- il y a 2 jours
Direction la Colombie, l'occasion de se remémorer les heures sombres de la guerre civile entre la guérilla armée des FARCS et le pouvoir central. Bien que la Colombie soit la plus vieille démocracie d'Amérique latine, elle n'en demeure pas moins gangréenée par la trafic de drogues et la corruption. À quel avenir peut désormais aspirer ce pays ?
Pour le savoir, Jean-Pierre Gratien sera accompagné, en plateau, de la chercheuse Mathilde Allain, de la députée (ENS) des Français établis hors de France en Amérique latine et dans les Caraïbes Éléonore Caroit, et du politologue Kévin Parthenay.
LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
Pour le savoir, Jean-Pierre Gratien sera accompagné, en plateau, de la chercheuse Mathilde Allain, de la députée (ENS) des Français établis hors de France en Amérique latine et dans les Caraïbes Éléonore Caroit, et du politologue Kévin Parthenay.
LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
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00:00:00Générique
00:00:01...
00:00:15Bienvenue à tous. Direction la Colombie aujourd'hui dans ce débat doc.
00:00:20Avec pour commencer le documentaire qui va suivre
00:00:23« Colombie, la paix confisquée, parole d'otage »
00:00:26réalisé par Julie Perard et Christophe Astruc.
00:00:29De quoi se remémorer les heures sombres de la guerre civile larvée
00:00:33entre la guérilla armée des Farc et le pouvoir central
00:00:37dans un pays, par ailleurs, toujours gangréné par le narcotrafic
00:00:41et la corruption, même s'il demeure la plus vieille démocratie d'Amérique latine.
00:00:47Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai juste après
00:00:50sur ce plateau en compagnie de la chercheuse Mathilde Alain,
00:00:53de la députée Eléonore Carrois et du politologue Kevin Partenay.
00:00:58Avec eux, nous nous interrogerons sur l'avenir politique
00:01:01auquel peut désormais aspirer la Colombie.
00:01:05Bon doc.
00:01:06...
00:01:07La Colombie, on est toujours sans nouvelles de celle qu'on appelle
00:01:14la passionaria, la sénatrice Ingrid Bettencourt enlevée samedi dernier
00:01:18par les Farc, principale guérilla du pays.
00:01:22On ne savait pas s'il était en vie, on ne savait pas dans quel état
00:01:25elle se trouvait.
00:01:26On avait des craintes qu'elle ait été violée, qu'elle soit malade.
00:01:30C'est la plus ancienne guérilla au monde.
00:01:32Elle est issue en 1964 d'un mouvement paysan en lutte contre
00:01:37les grands propriétaires terriens.
00:01:40On est en haut !
00:01:42Qu'est-ce qu'on fait ? On se bat ou on part en courant ?
00:01:48C'était une organisation mondiale de trafic de drogue,
00:01:52pas une simple rébellion colombienne.
00:01:54Mon travail était de prélever un impôt sur la cocaïne.
00:02:04On a tous souffert de l'isolement, du manque de communication,
00:02:09de la barbarie, des mauvais traitements physiques et psychologiques.
00:02:13On avait réussi à localiser les otages, mais leur libération
00:02:17allait être difficile.
00:02:21J'avais 6 ans quand mon père a disparu.
00:02:24Et j'ai grandi à sa recherche.
00:02:29Le plus dur, c'est pour les victimes.
00:02:32Le processus de paix a exigé d'elles qu'elles se confrontent
00:02:35à leurs bourreaux.
00:02:39Il y a eu des kidnappés qui ont été dans les mains des femmes.
00:02:4115 ans !
00:02:42D'autres qui ne sont jamais revenus.
00:02:44Et les familles n'ont jamais eu de réponse,
00:02:46de savoir où ils ont été enterrés,
00:02:48s'ils sont morts, comment est-ce qu'ils sont morts ?
00:02:50Il y a 20 ans, 2002,
00:03:03Il y a 20 ans, 2002, je suis une femme politique.
00:03:23Je suis sénatrice, candidate à la présidentielle.
00:03:30J'ai créé mon propre parti qui s'appelle Vert Oxygen.
00:03:33Qui a coupé les ponts avec les partis traditionnels.
00:03:38Ingrid Betancourt est un personnage politique unique en Amérique latine.
00:03:4340 ans, ancienne élève de Sciences Po à Paris,
00:03:45cette fille de la haute société colombienne se bat contre la pauvreté,
00:03:49contre la guerre civile, contre surtout la corruption qui ravage son pays.
00:03:53On s'accommode de la corruption.
00:03:56Et pour moi, la corruption est le vecteur qui explique la violence, la guérilla.
00:04:02Le trafic de la drogue.
00:04:04Et je dénonce et je fais des débats au congrès.
00:04:09J'étais étudiant à Bogotá quand j'ai entendu pour la première fois le discours d'Ingrid Betancourt.
00:04:27J'étais étudiant à Bogotá quand j'ai entendu pour la première fois le discours d'Ingrid Betancourt.
00:04:32Je me suis dit, elle a un sacré cran cette femme pour tenir tête à tous ces politiciens corrompus.
00:04:45Et c'est comme ça que j'ai commencé à l'aimer, à l'écouter.
00:04:48Je me suis dit, ça fait du bien d'entendre une proposition nouvelle, différente.
00:04:53Ce qui m'a le plus frappé, c'était sa force.
00:04:56Elle osait dénoncer les choses, sans peur, malgré les risques pour sa famille.
00:05:00C'est pour ça que j'ai décidé de travailler pour son parti, Oxygène Vert.
00:05:05Ce 23 février 2002, je prends l'avion de Bogotá très tôt le matin.
00:05:24J'atterris à Florencia pour prendre la route de Florencia jusqu'à San Vicente del Caguan.
00:05:31C'était l'endroit où le gouvernement avait tenu les négociations de paix avec les FARC.
00:05:52Le gouvernement avait entamé un processus de paix avec les FARC.
00:05:56Il leur avait même offert toute une zone du sud du pays qu'on a appelé la zone du Caguan.
00:06:01Il leur avait cédé plus de 42 000 km², l'équivalent de la Suisse,
00:06:06où les FARC pouvaient faire ce qu'ils voulaient, sans présence de l'Etat.
00:06:10En d'autres termes, il n'y avait ni juge, ni armée dans le Caguan.
00:06:14Malheureusement, les FARC ont utilisé ce territoire pour se livrer à un commerce d'armes très important,
00:06:22pour se renforcer militairement et créer un bastion où ils retenaient les personnes kidnappées.
00:06:28Ils attaquaient la population civile. Ils enlevaient des civils.
00:06:40Quand mes services de renseignement m'ont apporté la preuve que les FARC se servaient de la zone du Caguan pour commettre des actes illégaux,
00:07:00nous avons pris la décision de dire aux FARC, vous ne respectez pas la loi, donc nous rompons le processus de paix.
00:07:22C'est pour cela que je me rends à San Vincente del Caguan, pour reprendre en main la zone.
00:07:27On voulait montrer au monde entier que nous contrôlions ce territoire, que les FARC n'y faisaient plus la loi.
00:07:34Mais quand je me rends à San Vincente, Ingrid prend la décision d'y aller.
00:07:38Ingrid et Clara n'en démordent pas, il faut qu'elles y soient.
00:07:57Nous étions tous très inquiets. Nous étions anxieux de ce qui allait se passer.
00:08:04On n'entrait pas dans n'importe quel territoire.
00:08:07On allait pénétrer une zone que le gouvernement s'apprêtait à bombarder pour se débarrasser de la guérilla.
00:08:12Je savais que nous prenions un risque.
00:08:15J'ai pris une mauvaise décision ce jour-là. Je n'aurais pas dû y aller.
00:08:30Ce n'était pas à moi de faire le voyage. Je l'ai fait par solidarité pour accompagner la candidate. Je savais qu'elle ne pouvait pas s'y rendre seule.
00:08:38J'ai demandé à un de mes généraux de transmettre un message à Ingrid.
00:08:44« S'il te plaît, Ingrid, n'y va pas. La zone n'est pas sécurisée. Il y a des guerrilleros. Il y a encore des combats. N'y va pas. »
00:08:51Elle a répondu « Je m'en fiche. » Et elle a dit à ses gardes du corps « J'irai quoi qu'il arrive. »
00:08:57Et quand je vais prendre la route, mes escorts me disent « Ah, on vient de recevoir l'ordre de ne pas vous accompagner. »
00:09:19Je dis « Si c'est le cas, il faut avorter. On va retourner à Bogota. »
00:09:24Et ils me disent « Non, non, parce qu'on nous donne l'ordre à nous. Mais vous, vous êtes une candidate présidentielle. Vous, vous pouvez prendre la route. »
00:09:39L'atmosphère était extrêmement tendue. Je sentais qu'Ingrid était là par engagement politique.
00:09:45Clara, à l'arrière, avait peur. On voyait sa nervosité.
00:09:52« On savait qu'il y avait un risque. Mais c'était comme si on pensait pouvoir le surmonter. Comme si on allait pouvoir rentrer chez nous le soir même ou le lendemain, comme prévu. »
00:10:08J'avais déjà traversé cette zone à quatre reprises. Et à chaque voyage, il y avait des cadavres sur la route.
00:10:15Donc, bien évidemment, faire ce voyage avec Ingrid Bettencourt par voie terrestre, c'était pas évident.
00:10:25« Mais je continue. Je dois traverser une rivière en empruntant un petit pont de bois.
00:10:37Mais ce que je ne vois pas, c'est qu'au sortir du virage, là, il y a deux personnes sur la route. »
00:10:49« Je vois les bottes en caoutchouc et je sais que c'est le signe que c'est la guerrilla et que c'est la guerrilla des Farc. »
00:10:59Un grand maigre moustachu me dit de m'arrêter et de couper le moteur.
00:11:07Et c'est là que j'ai senti que la situation était hors de contrôle.
00:11:14Et à ce moment-là, un des guerrilleros qui était là s'approche de nous, quand tout à coup, j'entends une explosion.
00:11:24J'ai vu une explosion et je le vois sauter.
00:11:34Un de ces hommes marche sur une mine et vole un éclat. C'est très, très violent.
00:11:42Le sang, une jambe déchiquetée, le hurlement de ce guerrillero
00:11:50qui prend conscience, qui vient de perdre sa jambe, qui vole dans les ailes et tombe des mètres plus loin.
00:11:58Tout ça est une violence.
00:12:00»
00:12:01Ingrid me dit « Reste avec moi » et j'essaye de me rapprocher d'elle.
00:12:07Et le guerrillero me dit « Non, non, non, non !
00:12:12Les femmes là-bas, les hommes ici, il nous sépare avec son arme comme ça.
00:12:17Pas comme ça, mais il nous sépare avec son fusil.
00:12:19Et c'est là où je comprends qu'il ne faut pas me séparer, que je suis qui l'aimait. »
00:12:29Ils la font monter dans une camionnette rouge et Clara dans une bleue, avec à son bord au moins 12 guerrilleros.
00:12:37Et ces deux fourgons partent à toute vitesse.
00:12:46On ne voit que de la poussière sur la route.
00:12:50C'est la dernière fois que j'ai vu Ingrid.
00:12:53La première nuit sans sommeil, évidemment.
00:13:11À attendre, dans l'angoisse.
00:13:14Et la radio qui s'allume à 4 heures du matin.
00:13:19Qu'un des guerrilleros s'allume près de moi.
00:13:24Et les bulletins d'info.
00:13:26Et donc, la façon dont ils sont en train d'annoncer la nouvelle de ma séquestration.
00:13:42Et là, l'horreur.
00:13:44Et à partir de là, commence une descente en enfer.
00:13:49L'enlèvement est un acte sadique.
00:13:58L'enlèvement est un acte sadique.
00:14:13Il y a l'angoisse.
00:14:16Il y a les sentiments de culpabilité, la douleur, l'inquiétude de ne pas savoir ce qui va se passer.
00:14:21C'est insoutenable.
00:14:28Vous devez vous battre avec vous-même pour tenir.
00:14:31Car vous ne savez pas si vous serez en vie à la minute suivante.
00:14:34C'est une anxiété à la limite du supportable.
00:14:37La mort vous accompagne toute la journée.
00:14:39Quand j'ai appris l'enlèvement d'Ingrid Bettencourt, je me suis inquiété parce que je me suis dit, ça va durer longtemps.
00:14:48Ils vont en faire un enjeu politique et la transformer en monnaie d'échange.
00:14:52Ça a donné aux FARC cette opportunité.
00:14:53La réalité est que nous avons subi une guerre civile, et je dis bien guerre civile, depuis plus de 60 ans.
00:15:08Un groupe d'insurgés a décidé de prendre les armes contre l'ordre établi, contre cette démocratie imparfaite qui a tous les travers des gouvernements modernes.
00:15:17Mais ici, un groupe armé, les FARC, a décidé de se rebeller.
00:15:24En cette juste lutte, nous sommes empeignés par le déroulement du régime et par l'instauration en Colombie d'un gouvernement popular de libération nationale.
00:15:36C'est une orientation juste, c'est une orientation enderezée à finir notre pays avec la explotation, avec la miserie, avec le hambre, avec le terror et la guerre.
00:15:47J'ai rejoint la guérilla pour la patrie ou pour la mort.
00:16:02En d'autres termes, j'étais prêt à donner ma vie pour transformer le pays.
00:16:08C'est pour ça que je suis entré chez les FARC.
00:16:12J'ai grandi dans une famille communiste.
00:16:32Je me suis engagé en politique au niveau local, dans mon village.
00:16:36Il y avait ici tout un mouvement d'opposition communiste à la fin des années 70.
00:16:43On parlait de réformes agraires, on organisait les syndicats nationaux paysans.
00:16:51On avait obtenu beaucoup d'élus au conseil municipal.
00:16:54Et c'est à ce moment-là que les assassinats ont commencé.
00:17:07Des crimes commis par l'État contre des leaders syndicaux
00:17:13ou des opposants pour la plupart membres du Parti communiste colombien.
00:17:17Cela a engendré une vague de violence terrible dans les campagnes.
00:17:24C'est pour ça qu'on s'est engagés dans la lutte armée.
00:17:30Et tout ça s'est passé dans un certain contexte latino-américain.
00:17:34La révolution cubaine était à son apogée.
00:17:36Au Nicaragua en 1979, la révolution sandiniste avait triomphé.
00:17:43Il y avait une guérilla puissante au Salvador et au Guatemala c'était la même chose.
00:17:48On assistait à l'essor de la lutte armée comme seule réponse au retard de développement de tout le continent,
00:17:54à cause des politiques étatiques.
00:18:07Donc on a fait le pari d'une insurrection pour obliger l'oligarchie à lâcher le pouvoir
00:18:12ou à négocier avec nous.
00:18:14Ils étaient forts, très forts à ce moment-là.
00:18:38Ils avaient réussi 3 ou 4 coups militaires très importants, Pataskoy, Las Delicias, El Biar.
00:18:46Ils avaient massacré beaucoup de soldats, ils étaient très puissants.
00:18:49Le 1er novembre 1998, je dormais parce que j'avais terminé mon service.
00:19:09Je me reposais quand j'ai réalisé que nous étions pris d'assaut.
00:19:13J'entends des coups de feu, des explosions, des grenades, des bombes artisanales.
00:19:29À ce moment-là, on essaie de défendre le poste de commande.
00:19:33Mais les bombes étaient d'une puissance dévastatrice.
00:19:35Toutes les infrastructures de la ville tombent les unes après les autres.
00:19:42Des collègues policiers perdent la vie.
00:19:45On continue de se battre.
00:19:48Jusqu'au moment où les guerrilleros se nous encerclent.
00:19:50Ils aspergent le bâtiment d'essence et menacent de nous brûler vifs si on ne se rend pas.
00:20:05Ils sont plus nombreux et mieux armés.
00:20:09Ils nous font prisonniers.
00:20:12Ils nous font prisonniers.
00:20:33Et de là, ils nous déplacent.
00:20:36Ils nous sortent de la ville comme s'ils voulaient nous éloigner de la liberté.
00:20:40Ils nous emprisonnent au plus profond de la jungle pour mieux nous cacher toujours plus loin dans la jungle.
00:20:53Ça nous a brisés psychologiquement parce qu'on a compris que notre captivité allait durer très longtemps.
00:20:59Je me rappelle la date d'un an de séquestration, le moment de ce 23 février 2003 où là, il y a un déclic mental et tout bascule.
00:21:15Et là, je me dis Ingrine, il faut que tu apprennes à vivre ici parce que ça va être long.
00:21:24Il faut que tu survives et il faut que tu te prépares pour quelque chose qui va être terrible.
00:21:29C'est totalement déshumanisant.
00:21:41Ces gens ne vous appellent même plus par votre prénom, ce bien si précieux.
00:21:47Moi, je m'appelle Clara et j'attends des gens qu'ils m'appellent comme ça.
00:21:51Mais ils nous disaient, vous êtes un numéro, toi tu es un, l'autre est trois.
00:21:55Ah tiens, trois ne s'est pas réveillés aujourd'hui.
00:21:59On se disait, on doit continuer, car trois a sans doute été tués ou bien ils l'ont fait disparaître.
00:22:02Il y a des moments difficiles dans lesquels nous avons dû être déplacés d'un endroit à l'autre.
00:22:18Il y a eu environ 25 ou 26 endroits dans lesquels nous avons été.
00:22:24Et bien sûr, tout ce que ça implique, le déplacement, etc.
00:22:29Pendant ces marches forcées, ils ne nous laissaient que très peu de temps de repos.
00:22:54On devait continuer alors qu'on était sur le point de s'évanouir.
00:22:57On marchait, un otage devant, un guerriero derrière.
00:23:06Son arme toujours pointée sur nous.
00:23:12On sentait la mort toute proche.
00:23:14La jungle amazonienne est un espace où il pleut tout le temps.
00:23:26C'est un écosystème d'insectes, tous très bizarres.
00:23:32Donc moi j'ai découvert les dix mille façons d'être piqué par des insectes.
00:23:38Tous les jours, je sentais une sensation différente.
00:23:40Des douleurs différentes, en intensité, en sensation, en prolongation dans le temps, de la piqûre.
00:23:51Il y avait des insectes volants, mais il y avait aussi toutes les fourmis, les vers de terre qui piquaient les chenilles, les araignées.
00:24:00Enfin, tout piqué.
00:24:04Les insectes ont des horaires.
00:24:07Donc le matin jusqu'à neuf heures, c'est un certain type d'insectes.
00:24:10De neuf heures à midi, c'est un autre type d'insectes.
00:24:12Et ils se relaient.
00:24:20La nuche est une mouche qui, en vous piquant, laisse ses oeufs sous votre peau.
00:24:25Donc des petits vers se développent.
00:24:27Et quand ils commencent à essayer de sortir, ils sortent et ils rentrent, ils sortent et ils rentrent.
00:24:32Et c'est comme si vous aviez une lame de couteau qui vous la serrerait en continu la peau.
00:24:36Normalement, à quatre heures et demie, ils stoppaient la marche et le campement était fait en une demi-heure.
00:24:50On devait aller se lager dans un coin d'eau et se préparer pour l'homme.
00:24:55La nuit est noire, immensément noire. C'est saisissant.
00:25:08Et peu à peu s'installe un silence total, comme si tout était figé.
00:25:11On ressent alors davantage la solitude et cette confrontation avec soi-même et avec la nuit est redoutable,
00:25:27à tel point que beaucoup d'otages perdent le sommeil.
00:25:29Et on n'avait même pas le droit à une lampe de poche ou à une simple bougie, parce que ça pouvait attirer l'attention des avions.
00:25:43C'est une belle matinée. Le ciel est dégagé avec quelques nuages ici et là.
00:26:02Je suis assis à mon poste et je m'entraîne à actionner nos radars.
00:26:11Je travaille pour une société qui s'appelle North From Guaman.
00:26:15Nous sommes basés à Bogota, en Colombie.
00:26:18Et notre mission consiste à collecter des informations sur les stupéfiants.
00:26:22Nos cibles de surveillance sont liées à la production ou au transport de cocaïne.
00:26:26Et la plus grande partie de la production de cocaïne dans le monde est contrôlée par un groupe terroriste qui s'appelle les FARC.
00:26:39Tout à coup, j'entends un bruit qui ressemble à un « bzzz » et notre pilote dit « Ceci est une panne de moteur, messieurs ».
00:26:50Mon cœur s'est mis à battre très fort parce que cet avion n'a qu'un seul moteur.
00:26:55Et je me suis mis à prier. J'étais certain que nous allions mourir.
00:27:03On était au-dessus de montagnes recouvertes d'une triple canopée.
00:27:09Je me souviens m'être accroché à mon siège des deux mains.
00:27:13J'ai fermé les yeux et j'ai senti le premier impact.
00:27:15Quand j'ai rouvert les yeux, on aurait dit que l'avion avait été découpé en deux, comme une boîte de conserve.
00:27:27Dès que j'ai réussi à m'extraire de l'avion, j'ai commencé à entendre des coups de feu tirer dans notre direction.
00:27:39Je pouvais voir un groupe d'hommes et de femmes, très agressifs, tous très jeunes, tous adolescents.
00:27:46Ils se dirigeaient vers nous, ils avaient dégainé leurs fusils et les pointaient vers nous.
00:27:53Et ils nous criaient dessus.
00:27:56Ils nous ont dit « Vous vous mêlez de notre guerre, vous êtes foutus ».
00:28:01Et c'est à peu près tout. Ils nous ont pris en otage.
00:28:04Ils sont pris en train de entrer, dès qu'il y a eu.
00:28:15Quand l'air est au revoir…
00:28:18Quand l'air est apporté…
00:28:23Un avion espiait, un nord-american.
00:28:26Du coup de prison.
00:28:31De l'armée.
00:28:32C'est quoi les prisoners ?
00:28:34C'est quoi les prisoners ?
00:28:36Je suis fort.
00:28:39Je ne suis pas de torturer.
00:28:42Ben, juste attendez pour moi, bébé.
00:28:46Joey, Cody, Destiny...
00:28:48Je t'aime les gars.
00:29:02L'avion dans lequel se trouvait Mark était un appareil de surveillance et de reconnaissance.
00:29:27Lorsqu'ils se sont écrasés, ils étaient en mission pour les autorités colombiennes
00:29:31et les Etats-Unis.
00:29:35Dans les années 70-80, les Etats-Unis ont été confrontés au fléau de la cocaïne
00:29:40et à la violence qui l'accompagne.
00:29:46Ça dévastait les quartiers défavorisés des villes.
00:29:49C'était la menace criminelle la plus importante aux Etats-Unis.
00:29:53Nous avions saisi des kilos de cocaïne à Brooklyn
00:30:02qui avaient les mêmes tampons que ceux trouvaient dans les laboratoires des FARC en Colombie.
00:30:07Il était très difficile de trouver un seul kilo de cocaïne qui ne porte pas l'empreinte des FARC.
00:30:17En 2000, je suis allé à la Maison-Blanche pour parler au président Clinton qui m'avait invité
00:30:31et je lui ai dit que j'allais proposer un plan Marshall pour la Colombie
00:30:35pour lutter contre le trafic de drogue
00:30:37et que nous allions l'appeler le plan Colombie.
00:30:41Je lui ai dit
00:30:43je suis le plus grand producteur de cocaïne au monde
00:30:47et vous, le plus grand consommateur.
00:30:51Je suis pauvre et vous êtes riche.
00:30:54Donc vous allez mettre de l'argent sur la table
00:30:57et moi aussi.
00:30:58Et nous allons éradiquer la drogue colombienne.
00:31:01Il s'agissait sans doute du plus grand programme d'aide approuvé par le Congrès sur le continent américain.
00:31:22L'idée était de donner aux autorités colombiennes des ressources et un entraînement avancé
00:31:30pour qu'elles puissent mener la guerre contre les cartels et contre les FARC.
00:31:51Le plan Colombie nous a été présenté comme un soutien financier des États-Unis à la Colombie
00:31:57pour faire face à ce qu'ils appelaient la menace du trafic de drogue.
00:32:03La soi-disant menace de la drogue.
00:32:05Mais c'était en fait une offensive politique contre la guérilla.
00:32:09Nous voulions faire sauter le vernis politique des FARC, leur légitimité idéologique.
00:32:26Il était essentiel pour la DEA et le ministère de la justice des États-Unis
00:32:30de démontrer qu'il ne s'agissait plus d'idéologie.
00:32:33C'était des barons de la drogue. C'était leur job.
00:32:37Ils n'étaient pas là pour rendre la Colombie meilleure.
00:32:44Au début des années 2000, nous avons décidé de poursuivre plusieurs membres des FARC en justice.
00:32:49Nos enquêteurs ont commencé à rassembler des preuves.
00:32:54On offrait un million de dollars pour chaque capture.
00:32:57C'était notre mise de départ.
00:33:04Mon pseudonyme au sein des FARC, Sonia.
00:33:07Mon job était de collecter un impôt sur la cocaïne.
00:33:12Ce n'est un secret pour personne.
00:33:27Dans de nombreuses régions de Colombie, la feuille de coca et ses dérivés
00:33:31sont les seuls moyens pour les paysans de gagner leur vie.
00:33:46Que faisaient les FARC ?
00:33:48On prélevait un impôt sur chaque kilo de cocaïne.
00:33:51C'était ça mon travail.
00:33:53Alors je disais, combien de kilos vous avez ?
00:33:57300 kilos ?
00:33:58Vous devez me payer une taxe sur ces 300 kilos.
00:34:01Et c'était l'argent qui était remis au FARC.
00:34:09On connaissait le bénéfice net réalisé en une journée.
00:34:13L'énigme, le trou noir en quelque sorte, a toujours été de savoir où allait l'argent.
00:34:17On savait que la consommation de drogue et les fonds provenant du trafic de drogue aux Etats-Unis
00:34:24finançaient les criminels en Colombie.
00:34:29On savait qu'une partie allait à l'enrichissement personnel des FARC.
00:34:32Mais ce qui nous préoccupait le plus, c'était la part de cet argent
00:34:36qui servait à payer les balles et les armes.
00:34:39Les FARC se finançaient par cette taxe sur la cocaïne.
00:34:49Mais l'argent qui entrait était dépensé pour faire vivre une très grande armée.
00:34:54Nos effectifs étaient importants.
00:34:57Par exemple, rien que dans le front 14, celui dont je gérais les finances, nous étions 450.
00:35:03Il fallait nourrir tout le monde, gérer la logistique, la santé.
00:35:08L'argent de la drogue était réinvesti comme ça.
00:35:11Les FARC
00:35:34Au bout d'un an de captivité,
00:35:36les FARC nous ont sortis de l'isolement
00:35:40et nous ont amenés dans un grand camp
00:35:43où ils détenaient beaucoup d'autres otages.
00:35:58Je n'avais jamais rien vu de pareil, seulement à la télé.
00:36:01Ça ressemblait à un camp de concentration nazi.
00:36:05Il y avait des barbelés, des tours de surveillance,
00:36:08des gardes avec des mitraillettes
00:36:10et des gens derrière des clôtures.
00:36:20Ils nous ont amenés dans la partie civile du camp.
00:36:22Ils ont soulevé le loquet de ce qui ressemblait à une porte de prison
00:36:28et ils nous ont dit, rentrez là-dedans.
00:36:31Et là, une femme, une otage, s'est approchée de la porte et a dit,
00:36:36non, non, non, on ne veut pas d'eux ici.
00:36:38Il n'y a pas assez de place.
00:36:39Il n'y a pas assez de place.
00:36:41C'était Ingrid Bettencourt, la femme politique candidate à la présidentielle colombienne.
00:36:48Il n'y a pas assez de place.
00:36:51Quand on a faim, on a faim.
00:36:54On commence à se battre pour des choses totalement absurdes.
00:36:59Pourquoi est-ce qu'un tel va avoir plus de nourriture que l'autre,
00:37:03alors qu'on a tous faim ?
00:37:05Pourquoi est-ce qu'un tel va réussir à ce que le garde lui prête sa machette,
00:37:15et pourquoi pas les autres ?
00:37:29Un conflit peut surgir pour tout et n'importe quoi.
00:37:33Parce qu'un tel a mis à sécher ses vêtements sous le seul rayon de soleil disponible.
00:37:37Parce que l'autre a choisi le meilleur arbre pour y fixer sa tente.
00:37:41Ça devient vite un enfer.
00:37:45On aurait pu s'attendre à plus de fraternité, plus de solidarité entre les otages.
00:37:50Mais disons qu'il y avait parfois des disputes.
00:37:52Et ça, c'est quelque chose qui, je pense, était aussi manipulé par les fans, de nous mettre un petit peu en rivalité, qui est le chef du groupe, qui est celui qui peut donner des ordres aux autres.
00:38:02Nous, on était enchaînés par le coup, sous un arbre, parce que, étant donné que j'avais essayé de m'enfuir de nombreuses occasions,
00:38:17j'étais constamment isolée.
00:38:18Je n'avais pas le droit de parler avec mes compagnons, et je vivais toujours un petit peu à l'écart de tout le monde.
00:38:27Nous avons tous souffert de l'isolement, de la cruauté, des abus physiques et psychologiques.
00:38:42Les femmes, bien sûr. Il y a des choses qui nous font particulièrement mal.
00:38:58Mais j'ai aussi été témoin de la douleur des hommes enchaînés tout le temps.
00:39:03Les militaires enchaînaient les uns aux autres, pour marcher et même pour traverser les rivières.
00:39:09Le risque qu'ils encouraient était énorme. Ces chaînes étaient tellement ignobles.
00:39:19On se sent humiliés, on se sent comme un animal, comme un fauve enchaîné.
00:39:24Ils nous avaient déjà fait perdre la liberté.
00:39:28Mais les chaînes, c'était une humiliation supplémentaire que rien ne pouvait justifier.
00:39:42Les gardes qui nous surveillaient n'avaient aucun respect pour la vie,
00:39:47quelle qu'elle soit, pour les vies humaines ou animales.
00:39:50Nos jolies étaient des gamins, pour la plupart des mineurs.
00:39:56C'étaient des enfants soldats qui faisaient le sale boulot pour les FARC.
00:40:00Ils avaient des croyances et des comportements très immatures.
00:40:06Ils avaient des croyances et des comportements très immatures.
00:40:23Par exemple, un jour, après avoir regardé un film sur les ninjas,
00:40:29ils nous ont demandé si les ninjas existaient vraiment.
00:40:34Et comment ils arrivaient à créer de la fumée pour disparaître.
00:40:38Ils étaient persuadés que c'était vrai.
00:40:41C'est pour ça que c'était des proies faciles pour les FARC.
00:40:44Les FARC étaient chez eux dans la campagne colombienne.
00:40:59Là où l'État, la police, le gouvernement ont toujours été pratiquement inexistants.
00:41:05Ils pouvaient débarquer dans les villages et recruter des mineurs pour les enrôler dans la guerrilla.
00:41:19Ils pouvaient être en part du mouvement.
00:41:44J'étais très jeune.
00:41:45J'allais avoir 10 ans.
00:41:51Quand un jour, 5 ou 6 guerrilleros sont arrivés dans mon école.
00:41:58Et ils nous ont fait un speech à la maîtresse et aux enfants qui étaient là.
00:42:03En nous expliquant qu'ils allaient emmener certains d'entre nous
00:42:07parce qu'on était en âge de rentrer chez les FARC.
00:42:10Et qu'il y avait un quota d'enfants que chaque parent devait à la guerrilla.
00:42:15On m'a choisie, moi, et une dizaine d'autres enfants.
00:42:22Et ils nous ont embarqués dans un petit camion.
00:42:25Je n'ai pas trop compris.
00:42:28Je pensais que c'était une sortie scolaire.
00:42:30J'étais heureuse. Je portais mes cahiers sous le bras.
00:42:32Et ils nous ont emmenés au plus profond de la jungle.
00:42:44Nous étions environ 200 enfants.
00:42:47Presque tous mineurs.
00:42:4816, 15, 9 ans.
00:42:51De simples enfants.
00:42:55Quand j'ai eu 10 ans, ils m'ont envoyée à la formation militaire.
00:42:59C'était terrible.
00:43:18Ces entraînements sont très durs.
00:43:19très, très durs.
00:43:20Mais j'ai réussi.
00:43:22Et ils m'ont envoyée auprès d'un commandant qui s'appelait le Païssa.
00:43:25C'était une personne sanguinaire.
00:43:38Mauvaise.
00:43:40Ce qu'il ordonnait s'exécutait.
00:43:41Sinon, ils se vengeaient et ils tuaient.
00:43:43Dès qu'il m'a vue, je ne sais pas, il m'a dit que je devais être pour lui.
00:43:54Mais je ne comprenais pas.
00:43:56Et il m'a demandé si j'étais vierge.
00:43:58Je lui ai répondu, mais qu'est-ce que c'est que ça ?
00:44:01Il m'a demandé si j'avais déjà été avec un homme.
00:44:04J'ai répondu que non, jamais, jamais de ma vie.
00:44:07J'étais tellement choquée.
00:44:09J'ai dit non, monsieur.
00:44:10Il m'a dit, si on ne dit pas monsieur, on dit camarade, appelle-moi camarade.
00:44:20Il m'a dit, tu dors avec moi ce soir.
00:44:23Que tu le veuilles ou non, c'est un ordre.
00:44:25Et tu sais ce qui arrive à ceux qui n'obéissent pas aux ordres chez les FARC.
00:44:28Ici, soit vous vous exécutez, soit vous êtes exécutés.
00:44:32Cette nuit-là, je suis allée dans son lit et il a commencé à abuser de moi.
00:44:40Les jours et les mois ont passé.
00:44:41J'ai eu 12 ans.
00:44:46Les jours et les mois ont passé.
00:45:02J'ai eu 12 ans.
00:45:05Ils continuaient à me violer.
00:45:06Il avait aussi deux autres femmes.
00:45:10Et je suis tombée enceinte à 13 ans.
00:45:13Et quand c'est arrivé, ils m'ont dit qu'ils allaient me faire avorter.
00:45:16Ils m'ont dit, vous n'êtes pas venu ici pour donner naissance à des enfants, mais pour vous battre pour un peuple.
00:45:24Pour vous battre pour un peuple.
00:45:30C'était très dur.
00:45:33Parce que je ne savais même pas à fond.
00:45:36C'était très difficile.
00:45:37J'ai beaucoup prié.
00:45:40J'ai supplié Dieu de m'aider.
00:45:48J'ai traversé des moments terribles.
00:45:50Je me suis beaucoup accrochée à Dieu.
00:46:01Si.
00:46:02Quand j'ai eu 20 ans, j'ai décidé de m'échapper.
00:46:17Je suis sortie avec tellement de rage et de haine que j'ai commencé à les dénoncer.
00:46:23À dénoncer tout ce que j'avais vécu là-bas et ce que j'avais vu.
00:46:27Les monstruosités que j'avais vues là-bas.
00:46:29Ça les a tellement énervés qu'ils ont commencé à me menacer de mort et à me rechercher pour me tuer.
00:46:47Quand on est arrivés, on nous a dit que c'était une organisation qui défendait le peuple.
00:46:53Mais quel peuple ?
00:46:59Les filles qui arrivaient là à 10, 11, 12 ans, c'était de la chair fraîche pour les commandants.
00:47:09Ce que je veux dire, c'est que mon histoire n'était pas un cas isolé.
00:47:15J'ai vu beaucoup de filles qui ont vécu la même chose que moi.
00:47:18Je vais dire ce que j'ai pu passer aussi.
00:47:19Je vais dire ce que j'avais vu.
00:47:20Je vais dire ce que j'avais vu, moi aussi.
00:47:21Je vais dire ce que j'avais vu.
00:47:22Je vais dire ce qu'il y avait.
00:47:23Pour survivre, on a dû s'endurcir de tout et avec tout le monde.
00:47:49Et tout est devenu normal.
00:47:53S'occuper des otages, les tuer le lendemain, pour moi c'est devenu un truc normal, quotidien.
00:48:00Tout ce qu'il me faisait faire, je le faisais pour survivre.
00:48:16On attendait une négociation pour notre libération depuis tellement d'années.
00:48:20L'évasion était notre seule option.
00:48:23Moi, j'avais dans le projet de vie de m'échapper. C'était ce que je voulais faire. Je voulais partir, rejoindre mes enfants.
00:48:38Parmi les otages, on avait tous des forces et des faiblesses.
00:48:45Mais il y avait un gars qui avait plus de difficultés physiques quand on marchait et qui ne savait pas nager.
00:48:52Il s'appelle John Frank Pinchau. C'était la personne la moins susceptible de tenter une évasion et encore moins susceptible de la réussir.
00:49:03Ce jour-là, à minuit, j'écoutais la radio. Et à un moment donné, une chanson est passée.
00:49:15Ça disait...
00:49:17Et quand j'ai entendu ces deux mots, la vie et la mort, j'ai senti que c'était un signe.
00:49:29J'ai préparé un petit sac à dos et je me suis échappé.
00:49:36J'ai réussi à atteindre la rivière, mais je savais que les guerrieros surveillaient cette zone pour empêcher une opération de libération.
00:49:44J'ai eu de la chance. C'était l'heure de la relève de la garde. J'ai pu échapper à leur attention.
00:49:49Je suis entré dans l'eau. Ingrid m'avait dit de ne pas me laisser emporter au milieu de la rivière, car même pour elle, qui savait bien nager, c'était trop difficile.
00:50:08Mais sans le vouloir, je me suis retrouvé rapidement au milieu de la rivière.
00:50:12J'ai essayé de sortir d'un côté. Impossible. De l'autre, impossible.
00:50:19J'ai commencé à vraiment paniquer.
00:50:22Une panique telle que j'ai même espéré l'espace d'un instant que les guerrieros me retrouvent et me sortent de l'eau.
00:50:30Mais j'ai réussi à retrouver mon calme. Je me suis dit, faut que tu continues.
00:50:36Et j'ai réussi à nager vers une rive où l'eau était plus calme et je suis sorti.
00:50:40Je me suis dit, je suis sorti.
00:50:42Les derniers jours de mon évasion, j'ai remarqué des hélicoptères qui survolaient la région. Et j'ai commencé à me diriger vers eux.
00:51:07J'ai aperçu un petit village, des policiers et les hélicoptères au sol. J'étais tellement heureux. Je me suis précipité dans les bras d'un policier.
00:51:20C'était un mélange de sentiments. Je ressentais la joie d'être enfin libre. Mais en même temps, je sentais aussi toute la douleur accumulée pendant toutes ces années.
00:51:47J'ai beaucoup pleuré à ce moment-là. J'ai lâché les vannes.
00:51:57Ensuite, un officier m'a tendu un téléphone satellite et m'a dit, je vous passe votre maman. J'ai dit non, ce que je veux, moi, c'est aller sauver mes compagnons.
00:52:15Il m'a répondu, non, vous avez déjà fait votre part. Laissez-nous faire le reste.
00:52:19On aperçoit à peine son visage, mais son sourire est bien visible. Et il est pour sa mère.
00:52:31Six ans, quatre mois et dix-huit jours qu'elles ne se sont pas vues.
00:52:49Qu'est-ce que je vais trouver dans cette vie ? Papa n'est plus là. Je sais que mon mari est avec quelqu'un d'autre.
00:53:04Je n'ai pas du tout envie de revenir en politique.
00:53:10Quelle va être ma vie ? C'est qui je suis ? Est-ce que je pourrais être maman à nouveau ?
00:53:16Lorsqu'on capture Mélanie à 16 ans, Lorenzo en a 13, et là, je vais voir une femme de 23 ans et un âme de 19.
00:53:26Est-ce qu'il en a reconnaître ?
00:53:40C'était inouïe d'intensité. Les voir, les toucher, les prendre dans les bras.
00:54:04Vous les imaginez comme ça ?
00:54:12Oui, j'imaginais qu'ils étaient très bien, mais pas aussi bien. Ils sont merveilleux, ils sont très beaux.
00:54:18Ils m'ont volé huit ans et demi de ma vie.
00:54:42J'ai été enchaîné, privé de liberté, privé de tout ce que j'aurais pu vivre.
00:54:50Ça, je l'ai enduré, je l'ai dépassé.
00:54:54Mais ils ont aussi fait du mal à ma famille, à mes parents, à mes sœurs, à mes neveux, à mes oncles.
00:55:00L'angoisse de ne pas savoir où j'étais les a rendus malades et les a fait vieillir prématurément.
00:55:12Moi, je n'aime pas le terme de syndrome post-traumatique.
00:55:16J'ai l'impression que les gens l'utilisent à tout va.
00:55:18Tout le monde dit qu'il en souffre.
00:55:20Eh bien, moi, je ne veux pas souffrir de syndrome post-traumatique.
00:55:23Je ne veux pas le dire aux gens. Je ne veux pas ça.
00:55:29Je dirais juste que la captivité laisse des cicatrices.
00:55:33Certaines s'effacent, d'autres restent.
00:55:38Je rêve encore parfois que je suis sur le point de mourir.
00:55:48Et dans ce cas-là, ce que je fais, c'est que je me force à me réveiller.
00:55:53Je serre mes chiots dans mes bras, j'embrasse ma femme et je me recouche.
00:55:58Colombie, la paix confisquée, paroles d'otages, documentaires réalisés par Julie Perard et Christophe Astruc.
00:56:21De quoi se remémorer, vous venez de le voir.
00:56:23Les heures sombres de la guerre civile larvée entre la guérilla armée des Farc et le pouvoir central
00:56:29dans un pays en outre toujours gangréné par le narcotrafic et la corruption,
00:56:34même s'il demeure la plus vieille démocratie d'Amérique latine.
00:56:39Et maintenant, quel avenir politique pour la Colombie ?
00:56:42Nous allons en débattre avec nos invités présents aujourd'hui sur ce plateau de Débat Doc.
00:56:46Mathilde Alain est tout d'abord avec nous.
00:56:48Bienvenue à vous.
00:56:49Vous êtes maître de conférences en sciences politiques à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine,
00:56:54Sorbonne.
00:56:55Nouvelle, c'est évidemment le titre de votre établissement.
00:56:59Et chercheuse au centre de recherche et de documentation sur les Amériques.
00:57:04Le crédat, je crois, concernant ce centre de recherche.
00:57:08Et Léonore Carroi est également avec nous.
00:57:10Bonjour.
00:57:11Bienvenue à vous.
00:57:12Vous êtes député ensemble représentant les Français établis en Amérique latine et aussi aux Caraïbes
00:57:17et vice-présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.
00:57:22Et puis enfin avec nous, Kevin Partenet.
00:57:23Bonjour.
00:57:24Bienvenue à vous aussi.
00:57:25Vous êtes professeur de sciences politiques, relations internationales à l'Université de Tours
00:57:30et auteur de Crise en Amérique latine, les démocraties déracinées 2009-2019.
00:57:37C'est un ouvrage qu'on peut se procurer chez Armand Collin.
00:57:41On vient de voir ce documentaire, peut-être avant de parler d'aujourd'hui.
00:57:46Revenons sur cette fameuse période et cette guerre civile larvée, appelons les choses comme ça,
00:57:52entre environ 1990 et 2016.
00:57:552016, c'est une date importante.
00:57:57Ce sont les accords de la Havane et qui signent finalement la paix, la fin de cette confrontation
00:58:04entre le pouvoir central et les Farc.
00:58:06On peut dresser un rapide bilan de ce qu'a été, et notamment un bilan humain de ce qu'a été cette période en Colombie aujourd'hui ?
00:58:13Oui, en effet, il y a un gros travail qui a été fait par la commission de la vérité.
00:58:17C'est une commission qui s'est réunie à la suite des accords de paix signés entre les Farc et le gouvernement colombien en 2016 à la Havane.
00:58:25Et on connaît en fait l'ampleur des exactions et des violations des droits humains.
00:58:29Et quelle est-elle cette ampleur ?
00:58:30Eh bien, pour vous donner quelques chiffres, on a par exemple 120 000 disparus, donc des personnes qui ont été tuées
00:58:37ou dont on ne sait pas en fait où se trouve leur corps.
00:58:40Donc c'est aussi des milliers de familles qui sont à la recherche d'un proche.
00:58:44On a 50 000 personnes, plus de 50 000 personnes qui ont été séquestrées et on a plus de 450 000 personnes qui ont été tuées.
00:58:54Plus de 80 % ce sont des civils.
00:58:56Donc c'est avant tout un conflit interne plutôt contre les civils qu'une guerre civile.
00:59:00Et les Farc ne sont pas les seuls perpétrateurs des violences.
00:59:04Il y a d'autres types d'acteurs, des groupes paramilitaires, mais aussi l'armée colombienne.
00:59:09Tout ça se sait assez bien maintenant puisqu'on a tout un processus de justice, de transition qui est à l'œuvre en Colombie aujourd'hui.
00:59:15Alors c'est justement la question que j'allais vous poser.
00:59:18Est-ce que justice sera faite concernant ces victimes que vous venez de dénumérer ?
00:59:24Alors le processus actuel c'est ce qu'on appelle la justice transitionnelle, c'est-à-dire une justice qui permet de passer d'une situation de conflit à une situation de paix.
00:59:32Le but n'est pas de punir mais plutôt de connaître la vérité, connaître les faits et permettre aux personnes, aux victimes de se reconstruire.
00:59:41Et surtout aux perpétrateurs des violences de dire aussi leur vérité sur le conflit.
00:59:47C'est plutôt une justice qui permet de pacifier la société, de réconcilier une société meurtrie depuis plusieurs années.
00:59:55Le processus est en cours.
00:59:57La plupart des chefs guerrieros des FARC ont accepté de faire partie de ce processus.
01:00:03Donc en échange de la vérité, ils ont une réduction de peine.
01:00:06Et on a aussi un certain nombre de hauts commandants de l'armée qui commencent à faire partie du processus de justice puisqu'il s'agit aussi de juger les crimes côté Etat autant que les crimes commis par les guerriers.
01:00:18On va voir une carte pour resituer bien sûr la Colombie en Amérique latine avec sa capitale bien sûr Bogota.
01:00:2651,2 millions d'habitants aujourd'hui en Colombie et la quatrième plus grande économie d'Amérique latine, la troisième en Amérique du Sud.
01:00:34Et un tout nouveau président ou presque qui a été élu en 2022, c'est le premier président de gauche élu en Colombie.
01:00:41Son nom est Gustavo Pedro qui veut lui instaurer une paix totale dit-il en Colombie aujourd'hui.
01:00:48Autrement dit, la paix qui avait été signée en 2016 était une forme de paix factice jusqu'à maintenant ?
01:00:55Non, alors ce n'était pas une paix factice mais c'était une paix qui ne concernait pas tous les acteurs de cette situation qui était une situation de violence, de guerre civile qui a duré, vous l'avez rappelé, pendant des décennies et qui aujourd'hui, malgré une nette amélioration de la situation depuis 2016, continue d'exister dans certains endroits du territoire colombien.
01:01:19Alors Gustavo Pedro, moi j'avais eu la possibilité en tant que député des français d'Amérique latine et des caribes d'assister à son investiture justement, écouter son discours et sa volonté d'avoir une paix plus globale qui inclut aussi des groupes purement criminels mais qui, sur le plan géopolitique, géographique, jouent un rôle et un rôle néfaste et donc ils voulaient les intégrer aussi dans ce processus de justice transitionnelle qui vient de nous être expliqué.
01:01:47Mais cette volonté de paix totale se heurte à des difficultés avec un certain nombre de groupes, notamment l'Ejército de Libération Nationale, l'ELN qui est aussi un groupe guerrillero qui ne fait pas partie du premier processus de paix et qui aujourd'hui est toujours un pourparler mais c'est pourparler semble un peu s'embourbé et ça semble assez compliqué.
01:02:09Là aussi nous sommes concernant ce groupe sur un groupe d'obédience marxiste comme l'étaient les Farc ?
01:02:17Oui alors avec quelques nuances et je laisserai peut-être les professeurs vous en dire plus mais aussi avec une partie de théologie de la libération mais il y a une forme de porosité entre ces groupes qui sont vraiment avec des fondements idéologiques qui se sont créés dans les années 60 etc.
01:02:32et la réalité aujourd'hui qui est très liée il faut le dire au commerce de la drogue, au narcotrafic et à des systèmes économiques qui existent aujourd'hui sur ce territoire colombien et qui affectent la population et qui créent toujours ce cycle de la violence.
01:02:46On n'en est pas complètement sorti même s'il y a eu depuis 2016, on doit le dire, en tout cas dans les métropoles et dans certains territoires colombiens, une nette amélioration.
01:02:54C'est vrai que j'ai énuméré les principaux secteurs forts de l'économie colombienne mais alors au chapitre économie informelle, cette fameuse économie informelle, je ne sais pas très bien ce qu'on y met dedans mais vous allez nous le dire,
01:03:0647% de cette économie informelle représenterait aujourd'hui l'économie colombienne. Qu'est-ce qu'on y met justement dans cette fameuse économie informelle ?
01:03:15Comme dans beaucoup d'autres pays latino-américains ce sont du travail avant toute chose, dans l'économie la force de travail dans les secteurs informels
01:03:22très importantes, comme pour le Brésil, comme pour le Pérou, d'autres pays.
01:03:29Évidemment en termes de ressources, vous évoquiez le pétrole, vous évoquiez les minerais, ça c'est des ressources qui sont partie prenante justement du développement de ces secteurs informels
01:03:38qui empruntent justement des routes allant jusqu'aux Etats-Unis, allant jusqu'en Europe, circulant dans le continent latino-américain
01:03:46et qui s'appuient beaucoup sur des forces humaines, sur les ressources humaines.
01:03:49Et c'est ce qui je crois historiquement a aussi beaucoup expliqué, les raisons pour lesquelles vous retrouvez de la violence, des violences armées,
01:03:55c'est que ces ressources circulent pas uniquement par des machines mais par des êtres humains qui amènent justement ces denrées illicites
01:04:02dans d'autres parties du continent et qui démultiplient ce facteur violence, ce facteur insécurité.
01:04:09Et ça, l'informalité contribue beaucoup effectivement aux enjeux de sécurité, aux enjeux d'instabilisation.
01:04:16Enfin en termes de sécurité humaine, c'est ça qui pose le plus de problèmes.
01:04:19La Colombie se différencie d'autres pays d'Amérique latine sur ce point ?
01:04:23Ou on retrouve le même phénomène dans d'autres pays d'Amérique latine ?
01:04:27On le retrouve dans d'autres pays latino-américains, notamment en Bolivie, le Pérou, l'Équateur,
01:04:31qui sont des pays producteurs de, notamment là pour la Colombie dont on a parlé, ce qui est évoqué dans le documentaire,
01:04:36des feuilles de coca, qui sont producteurs de matières qui vont générer la production de ressources illicites.
01:04:42La drogue en particulier, qui n'est pas consommée directement sur les territoires,
01:04:46mais qui est consommée plutôt en Amérique et puis en Europe.
01:04:50Elle est produite, transformée en Colombie et ensuite distribuée à l'extérieur.
01:04:55Exactement, transformée en territoire.
01:04:58C'est ce que l'on met souvent en avant, c'est que la production de valeur se fait à la sortie du territoire.
01:05:04Une fois que la substance a été transformée et qu'elle passe à la consommation dans le marché international des substances illicites,
01:05:12c'est là qu'elle prend de la valeur et c'est là qu'on alimente des réseaux, des réseaux de criminalité, des réseaux de commerce illicite.
01:05:20Effectivement, c'est un problème qui se trouve dans beaucoup de pays latino-américains
01:05:24qui ont, dans leur modèle économique, la production de ressources primaires de cette nature.
01:05:28Alors, la culture de coca, la cocaïne, problème numéro un, semble-t-il, qui gangrène le pouvoir politique, le pouvoir économique dans ce pays.
01:05:37Et ce n'est pas nouveau, la preuve avec cet extrait du film que nous venons de voir,
01:05:41où Andrés Pastrana, qui est ancien président de la République colombien, qui s'exprime.
01:05:45En 2000, je suis allé à la Maison-Blanche pour parler au président Clinton qui m'avait invité
01:05:51et je lui ai dit que j'allais proposer un plan Marshall pour la Colombie pour lutter contre le trafic de drogue
01:05:58et que nous allions l'appeler le plan Colombie.
01:06:01Je lui ai dit
01:06:03« Je suis le plus grand producteur de cocaïne au monde
01:06:08et vous, le plus grand consommateur.
01:06:12Je suis pauvre
01:06:13et vous êtes riche.
01:06:15Donc, vous allez mettre de l'argent sur la table
01:06:17et moi aussi.
01:06:19Et nous allons éradiquer la drogue colombienne. »
01:06:23Il a été président Andrés Pastrana
01:06:26entre 98 et 2002.
01:06:28Autrement dit, finalement, le problème n'est pas nouveau.
01:06:30C'est le moins qu'on puisse dire.
01:06:30Il était question du fameux plan Colombie à l'époque
01:06:33en association avec les Etats-Unis.
01:06:37Rien n'a changé depuis cette période
01:06:39où les choses ont vraiment évolué pour lutter justement
01:06:42contre à la fois la culture, la transformation de la cocaïne
01:06:45et la distribution de la cocaïne dans les pays,
01:06:49soit l'Amérique, qui a été un grand consommateur,
01:06:51qui l'est peut-être un peu moins aujourd'hui,
01:06:52et l'Europe aujourd'hui.
01:06:53Alors, rien n'a changé.
01:06:56La production de cocaïne est encore plus importante aujourd'hui.
01:06:59Donc, aujourd'hui, les producteurs de cocaïne
01:07:03sont devenus plus performants.
01:07:05C'est-à-dire qu'on produit plus sur un hectare,
01:07:08donc une productivité en hausse,
01:07:10et les transformations, donc les laboratoires
01:07:12où on transforme la cocaïne, sont aussi devenus plus efficaces.
01:07:16Si on revient sur cet extrait,
01:07:17là, on est en train de parler du plan Colombie,
01:07:20mais en fait, finalement, la participation des Etats-Unis
01:07:22dans le conflit colombien, elle est plus ancienne.
01:07:23Elle s'ancre aussi dans une volonté des Etats-Unis
01:07:26de contenir les guérillas,
01:07:28les idéaux révolutionnaires,
01:07:30et dans une politique anticommuniste.
01:07:31Donc, on revient toujours à une intervention états-unienne
01:07:34autour de l'anticommunisme,
01:07:36qui va se transformer en une politique antidrogue,
01:07:38avec vraiment une aide financière très importante.
01:07:41L'armée colombienne devient une armée de métiers
01:07:44très équipée, grâce en partie à l'aide états-unienne.
01:07:48Ce sont des financements très importants.
01:07:49Mais il faut aussi...
01:07:51Si j'entends bien ce que vous me dites,
01:07:53finalement, c'est un échec.
01:07:56Alors, de nombreuses...
01:07:57Productions record de cocaïne en 2023 en Colombie.
01:08:01En fait, c'est qu'il faut revenir aux raisons,
01:08:03je pense, un peu structurelles.
01:08:04Pourquoi les personnes produisent de la feuille de coca ?
01:08:07En fait, à l'origine, c'est surtout un échec de développement,
01:08:09puisque les personnes qui produisent,
01:08:11ce sont des paysans qui produisent la feuille de coca,
01:08:14ce sont des personnes qui vivent dans des zones très éloignées,
01:08:16très peu de ressources.
01:08:17Alors, par nécessité économique,
01:08:19mais aussi par contrainte,
01:08:21parce qu'on est dans des secteurs vraiment très violents
01:08:24où il y a eu fortes contraintes pour produire.
01:08:26Et donc, ces personnes-là,
01:08:27elles ne gagnent que très peu, finalement,
01:08:29et elles n'ont pas d'autre possibilité
01:08:31de produire autre chose que de la feuille de coca.
01:08:33Donc, la possibilité avait été ouverte,
01:08:35avec les accords de la Havane,
01:08:37justement, de permettre aux personnes
01:08:39de produire autre chose,
01:08:40avec des financements, justement,
01:08:42dirigés vers la transformation des campagnes.
01:08:44C'est là, peut-être, qui est le cœur, finalement...
01:08:46Dans le cadre d'une réforme agraire ?
01:08:48Bien sûr, la clé de la transformation.
01:08:50Pourquoi les personnes produisent,
01:08:51et après, pourquoi les personnes consomment,
01:08:52c'est une autre question.
01:08:54Le bilan concernant cette lutte contre
01:08:56la production, la transformation de cocaïne sur place ?
01:09:01C'est difficile de faire un bilan,
01:09:03parce que c'est un processus qui est un processus en mouvement,
01:09:06et qui, finalement, est un processus international.
01:09:09Il est long, en tout cas.
01:09:09Il est long, et il nous concerne, en fait.
01:09:11Et c'est ça qui est important,
01:09:12parce qu'on a l'impression qu'on est en train de parler
01:09:14d'un pays qui est très éloigné,
01:09:16duquel, finalement, en France,
01:09:18on connaît assez peu de choses,
01:09:20mais ça nous concerne directement.
01:09:21Parce que ce qui fait qu'une culture en Colombie
01:09:24soit rentable pour un paysan colombien,
01:09:27c'est aussi que le commerce international soit équitable,
01:09:32c'est aussi qu'il soit payé à son juste prix,
01:09:34c'est qu'il soit plus rentable de produire du café ou du cacao
01:09:38que de produire, par exemple, de la feuille de coca.
01:09:41Et de la même façon, on l'a dit,
01:09:44le narcotrafic, c'est un phénomène international.
01:09:46Le consommateur, il se trouve, pour sa grande majorité,
01:09:50en dehors de la Colombie.
01:09:51Donc il y a aussi une responsabilité,
01:09:53ou en tout cas une nécessité de coopérer à l'international
01:09:56pour contrer ce fléau.
01:09:59Et je pense qu'on regarde souvent
01:10:01ce qui se passe sur notre territoire,
01:10:03les effets du narcotrafic en France qui sont réels
01:10:05et qui sont malheureusement de plus en plus visibles
01:10:07avec une délocalisation de cette violence
01:10:10du narcotrafic sur notre territoire.
01:10:12Mais en réalité, cette violence,
01:10:13elle existe depuis des décennies en Amérique latine.
01:10:17Et je pense que pour la combattre,
01:10:18il faut la combattre de manière coordonnée
01:10:20et que la coopération internationale
01:10:22sur ce plan-là est essentielle.
01:10:23l'influence du narcotrafic en Colombie.
01:10:27On a vu dans ce documentaire
01:10:28que les FARC prenaient, enregistraient des dîmes
01:10:32de l'impôt sur ce trafic sur le marché intérieur.
01:10:36Et là, on n'est plus du tout dans le combat politique.
01:10:38On est sur du narcotrafic pur et simple.
01:10:41Est-ce que les choses continuent ?
01:10:42Est-ce que la cocaïne alimente à nouveau
01:10:44d'autres guérillas armées qui subsistent,
01:10:47vous l'avez dit, aujourd'hui dans le pays ?
01:10:49Oui, c'est un phénomène qui continue.
01:10:51C'est ce que Mathilde Allain a expliqué.
01:10:53Tant que la production ne change pas la finalité,
01:10:55l'usage de cette production ne va pas changer non plus.
01:10:57Elle va continuer à alimenter des réseaux.
01:11:00Ce qui est très bien montré dans le documentaire,
01:11:02c'est aussi la très grande difficulté de l'État
01:11:04à contrôler une partie du territoire.
01:11:07Et dès lors que sur cette difficulté
01:11:09de contrôle territorial par l'État,
01:11:10avec l'existence de groupes, justement,
01:11:14qui essayent de survivre,
01:11:16c'est également un point qui est bien montré
01:11:19dans le documentaire.
01:11:20Ces groupes-là et les FARC à l'époque
01:11:21cherchaient à survivre.
01:11:24Et pour alimenter leur capacité à agir,
01:11:26ils devaient tirer profit d'un commerce
01:11:28qui était certes illicite.
01:11:29Mais à partir du moment où ces groupes
01:11:30continuent à exister,
01:11:32vous avez des ressources qui sont recherchées
01:11:34pour cela.
01:11:35Donc ça continue.
01:11:36Et puis, comme on l'a tous rappelé,
01:11:38cette problématique,
01:11:40elle est profondément transnationale.
01:11:43Et tant que les consommateurs
01:11:45continueront à exister,
01:11:47c'est des réalités qu'on n'arrivera pas
01:11:50à faire disparaître.
01:11:50Et on parlait à l'instant
01:11:51des initiatives nécessaires
01:11:53de coopération internationale.
01:11:55Je crois que si ça continue à exister
01:11:56en Colombie,
01:11:57les réponses qui doivent être apportées
01:12:00doivent largement dépasser la Colombie.
01:12:01C'est l'Amérique latine,
01:12:03mais c'est également les États-Unis,
01:12:05c'est l'Europe.
01:12:06Ce sont des alliances,
01:12:07ad hoc ou plus pérennes,
01:12:09mais internationales,
01:12:10qui doivent s'établir,
01:12:12se forger
01:12:13pour pouvoir combattre le phénomène.
01:12:15Gustavo Petro,
01:12:16dont on a parlé tout à l'heure,
01:12:17président de la Colombie depuis 2022,
01:12:19que met-il en place concrètement
01:12:21pour lutter contre ce narcotrafic
01:12:24dans son pays aujourd'hui ?
01:12:25En interne,
01:12:26au niveau de la Colombie,
01:12:27il a ouvert un processus
01:12:28qui s'appelle la paix totale.
01:12:30Cette volonté
01:12:30qui a déjà été un petit peu évoquée
01:12:32de dialoguer avec tous les groupes.
01:12:34C'est l'idée de dire
01:12:35qu'il faut de toute façon
01:12:36ouvrir des cycles de négociations
01:12:37avec tous ces groupes.
01:12:38Alors, tous les groupes,
01:12:38les groupes politiques,
01:12:39obédience politique,
01:12:40mais aussi les narcotrafiquants,
01:12:42où les deux se mélangent ?
01:12:43La proposition,
01:12:44c'est celle d'ouvrir des négociations
01:12:46avec tout le monde.
01:12:47Alors, la difficulté,
01:12:48c'est qu'on ne parle pas
01:12:49de la même façon
01:12:50avec un groupe
01:12:51qui a des vocations politiques
01:12:53ou des idéaux
01:12:54qu'avec un groupe armé
01:12:57qui base son activité
01:12:59uniquement sur le narcotrafic.
01:13:00Mais on a pu voir
01:13:01que les politiques
01:13:02qu'on dit de Manodura,
01:13:04donc un peu fortes,
01:13:05ne permettent pas non plus
01:13:06d'indiquer ce phénomène.
01:13:08Aujourd'hui,
01:13:08dans le nord de la Colombie,
01:13:09on a 30 000 militaires
01:13:11qui sont dédiés
01:13:12à la lutte contre le narcotrafic.
01:13:14Et on voit qu'en fait,
01:13:15ça n'a aucun impact
01:13:16sur la situation.
01:13:18Les voies d'acheminement
01:13:19de la cocaïne sont modifiées.
01:13:22On est face
01:13:22à des entreprises transnationales
01:13:23qui sont très fluides,
01:13:25qui s'adaptent,
01:13:25qui coopèrent.
01:13:26On n'est plus face
01:13:27à des grands cartels
01:13:28comme on pouvait avoir
01:13:29avec Pablo Escobar.
01:13:30Comment ne pas citer
01:13:32le nom de Pablo Escobar
01:13:33dans cette émission
01:13:34dédiée à la Colombie ?
01:13:35Décédé et tué
01:13:37par les forces armées centrales
01:13:40en 1993.
01:13:41Tout à fait.
01:13:42Donc, en fait,
01:13:43les têtes ne sont plus
01:13:44si facilement identifiables.
01:13:45On est face
01:13:46à des petits groupes
01:13:47qui vont se recomposer.
01:13:48Donc, il est extrêmement difficile
01:13:49de nous lutter
01:13:50contre cette fluidité.
01:13:52On voit que les voies
01:13:53changent rapidement.
01:13:55L'Équateur est maintenant
01:13:56aussi en proie
01:13:57à des scènes de violence
01:13:58depuis un ou deux ans,
01:14:00notamment parce que
01:14:01les ports d'acheminement
01:14:03sont ceux de l'Équateur
01:14:04actuellement.
01:14:05Qu'est-ce qu'on propose
01:14:07à ceux qui sont autour
01:14:08de la table
01:14:09et parmi eux
01:14:10des narcotrafiquants
01:14:11du côté du pouvoir
01:14:12central colombien
01:14:13justement,
01:14:14pour un temps soit peu
01:14:15modifier la situation,
01:14:16mettre en place
01:14:16des cultures subsidiaires,
01:14:19une activité économique
01:14:20subsidiaire ?
01:14:21Qu'est-ce qu'on propose
01:14:22à des narcotrafiquants
01:14:23quand on les a autour
01:14:24d'une table aujourd'hui
01:14:25en Colombie ?
01:14:26C'est là où c'est
01:14:26très compliqué
01:14:27et où c'est difficile
01:14:28à accepter par une partie
01:14:30de la population colombienne
01:14:31parce qu'on est en train
01:14:32de parler de personnes
01:14:33qui, sans aucun doute,
01:14:35se sont livrées
01:14:37à des opérations criminelles
01:14:39et parce qu'on a un pays
01:14:41qui est extrêmement meurtri.
01:14:42Il n'y a pas un Colombien
01:14:45avec qui on parle,
01:14:45c'est très empirique
01:14:46mais c'est assez réel,
01:14:48on peut le vérifier
01:14:48avec les chiffres,
01:14:49qui n'a pas dans sa famille,
01:14:51dans son cercle proche,
01:14:52quelqu'un qui a été
01:14:53soit kidnappé,
01:14:54soit tué,
01:14:55soit disparu.
01:14:56Donc le processus de paix
01:14:57c'est un processus long.
01:14:58Les accords dont on parlait
01:14:59de 2016,
01:15:00c'est vrai que ça va faire
01:15:0110 ans
01:15:02mais en réalité
01:15:0310 ans c'est rien
01:15:04lorsque l'on voit
01:15:05le degré de violence,
01:15:07l'intensité
01:15:08et surtout à quel point
01:15:09c'est quelque chose
01:15:10qui est présent
01:15:11dans toute la société colombienne.
01:15:13Donc aujourd'hui
01:15:14ce processus de paix
01:15:15il est à la fois je pense
01:15:16souhaité par une grande partie
01:15:17de la population
01:15:18parce qu'on se rend compte
01:15:19que malgré les accords
01:15:20de 2016,
01:15:22la violence continue
01:15:23et même elle s'accroît
01:15:25dans certaines zones,
01:15:27dans certains territoires.
01:15:28On a des personnes
01:15:28qui reprennent les armes,
01:15:30des groupes
01:15:30qui se recomposent
01:15:32et en même temps
01:15:33la solution n'est pas évidente
01:15:34parce que ce processus
01:15:35justement
01:15:36de pardon,
01:15:37de dialogue
01:15:38est un processus difficile
01:15:39et je pense que c'est
01:15:39assez bien montré
01:15:40dans le documentaire
01:15:41surtout avec la jeune fille
01:15:42à la fin
01:15:42qui a perdu son père
01:15:44et qui se réjouit
01:15:46de ce qu'il y ait
01:15:47un dialogue
01:15:48et une forme
01:15:49de paix
01:15:50de processus judiciaire
01:15:52mais qui ne semblent pas
01:15:53complètement convaincus
01:15:55et je pense que c'est un peu
01:15:56à l'image
01:15:56de cette société colombienne
01:15:58qui veut cette paix totale
01:15:59mais qui n'est pas prête
01:16:00à tout pardonner
01:16:01à tout le monde aujourd'hui
01:16:02et je pense qu'on peut
01:16:03les comprendre.
01:16:04Est-ce que cette population
01:16:05colombienne
01:16:05compte tenu de tout
01:16:07ce qui s'est dit là
01:16:07croit encore à la démocratie ?
01:16:09On a l'impression
01:16:10qu'on a une démocratie
01:16:11qui est toujours sur le fil
01:16:12en Colombie
01:16:12et c'est pourtant
01:16:13la plus ancienne
01:16:15démocratie d'Amérique latine.
01:16:17Alors je crois
01:16:17quand on regarde
01:16:18la Colombie
01:16:18par les chiffres
01:16:20fort heureusement
01:16:21c'est un des pays
01:16:22qui ne sombre pas
01:16:23dans l'attachement
01:16:24à la démocratie
01:16:25et je crois qu'il faut
01:16:26s'en réjouir toujours
01:16:26parce que beaucoup de pays
01:16:27ont tendance à décliner
01:16:29dans l'idée de savoir
01:16:30si la démocratie
01:16:31au final est le meilleur
01:16:32des régimes
01:16:32pour pouvoir gouverner.
01:16:34On voit quand même
01:16:34une chute assez significative
01:16:35dans beaucoup de pays.
01:16:36La Colombie tend à résister
01:16:38et je crois
01:16:38pour une bonne raison
01:16:39c'est qu'on a vécu
01:16:41il y a quelques années
01:16:41avec l'élection
01:16:42de Gustavo Petro
01:16:42une alternance
01:16:44qui était historique
01:16:45pour le pays
01:16:46première fois
01:16:46de l'histoire du pays
01:16:47qu'un président de gauche
01:16:48dans une coalition
01:16:49de centre-gauche
01:16:50arrive au pouvoir
01:16:50dans un moment
01:16:52où la situation politique
01:16:53du pays
01:16:53était quand même
01:16:54très agitée
01:16:55énormément de protestations
01:16:56sociales
01:16:57différents secteurs
01:16:58qui s'étaient développés
01:16:59dans les années-mois
01:17:01qui précédaient les élections
01:17:02et on a eu
01:17:03une élection
01:17:04qui a permis
01:17:05de canaliser
01:17:05la demande sociale
01:17:06avec une alternance
01:17:07et puis une contre-proposition
01:17:09sociétale
01:17:09ça je crois
01:17:11que ça fait partie
01:17:11quand même
01:17:12d'une des bonnes garanties
01:17:13de la vitalité
01:17:14de la démocratie
01:17:15dans le pays
01:17:15même si on l'a vu
01:17:16le documentaire Le Monde
01:17:17rien n'est parfait
01:17:19il y a beaucoup de problèmes
01:17:21institutionnels
01:17:22économiques
01:17:23d'inégalité sociale
01:17:24mais sur le plan
01:17:25de la confiance
01:17:26dans les institutions
01:17:27alors encore que la confiance
01:17:28on peut peut-être
01:17:29on pourrait discuter
01:17:30longtemps dessus
01:17:30mais confiance
01:17:31dans les institutions
01:17:32ou robustesse de l'Etat
01:17:33à faire en sorte
01:17:34qu'un gouvernement démocratique
01:17:36reste légitime
01:17:37et soit en place
01:17:38ça je crois qu'en Colombie
01:17:39on est encore
01:17:39pas si mal placé
01:17:42C'est aussi votre avis ?
01:17:44Oui c'est tout le paradoxe colombien
01:17:45il y a un attachement fort
01:17:47En tout cas avec notre regard
01:17:48nous français
01:17:49je dirais même européens
01:17:50sur ce pays
01:17:51Oui c'est tout le paradoxe
01:17:53il y a un attachement très fort
01:17:54en Colombie aux institutions
01:17:55les institutions
01:17:56globalement elles fonctionnent
01:17:57notamment les institutions
01:17:58liées à la justice
01:17:59elles fonctionnent bien
01:18:00on voit qu'on a un processus
01:18:01de paix très moderne
01:18:02qui fait figure
01:18:03même par beaucoup d'exemples
01:18:05avec des processus
01:18:06vraiment très novateurs
01:18:08et en même temps
01:18:09on a cet État
01:18:10alors solide
01:18:11en termes institutionnels
01:18:12mais qui n'arrive pas
01:18:14à être présent
01:18:14sur tout son territoire
01:18:15donc en fait
01:18:15il y a vraiment un problème
01:18:16aussi de présence de l'État
01:18:17dans tous les villages
01:18:19dans tous les endroits
01:18:20de Colombie
01:18:21et c'est là vraiment
01:18:22que le bas blesse
01:18:23Son rapport avec
01:18:24on va peut-être voir la carte
01:18:26à l'instant
01:18:26c'est de proximité
01:18:27avec le Venezuela
01:18:28et évidemment
01:18:29avec le régime Maduro
01:18:30Chavez hier
01:18:31Maduro aujourd'hui
01:18:32il y a eu une émigration
01:18:33visiblement émigration
01:18:34je dis bien
01:18:35importante
01:18:36du Venezuela
01:18:37en Colombie
01:18:38je crois que c'est
01:18:39de l'ordre de 2 millions
01:18:40de personnes
01:18:40est-ce que ça peut
01:18:41déstabiliser un tant soit peu
01:18:42justement la situation
01:18:44économique et sociale
01:18:45de la Colombie
01:18:45aujourd'hui
01:18:46cette émigration
01:18:47auxquelles on assiste
01:18:48venant de la Venezuela
01:18:49et du régime
01:18:50aujourd'hui
01:18:51Maduro
01:18:51alors en effet
01:18:53c'est des flux
01:18:54très importants
01:18:54parce que la plupart
01:18:55une grande partie
01:18:56des Vénézuéliens
01:18:57va d'abord en Colombie
01:18:58avant d'être vraiment
01:18:59dispersé dans toute
01:19:00l'Amérique latine
01:19:01c'est un phénomène régional
01:19:02c'est vraiment massif
01:19:03c'est un des plus grands
01:19:04phénomènes migratoires
01:19:05pour l'Amérique latine
01:19:07c'est impressionnant
01:19:08la Colombie
01:19:09a aussi une longue
01:19:10culture d'accueil
01:19:11les Vénézuéliens
01:19:11et les Colombiens
01:19:12sont très proches
01:19:13culturellement
01:19:13donc dans un premier temps
01:19:14il y a vraiment eu
01:19:15une dynamique d'accueil
01:19:16qui parfois aussi
01:19:17peut être instrumentalisée
01:19:18politiquement
01:19:19comme dans d'autres contextes
01:19:20donc la question migratoire
01:19:22reste forcément
01:19:22question importante
01:19:24il faut rappeler
01:19:24que la Colombie
01:19:26a connu aussi
01:19:268 millions
01:19:27de déplacés internes
01:19:28donc les flux de population
01:19:29la Colombie
01:19:30connaît
01:19:32et on a des institutions
01:19:33qui savent aussi
01:19:34faire face
01:19:34à ce type de situation
01:19:35et finalement
01:19:36les Vénézuéliens
01:19:37se sont insérés
01:19:38progressivement
01:19:38dans la société colombienne
01:19:40on a évoqué
01:19:41les secteurs économiques
01:19:42qui sont porteurs
01:19:43pour ce pays
01:19:43notamment aussi
01:19:44et surtout
01:19:45l'hydrocarbure
01:19:46il y a un schéma
01:19:49post-hydrocarbure
01:19:51aujourd'hui
01:19:51en Colombie
01:19:52est-ce qu'on peut arriver
01:19:53à des résultats
01:19:55dans ce domaine
01:19:55et à quel prix
01:19:56ça semble un secteur
01:19:57qui compte beaucoup
01:19:58sur le plan économique
01:19:59en Colombie
01:20:00ça compte beaucoup
01:20:01effectivement
01:20:01la question est très bonne
01:20:02c'est une des grandes questions
01:20:04qui occupe beaucoup
01:20:05des pays de la région
01:20:06tous les pays
01:20:06qui sont dotés
01:20:07notamment de ressources
01:20:08hydrocarbures
01:20:09le Venezuela également
01:20:10le Brésil aussi
01:20:13ça va toujours
01:20:14essayer de naviguer
01:20:15sur cette ligne
01:20:16très étroite
01:20:16entre profiter
01:20:17de l'extractivisme
01:20:19le modèle
01:20:19d'extraction des ressources
01:20:20ou essayer
01:20:21d'avoir un autre
01:20:22modèle de développement
01:20:23mais d'un autre côté
01:20:24ça incite
01:20:26à ne pas tirer profit
01:20:27de ce qui fait
01:20:29la valeur
01:20:29la plus importante
01:20:30en termes de ressources
01:20:32parce que c'est aussi
01:20:32une société
01:20:33très inégalitaire
01:20:34vous l'avez dit tout à l'heure
01:20:35exactement
01:20:35et je crois que
01:20:36c'est le point
01:20:37qui a la racine
01:20:37de tout ce dont on a parlé
01:20:39jusqu'à aujourd'hui
01:20:39l'inégalité
01:20:40voire même
01:20:40les origines
01:20:42de ce mouvement
01:20:42des FARC
01:20:43dont il est question
01:20:44dans ce document-là
01:20:45donc les inégalités
01:20:46restent toujours
01:20:46extrêmement présentes
01:20:47donc le modèle
01:20:48de développement
01:20:48qui est derrière
01:20:49est essentiel
01:20:51et vous le voyez comment
01:20:52ce modèle de développement ?
01:20:54Aujourd'hui ?
01:20:55Oui ?
01:20:55Aujourd'hui
01:20:56c'est un modèle
01:20:56de développement
01:20:57qui est très pragmatique
01:20:58qui continue
01:21:00à tirer profit
01:21:00essentiellement du commerce
01:21:01commerce des ressources
01:21:02dont on a parlé
01:21:03justement
01:21:03qui est
01:21:05on va dire
01:21:06dépendant d'une trajectoire
01:21:07en sciences politiques
01:21:09on parle de dépendance
01:21:10au sentier
01:21:11c'est-à-dire d'un chemin
01:21:11dont on a peine
01:21:12à s'écarter
01:21:13une fois qu'il est tracé
01:21:13de chemin de développement
01:21:15plutôt néolibéral
01:21:16avec une forte ouverture
01:21:17de l'économie
01:21:18parce que voilà
01:21:20la valeur ajoutée
01:21:21pour le pays
01:21:22elle est dans
01:21:22l'exportation
01:21:23de ses ressources
01:21:24donc oui
01:21:26il y a des politiques publiques
01:21:27visant la décarbonation
01:21:29visant la transition
01:21:30environnementale
01:21:30qui existe
01:21:32malgré tout
01:21:33en termes macroéconomiques
01:21:35le modèle prédominant
01:21:38à mon avis
01:21:39reste
01:21:40et restera encore
01:21:41pendant pas mal d'années
01:21:42celui d'un programme
01:21:43plutôt
01:21:44surtout libéral
01:21:45voire même néolibéral
01:21:46je vois que ça fait réagir
01:21:47on commence par vous
01:21:48on finira par vous
01:21:49il nous reste assez peu de temps
01:21:51oui
01:21:51alors Gustavo Petro
01:21:53quand il arrive au pouvoir
01:21:54a proposé justement
01:21:55de sortir de l'extraction
01:21:56ça veut dire
01:21:56arrêtons d'extraire
01:21:58des ressources naturelles
01:21:59pour les exporter
01:22:00alors c'est un programme
01:22:01qui est plutôt novateur
01:22:02pour un président de gauche
01:22:03latino-américain en tout cas
01:22:05parce qu'il y a une veine
01:22:06écologiste assez forte
01:22:07cependant à mettre en pratique
01:22:09c'est plus compliqué
01:22:09notamment quand il y a
01:22:10cette dépendance très forte
01:22:11qu'a bien expliqué
01:22:12Kevin Partenay
01:22:13mais il faut voir aussi
01:22:15que les impacts environnementaux
01:22:17sont très forts
01:22:17de ces différentes économies
01:22:19et on n'a pas parlé
01:22:20on voit beaucoup
01:22:21de très belles images
01:22:22des forêts
01:22:22dans ce reportage
01:22:24mais il y a vraiment
01:22:25un impact aussi
01:22:26sur l'Amazonie
01:22:27qui est ce poumon
01:22:28de la planète
01:22:28qui nous concerne tous
01:22:29donc il y aurait aussi
01:22:31beaucoup à faire
01:22:32pour accompagner aussi
01:22:33la Colombie
01:22:34dans la préservation
01:22:35de cet environnement
01:22:36qui est le sien
01:22:37mais aussi le nôtre
01:22:38et toutes ces économies
01:22:40finalement
01:22:40elles ont un impact
01:22:41très fort
01:22:42sur cet environnement
01:22:43Oui j'allais aller dans ce sens-là
01:22:45parce qu'il y a une véritable
01:22:46volonté politique
01:22:47qui a été affichée
01:22:49dès sa prise de fonction
01:22:50la Colombie a été le pays haute
01:22:53de la COP16
01:22:54il y a quelques mois
01:22:55c'est un des pays
01:22:55qui a la plus grande biodiversité
01:22:57c'est un pays amazonien
01:22:58il y a des espaces endémiques
01:23:00mais à côté de ça
01:23:01on voit que c'est un pouvoir
01:23:02qui est aussi fragilisé
01:23:04qui n'a pas le soutien
01:23:05de son parlement
01:23:07et qu'il est difficile
01:23:09lorsque l'on a une dépendance
01:23:10économique telle
01:23:11et lorsque l'on s'est construit
01:23:12sur ce modèle économique
01:23:14de sortir complètement
01:23:15de changer de modèle radicalement
01:23:17et de véritablement
01:23:19préserver ces écosystèmes
01:23:22alors il y a aussi une volonté
01:23:23par rapport aux océans
01:23:24beaucoup d'initiatives
01:23:26on aura la conférence de l'UNOC
01:23:28qui se tiendra en juin à Nice
01:23:30la Colombie aussi
01:23:31un pays qui est très actif
01:23:32aussi c'est ce que c'est que l'UNOC
01:23:33l'UNOC c'est la conférence
01:23:34des Nations Unies pour les océans
01:23:36qui est vraiment majeure
01:23:38cette année
01:23:38c'est pas parce qu'elle se passe
01:23:39à Nice et en France
01:23:40mais parce que l'idée
01:23:41c'est d'avancer
01:23:42avec le traité de protection
01:23:43de la haute mer
01:23:44mais je parle de ça
01:23:45parce que c'est un des exemples
01:23:46dans lesquels la Colombie
01:23:47comme d'autres pays latino-américains
01:23:49ont vraiment un rôle de leader
01:23:51donc je pense qu'ils font des choses
01:23:52mais qu'ils ne font pas autant
01:23:54que ce qu'ils pourraient
01:23:55ou peut-être voudraient faire
01:23:56du fait d'un blocage politique réel
01:23:58qui existe dans ce pays aujourd'hui
01:23:59et je précise
01:24:00juste avant de finir
01:24:01c'est la fin de cette émission
01:24:02vous avez présenté ce documentaire
01:24:04que nous avons eu nous
01:24:05le plaisir de présenter
01:24:06dans cette émission
01:24:06vous l'avez vous aussi présenté
01:24:08à l'Assemblée nationale
01:24:09il y a quelques temps maintenant
01:24:10c'était pour sensibiliser
01:24:12la représentation nationale
01:24:13sur cette question colombienne
01:24:15il y avait un objectif particulier ?
01:24:17Oui absolument
01:24:17je pense que c'est très important
01:24:18de parler de la Colombie
01:24:19c'est un pays fascinant
01:24:20que je porte dans mon cœur
01:24:22mais aussi parce que
01:24:23cette question de la justice transitionnelle
01:24:25ou restauratrice
01:24:27est quelque chose
01:24:28qui est assez universel
01:24:29et je pense que
01:24:29de parler de la Colombie
01:24:30on peut parler du monde
01:24:32et des conflits
01:24:33que l'on voit
01:24:34dans d'autres endroits
01:24:35dans d'autres géographies
01:24:36le meuse justice
01:24:39post-accord de 2016
01:24:42de la Havane
01:24:43dont on a parlé
01:24:44au tout début
01:24:44de notre échange
01:24:45merci
01:24:46un grand merci
01:24:46vraiment
01:24:47à tous les trois
01:24:48d'avoir été
01:24:48sur ce plateau aujourd'hui
01:24:50pour parler de
01:24:50de la Colombie
01:24:51ce pays parfois
01:24:52méconnu
01:24:53des français
01:24:54et plus largement
01:24:56des européens
01:24:58vos réactions
01:24:59ça sera sur
01:24:59hashtag des badocs
01:25:00bien entendu
01:25:01merci aussi
01:25:02à Félicité Gabalda
01:25:03Victoria Bellet
01:25:04qui m'ont aidé
01:25:05à préparer cette émission
01:25:06prochain rendez-vous
01:25:07avec des badocs
01:25:08même place
01:25:08même heure
01:25:09et toujours
01:25:09avec son documentaire
01:25:11et son débat
01:25:12à très bientôt
01:25:12Sous-titrage Société Radio-Canada
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