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  • il y a 2 semaines
Nouveaux droits de douane aux Etats-Unis : la France peut-elle tenir le choc ?

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00:00Générique
00:00Et bienvenue dans les informés de l'écho, votre émission de décryptage de l'actualité économique et sociale comme chaque semaine en votre présence.
00:14Emmanuel Cuny, bonjour.
00:15Bonjour à tous.
00:15Et avec cette semaine, Natacha Valla, bonjour.
00:18Bonjour.
00:18Vous êtes économiste, présidente du Conseil National de la Productivité, Lionel Fontanier, bonjour.
00:23Vous êtes directeur de l'Institut des politiques macroéconomiques et internationales, membre du cercle des économistes.
00:29Aujourd'hui, Emmanuel, nous allons évoquer l'offensive commerciale américaine avec de nouvelles taxes douanières, c'est ça ?
00:37Oui, dans le contexte de géopolitique française, on va dire, dans le contexte politique vraiment très chargé d'information.
00:45Il passait pratiquement inaperçu, c'était mercredi.
00:48Depuis mercredi, en effet, les États-Unis appliquent de nouvelles taxes douanières sur les produits européens.
00:54Il y a les médicaments, il y a les camions et puis il y a les meubles.
00:57Alors, ce sont des droits de douane, par exemple, de 100% sur tous les produits pharmaceutiques.
01:02Alors, ce n'est pas sans conséquence, évidemment, sur notre industrie française et européenne.
01:07Avec ces taxes douanières, l'inflation est en train de repartir aux États-Unis.
01:12Quid d'une propagation de ce côté-ci de l'Europe ?
01:15Ça, c'est pour l'aspect macro.
01:16Et puis, il y a également l'aspect monétaire avec l'euro qui remonte face au dollar.
01:20Et ça, c'est mauvais, on l'a déjà vu, pour notre commerce extérieur.
01:24Puisque quand l'euro est plus fort que le dollar, on vend nos articles beaucoup plus chers à l'étranger.
01:28Donc, jusqu'où ira le siphonnage de l'industrie européenne par Donald Trump ?
01:32Et puis, on voit d'évidence que ce sont de nouveaux dossiers très chauds,
01:35de nouveaux défis pour la nouvelle équipe gouvernementale dont on devrait connaître la composition dans quelques heures.
01:43Alors, Lionel Fontanier, est-ce que ces nouvelles taxes, effectivement, dont on n'a pas beaucoup parlé,
01:47et est-ce qu'on doit les craindre une fois de plus ?
01:50Alors, c'est un tout petit peu difficile de répondre de façon précise,
01:53parce que ces taxes qui devaient s'appliquer mercredi, notamment sur les médicaments, ont été repoussées.
01:58Leur application a été repoussée parce que les textes n'étaient pas encore prêts.
02:02Et c'est encore plus difficile, puisque l'Europe, en théorie, devrait être protégée de ces taxes
02:07par l'accord qui a été beaucoup critiqué ici,
02:10mais par l'accord qui prévoit que les taxes maximum seront de 15% sur les produits européens.
02:15Pourquoi il y aurait une exception, alors ?
02:17Parce que c'est le deal qui a été signé entre l'Europe et les États-Unis,
02:23avec l'Europe qui a diminué, ramené à zéro, beaucoup de droits de douane industrielles,
02:27qui a pris des engagements en matière d'investissement aux États-Unis.
02:31Et donc, ce deal prévoit que les taxes seront au maximum de 15% sur l'Europe.
02:37Alors, c'est beaucoup plus embêtant pour la Suisse, par exemple,
02:39qui n'a pas signé un tel accord.
02:42On pense à des industriels comme Novartis, comme Roche, qui sont basés en Suisse.
02:45Voilà, tout à fait.
02:46Alors, ce que veut, en fait, Donald Trump, Emmanuel Cuny l'a bien rappelé,
02:50c'est attirer des investissements dans l'industrie pharmaceutique aux États-Unis.
02:54Ça fait partie de son grand programme de réindustrialisation des États-Unis.
02:58Et ça, c'est un objectif de long terme.
03:00C'est-à-dire, ça va prendre du temps.
03:02Les usines ne se créent pas en un mois ni en une année.
03:06Ça prend beaucoup de temps.
03:08Et donc, la question qui va se poser, c'est de savoir combien de temps
03:10cette politique agressive de Donald Trump va pouvoir être tenue
03:14et avec, en même temps, ces délais qui sont nécessaires
03:19pour construire des usines, de microélectroniques, de médicaments, etc.
03:22Et combien de temps aussi, Natacha Valla, nous, nous allons pouvoir tenir ?
03:25Peut-être que c'est ça aussi la question.
03:26Est-ce que c'est soutenable de tels niveaux de droits de douane ?
03:31Il y a la question du niveau des droits de douane.
03:33Il y a aussi, et surtout, j'allais dire, la question de l'incertitude.
03:36On l'a bien vu.
03:37On pense que c'est 15.
03:39Et puis, finalement, en fait, non, il y a des exceptions.
03:41Et dans le fond, on n'en sait rien parce que certains autres pays
03:44ont cru trouver un accord.
03:46Et finalement, ça a été...
03:47Avec en tête l'idée que Donald Trump peut toujours balayer ce qu'il a décidé.
03:50Voilà, c'est ça.
03:51Il y a un manque de lisibilité à moyen terme, à court terme, bien évidemment,
03:56mais à moyen terme, qui fait que finalement, ces décisions,
03:59notamment les décisions d'investissement,
04:00qui sont quand même des décisions sur des cycles moyennement longs,
04:04plusieurs années, on a du mal à les prendre.
04:06On a du mal à les prendre aussi parce qu'on ne sait pas dans quelle mesure...
04:09On ne sait pas chiffrer les flux de revenus futurs et la demande future.
04:14Ça, c'est le premier point.
04:15Et le deuxième point, vous le mentionnez,
04:17et Emmanuel Cuny le mentionnait tout à l'heure,
04:19c'est qu'est-ce que ça va vouloir dire sur la dynamique de l'inflation
04:22pour les prix à la consommation ?
04:23Alors, avant tout aux États-Unis,
04:26puisque le mécanisme le plus naturel, il se fait dans ce sens-là.
04:28Et on le voit déjà, d'ailleurs, aux États-Unis.
04:31Alors, on commençait à voir l'argument,
04:33mais finalement, on sait qu'un droit de douane,
04:35c'est ce qu'on dit « one-off »,
04:37c'est une fois un coup et une fois que c'est fait, c'est passé.
04:40Donc, ça fait un gros pic sur l'inflation
04:42et ensuite, ce pic se dégrade au fil du temps.
04:45Ça ne va peut-être pas être aussi facile que ça
04:47parce qu'on a des phénomènes par vagues
04:49et ça s'auto-alimente, finalement.
04:51Donc, l'impact sur l'inflation,
04:53il faut quand même le prendre en compte aux États-Unis
04:55et pour nous, avec d'autres mécanismes en zone euro.
04:58Et alors, justement, chez nous, Emmanuel Cuny,
04:59on peut se dire, nous, on peut être aussi touché
05:02par ces taxes douanières ?
05:05Spontanément, on pourrait se dire que non, mais...
05:06L'inflation, généralement, ce qui se passe aux États-Unis,
05:09c'est un peu comme avec les taux d'intérêt,
05:10la politique monétaire,
05:11ce qui se passe aux États-Unis,
05:12généralement, ça arrive après en Europe,
05:14ça traverse l'Atlantique.
05:16Alors, aux États-Unis, je crois que l'inflation est repartie
05:18et on est à 2,7% de hausse des prix.
05:21C'est la hausse la plus importante depuis six mois.
05:24Donc, il va falloir suivre tout ça de très près.
05:26Et puis, quelles conséquences concrètes pour notre quotidien ?
05:29Alors, on l'a évoqué en termes de commerce,
05:31en termes de pouvoir d'achat
05:32et puis les marges de manœuvre budgétaire
05:35pour tenir notre propre système
05:36parce que là, on est en train de construire
05:38le budget 2026.
05:40Comment relancer la machine
05:42tout en préservant l'emploi ?
05:44Ça, c'est important.
05:45Est-ce qu'il faut y voir des risques
05:46ou même peut-être des opportunités
05:48pour réindustrialiser ?
05:50C'est-à-dire, on va réparer la maison
05:52alors que le toit est déjà cassé
05:54mais là, il est temps de réparer cette maison.
05:56Alors, justement, Lionel Fontani,
05:58est-ce que la réponse qu'on peut apporter,
06:01ça peut être quoi ?
06:02Ça peut être plus de protectionnisme de notre côté
06:05quitte à rentrer dans un vrai conflit
06:07ou il faut se laisser, pardonnez-moi l'expression,
06:10mais un peu dépecer de nos industries
06:11qui, vous le décriviez,
06:13risquent peut-être de partir en Amérique ?
06:15Natacha l'a dit, en réalité,
06:16ça crée énormément d'incertitudes.
06:18Donc, cette incertitude,
06:19ça veut dire qu'on ne va pas investir en Europe
06:21mais on ne va probablement pas investir
06:22vraiment tout de suite aux États-Unis.
06:24Et donc, ça, c'est très pénalisant.
06:26C'est à somme nulle pour l'instant.
06:27C'est un jeu à somme nulle
06:28ou un jeu à somme négative en réalité
06:29puisqu'il n'y a que des perdants.
06:32Sur l'impact sur les exportations,
06:34on a fait le calcul à l'IMIP,
06:37la France n'est pas très exposée
06:38dans ses exportations de biens vers les États-Unis,
06:41moins que l'Allemagne, par exemple.
06:42Et donc, si on regarde, une fois qu'on a pris en compte
06:45la possible réorientation de nos exportations
06:48vers d'autres destinations,
06:50les exportations françaises devraient baisser
06:51au final de quelque chose comme 2%.
06:53Donc, ça peut paraître très peu.
06:55Sachant qu'on n'a pas une balance commerciale
06:56quand même qui est très avantageuse,
06:58je crois, en ce moment.
07:00Tout à fait.
07:00Mais donc, ça peut paraître effectivement peu.
07:03Mais il faut voir que si on regarde maintenant
07:05les chiffres sur les États-Unis
07:06et sur certains secteurs,
07:07ça peut être des chiffres beaucoup plus élevés.
07:09Donc, il y a certaines entreprises
07:10qui vont être très, très exposées à cela
07:12et qui commencent à passer des provisions.
07:14Par exemple, si vous prenez l'agriculture en général,
07:17l'impact sur les exportations agricoles totales françaises,
07:20ça va être moins 4%.
07:21Donc, on va dire que moins 4%, ça peut être absorbé.
07:24Mais en réalité, si vous regardez
07:25la même agriculture vers les États-Unis,
07:28c'est moins 60%.
07:29Donc, effectivement, on a certains secteurs
07:31de l'agriculture qui commencent à dire
07:33que c'est quelque chose qui est difficilement tenable.
07:36Donc, ça, c'est ce qui se passe au niveau des entreprises
07:38qui sont très touchées.
07:39Quel est l'impact macroéconomique ?
07:41Pour revenir sur la question d'Emmanuel Cunier.
07:43Eh bien, le Trésor avait fait ses propres calculs
07:47dans le rapport d'avancement annuel
07:49par rapport au plan budgétaire et structurel à moyen terme.
07:53Et ce qu'avait trouvé le Trésor, c'était très alarmant.
07:56C'était moins 0,3% de croissance pour la France en 2025.
08:01Donc, on est vraiment en train de chercher
08:02de la croissance en France pour équilibrer le budget.
08:04Et donc, moins 0,3%, ça serait tout à fait énorme.
08:07Donc, nous, nous trouvons la moitié de cela
08:09une fois que la réorientation s'est faite.
08:12Et la réorientation se fait vers quoi ?
08:13Et ça va répondre à votre question.
08:15C'est notamment vers l'Europe.
08:16Donc, ce qu'il faut faire, la solution,
08:19c'est approfondir, on rentre dans le rapport Draghi,
08:22c'est approfondir l'intégration européenne
08:23et se dire finalement qu'on est dans une maison formidable
08:26et qu'il faut s'occuper du toit de cette maison
08:28avant de regarder dehors.
08:29Rapport Draghi dont on parle souvent sur l'antenne.
08:31On rappelle ce rapport qui est sorti l'année dernière
08:33sur l'investissement, incitant à l'investissement en Europe,
08:35notamment, Natacha Vala.
08:37Vous partagez la solution,
08:39ça peut être de se tourner vers notre propre marché ?
08:42Bien évidemment, et là, on ferait d'une pierre deux coups.
08:44Moi, je pense qu'il y a la dimension commerciale
08:46qui est une incitation, en réalité,
08:48pour des mauvaises raisons.
08:49Mais on a aussi beaucoup de bonnes raisons
08:51de s'intéresser à l'industrie européenne.
08:54On parle des liens commerciaux avec les Etats-Unis.
08:58Il faut aussi parler des liens financiers avec les Etats-Unis.
09:01Et là, effectivement, il y a également une asymétrie
09:04entre la France et l'Allemagne.
09:05La France est beaucoup plus exposée,
09:07quand on rapporte ça au PIB,
09:09à la finance américaine que ne le sont les Allemands.
09:12Donc, occupons-nous de la façon dont notre épargne est investie.
09:17Faisons en sorte qu'elle s'investisse plus sur notre continent
09:20que sur le continent américain.
09:23Et ça, de façon intégrée, et c'est également dans le rapport Draghi,
09:26d'une certaine manière, avec tout le chapitre
09:28sur l'évolution des réglementations,
09:31faisons en sorte que cette épargne, à moyen terme,
09:34nous permette de reconstruire, non seulement une industrie,
09:37mais un potentiel de croissance plus élevé.
09:39Il nous reste très, très peu de temps, Mme Cunni,
09:41mais il y a le sujet aussi sur l'impact sur le gouvernement actuel,
09:45qu'on va avoir peut-être en France,
09:47et l'impact budgétaire, potentiellement.
09:48Alors, l'impact budgétaire, donc l'épargne en Europe,
09:51il y a des initiatives qui sont prises.
09:53Mme van der Leyen, la présidente de la Commission,
09:55veut mobiliser les 35 500 milliards d'euros d'épargne en Europe.
09:59Donc, il faut voir comment on va la flécher, cette épargne.
10:02Et puis, il y a la fameuse fiscalité.
10:04On ne va pas revenir sur la taxe Zuckmann.
10:06Évidemment, elle est abandonnée, le Premier ministre l'a dit,
10:08mais au profit d'une fiscalité des hauts patrimoines,
10:11sans toucher l'investissement.
10:13Donc, comment faire en sorte de trouver une bonne fiscalité
10:16pour réindustrialiser et ne pas freiner, justement,
10:19l'initiative économique en France et en Europe ?
10:21Alors, il nous reste 20 secondes.
10:23Qui, allez, Lionel Fontanier, vous y allez, sur la question budgétaire.
10:28Est-ce que cette donne internationale, elle peut changer aussi la donne budgétaire ?
10:31On doit la prendre en compte.
10:31Elle va changer, notamment, les taux d'intérêt réels.
10:36Et donc, l'impact sur le ratio dette divisé par PIB,
10:41donc la dette divisé par le revenu national.
10:44Donc, il va y avoir un point de plus de dette par rapport au PIB en 2029.
10:49Donc, ce n'est pas vraiment ce dont on a besoin en ce moment.
10:51Un tout petit mot, Natacha Vallard.
10:52Il nous reste quelques secondes.
10:53Ça renforce l'impératif de réflexion vraiment profonde sur la structure de nos dépenses,
10:58puisque les recettes, ça va être un petit peu compliqué à augmenter.
11:00Voilà, on aurait pu en parler pendant encore bien plus longtemps.
11:04Merci à vous, Natacha Vallard.
11:06Vous êtes économiste, membre du Conseil national de la productivité.
11:09Lionel Fontanier, de l'Institut des politiques macroéconomiques et politiques,
11:13et membre du Cercle des économistes.
11:15Et merci à vous, Emmanuel Cuny, d'avoir été avec nous une nouvelle fois ce matin.
11:19Et merci d'avoir suivi les informés de France Info.
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