00:00La vigne dans le sang, c'est le nom d'un livre, du livre d'une gérondine qui sort aujourd'hui d'histoire d'une viticultrice qui hérite de l'exploitation familiale dans un petit village du Médoc qui va décider de dire stop pour devenir écrivaine et sommelière.
00:14Elle est votre invitée ce matin, Kevin.
00:15Bonjour Sandrine Hérault.
00:16Bonjour Kevin.
00:17La vigne dans le sang d'abord parce que c'est une histoire filiale, donc vous étiez la septième génération à reprendre l'exploitation, qui d'ailleurs n'était pas que viticole au départ.
00:24Non, c'était une petite ferme sur laquelle il y avait notamment une laiterie. Mon grand-père était producteur de lait et producteur de vin.
00:33Et on y revient d'ailleurs ce matin en entendant un reportage sur notre antenne d'une viticultrice qui se met à lever des poulets, à avoir des vaches aussi.
00:41C'est finalement la viticulture d'antan qui revient aujourd'hui un petit peu dans l'air du temps.
00:45Je pense que oui, les anciens souvent avaient des bonnes idées.
00:50Ça leur permettait de diversifier les rentrées d'argent et quand un secteur marchait moins, on s'appuyait sur un autre et peut-être qu'aujourd'hui il faut y revenir.
00:59Vous avez donc vous repris l'exploitation avec votre sœur, avec l'aide de votre papa à l'époque, jusqu'à un drame qui va faire basculer votre vie.
01:06Alors il arrive tard dans ce livre, mais ça permet de comprendre un petit peu ce matin. Expliquez-nous.
01:11Mon papa s'est suicidé en 2016 dans nos vignes. Suite à des soucis sur le domaine, on a perdu une grande partie du vignoble.
01:22Et quand il a vu que les vignes ne survivraient pas, il s'est donné la mort dans les vignes parce qu'il avait un attachement très très profond à ses propriétés.
01:32Et derrière, ça a été très difficile de pouvoir continuer à mener sans lui le domaine.
01:37Et vous, assez vite ensuite, ou quelques années plus tard en tout cas, vous dites stop pour vous protéger justement de tout ça ?
01:43En grande partie oui, pour me protéger moi et pour protéger aussi mes enfants.
01:49Moi parce que psychologiquement, je pense que j'étais arrivée au bout de ce que je pouvais tenir et qu'en effet, j'avais parfois des idées qui auraient pu me faire basculer.
01:59Et surtout la projection d'un petit garçon que j'avais à l'époque qui avait moins de 5 ans et je me disais c'est le seul garçon de la future génération.
02:06Il aura peut-être cette obligation de reprendre et je ne voulais surtout pas qu'il ait le même destin que mon père.
02:11Et vous écrivez une phrase terrible dans ce livre, mes enfants méritaient mieux que cette vie de labeur, de contrainte, d'agonie quotidienne.
02:18C'est très dur comme terme employé pour cette profession.
02:21Mais c'est ce que je vivais à l'époque.
02:23Quand vous voyez les difficultés de la profession aujourd'hui, on a encore eu malheureusement un suicide d'un viticulteur le mois dernier.
02:28Vous vous dites que vous avez bien fait justement.
02:29Je me dis que je suis libre aujourd'hui, que j'adore le vin, que j'adore la vigne et que ça sera toujours en moi jusqu'à la fin de mes jours.
02:39Mais que mener un domaine, il faut être préparé et qu'on ne l'est pas suffisamment.
02:45Et il faut aussi être entouré et que parfois la famille ne suffit pas à entourer quand on est en grande difficulté.
02:52Et vous êtes malgré tout resté dans le vin parce que c'est votre vie ?
02:54Oui, tout à fait.
02:55Aujourd'hui vous êtes sommelière en partie, c'est ça ?
02:57Je suis sommelière en grande partie du temps et écrivain le reste du temps.
03:01Ici Jérôme de 7h49, Sandrine, héros autrice du livre « La vigne dans le sang » et notre invitée ce matin répond à vos questions, Kévin Blondel.
03:08Vous étiez deux sœurs à reprendre cette vie, votre sœur a continué.
03:11Aujourd'hui, comment elle s'en sœur ? Est-ce qu'elle, ça va ?
03:13Non, c'est très difficile.
03:15C'est un métier très difficile parce qu'il faut savoir tout faire.
03:18C'est un métier physique.
03:21On travaille dehors à part tout temps.
03:23On travaille dans les chaînes, mais c'est beaucoup de manipulation physique, on s'épuise beaucoup.
03:28Et après, il y a cette partie psychologique qui entre en compte.
03:32Quand tout va bien, forcément ça va bien.
03:34Mais quand les marchés commencent à dégringoler et qu'il n'y a plus de rentrée d'argent, ça devient très difficile.
03:40Tout le monde tombe dessus, les fournisseurs, les banques, etc.
03:42Et c'est là que la vie peut basculer.
03:46Votre sœur qui travaille dans le Médoc, on va rester discret sur le nom du village, à votre demande.
03:49Mais effectivement, elle est dans le Médoc.
03:51Dans votre livre, il est beaucoup question du Bordeaux bashing.
03:55Cette façon un petit peu d'être très dure avec les vins de Bordeaux, dans la communication, dans la publicité, dans les médias aussi.
04:00Parfois, vous voyez monter ça à partir de 2007.
04:03Pourquoi ? Et est-ce qu'on en est revenu aujourd'hui, selon vous ?
04:06Je pense que non, on n'en est pas encore revenu totalement.
04:09Évidemment, je pense qu'en 2007, il y a eu plusieurs effets.
04:15Les vins de Bordeaux, on a surboisé peut-être.
04:19Et on s'est aussi assis sur des méthodes ancestrales de vinification.
04:24Et pour plusieurs raisons, dans les autres régions, notamment à Paris,
04:29les sommeliers se sont détachés de ce côté de vin un peu lourd, un peu puissant parfois.
04:36Alors nous, à la propriété, on n'a pas été touchés par le Bordeaux bashing dès 2007,
04:40mais on le sentait un petit peu pesé avec des négociants qui commençaient à moins acheter.
04:49Donc ça, c'était un peu plus compliqué, mais c'est vraiment dans les années 2015
04:54que nous, on a commencé à le sentir sur la propriété.
04:57Aujourd'hui, les sommeliers en reviennent un petit peu,
05:00mais c'est des parts de marché à reconquérir et c'est très difficile.
05:02On va dire que c'est une tendance de mode.
05:05Et là, la mode, on est sur des vins légers sur Paris.
05:07Moi, je le vois en sommellerie.
05:08Vous êtes à Paris maintenant, vous êtes dans la sommellerie.
05:10Donc justement, vous avez un regard un peu extérieur.
05:12Comment on voit les vins de Bordeaux, justement ?
05:14Toujours comme des vins un peu trop charpentés pour l'époque.
05:16On parle maintenant d'after work.
05:17Vous savez, on boit un petit verre de vin après le travail,
05:19on ne veut pas qu'il soit trop fort.
05:20On rentre en voiture, on veut s'amuser en terrasse.
05:22Ce n'est plus trop l'air du temps, le gros rouge, si je puis dire.
05:24C'est ça, mais heureusement, il y a beaucoup de changements.
05:26Donc, on a plein de vins de Bordeaux qui sont différents,
05:29qui apportent des nouveautés et un peu de jeunesse et de fraîcheur.
05:33Donc, en effet, les sommeliers commencent à basculer,
05:35mais il faudrait beaucoup de formation sur ces sommelleries.
05:39Et sur les sommeliers en cave, ils ont besoin d'informations.
05:44Et je trouve qu'à Paris, on n'est pas suffisamment informés
05:46sur ce qui se passe ici dans le Bordelais.
05:48D'informations pour changer leur travail, d'encadrement aussi,
05:51et d'entourage, d'attention aussi pour éviter des drames,
05:54comme vous l'avez connu dans votre famille.
05:55Exactement, oui.
05:57Mais ça, ce n'est pas à Paris, c'est sur la filière.
06:00Mais ici, sur place, c'est d'être attentif un peu aux noviticulteurs
06:02qui vivent une crise sans précédent aujourd'hui,
06:03que vous avez vu monter.
06:05Et vous le racontez donc dans ce livre que je montre
06:07pour ceux qui nous regardent à la télé,
06:10La vigne dans le sang.
06:11Ce livre sort aujourd'hui.
06:12Merci beaucoup, Sandrine Hérault, d'avoir été notre invitée ce matin.
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