés de toutes les manières.
06:14Mais en effet, comment, dans un contexte donné,
06:17on peut s'émanciper de toutes ces injonctions
06:20et trouver des chemins de traverse pour pouvoir y arriver malgré tout ?
06:25Et pour pouvoir sortir de ces carcans, je cite la page 89 de votre livre,
06:31on la voit à l'écran, vous dites que de la femme à la mère,
06:34on est toujours ramené à un moment donné, soit à la maman, soit à la putain.
06:38Voilà, c'est classique et ça fait référence aussi au titre de votre livre.
06:44Pour terminer sur une note plus positive,
06:46on a le conjoint d'Elsa dans le livre qui dit
06:48« On fera comme tout le monde, on n'y arrivera pas ».
06:50C'est ça le secret finalement.
06:52Oui, je pense que c'est surtout de redescendre de cet idéal,
06:56de ne pas vouloir y coller à tout prix
06:57et d'accepter des moments d'incertitude,
07:00des moments de chaos qui font partie de la vie
07:02et encore plus quand on devient parent.
07:05Je voudrais vous faire réagir avant de se quitter l'heure ouestelant
07:09à l'actualité qui concerne directement les femmes
07:12et la question de leur corps
07:14avec cette modification de la loi sur la définition pénale du viol
07:18qui intègre désormais, et ce pour la première fois,
07:21la notion de consentement.
07:23Quel est le regard que la psychiatre que vous êtes
07:27pose sur cette avancée ?
07:29Est-ce que c'en est une ?
07:30Alors c'est une avancée à certains égards
07:33puisqu'en effet, on sait que certaines femmes
07:35qui sont dans des moments de dissociation traumatique extrême
07:39et subissent une sidération psychique
07:41sont dans une incapacité totale de dire oui ou non
07:45et de réagir, que ce soit verbalement ou comportementalement.
07:49Donc elles en ont extrêmement honte.
07:50Elles vous disent « mais j'ai pas réussi,
07:52j'ai pas pu dire non, j'ai pas pu le repousser ».
07:54Donc pour ces femmes-là, la loi les protège
07:58puisqu'elles ne peuvent dire ni oui ni non.
07:59Après, la définition du consentement, est-ce qu'elle est si claire ?
08:03Et lorsque l'on dit oui, est-ce qu'on est extrêmement libre de dire oui ?
08:06Est-ce que c'est toujours clair, toujours très authentique ?
08:09Est-ce que tous les contextes permettent aux femmes de dire oui
08:12de manière libre et éclairée ?
08:13C'est vraiment à débattre.
08:15Donc la loi est encore assez insuffisante selon vous
08:18puisqu'effectivement, consentir, ce n'est pas avoir la volonté,
08:24ce n'est pas céder, ce n'est pas consentir
08:25et consentir, ce n'est pas vouloir.
08:27Exactement.
08:28Consentir, ce n'est pas céder
08:29et il faut sans doute que la loi puisse encore donner la possibilité
08:33d'examiner dans quel contexte on peut dire non
08:36et contextualiser les conditions de possibilité
08:39que les femmes ont ou pas de pouvoir dire non.
08:41Ça, c'est très important.
08:42Et ce sera l'objet de notre débat à 10h heure de Paris.
08:45Et dans Parlons-en, on en parlera donc avec la co-rapporteure,
08:49la co-créatrice de la loi, notamment Véronique Riotton.
08:53Merci beaucoup, Laure Ouesteland.
08:54Vous terminez votre ouvrage avec des ressources,
08:57des recommandations d'associations ou de services d'aide à la parenté.
09:00On va peut-être les afficher à l'écran.
09:02On les retrouve donc à la fin de votre ouvrage.
09:05Madones et Médée, figures imposées de la maternité
09:08aux éditions Futura Police, à trouver dans toutes les librairies.
09:12Merci, Laure Ouesteland, d'être passée sur notre plateau.
09:16Merci.
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