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Né d'une intuition politique et humaniste, le Festival de Cannes aurait eu pour vocation, en 1939, d'être un rempart culturel contre le nazisme et le fascisme.
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00:00Le festival de Cannes est une fête qui se rejoue chaque mois de mai.
00:25Si saisonnière que l'on a oublié son histoire.
00:27C'est à la veille de la mobilisation générale, en septembre 1939, que deux hommes, Jean Zé et Philippe Erlanger, unissent leurs efforts et leurs rêves pour qu'un festival de cinéma devienne l'ultime rempart contre la barbarie qui s'annonce.
00:45Érigée comme un acte de résistance, cette manifestation internationale, qui refuse toute idée de censure et de propagande, doit nous rappeler aujourd'hui encore que la liberté d'oser, d'imaginer, de créer, de critiquer, est la plus fragile des conquêtes.
01:10Et quand la mort se nourrit de la mort, elle accouche d'un vampire.
01:23En 1938, Philippe Erlanger a 35 ans et vient d'être nommé chef du service des échanges artistiques internationaux.
01:38C'est à ce titre qu'on l'envoie à la Mostra de Venise comme délégué du gouvernement.
01:42À Venise, la fête bat son plein.
01:57Philippe Erlanger est ravi de présenter la jeune Corine Luchère au Conte Chiano, ministre des Affaires étrangères et gendre du Mussolini.
02:04De ciné-miroir à ciné-monde, on lui prête toutes sortes de folles aventures et d'amants.
02:21Le Conte Chiano la dévore des yeux et lui glisserait bien à l'oreille le numéro de sa chambre d'hôtel.
02:28Mais Leni Reifenstahl les interrompt pour inviter Corine à une soirée dansante dans le palais du Conte Volpi.
02:33Au menu des festivités, The Lambeth Walk, cette danse qui fait fureur depuis la comédie musicale Me and My Girl,
02:42que Goebbels qualifiait de bêtises juives faites de sautiments bestiaux.
02:45Au palais Volpi, Erlanger et Tiano s'inclinent devant la Rifenstahl, que les mauvaises langues appellent la Pompadour du Troisième Reich.
03:05Erlanger la félicite. Il a vu les dieux du stade. C'est un chef-d'œuvre.
03:11« Rarement, dit-il, la beauté et la puissance des athlètes auront été à ce point portés aux nus. »
03:20Leni Reifenstahl éclate de rire. « Vous dites ça parce qu'il y a beaucoup d'hommes nus dans mon documentaire. »
03:28Erlanger est quelque peu songeur. Il est venu à la Mostra avec René Jeanne, qui est membre du juré international.
03:36Ce dernier le rassure. « Quai des brumes, le film de Marcel Carnet, est en très bonne place. »
03:44Erlanger insiste. « Si Leni Reifenstahl est à Venise pendant toute la durée du festival, ce n'est pas pour faire tapisserie. »
03:55« La protégée du chancelier Hitler a eu droit à une équipe de 300 techniciens, dont 40 caméramans. »
04:03« Un film entièrement financé par le régime nazi ne peut pas repartir bredouille. »
04:08« Et Joseph Goebbels doit surveiller tout ça de près. »
04:14Le ministre de la Propagande écrit dans son journal le 31 août 1938.
04:24« À Venise, les Italiens veulent décerner la Coppa Mussolini, un film de Vittorio Mussolini,
04:31et créer pour notre film sur les Jeux Olympiques un nouveau Prix des Nations.
04:38Je donne mon accord à condition qu'il soit réellement présenté comme un premier prix.
04:44Sinon, il y aura du grabuche.
04:52Il n'y aura pas de grabuche.
04:55Les Italiens s'inclinent.
04:57Le 1er septembre, la Coppa Mussolini est donc décernée à deux films.
05:19Goffredo Alessandrini est couronné pour Luciano Serrapilotta, corélysé par Vittorio Mussolini, le deuxième fils du Duce,
05:28et Leni Riefenstahl pour les Dieux du Stade.
05:33Hitler et Mussolini exultent.
05:36On reste en famille et l'axe Rome-Berlin se resserre.
05:39De son côté, Philippe Erlanger est scandalisé.
05:48C'est une atteinte au règlement.
05:50Un documentaire ne peut pas figurer dans la compétition des films de fiction.
05:55Il quitte la salle avec l'américain Harold Smith et l'anglais Neville Kearney, écœuré eux aussi.
06:00René Jeanne affirme qu'il a limité de son mieux les dégâts.
06:09La France obtient donc un prix pour l'ensemble de sa production.
06:13Oui, répond Erlanger, un prix de consolation comme l'an dernier avec la grande illusion.
06:19J'avais bien dit que la Riefenstahl était une bombe à retardement.
06:25Le vendredi 2 septembre 1938, Goebbels écrit dans son journal
06:29Le soir, dîner chez le Führer.
06:34Notre succès à Venise le réjouit beaucoup.
06:37Notre cinéma s'est imposé de façon grandiose.
06:51Dans le train qu'il ramène à Paris, Philippe Erlanger ne décolère pas.
06:56Évoquant cette nuit d'insomnie en wagon-lit, il écrira plus tard
06:59L'aube naissant, à défaut d'un songe, il me vint une idée.
07:06Dès lors que les circonstances enlevaient à la Mostra une indispensable objectivité,
07:12pourquoi ne pas créer en France un festival modèle ?
07:16Le festival du monde libre.
07:17Le festival de films va s'y dérouler.
07:24Le festival du monde libre.
07:27Le festival de films va s'y dérouler.
07:29Le festival du monde libre.
07:30Le train de nuit va bientôt arriver, gare de Lyon.
07:55Philippe Erlanger n'a pas fermé l'œil.
07:57Corinne Luchère non plus n'a pas beaucoup dormi à Venise.
08:03Philippe Erlanger va tout entreprendre pour que son rêve devienne réalité.
08:08Et c'est ainsi qu'il va trouver Jean Zé, ministre de l'Éducation nationale,
08:12et Georges Huisman, le directeur des beaux-arts.
08:16Le projet d'un festival international du monde libre va prendre forme.
08:20Avocat de métier, député du Loiret à 27 ans,
08:23Jean Zé est le plus jeune ministre de la Troisième République.
08:28En 1936, Léon Blum le fait entrer dans son gouvernement
08:31et il sera ministre de l'Éducation nationale et des beaux-arts jusqu'en 1939.
08:38La guerre de 1914.
08:40Il l'a vécu à hauteur d'enfant,
08:42alors que son père était enrôlé dans l'artillerie.
08:44Et qu'écrit-il dans ses petits cahiers d'écoliers ?
08:49Son horreur de la guerre.
08:52Nous sommes dans un pays où la gérontocratie a exercé des ravages immenses.
08:57Pendant presque toute la guerre, nous avons été livrés aux vieux.
09:02Chargés d'administrer la nation,
09:04ils en ont profité pour assouvir leur pire passion
09:07et les dégâts ont été considérables.
09:19C'est dans la nuit du 29 au 30 septembre 1938
09:23que seront signés par Daladier,
09:26Chamberlain, Mussolini et Hitler
09:28les accords de Munich.
09:29Joseph Goebbels, qui avait le génie du paradoxe,
09:45écrit dans son journal que
09:47le mot « paix » est sur toutes les lèvres.
09:50Et il ajoute,
09:52à présent il s'agit de s'armer,
09:54s'armer, s'armer.
09:59Ces accords en trompe-l'œil vont diviser le gouvernement français.
10:04Au nom de la paix à tout prix,
10:05certains, comme Georges Bonnet,
10:07ministre des Affaires étrangères,
10:09ne veulent pas froisser nos chers amis latins.
10:12Ni la susceptibilité d'Adolf Hitler.
10:16L'idée d'un festival de cinéma
10:18qui serait une contre-mostra
10:20devient dès lors un enjeu politique.
10:23Le ministre du cinéma,
10:24qu'est Jean Zé, tient bon.
10:26La démocratie contre le totalitarisme.
10:29Le 6 décembre 1938,
10:34Joachim von Ribbentrop vient à Paris
10:36pour signer une déclaration d'amitié franco-allemande
10:39avec son homologue français, Georges Bonnet.
10:42Les accords de Munich sont bien des accords de paix.
10:45Mais trois mois après ces manifestations
10:58d'amitié franco-allemande,
11:00Hitler règle à Tchécoslovaquie de la carte.
11:03Quelques jours plus tard,
11:13Neville Chamberlain et Édouard Daladier
11:15émettent enfin une protestation officielle,
11:18mais Ribbentrop refuse de les recevoir.
11:20C'en est fini des illusions de paix.
11:30À force d'obstination,
11:32Jean Zé et Philippe Erlanger
11:33finissent par obtenir le feu vert
11:35du gouvernement français.
11:37En mai 1939,
11:39puisqu'il s'agit de riposter
11:41contre les forces de l'Axe,
11:43la décision est officiellement prise
11:44de créer un festival
11:45qui réunira les pays du monde libre.
11:48Jean Zé a gagné la bataille de Munich,
11:53mais il lui faut désormais trouver des alliés.
12:15Accompagné de sa femme Madeleine,
12:16il s'embarque sur le paquebot Île-de-France,
12:20destination New York,
12:22où le couple arrive le 5 juin.
12:24Sous-titrage Société Radio-Canada
12:29Le 16 juin 1939,
12:56le président Roosevelt reçoit Jean Zé
12:58à la Maison-Blanche.
13:00Les deux hommes évoquent le jeu de dupe
13:01des accords de Munich
13:02et la nécessité de ne rien céder face à Hitler.
13:07Des belles paroles qui correspondent
13:08à l'état d'une opinion américaine
13:10plutôt isolationniste.
13:12L'Europe, pour les Américains,
13:13est encore loin de leurs préoccupations.
13:16On demeure donc amicalement courtois.
13:20Jean Zé est venu aux États-Unis
13:21pour consolider l'alliance franco-américaine.
13:24Et la perspective d'un prochain festival international du cinéma
13:27est une occasion rêvée,
13:29puisqu'il s'agit de démontrer aux yeux du monde libre
13:32la solidarité antifasciste du couple franco-américain.
13:35Les dates du festival sont arrêtées.
13:39Le lieu qui doit l'accueillir est choisi.
13:42La Mostra de Venise doit s'achever le 1er septembre
13:45et c'est donc ce soir-là,
13:47comme une réplique aux Italiens,
13:48qu'aura lieu à Cannes,
13:50le grand dîner d'inauguration au Casino Palm Beach,
13:53sous la présidence effective de Jean Zé.
13:55Six semaines pour préparer l'événement,
14:00c'est de la folie à l'état pur.
14:03La folie.
14:05Ce merveilleux minérette
14:06dont sont extraits les plus beaux rêves.
14:12Le 6 août,
14:14Philippe Erlanger,
14:15premier délégué général,
14:17vient s'installer au Grand Hôtel
14:18pour superviser la mise en place.
14:21Georges Huissement,
14:22directeur des Beaux-Arts,
14:23est un fidèle sur qui on peut compter.
14:26Mais tout reste à faire.
14:30Ce même 6 août,
14:32nous assistons à l'arrivée d'un train en gare,
14:35de Cannes,
14:36et qui donc en descend ?
14:39Le président d'honneur,
14:40Louis Lumière en personne,
14:41qui, 44 ans plus tôt,
14:44avait fait entrer le 1er train du cinématographe
14:47en gare de la Ciota.
14:53Les organisateurs se penchent désormais
15:04sur des questions logistiques.
15:06Tout est passé en revue.
15:12Un festival coûte forcément beaucoup d'argent.
15:15Il faut donc rechercher l'aide de partenaires.
15:17C'est d'abord la Société nationale des chemins de fer
15:21qui accorde 60 permis de circulation gratuite en première classe
15:25et 40 bons de réduction à demi-tarif exempt d'impôts.
15:31Les palaces offrent des suites et des chambres gracieusement
15:34aux vedettes et aux membres du comité d'organisation.
15:37Et la compagnie Air France est heureuse de seconder l'effort
15:43de cette manifestation de propagande française
15:45en accordant aux participants des réductions exceptionnelles
15:49et en associant le nom du festival à la publicité
15:52que la compagnie fait sur ces lignes pendant l'été.
16:03Le mot est lâché.
16:05Publicité.
16:07C'est un canoi d'adoption,
16:12le peintre Jean-Gabriel Domergue,
16:15qui réalisera l'affiche officielle de ce premier numéro.
16:19Selon les propres mots de l'artiste,
16:22c'est une affiche destinée à faire le tour du monde,
16:25une irrésistible invitation au voyage.
16:29Par ailleurs, il a été décidé que la Coupe Lumière,
16:32rivale de la Coupe Mussolini et ancêtre de la Palme d'Or,
16:36couronnera le meilleur film.
16:41Le lieu du festival est choisi.
16:44Ce sera provisoirement le casino municipal de Cannes.
16:47Dans le grand hall d'entrée, on va aménager en toute hâte une salle de mille places,
16:54en attendant l'édification d'un palais de deux mille places.
16:57Dans le journal Marianne,
17:02Jean Zé déclare qu'en aucun cas,
17:04le festival de Cannes ne doit être un moyen de propagande,
17:08car ce mot nous fait horreur.
17:10C'est clair depuis le début.
17:12Ne pas faire de cette manifestation une machine de guerre.
17:16Quoique.
17:17Tous les pays producteurs de films sont invités,
17:23y compris, bien sûr, l'Allemagne et l'Italie,
17:26qui déclineront l'invitation.
17:28La sélection des films a commencé.
17:34Jean Zé assiste à certaines projections de la commission,
17:37qui sélectionnent les quatre longs métrages
17:39dont la liste est arrêtée le 12 août.
17:42L'Enfer des anges, de Christian Jacques,
17:45La Loi du Nord, de Jacques Fédère,
17:48La charrette fantôme, de Julien Duvivier,
17:51L'homme du Niger, de Jacques de Barrancelli.
17:53Jean Zé fait ajouter à cette sélection française
17:57un long métrage documentaire
17:59clairement destiné à montrer la puissance impériale française.
18:03La France est un empire.
18:06De quoi énerver les Italiens.
18:08Pour vous faire connaître l'immensité de cet empire,
18:11sa puissance et ses ressources,
18:13six équipes de cinéastes
18:14empruntant les moyens de communication les plus rapides
18:17sont parties à travers le monde.
18:19Nos alliés américains ont belle allure
18:23avec Le magicien d'Euse,
18:26Seuls les anges ont des ailes, de Howard Hawks,
18:30Pacifique Express, de Cecil B. de Mille.
18:34On compte même un pays disparu,
18:36la Tchécoslovaquie,
18:38avec La grande solution de Hugo Mas,
18:41film pacifiste anti-hitlérien
18:43tourné en août 1938.
18:46Dans ce film, un dictateur
18:47qui a envahi un pays voisin
18:49ne peut guérir d'un mal incurable
18:51que s'il déclare la paix au monde.
18:56À l'instar des Français,
18:58les Belges, avec magie africaine
18:59d'Armand Denis et Léla Roosevelt,
19:02comme les Anglais,
19:03avec les quatre plumes blanches
19:04de Zoltan Korda,
19:06insistent sur leur force coloniale.
19:10Comme on le voit,
19:11l'actualité internationale
19:12qui devait empêcher le festival d'exister
19:14aux yeux du monde libre
19:15est au cœur de nombreux films sélectionnés.
19:20Un transatlantique loué
19:22par la métro-Goldwyn-Mayer
19:23jetera l'encre en baie de canne
19:25avec, à son bord,
19:27les plus grandes stars d'Hollywood.
19:29L'été semble radieux
19:38et l'insouciance devient
19:39la règle du jeu azurien.
19:42En portant leur lune de miel
19:44loin de la lune de canne,
19:46Annabella et son mari
19:47Tyron Power s'en vont.
19:48Pendant ce temps,
19:57au Martinez,
19:57le rendez-vous sélect,
19:58on déjeune en musique.
20:03Puis c'est la sieste.
20:04Midi, roi des étés,
20:06été, roi du midi.
20:08Canne pendant trois heures à peine
20:09a somnolé
20:10et déjà c'est l'heure importante
20:12du cocktail sur la terrasse du Mirama.
20:15C'est ici,
20:15dans ce cadre merveilleux,
20:17que va vivre le premier
20:18festival international du film.
20:21Toutes les nations,
20:23toutes les vedettes,
20:24dans le plus beau décor du monde.
20:36Un mois plus tôt,
20:37le 9 août 1939,
20:40Joseph Goebbels écrit
20:41dans son journal
20:42« Hier, arrivé à Venise,
20:45accueil triomphal à la gare,
20:48puis entrée magnifique
20:49en gondole par le Grand Canal
20:51dans une ville
20:52à la beauté magique. »
20:54Un enthousiasme s'emparait.
20:57Cette belle ville de Venise
20:58a revêtu
20:58ses plus beaux atours.
21:01Lorsque nous embarquons
21:02place Saint-Marc
21:03dans les canots à moteur,
21:05les canons des navires
21:06de guerre
21:06se mettent à tonner.
21:07« Ah, la beauté magique
21:15des canons
21:16qui tonnent
21:16sur la lagune ! »
21:20Les Français
21:21ont décidé
21:22de jouer le jeu.
21:23Julien Duvivier,
21:24couronné
21:25l'année précédente,
21:26est de retour
21:27avec la fin du jour,
21:29également en compétition
21:30à Cannes.
21:31On note
21:32dans la sélection française
21:33« Le jour se lève »
21:34de Marcel Carnet
21:35et « La bête humaine »
21:37le chef-d'œuvre
21:38de Jean Renoir.
21:40Goffredo Alessandrini,
21:42qui a déjà obtenu
21:43la coupe au Mussolini
21:44l'année précédente
21:45pour Luciano Serapilotta,
21:47revient lui aussi
21:48avec l'apôtre du désert.
21:51La fidélité
21:51au douche
21:52s'avère payante.
21:55Il est couronné
21:55par la coupe
21:56Mussolini,
21:58incroyable doublé.
22:01Si les Français
22:01repartent broudouille,
22:03ils savent
22:03qu'ils tiennent
22:04désormais leur revanche.
22:06À Cannes.
22:09Huit jours avant
22:10l'ouverture du festival,
22:11doit avoir lieu
22:12un dîner de gala
22:13en faveur
22:14des enfants hospitalisés.
22:16Le fameux
22:17bal des petits lits blancs
22:18qui est une véritable institution.
22:21Mille convives
22:21sont attendus
22:22au Palm Beach.
22:24Mille couverts
22:25à mille francs.
22:27Cette soirée
22:28doit être
22:28le gala des galas.
22:30La nuit des diamants.
22:31La nuit de l'élégance.
22:32Les stars américaines
22:36s'y précipitent,
22:37mais aussi
22:37Serge Liffard
22:38et l'Opéra de Paris,
22:40les grands couturiers,
22:42Lanvin,
22:42Batou,
22:43Scapparelli,
22:45les joailliers
22:45Van Cleef
22:46et Arpels
22:47et tant de célébrités.
22:48Il n'y a plus
22:51qu'à tirer
22:52le feu d'artifice
22:53qui promet
22:54d'être grandiose
22:55lorsqu'un terrible
22:57orage éclate.
23:00Philippe Erlanger
23:00commentera cet épisode
23:01quelques années plus tard.
23:04Le ciel,
23:05qui était
23:06d'une beauté parfaite,
23:07se chargea
23:08en un moment
23:09d'énormes nuages
23:10et un orage
23:12ou plutôt un ouragan
23:13s'abattit
23:14sur les diners.
23:15Le bruit de tonnerre
23:16semblait celui
23:16d'une formidable artillerie.
23:20Panique à bord,
23:22le Titanic
23:22à Cannes.
23:30Le lendemain
23:31éclate la nouvelle
23:32du pacte
23:33germano-soviétique.
23:36Après l'ouragan
23:36de la veille,
23:37c'est un vent d'effroi
23:38qui souffle
23:39sur les canoas.
23:39Erlanger et Zé
23:47ne se découragent pas.
23:49On répare,
23:50on remet tout en place.
23:53Le festival,
23:54leur festival,
23:55doit commencer
23:55coûte que coûte.
23:57Mais les touristes
23:59désertent.
24:00Les palaces se vident
24:01et la gare de Nice
24:03se remplit.
24:05Sur les murs
24:06de la ville,
24:07entre les affiches
24:08du festival,
24:09se glissent
24:10les appels
24:10concernant
24:11les premiers contingents
24:12de soldats réservistes.
24:15Le 29 août,
24:17dans un communiqué
24:18à la presse,
24:19Jean Zé déclare
24:20que l'ouverture
24:20du Festival
24:21international du cinéma
24:22qui devait avoir lieu
24:24à Cannes
24:24le 1er septembre
24:25est ajournée
24:27et sera reportée
24:28au 10 septembre,
24:29si les circonstances
24:30le permettent.
24:32Les circonstances,
24:34comme on le sait,
24:35ne le permettront pas.
24:40Le 1er septembre 1939,
24:43au petit matin,
24:44cinq armées allemandes
24:45envahissent la Pologne.
24:48Varsovie est bombardée
24:49à partir de 6 heures.
24:53Ce même 1er septembre,
24:55le gouvernement français
24:56décrète
24:57la mobilisation générale.
24:59Le festival de Cannes
25:15est le 1er vaincu,
25:17la 1re étoile
25:18tombée du ciel.
25:19Le 2 septembre 1939,
25:34Jean Zé remet sa démission
25:36de ministre
25:36de l'éducation nationale
25:37et des beaux-arts
25:38à Édouard Daladier.
25:41Âgé de 35 ans,
25:42je désire partager
25:43le sort
25:44de cette jeunesse française
25:45pour laquelle
25:46j'ai travaillé
25:47de mon mur
25:47au gouvernement
25:48pendant 40 mois.
25:51Et c'est ainsi
25:52que le soulier
25:53Nanzé est affecté
25:55à la 4e armée
25:56dans le régiment du train.
26:00Il n'est plus désormais
26:01qu'un soldat
26:01parmi d'autres
26:02et écrit tous les jours
26:04à sa femme Madeleine.
26:05Mon amour chéri,
26:09quelle étrange guerre.
26:12L'ignorance
26:13dans laquelle
26:14je me trouve
26:14des événements diplomatiques
26:16ajoute au trouble
26:17et à l'impatience.
26:25Le 25 décembre,
26:27par un froid glacial,
26:28Jean Zé écrit à Madeleine.
26:30Jour de Noël,
26:33triste Noël
26:34éloigné
26:35de mes deux amours
26:36et privé
26:36de la joie
26:37de mon catou
26:37devant son arbre
26:39illuminé
26:40et ses jouets.
26:43L'après-midi,
26:44j'étais au cinéma militaire
26:45de 16h
26:47à 18h.
26:49La chasse
26:49de Suzanne,
26:51film super idiot.
26:54Puis en soirée,
26:55une seconde séance
26:56de cinéma
26:56réservée aux officiers.
26:57Azaïs,
27:00film à moitié idiot
27:01qui sautait
27:02toutes les 10 minutes
27:02dans une salle
27:03toujours glaciale.
27:07La neige
27:07à perte de vue,
27:09l'hiver sans fin.
27:14Quelques mois plus tard,
27:16à la veille
27:16de l'invasion allemande,
27:18il écrit à sa femme
27:19une lettre
27:20pleine de nostalgie.
27:22Te souviens-tu
27:22qu'il y a un an
27:23nous étions à New York ?
27:25Nous regardions
27:26de la fenêtre
27:26de l'Astoria,
27:27les gratte-ciels
27:28illuminés,
27:29et ce soir,
27:30je traverse
27:30les villages déserts
27:32de la Champagne.
27:36Et quand la débâcle
27:37de la plus grande
27:38armée du monde
27:39devient une tragique
27:40évidence,
27:42la question qui se pose
27:43est très simple.
27:44Doit-on continuer
27:45à se battre ?
27:47Pour Jean Zé,
27:48sans la moindre
27:48hésitation,
27:50il faut continuer
27:50le combat
27:51depuis l'Afrique du Nord.
27:52Tout a été dit
27:55et écrit
27:55sur le drame
27:56du Massilia.
27:58Une arche de Noé
27:58qui devient
27:59le radeau
27:59de la Méduse.
28:01Une tragédie grecque,
28:02selon Madeleine Zé,
28:03enceinte d'Hélène.
28:06Elle s'embarque
28:07sur le paquebot
28:08avec sa fille Catherine,
28:09pleine de confiance
28:10et d'espoir,
28:11aux côtés
28:12de son Jean
28:12enfin retrouvé.
28:16Il s'agit
28:16de poursuivre
28:17en Afrique du Nord
28:18la lutte
28:19contre l'Allemagne.
28:19Jean Zé,
28:23Georges Huisman,
28:24Pierre Mendes France,
28:26Édouard Daladier
28:27et une vingtaine
28:28de parlementaires
28:28quittent la France,
28:30intimement convaincus
28:31qu'il ne faut pas
28:32baisser les bras.
28:34C'est à bord
28:35du Massilia
28:35que les passagers,
28:37atterrés,
28:38apprendront
28:38la nouvelle
28:39de l'armistice.
28:40Le maréchal Pétain
28:41va obtenir
28:42les pleins pouvoirs.
28:44Ils sont tous piégés.
28:49Et pendant ce temps
28:55à Compiègne,
28:56Adolf Hitler
28:57laisse exploser
28:57sa joie.
28:59Mais oui,
28:59on ne rêve pas.
29:01Ils dansent presque
29:02le Lambeth Walk.
29:09Dès leur arrivée
29:10à Casablanca,
29:12les parlementaires
29:13du Massilia
29:13comprennent
29:14qu'ils sont désormais
29:15des pestiférés.
29:17Ils pensaient naïvement
29:18être accueillis
29:19comme des héros
29:20et ils débarquent
29:21sous une pluie d'injures.
29:26L'amiral Darlan,
29:28après avoir soutenu
29:29l'initiative
29:30des parlementaires,
29:31va qualifier leur départ
29:32de fuite honteuse.
29:35Et il n'est pas le seul.
29:37Pierre Laval
29:37veut avoir la peau
29:38de tous ces défaitistes
29:40et faire le grand ménage.
29:43Mobilisé depuis
29:44le début des hostilités
29:45comme simple deuxième classe
29:47dans le service auxiliaire,
29:50Philippe Erlanger
29:50est resté directeur
29:52de l'Association française
29:53d'action artistique.
29:55S'il n'avait tenu qu'à lui,
29:57il aurait peut-être embarqué
29:58à bord du Massilia.
30:00Mais le sort
30:01en a décidé autrement.
30:03Après avoir erré
30:04avec ses chers collègues
30:06sur les routes mitraillées
30:07par l'aviation allemande
30:09et italienne,
30:10il revient dans la capitale
30:11déclarée ville ouverte.
30:13ses amis fonctionnaires
30:17de la direction
30:18des Beaux-Arts
30:18le regardent de travers.
30:21Jean Zé
30:22a été arrêté à Rabat
30:23pour haute trahison.
30:31Certains dans les couloirs
30:32racontent à voix basse
30:33que les Juifs
30:34ont la trahison dans la peau
30:36et se tiennent par la main.
30:38N'est-ce pas
30:38avec ce Zé
30:39et ce huissement
30:40qu'Erlanger a voulu créer
30:42un festival de cinéma.
30:45Jean Zé
30:46a donc été arrêté
30:48à Rabat
30:48le 15 août 1940
30:50sous le chef
30:51d'inculpation
30:52d'abandon
30:54de postes
30:55et d'exertions
30:56en présence de l'ennemi.
30:58On ne l'a pas autorisé
30:59à prévenir Madeleine
31:00sur le point d'accoucher
31:02ni d'embrasser
31:03sa fille Catherine.
31:05Il est transféré
31:05à Clermont-Ferrand
31:06le 20 août
31:07et écroué
31:08à la prison militaire.
31:10Les fantômes
31:11des anti-dréfusards
31:13tiennent leur revanche.
31:17La presse antisémite
31:19se déchaîne.
31:21N'oublions pas
31:21que Céline
31:22qui n'avait pas la langue
31:23dans sa poche
31:24avait trouvé ce jeu
31:25de mots haineux
31:26« je vous ai ».
31:27La sentence ne tarde pas.
31:36Jean Zé
31:37est condamné
31:38à la déportation
31:39et à la dégradation
31:40militaire.
31:41La même sentence
31:42qui avait frappé
31:43de plein fouet
31:44le capitaine Dreyfus.
31:50Voilà ce qu'il en dira.
31:52Ce n'est pas l'officier
31:53qu'on a voulu punir.
31:54C'est l'homme politique
31:56le député de gauche
31:58le juif
32:00qui était visé.
32:01Ils m'ont condamné
32:02alors que je sais
32:03n'avoir commis
32:03aucune faute.
32:06Après Clermont-Ferrand
32:07il est incarcéré
32:08au Fort Saint-Nicolas
32:09de Marseille.
32:10Le 6 décembre 1940
32:13il écrit
32:14« Le directeur
32:15me laisse entendre
32:16que c'est par faveur
32:18qu'il ne me fait pas
32:19raser les cheveux
32:20et fouillir au corps.
32:22Mais on me dépouille
32:23de mes livres
32:24de mon stylo
32:25de mon tabac
32:27de mon rasoir
32:28de ma montre
32:29et on m'enlève
32:30jusqu'à mon alliance. »
32:32Le 7 janvier 1941
32:37Jean Zay quitte Marseille
32:39et il est transféré
32:40à la maison d'arrêt
32:41de Rion.
32:48Sur décision
32:49d'un conseil
32:49des ministres
32:50il devient
32:51« détenu politique »
32:53avec la possibilité
32:54de recevoir
32:54des livres
32:55et des journaux.
32:57Une courrette
32:57fermée par un mur
32:58de 6 mètres
32:59permet tout de même
33:00de voir le ciel.
33:02« Et c'est beaucoup »
33:04écrit-il.
33:07J'ai collé
33:08sur mon mur
33:08le portrait
33:09d'Auguste Blanqui
33:10par Eugène Carrière.
33:12La lithographie
33:13détache
33:14sur le front obscur
33:15avec un relief
33:17sessissant
33:17ce masque pathétique
33:19les yeux caves
33:21les pommettes saillantes
33:23le nez en bec d'aigle
33:25le regard du voyant
33:27se perd dans l'inconnu.
33:30Mais ce dont rêve
33:32Jean Zé
33:32c'est d'un esprit
33:33parti en voyage
33:34à travers le temps
33:35et l'espace
33:36hors de son corps
33:37captif
33:38un esprit libre
33:40qui défie
33:40les chaînes
33:41et les serrures.
33:43Le 16 août
33:44il écrit
33:45« Il y a ce matin
33:47un an
33:48que j'ai perdu
33:49ma liberté
33:49il faudrait dire
33:51un an
33:53qu'on m'a
33:53amputé
33:54de ma liberté
33:54tant la sensation
33:56est celle
33:56de la perte
33:57d'un membre
33:58ou d'un sens.
33:59Le 7 décembre
34:01il a sa fille Catherine
34:02sur les genoux
34:03le temps d'une visite
34:04Madeleine
34:05soucieuse
34:06de ménager ses enfants
34:07ne leur dit pas
34:08qu'elles se rendent
34:09à la prison
34:10elle leur fait croire
34:12qu'ils résident
34:13dans une chambre
34:14d'un genre
34:15un peu particulier
34:16Le 3 octobre 1940
34:27le gouvernement
34:27du maréchal Pétain
34:29promulgue une loi
34:30qui régit le statut
34:31des juifs
34:32et les exclut
34:33de la fonction publique
34:34Philippe Erlanger
34:36se dit
34:37qu'il est grand temps
34:37de déménager
34:38On lui a accordé
34:40un sursis
34:41mais pour combien
34:41de temps ?
34:43Un juif
34:43ne peut plus désormais
34:44être un fonctionnaire
34:45de l'état
34:45Muni d'un
34:48Hausweis
34:49de fortune
34:50il prend le train
34:51Le convoi
34:52s'arrête
34:53en gare de Moulin
34:53C'est la frontière
34:55Les soldats allemands
34:56envahissent les wagons
34:57La gorge nouée
35:00Erlanger
35:01explique
35:01qu'il se rend
35:02en zone
35:02non occupée
35:03pour des raisons
35:04cinématographiques
35:06Il lui semble
35:09en effet naturel
35:10de prendre
35:10le chemin de Cannes
35:11où il connaît
35:12beaucoup de monde
35:13et va donc voir
35:14Henri Gendre
35:14le directeur
35:16du grand hôtel
35:16de Cannes
35:17qui l'accueille
35:18à bras ouverts
35:19Le grand hôtel
35:24est alors
35:25écrit Erlanger
35:26un des plus jolis
35:28de France
35:28une espèce
35:30de château
35:30séparé
35:31de la croissette
35:32et de la mer
35:33par un magnifique jardin
35:34Je suis exilé
35:36au paradis
35:37sous une épée
35:38de Damoclès
35:39On trouve
35:42sur la côte d'Azur
35:43toute une population
35:44cosmopolite
35:45des français
35:46et beaucoup d'étrangers
35:47réfugiés politiques
35:49Pelle-Melle
35:50Maurice Chevalier
35:51Marcel Achard
35:52Tristan Bernard
35:54Reynaldo Hahn
35:55Laga Khan
35:56des princes russes
35:57en exil
35:58Salomon Guggenheim
36:00Les Rothschild
36:01Les Lévitants
36:02Henri Salvador
36:04etc.
36:07Jean-Paul Sartre
36:08écrira
36:09à propos
36:10de cette époque
36:10L'occupation
36:12était intolérable
36:13et nous nous en
36:14accommodions
36:14fort bien
36:15Il y a tout de même
36:18ceux qui ne se sont
36:19pas du tout
36:19accommodés
36:20de la situation
36:21Dalio
36:23Jean-Pierre Aumont
36:24Michel Morgan
36:25et Jean Gabin
36:26ont pris le chemin
36:27de l'exil
36:28et sont partis
36:29aux Etats-Unis
36:30Gabin s'engage
36:32en 1943
36:33dans les forces
36:34navales françaises
36:35Josephine Baker
36:36s'engagera
36:37dans les forces
36:38françaises libres
36:39et sera décoré
36:40à la libération
36:41Robert Linen
36:42qui incarna
36:43superbement
36:44Poil de Carotte
36:45dans le film
36:45de Julien Duvivier
36:46s'engagera
36:47dans la résistance
36:48et sera arrêté
36:49par les Allemands
36:50torturé et fusillé
36:51en 1944
36:53Joseph Goebbels
36:56avait depuis longtemps
36:57le désir d'inviter
36:58les artistes
36:59et les intellectuels
36:59français
37:00a visité
37:01la grande
37:01Allemagne victorieuse
37:03chacun avait
37:04les libertés
37:05d'accepter
37:06ou de refuser
37:06le fameux voyage
37:07à Berlin
37:08qui a fait couler
37:09beaucoup d'encre
37:10et enflammer
37:11le patriotisme
37:12parfois tardif
37:13des épurateurs
37:14de la libération
37:15parmi les amateurs
37:17d'imprudence
37:18il y eut
37:19des étordis
37:19des conformistes
37:21et des vrais collabos
37:22nous ne citerons
37:24aucun nom
37:24le 18 avril 1942
37:30Pétain
37:30nomme Pierre Laval
37:32chef de gouvernement
37:33on entre désormais
37:35dans la phase
37:36de collaboration active
37:37comme l'écrit Goebbels
37:39qui se gratte
37:40de plus en plus
37:41à cause d'un eczéma
37:42nerveux
37:42nous ne pouvons trouver
37:44meilleur homme
37:44que Laval
37:45pour notre politique
37:46en novembre 1942
37:51la zone libre
37:52rebaptisée
37:53zone sud
37:54est envahie
37:54par les allemands
37:55Jean Zé
37:58écrit dans sa cellule
37:59dans la nuit
38:00mais réveille
38:01un roulement
38:01sourd et continu
38:02ce sont les camions
38:04et les engins
38:05blindés
38:05de l'armée allemande
38:06qui viennent de franchir
38:08la ligne de démarcation
38:09et s'élancent
38:10vers la côte
38:11méditerranéenne
38:12jusque là
38:14la côte d'Azur
38:15semblait encore
38:16épargné
38:17mais dès que les allemands
38:18franchissent
38:19la ligne de démarcation
38:20Philippe Erlanger
38:21subit le nouveau statut
38:23des juifs
38:23qui sont désormais
38:24exclus de toutes
38:26les professions
38:26en vue d'éliminer
38:27leur influence
38:28dans la vie économique
38:29nationale
38:30les décrets indignes
38:32se succèdent
38:33tous signés
38:34par Philippe Pétain
38:34maréchal de France
38:36depuis la préparation
38:39du festival de Cannes
38:40Erlanger
38:41est une personnalité
38:42que l'on reconnaît
38:43dans les rues
38:43difficile pour lui
38:45de passer inaperçu
38:46il va donc devoir
38:48présenter aux autorités
38:49françaises
38:50ses papiers
38:50et le formulaire
38:51de recensement
38:52parmi les fonctionnaires
38:54peu amènes
38:55auxquels je présente
38:56mes papiers
38:56je reconnais certains
38:58de ceux qui avaient été
38:59mis à ma disposition
39:00il y a trois ans
39:01pour organiser le service
39:02d'ordre du festival
39:03à Nice
39:07une première rafle
39:08a eu lieu en août
39:09et la plupart des réfugiés
39:11vont désormais
39:12devoir se cacher
39:13éviter les voitures noires
39:15de la Gestapo
39:15se méfier de tout
39:17voisins
39:18miliciens
39:19concierges
39:20commerçants
39:20prostitués
39:21policiers en civil
39:22les lettres anonymes
39:24encombrent les commissariats
39:25le port de l'étoile jaune
39:28est devenu obligatoire
39:29Erlanger écrit
39:32quels les ogres des comtes
39:35ils se lèchent les babines
39:36à la pensée des juifs
39:37qu'ils vont dévorer
39:38dans la zone de Nice
39:39le massacre des innocents
39:45va pouvoir commencer
39:46les SS procèdent
39:58à des arrestations
39:59dans les palaces
39:59puis toute la ville y passe
40:09Erlanger veut quitter Nice
40:16pour Cannes
40:17en attendant
40:19il déniche
40:19une pension de famille
40:20où se planquer
40:21la pension des lauriers roses
40:23un effroyable papier jaune
40:27à grandes fleurs rouges
40:28décore les murs
40:29il attend
40:30un ami comédien
40:33vient lui dire
40:34que le train de 5 heures
40:35a été arrêté
40:36par les SS
40:36qui ont fait descendre
40:38tout le monde
40:38les voyageurs ont été
40:41matraqués
40:42et chargés
40:42comme du bétail
40:43dans des camions
40:44ce jour-là
40:46plusieurs centaines
40:47de personnes sont parties
40:49non pas pour Cannes
40:50mais pour les camps de l'Est
40:52effondré
40:54Philippe Erlanger
40:55se terre dans sa chambre
40:56dans sa prison
41:04Jean Zé écrit
41:05le soleil se couche
41:08de la rue
41:09de la rue
41:09de la rue
41:09monte des cris
41:10et des rires
41:11d'enfants
41:11je ne cède à la nuit
41:15qu'à la dernière extrémité
41:16quand le livre
41:18noyé d'ombre
41:19exige d'être deviné
41:21à Nice
41:24la chambre
41:25où Erlanger
41:25continue de se terrer
41:27est devenue une cellule
41:28j'ai presque hâte
41:31qu'ils arrivent
41:32que cela finisse
41:33écrit-il
41:35un ami le presse
41:36de sortir
41:37de sa torpeur
41:38résignée
41:38il lui conseille
41:40de prendre
41:40le prochain autocar
41:41pour Cannes
41:42s'il s'agit
41:44de finir en beauté
41:45autant que ce soit
41:47en effet
41:47dans cette ville
41:48où devait avoir lieu
41:49le festival
41:50se dira Erlanger
41:52il prend donc sa valise
41:54et quitte sa chambre
41:55mais Cannes
41:58est ratissée
41:58par la Gestapo
41:59et l'atmosphère
42:00y est désormais
42:01irrespirable
42:02il trouve réfuge
42:04en Gascogne
42:05et se terre à nouveau
42:06l'oreille collée
42:07au poste de radio
42:08et au perspective
42:09du débarquement
42:10comme un signe
42:12annonciateur
42:13de la victoire
42:13des alliés
42:14les miliciens
42:15de Joseph Tarnon
42:16sèment partout
42:17la terreur
42:18et multiplient
42:18les arrestations
42:19et les exécutions
42:20les derniers mots
42:25écrits par Jean Zé
42:26sont datés du 19 juin
42:271944
42:28c'est l'ultime lettre
42:30qu'il fait parvenir
42:31à Madeleine
42:32voici la dernière étape
42:35celle qui sera brève
42:37et au bout de laquelle
42:39nous nous retrouverons
42:40unis et tranquilles
42:41dans notre bonheur
42:44avec nos filles
42:45je pars plein
42:47de bonne humeur
42:47et de force
42:48je n'ai jamais été
42:50si sûre de mon destin
42:51et de ma route
42:52cette lettre
42:55pour le moins étrange
42:56il la confie
42:58au directeur
42:58de la prison de Rion
42:59avant de suivre
43:01les miliciens
43:01qui sont venus
43:02le chercher
43:02dans une note
43:05en date
43:06du 16 juin
43:07émanant des services
43:08de Tarnon
43:08le chef de la mélisse
43:10le directeur
43:11de l'administration
43:12pénitentiaire
43:13doit procéder
43:14au transfert
43:15du nommé
43:15Jean Zé
43:16destination
43:17la centrale de Melin
43:19la date du 20 juin
43:21est arrêtée
43:21et le plus grand secret
43:22est de rigueur
43:23Jean Zé
43:25demande à voir sa famille
43:26avant de partir
43:27refus des autorités
43:29les trois hommes
43:33qui viennent le chercher
43:34se font passer
43:34pour des maquisards
43:35déguisés en mélicien
43:36et lui disent
43:38qu'il est sauvé
43:38il leur demande aussitôt
43:40de prévenir son épouse
43:41ils le rassure
43:43ils lui écriront
43:45deux heures plus tard
43:47il est abattu
43:47par une rafale
43:48de mitraillettes
43:49son corps
43:58retrouvé
43:59quatre ans plus tard
44:00a été jeté
44:01dans un ravin
44:02dénommé
44:02le puits du diable
44:03Philippe Erlanger
44:08sortira vivant
44:09de son cauchemar
44:10à la libération
44:11Marcel Abraham
44:12le directeur
44:13de cabinet
44:14de Jean Zé
44:15lui annoncera
44:16qu'il n'a jamais
44:16cessé d'être
44:17le directeur
44:18de l'action artistique
44:19comme si ces années noires
44:21n'avaient été
44:21qu'une parenthèse
44:22ou un très mauvais rêve
44:24en imaginant un festival
44:39international du monde libre
44:41Erlanger et Zé
44:43avaient sûrement rêvé
44:44que le septième art
44:45pourrait échapper
44:46au contrôle des politiques
44:47et à toute idée
44:48de propagande
44:49le régime de Vichy
44:53au nom de la révolution nationale
44:55va demander aux cinéastes
44:57de magnifier sur les écrans
44:58le message
44:59d'une France nouvelle
45:00une France purifiée
45:02régénérée
45:03et de préférence catholique
45:05le miracle
45:08de ces années noires
45:09c'est le nombre
45:09de cinéastes
45:10et donc de films
45:11qui vont réussir
45:12à passer
45:12au bout du compte
45:13entre les mailles du filet
45:15comme si
45:16l'asservissement
45:17du régime de Vichy
45:18au directif culturel
45:19des nazis
45:20avait engendré
45:21une vitalité créatrice
45:22qui est le propre
45:24de l'esprit de résistance
45:25Bien sûr
45:34il y a eu
45:34des navets
45:35des films soporifiques
45:36et des fictions
45:37à l'eau de rose
45:38mais aussi
45:38des œuvres d'importance
45:40signaient
45:40Marcel Carnet
45:41Henri-Georges Clouseau
45:43Henri Decoin
45:45Jean Cocteau
45:46Maurice Tourneur
45:48André Cayatte
45:49pour ne citer qu'eux
45:51Tous ces réalisateurs
45:53acteurs
45:53et techniciens
45:54du cinéma
45:55ont bataillé
45:56pour survivre
45:56La plupart
45:58ont signé
45:59des contrats
45:59avec la Continentale
46:01et c'est bien
46:01ce qui leur a été
46:02reproché à la libération
46:04par les commissions
46:05d'épuration
46:05À quoi tient parfois
46:07un engagement
46:08du bon
46:08ou du mauvais côté
46:09Une erreur
46:11d'aiguillage
46:12et on prend
46:12la mauvaise direction
46:13Mais qui est
46:14le chef
46:15des gares
46:15irréprochable
46:16Ce qui importe
46:24avant tout
46:24désormais
46:25c'est de penser
46:26les blessures
46:27de la guerre
46:27Dans un pays
46:31exsangue
46:32Philippe Erlanger
46:33relance l'idée
46:33d'un festival
46:34et le temps
46:36presse
46:36car d'autres villes
46:37et d'autres pays
46:38pourraient créer
46:38leurs manifestations
46:39et prendre
46:40cannes de vitesse
46:41Comme l'argent manque
46:50la municipalité
46:52lance son souscription
46:53et tous les corps
46:54de métier
46:54participent
46:55à ce nouveau défi
46:56On retrouve ainsi
46:58l'enthousiasme
46:59et la fièvre
47:00de 1939
47:01et cette fois
47:02sans bruit de bottes
47:04le long des frontières
47:04Les dates sont enfin
47:10arrêtées
47:10Cette édition historique
47:13aura lieu
47:13du 20 septembre
47:14au 15 octobre
47:151946
47:16Erlanger le dira
47:18lui-même
47:19C'était la première fête
47:21que s'offrait le monde
47:22dans une sorte d'ivresse
47:24sous un soleil
47:26qui ne cessa de briller
47:27jusqu'à la mi-octobre
47:28Pour trois semaines
47:42Cannes est devenue
47:43la capitale
47:43du cinéma international
47:44et le festival
47:46projeté avant-guerre
47:47a rendu à Cannes
47:48l'animation
47:49des temps heureux
47:50Chaque jour
47:51des hôtes de marque
47:52sont venus en visite
47:53apportant leur tribu
47:55d'une admiration
47:55que Cannes leur rendait bien
47:57sous forme d'accueil
47:58fastueux
47:58et d'heures radieuses
47:59Sur la croisette
48:10pavoisée aux couleurs
48:11des 19 nations participantes
48:13la classique bataille
48:14de fleurs
48:15a preludé
48:15aux compétitions
48:16des maîtres films
48:17choisies dans la production
48:19de chaque pays
48:19Président de cette manifestation
48:26à trois reprises
48:27Jean Cocteau disait
48:29que le festival de Cannes
48:30doit être un no man's land
48:32où les politiques
48:33ne jouent aucun rôle
48:34une zone franche
48:37tel était bien
48:38l'esprit de départ
48:39qui avait animé
48:40Jean Zé
48:41et Philippe Erlanger
48:42mais la politique
48:44ne cessera jamais
48:45de s'inviter au festival
48:46ce qui nous montre bien
48:48à quel point le cinéma
48:49est le miroir
48:49de nos sociétés
48:50Le 23 mars 1956
48:55Nuit et brouillard
48:56le court-métrage
48:57d'Alain René
48:58est retenu
48:59à l'unanimité
49:00dans la sélection officielle
49:01du festival de Cannes
49:02Anatole Daumont
49:04le producteur
49:05d'Alain René
49:05apprend alors
49:06que l'ambassade d'Allemagne
49:07souhaite visionner
49:08le film
49:09Et qui fait savoir
49:11à son ministre
49:12que la présentation
49:13de Nuit et brouillard
49:14risque fort
49:15de choquer les Allemands
49:16C'est le directeur
49:19de l'action artistique
49:20du Quai d'Orsay
49:21qui n'est autre
49:22que Philippe Erlanger
49:24L'article 7
49:28du règlement
49:28édicté en 1939
49:30stipule
49:32que le jury
49:32a le droit
49:33de refuser un film
49:34s'il le juge de nature
49:36a blessé
49:36le sentiment national
49:37d'un État
49:38Et puisqu'il faut désormais
49:40fortifier les relations
49:41entre nos deux pays
49:42un film documentaire
49:44sur l'horreur
49:44des camps d'extermination
49:45nazis
49:46va donner une mauvaise image
49:48de la Nouvelle-Allemagne
49:49Le gros-métrage
49:51d'Alain René
49:52est donc retiré
49:53de la compétition
49:54Qu'en aurait dit
49:56Jean Zé ?
49:57Ne nous exprimons pas
50:00à sa place
50:00et contentons-nous
50:02de lire et de relire
50:03ces propos de Jean Cassou
50:04préfaçant souvenirs
50:06et solitude
50:07Ce sont les autres
50:11qui ne comprennent pas
50:12Les bourreaux
50:13les menteurs
50:14les assassins
50:16ceux qui détiennent
50:17les prisonniers
50:18et les tuent
50:19ceux qui croient
50:20gouverner le monde
50:21alors que le monde
50:22entre leurs mains
50:23se fait conscience
50:24expérience
50:26espoir
50:27et révolte
50:28Les bourreaux
50:30ne pourront jamais
50:31imaginer la lumière
50:32et la volonté
50:33que nous communiquent
50:34nos morts
50:34et que la fête
50:40recommence
51:04et que la fête
51:10de la fête
51:11de la fête
51:12Sous-titrage MFP.
Recomendado
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