- il y a 2 jours
L’œuvre de Paul Cézanne est indissociable de la cité où il vit le jour, Aix-en-Provence. C’est ici que se trouve la bastide du Jas de Bouffan, propriété de sa famille de 1859 à 1899. Plus qu’un lieu de résidence, cette maison fut pour le peintre, incompris de son vivant, un laboratoire de création où il expérimenta motifs et techniques pour s’imposer comme l’un des pères de la modernité. En marge de la réouverture de la bastide – devenue un musée consacré au maître – après de longs travaux, et de l’exposition "Cézanne au Jas de Bouffan", présentée du 28 juin au 12 octobre 2025 au musée Granet d’Aix-en-Provence, ce documentaire explore le lien qu’entretint l’artiste avec ce refuge familial.
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00:00Sous-titrage Société Radio-Canada
00:30Cézanne. Il était notre père à tous. C'est lui qui nous protégeait.
00:39Cézanne fait sauter une bombe en peignant une tête comme un objet. Il disait « Je peins une tête comme une pomme, comme n'importe quoi ».
00:48L'art est une harmonie parallèle à la nature. Que pensez des imbéciles qui vous disent « Le peintre est toujours inférieur à la nature ».
01:07Considéré comme le père de l'art moderne, Cézanne ne serait pas Cézanne sans la terre où il a vécu et travaillé.
01:15Il a puisé largement son inspiration artistique dans la bastide du jas de Bouffan.
01:22Situé près de la montagne Sainte-Victoire, cette demeure a été pour lui un refuge et un champ d'expérimentation.
01:28L'œuvre du maître d'Aix, comme on l'appelle, reste indissociable de sa province natale.
01:38Sous-titrage Société Radio-Canada
01:45Dans l'arrière-pays d'Aix-en-Provence,
02:12« Cinq passionnés partent sur les traces du peintre ».
02:15Ici, sa présence et son œuvre sont toujours palpables.
02:23La Sainte-Victoire, motif emblématique de la carrière de Cézanne,
02:28apparaît dans près de 80 de ses tableaux.
02:30Ce qui est fascinant, c'est que Cézanne avait besoin de comprendre la géologie du site pour pouvoir la peindre.
02:44Et c'est vraiment intéressant de voir qu'à la fois il peint ce qu'il voit et ce qui surgit,
02:51mais à la fois il a besoin de comprendre les forces en présence,
02:53la géologie, la poussée, l'émergence, l'éruption de la montagne.
03:00Et donc la question géologique de la forme qui se fait, elle est primordiale pour lui.
03:04Est-ce que du coup Cézanne, il savait que la montagne, elle était montée à l'envers,
03:11comme il nous avait expliqué le géologue ?
03:13Non, je crois que ça c'est l'aspect qu'ils n'avaient pas encore à l'époque.
03:17Ce qui fait la spécificité de la Sainte-Victoire, c'est que c'est un pli
03:22et que les strates sont plus horizontales, elles sont verticales.
03:25Dans cette représentation de la Sainte-Victoire,
03:40Cézanne applique une myriade de touches horizontales et verticales.
03:52Le peintre ne cherche pas à reproduire fidèlement la réalité,
03:55sa propre sensibilité s'intègre dans une composition structurée du tableau,
04:01celui-ci étant censé dégager une harmonie qui lui est propre.
04:11Sur cette photo, on aperçoit le maître qui pose une toile de sa célèbre montagne
04:17pour qu'elle sèche au soleil.
04:20Longtemps moqué et décrié par ses contemporains,
04:22Cézanne est resté pendant des années un artiste au génie incompris.
04:27En 1900, il a près de 60 ans lorsque son œuvre est enfin saluée par la critique.
04:32Même s'il est désormais reconnu et admiré,
04:35il sera en proie aux doutes jusqu'à la fin de sa vie.
04:39Les artistes de la jeune génération se réclament de lui
04:42et immortalisent le maître à l'œuvre en lui témoignant leur admiration.
04:46Pour eux, Cézanne est un peintre audacieux,
04:50véritable précurseur de l'art moderne.
04:52Avec un petit tempérament, on peut être très peintre.
04:56On peut faire des choses bien sans être très harmoniste,
04:59ni coloriste.
05:00Il suffit d'avoir un sens d'art.
05:02Et c'est sans doute l'horreur du bourgeois, ce sens-là.
05:06Donc, les instituts, les pensions, les honneurs
05:08ne peuvent être faits que pour les crétins, les farceurs et les drôles.
05:12Ne soyez pas critiques d'art, faites de la peinture.
05:23Sur cet autoportrait, Cézanne a une vingtaine d'années.
05:29Déjà, sa peinture exprime une originalité singulière.
05:39Né en 1839 à Aix-en-Provence,
05:42Paul Cézanne grandit dans un milieu modeste
05:45avec ses parents et ses deux sœurs.
05:47À cette époque, son père travaille comme chapelier
05:49et la famille habite dans la vieille ville.
06:02Philippe Cézanne, arrière-petit-fils de l'artiste,
06:06évoque avec émotion son illustre aïeul.
06:08Paul Cézanne est un être important de ma vie.
06:17C'est un personnage extraordinaire, que ce soit humainement
06:20ou en tant qu'artiste peintre, bien sûr.
06:24Je me suis passionné pour lui depuis assez jeune.
06:30J'ai passé jusqu'à l'âge de 14-15 ans chez mes grands-parents.
06:34Et il y avait encore à l'époque accroché plusieurs tableaux de Cézanne,
06:38dont l'autoportrait à la palette.
06:42Et donc, tous les matins,
06:44je regardais ce monsieur droit dans les yeux en disant
06:47« Oui, je vais être sage. »
06:49Et je partais à l'école.
06:52C'était ma première rencontre.
06:53Comme son ancêtre autrefois,
07:20Philippe Cézanne vit à Aix-en-Provence.
07:22Pour lui, l'époque où les Aixois portaient un regard sceptique,
07:28voire méprisant, sur Paul Cézanne est bel et bien révolu.
07:32Aujourd'hui, l'artiste est une figure incontestée de la ville,
07:35qui contribue plus que jamais à l'attrait touristique de cette dernière.
07:42C'est dans un lieu emblématique, près d'Aix,
07:46que commence véritablement l'histoire de Paul Cézanne.
07:52La Bastide du Jasse-de-Bouffon,
07:58résidence secondaire de la famille Cézanne.
08:04Louis-Auguste, le père,
08:06rachète en 1848 une banque aixoise en faillite
08:09et fonde un nouvel établissement bancaire.
08:11Les affaires prospèrent,
08:14ce qui va lui permettre d'acheter une maison de maître
08:16qu'il fera ensuite rénover.
08:18Désormais, la famille y prendra ses quartiers d'été.
08:22Conforté par le succès matériel et par son ascension sociale,
08:26le père pousse son fils à faire des études de droit.
08:29Mais c'est sans compter le souhait ardent de Paul
08:31de devenir peintre.
08:34En 1866,
08:36le jeune homme réalise un portrait de son père
08:38où transparaît la relation chargée d'émotions
08:41qu'il entretient avec lui.
08:44Le père y est représenté comme un patriarche,
08:47mais un détail attire l'attention.
08:49Il tient entre ses mains l'événement,
08:51un journal considéré comme libéral,
08:54alors que les opinions politiques de Louis-Auguste
08:56le portaient plutôt vers le siècle,
08:58un quotidien conservateur.
09:01Au-dessus de sa tête,
09:03on aperçoit au mur une nature morte.
09:05Elle peut être interprétée comme un signe de Paul Cézanne,
09:08indiquant subtilement à son père
09:10la direction qu'il souhaite emprunter.
09:13Sa peinture,
09:14travaillée par touche épaisse appliquée au couteau,
09:17s'affranchit de la technique académique.
09:21Paul Cézanne avait un tempérament un peu explosif,
09:24avec deux facettes,
09:26l'orgueil et la timidité.
09:29Vous voyez, c'est jamais simple.
09:33C'est vrai qu'il y avait des accrochages entre le père et le fils,
09:36comme dans toutes les familles.
09:41Surtout que Louis-Auguste s'est fait lui-même.
09:45C'était le pater familias.
09:47Comme c'est lui qui payait tout,
09:51il avait la main sur tout.
09:53De temps en temps, il y avait des engueulades, c'est vrai.
09:58Sur le moment, il ne considérait pas
10:00qu'être artiste peintre, c'était un métier.
10:02Pour lui, il fallait gagner de l'argent.
10:05Malgré l'opposition paternelle,
10:11Paul continue à peindre et abandonne ses études de droit.
10:15Il suit une formation artistique
10:16à l'école municipale de dessin d'Aix-en-Provence.
10:19Pour les sujets de ses toiles,
10:21le jeune homme s'inspire de son entourage,
10:23entre autres de son oncle Dominique.
10:25Il le représente en avocat,
10:34en meunier,
10:36en notable provençal
10:37ou encore en moine dominicain.
10:44Cézanne n'essaie pas de traduire sur la toile
10:46la personnalité de son oncle.
10:48Il expérimente plutôt une nouvelle manière de peindre,
10:51en quête de son propre style.
10:55La Bastide familiale lui sert alors d'atelier
11:00et de source d'inspiration.
11:02Pendant quatre décennies,
11:04il réalisera dans ce lieu une grande partie de son œuvre.
11:15Denis Coutagne, écrivain et historien de l'art,
11:19est un fin connaisseur de Paul Cézanne.
11:22Il supervise les travaux de restauration de la Bastide
11:25rester vide pendant des années.
11:27Tous les peintres, tout homme,
11:32a besoin et n'existe que par rapport à des lieux.
11:35Un caillou sans lieu, c'est d'être par terre.
11:38Cézanne, son lieu,
11:40ça sera la Provence,
11:41et en Provence, le jas de Bouffon.
11:43Et Cézanne, dans ce lieu,
11:45à la fois, c'est un lieu d'une très grande noblesse,
11:48c'est une très belle Bastide du paysage d'Aix,
11:50c'est pas une petite maison comme ça.
11:52en même temps, elle a une histoire aristocratique du XVIIIe,
11:56et en même temps, elle est abandonnée.
11:58Et Cézanne rentre,
12:00et il trouve le grand salon.
12:03Waouh !
12:05Des murs immenses à peindre.
12:08Il ne faut pas oublier que Cézanne,
12:09il rêve de peindre des choses de grand format.
12:13Et là, il dispose de tous les murs,
12:15qui sont des murs blancs,
12:17et il va se lancer.
12:25Dans le grand salon,
12:26plusieurs couches de plâtre et d'enduit
12:28recouvrent des décors datant des XVIIe et XVIIIe siècles.
12:32Un travail de restauration minutieux
12:34a été entrepris pour les mettre au jour.
12:36Cézanne a surpris les experts,
12:48là où ils ne l'attendaient pas.
12:58Ce qu'on a découvert,
13:00c'est quelque chose qui a complètement chamboulé
13:02le travail des historiens,
13:04parce que c'est une vraie découverte.
13:06Une énorme découverte.
13:08C'est vraiment quelque chose
13:09d'extrêmement nouveau.
13:12Le fait qu'ils gardent aussi
13:13un état peint du XVIIIe siècle au plafond,
13:17ce n'est pas anodin.
13:18Mais tout ça, on va mieux le comprendre
13:20quand on aura tout dégagé,
13:21quand on aura tout sous les yeux.
13:24Un coup de pinceau curieusement placé
13:26sur le mur du salon
13:27a intrigué les spécialistes
13:29et permis de faire cette découverte inespérée.
13:32Ils ont dévoilé les fragments d'une fresque
13:34intitulée l'entrée du port,
13:36peinte par Cézanne vers l'âge de 20 ans.
13:39Antoinette Sinigallia et Sébastien Haas,
13:42tous deux experts en restauration d'art,
13:44lisent sur les murs du salon
13:46comme dans un livre ouvert.
13:47Ils explorent chaque couche de peinture murale
13:50grâce à des techniques spécifiques.
13:52Une photographie de 1910
13:54leur apporte un témoignage précieux
13:56de ce à quoi ressemblait autrefois le Grand Salon.
13:58Tous les tableaux photographiés ici sont de Cézanne.
14:02Au centre se trouve un autre portrait
14:04du père de l'artiste.
14:10Les propriétaires qui ont racheté la Bastide
14:13vers 1912,
14:14après le décès de Cézanne,
14:16ont décollé cette peinture murale,
14:18l'ont fixée sur une plaque de bois,
14:20puis l'ont vendue.
14:22Elle se trouve actuellement
14:23à la National Gallery de Londres.
14:28Dans cette autre peinture murale de Cézanne,
14:31seule la partie gauche figurant le nu
14:33a été déposée.
14:34L'oeuvre est aujourd'hui conservée aux Etats-Unis.
14:40C'est ça la grande nouveauté de Cézanne.
14:42Ce ne sont pas ces peintures figuratives.
14:44On les connaît depuis longtemps.
14:46Depuis qu'elles ont été déposées,
14:47elles sont partées dans des musées.
14:49Elles n'ont jamais été perdues.
14:51C'est d'avoir trouvé
14:52tout ce décor d'accompagnement
14:54qui, même nous,
14:57n'avons pas une seconde
14:58imaginé que ça pouvait être de Cézanne.
15:01Lors de la première étude,
15:02ça a été après,
15:04quand on a commencé à recouper
15:05les superpositions,
15:07qu'on s'est dit
15:07« Non, mais là, il faut admettre
15:09que c'est Cézanne qui a peint ça. »
15:11Et c'était...
15:11Donc, c'est un vrai programme décoratif.
15:15Certaines de ces peintures décoratives
15:17imitent des boiseries.
15:22Le jeune Cézanne a utilisé
15:27la technique du faux bois
15:28qui permet de donner au crépi
15:30cette apparence.
15:31Ici, dans ce lieu,
15:43tout a changé.
15:45On n'a pas la salle à manger
15:46de Cézanne,
15:47on ne sait pas
15:47dans quelle chambre
15:48il a couché.
15:48On sait simplement
15:49le grand salon
15:50où il a peint
15:51toutes les fresques
15:51et tout un ensemble de choses.
15:53Ceci étant,
15:54ce qui est important pour moi,
15:56c'est que Cézanne,
15:57c'est un peintre
15:58qui n'existe pas
15:59de façon abstraite.
16:01Cézanne ne fait pas
16:01de la peinture abstraite,
16:03il fait de la peinture
16:03qui est toujours figurative,
16:05enracinée dans un lieu,
16:07dans des lieux.
16:08Et le jazz de Bouffon,
16:09c'est le lieu des paysans,
16:11c'est le lieu des amis,
16:13c'est le lieu de la solitude.
16:14Et c'est tout ça, moi,
16:15qui m'intéresse
16:15dans cette rénovation
16:17de la Bastide.
16:38Ça, ce sont des menuseries
16:4018e.
16:41On les reconnaît,
16:42on a de petits carreaux,
16:44même avec ce système
16:46et l'espagnolette,
16:47on va vraiment
16:48les restaurer.
16:50Et là aussi,
16:51on a trouvé,
16:52par exemple,
16:52que dans le grand salon,
16:54la menuserie
16:55était peinte
16:56avec des couleurs rouges
16:58comme le sous-bassement
17:00et les études
17:01sont en cours
17:02parce que c'est probablement
17:03Cézanne
17:03qui s'est amusé
17:04même sur les menuseries.
17:06Le père Cézanne
17:14a fait
17:15une intervention
17:15incroyable
17:16à l'atelier,
17:17a créé
17:17une verrière
17:18pour son fils
17:19côté nord,
17:20donc la meilleure lumière
17:21pour peindre.
17:23Mais sans changer,
17:24c'est l'esprit Bastide
17:25qui est toujours là.
17:26On va évidemment
17:27soigner les pathologies.
17:28Les pathologies,
17:29il faut les éliminer.
17:30Là,
17:30il n'y a même pas
17:31la discussion.
17:32Mais après,
17:32il y a le temps,
17:33il y a l'histoire
17:34et c'est quelque chose
17:35qui va enrichir.
17:37Ce n'est pas
17:37qu'on va perdre
17:39si on montre tout ça.
17:41Moi,
17:41je dis tout le temps
17:42une belle femme
17:42ou un bel homme
17:43parce que ce n'est pas
17:44nécessairement une femme.
17:45Si on va totalement
17:46tout éliminer,
17:49le reste du corps
17:52ne suit pas
17:52en général.
17:54Donc,
17:54il y a une histoire,
17:55on accepte.
17:57C'est une théorie
17:58de la conservation.
18:01Au dernier étage
18:03où se trouvent
18:03les chambres
18:04des domestiques,
18:05le père de Cézanne
18:06fait installer
18:07un atelier
18:07pour son fils.
18:09Dès 1861,
18:11il doit se rendre
18:11à l'évidence
18:12et accepter
18:13que Paul ne suivra
18:14pas ses traces
18:14et ne sera jamais
18:15banquier.
18:18Dans la maison familiale,
18:20tout devient source
18:21d'inspiration potentielle
18:23pour Cézanne.
18:24là, vraiment,
18:31c'est la pièce
18:32où on a trouvé
18:34tellement de couches
18:36de papier peint,
18:37dont certains
18:38qu'on retrouve
18:39dans des tableaux
18:40de Cézanne.
18:43Et c'est là,
18:44vraiment,
18:44tout l'enjeu
18:45de comprendre
18:45pourquoi Cézanne
18:46a utilisé
18:47ce papier peint
18:49plutôt qu'un autre
18:50papier peint
18:51comme le fond
18:52de ces tableaux.
18:57La femme à la cafetière
18:59est une des nombreuses
19:00œuvres réalisées
19:01au jas de Bouffant.
19:03On observe sur la gauche
19:05le papier peint fleuri
19:06retrouvé dans l'une
19:07des pièces de la maison.
19:09La femme qui a servi
19:10de modèle
19:11est probablement
19:11une servante
19:12de la famille.
19:14Ici, ce n'est pas
19:15l'analyse psychologique
19:16qui importe,
19:17mais l'étude des formes.
19:20La géométrisation
19:21des volumes
19:22et l'abandon
19:23de la perspective classique
19:24laissent entrevoir
19:25les prémices du cubisme.
19:31Depuis les débuts
19:32de la photographie
19:33vers 1840,
19:35certains peintres
19:36veulent s'affranchir
19:37de l'obligation
19:37de représenter
19:38fidèlement la réalité.
19:40Cette tâche mimétique
19:41est laissée
19:41à la photographie.
19:43C'est à cette période
19:44que l'expression picturale
19:45prend un tournant inédit
19:47et connaît
19:48une véritable libération.
19:49ces ânes
19:51consacrent
19:51cinq toiles
19:52au thème
19:53des joueurs de cartes.
19:55Sur chacune,
19:56les personnages
19:57aux silhouettes massives
19:58sont concentrés
19:58sur leur jeu
19:59et ne laissent paraître
20:00aucune émotion.
20:01Le musée Granet
20:14à Aix
20:15nous en apprend plus
20:16sur ce tableau
20:17emblématique.
20:21Cette institution
20:22possède aujourd'hui
20:2313 000 œuvres
20:24allant de l'Égypte
20:25ancienne
20:26au XXe siècle.
20:27Le musée
20:30abritait autrefois
20:31l'école municipale
20:32d'art
20:33où le jeune Cézanne
20:34apprend les rudiments
20:35du dessin
20:35et de la peinture.
20:37Parmi les œuvres exposées,
20:39il peut admirer
20:40les joueurs de cartes
20:41attribués
20:42aux frères Lenin.
20:43Si on regarde bien,
20:48on s'aperçoit
20:49qu'ici,
20:50il y a
20:50un petit personnage
20:52qui est un visage
20:53d'enfant,
20:54un petit garçon
20:55qui se trouve
20:56entre les deux personnages
20:58donc de gauche.
21:00Eh bien,
21:00chez Cézanne,
21:01dans les premières versions
21:03et surtout
21:03dans la première version
21:04qui se trouve
21:05à la Barnes Foundation
21:06à Philadelphie,
21:07il y a
21:08une petite fille
21:09qui se trouve
21:10entre les deux joueurs
21:11mais à droite
21:12dans le tableau de Cézanne.
21:14Et je reste convaincu
21:16que l'on a là
21:17l'origine
21:18de la référence
21:19que Cézanne aime faire
21:20aussi à l'art du passé
21:21avec notamment
21:23les joueurs de cartes
21:25du tableau
21:26du musée
21:27de sa ville natale
21:28qu'il avait vu
21:29dès qu'il était
21:30jeune étudiant
21:31à l'école de dessin
21:33pour apprendre
21:33à peindre et à dessiner
21:34mais aussi
21:35à la fin de sa vie.
21:42Les joueurs
21:48sont représentés
21:49le regard baissé
21:50absorbé dans leur jeu
21:52l'air sérieux.
21:54Rien ne semble bouger
21:55autour d'eux
21:55si bien que la scène
21:56s'apparente
21:57à une nature morte.
22:02Ici,
22:03une partie de la toile
22:04est à nu
22:04comme si le tableau
22:06était inachevé.
22:07Ce parti pris
22:08de l'artiste
22:09laisse voir
22:10le processus pictural.
22:13Ça, c'est le génie
22:14de Cézanne
22:15de pouvoir justement
22:16donner une figure,
22:18une image différente
22:19à des objets
22:21ou des sujets
22:21très modestes.
22:23Les joueurs de cartes
22:23sont des sujets
22:24extrêmement modestes.
22:25En réalité,
22:26ce sont des paysans
22:27attablés
22:28en train de jouer
22:28aux cartes
22:29et il leur donne
22:30une dimension
22:31presque déterminée,
22:33quelque chose
22:33qui dépasse
22:34les personnages
22:35évidemment
22:36pour une raison
22:37très simple
22:37c'est que Cézanne
22:38n'est pas un portraitiste
22:39qui ne fait pas
22:39le portrait
22:40de tel ou tel paysan
22:42mais il fait
22:43le portrait générique
22:45des paysans.
22:46C'est-à-dire
22:46c'est l'idée
22:47du paysan
22:48qu'il nous donne
22:48à voir
22:49et qu'il impose
22:50dans sa peinture.
22:50En 1861,
23:07Paul se rend à Paris.
23:08Son père
23:09l'a finalement autorisé
23:10à se consacrer
23:11à la peinture
23:11à condition
23:12de suivre
23:13une formation académique.
23:15Il verse à Paul
23:16une petite rente
23:16mensuelle
23:17de 150 francs
23:18qui lui permet
23:19de vivre modestement
23:20tout en cultivant
23:20sa passion.
23:22Mais les études artistiques
23:24s'avèrent plus difficiles
23:25que prévues.
23:26L'écrivain
23:27Émile Zola,
23:28ancien con-disciple
23:29et ami de Cézanne,
23:30n'a eu de cesse
23:31de faire venir
23:32ce dernier
23:32à la capitale
23:33pour qu'ils y réalisent
23:35leurs rêves.
23:35Lorsque le jeune homme
23:41arrive enfin à Paris,
23:43Zola écrit à un ami
23:44« Paul est toujours
23:46cet excellent
23:46fantasque garçon
23:48que j'ai connu
23:48au collège.
23:50Pour preuve
23:50qu'il ne perd rien
23:51de son originalité,
23:53je n'ai qu'à te dire
23:53qu'à peine arrivé ici,
23:55il parlait
23:55de retourner à Aix. »
24:02Le jeune Cézanne
24:03profite en tout cas
24:04de son séjour
24:05pour découvrir le Louvre,
24:06où il admire
24:07les œuvres
24:07des maîtres anciens
24:08et se forme
24:10en travaillant
24:10comme copiste.
24:12Si son style
24:13de peinture est novateur,
24:14ses sujets sont
24:15souvent assez classiques.
24:17Paysages,
24:18nature morte,
24:19portraits,
24:21Cézanne s'imprègne
24:22du travail
24:22des grands peintres
24:23exposés au Louvre.
24:29En dépit
24:30de son approche picturale
24:31hors norme
24:31pour l'époque,
24:33l'artiste affirme
24:33qu'il souhaite
24:34faire de l'impressionnisme
24:36une chose solide
24:37et durable
24:38comme l'art des musées.
24:41C'est à Paris
24:42qu'il va commencer
24:44par faire la connaissance
24:45de ceux
24:46qui seront
24:46ses camarades
24:47en peinture.
24:50Et c'est aussi là
24:52où il veut conquérir
24:54Paris,
24:54en tout cas
24:54en conquérir
24:55la scène artistique
24:56en tentant
24:58d'exposer
24:58au salon
24:59puisque c'est à Paris
25:00que se tient
25:01la grande exposition
25:03officielle
25:04qui peut faire
25:05ou défaire
25:06des carrières
25:07qui s'appelle
25:07le salon.
25:09Paris est essentiel
25:10pour Cézanne
25:11parce que c'est la ville,
25:12le terrain
25:13sur lequel
25:13il cherche
25:15en premier lieu
25:15à s'imposer,
25:16à se faire un nom
25:17en tant qu'artiste.
25:18Le salon de Paris,
25:40exposition officielle
25:42de l'Académie des Beaux-Arts,
25:44refuse systématiquement
25:45de présenter
25:45les tableaux de Cézanne.
25:47Par ailleurs,
25:48ce dernier échoue
25:49deux fois
25:50au concours d'entrée
25:51de l'École des Beaux-Arts.
25:55Tandis que l'Académie
25:56continue d'imposer
25:57ses canons artistiques,
25:59un groupe de jeunes peintres
26:00s'élève
26:01contre les dictates
26:02de cette institution.
26:07C'est à cette période
26:08que Cézanne
26:09se lie d'amitié
26:10avec Pissarro,
26:11Monet,
26:12Renoir,
26:13Sisley
26:13ainsi qu'avec
26:14un autre peintre
26:15originaire d'Aix,
26:17Achille
26:18empereur.
26:21Dans ce portrait,
26:23Cézanne souligne
26:24la silhouette difforme
26:25d'Achille,
26:26bossue
26:27et souffrant
26:28de nanisme.
26:29Mais avant tout,
26:30il mise sur le format
26:31monumental du tableau,
26:33la présentation frontale
26:34du modèle
26:35et son assise majestueuse
26:37comme sur un trône.
26:38Cette mise en scène
26:39témoigne de l'amitié
26:40de Cézanne
26:41pour son confrère
26:42avec soi.
26:49Le tableau suscite
26:51une vive réaction
26:52chez les critiques d'art.
26:55Cette caricature
26:56raille à la fois
26:57le portrait
26:58et le peintre.
26:59Comment ce dernier
26:59hostile présentait
27:01une chose aussi laide
27:02au salon de Paris ?
27:03De nombreux tableaux
27:06de Cézanne
27:06sont tournés
27:07en dérision.
27:08La critique
27:08n'émane pas seulement
27:09des instances officielles,
27:11mais aussi
27:11de certains amis artistes,
27:13eux aussi déconcertés
27:15par ses œuvres.
27:20Paris réserve bientôt
27:22à Cézanne
27:22une autre surprise.
27:23A l'Académie Suisse,
27:26un atelier fréquenté
27:27par de nombreux artistes,
27:28il fait la connaissance
27:29d'une jeune femme
27:30qui travaille comme modèle.
27:41Hortense Fiquet
27:42est employée
27:44comme brocheuse relieuse
27:45et pose aussi
27:46pour les artistes
27:47afin d'arrondir
27:48ses fins de mois.
27:50De 11 ans
27:50à la cadette
27:51de Cézanne,
27:52elle devient
27:53sa compagne.
27:54Le couple
27:55se mariera
27:56en 1886.
27:59Cézanne peint
27:59une multitude
28:00de portraits d'hortense,
28:02souvent représentés
28:03avec un visage
28:04impassible,
28:05inexpressif.
28:08De leur union
28:08naîtra un fils unique,
28:10prénommé Paul
28:11comme son père.
28:13L'artiste
28:14va lui consacrer
28:15également
28:15une série de portraits.
28:17Une correspondance
28:18abondante
28:18témoigne de l'amour
28:19qu'il porte à son fils.
28:20craignant
28:22d'offenser son père
28:23et donc
28:24de compromettre
28:25la pension
28:25qu'il touche,
28:26Cézanne
28:27dissimulera longtemps
28:28l'existence
28:28d'Hortense Fiquet
28:29et de leur fils.
28:30La mésentente
28:44s'installe
28:45progressivement
28:45entre les époux
28:46et leur vie
28:47se réduit
28:48à une cohabitation
28:48souvent conflictuelle.
28:50Cézanne
28:51reconnaît néanmoins
28:51une qualité
28:52à sa femme.
28:53Elle est d'une patience
28:54à toute épreuve.
28:56L'artiste
28:56veut qu'elle pose
28:57comme une pomme
28:58immobile
28:59et silencieuse.
29:02Je ne sais pas
29:03pourquoi
29:03les historiadiens
29:04sont tous misogynes.
29:05Donc ma pauvre
29:06grand-mère
29:07a été...
29:09C'est vrai,
29:10alors qu'en fait
29:11c'est une sainte
29:11pour moi.
29:13Elle a subi
29:13son mari,
29:14elle n'a jamais
29:15eu d'appartement,
29:16elle a changé
29:1620 fois
29:17de résidence
29:20à Paris,
29:21à peu près
29:22le même
29:2220 fois
29:23sur la région
29:25d'Aix.
29:26Donc elle s'est promenée
29:27toute sa vie
29:27avec un bel au champ
29:28à suivre son mari.
29:30Elle lui a servi
29:31de modèle
29:32et il ne fallait pas bouger.
29:34C'était l'horreur.
29:35Moi je peux vous assurer
29:36que rester immobile
29:38pendant une heure,
29:39c'est insupportable.
29:49En 1870,
29:51la guerre éclate
29:51entre la France
29:52et le royaume de Prusse.
29:54Plusieurs villes françaises
29:55sont bombardées
29:56dont Paris.
30:03Peu avant le conflit,
30:05le collectif d'artistes
30:06d'avant-garde
30:07dont fait partie Cézanne
30:08a fondé
30:09le groupe
30:09des Batignolles
30:10et a le projet
30:11d'organiser
30:12une première exposition
30:13en réaction
30:14à l'académisme
30:15de l'époque.
30:16Mais en raison
30:16de la guerre,
30:17tout est remis en cause
30:18et le projet
30:19doit être reporté.
30:23Pour échapper
30:23à la mobilisation,
30:24Cézanne quitte Paris
30:26et retourne en Provence.
30:28Avec Hortense,
30:29dont il cache toujours
30:30l'existence à son père,
30:31il se réfugie à l'Estac,
30:33un quartier de Marseille
30:34où sa mère loue une maison.
30:35Cézanne fait de longues promenades
30:39dans l'arrière-pays
30:40provençal
30:41où il pose souvent
30:42son chevalet.
30:43Il apprécie
30:44les paysages karstiques,
30:45notamment pour leur caractère
30:46innuable.
30:49Il aime peindre
30:50les arbres
30:51au feuillage persistant
30:52dont l'avantage
30:53est de rester inchangé
30:54au fil des mois,
30:56tout comme la Méditerranée.
30:57Lorsqu'il est donc
31:02à l'Estac,
31:03il va représenter
31:04une mère
31:05comme seule Cézanne
31:06la représente,
31:07c'est-à-dire
31:08comme un genre
31:08de bloc
31:09d'abîme,
31:10un genre de bloc
31:11extrêmement lourd,
31:12extrêmement pesant.
31:14On n'a pas du tout
31:14le côté plaisant,
31:16le côté agréable
31:17à l'œil aussi
31:17que parfois
31:18les impressionnistes
31:19peuvent avoir
31:20comme Renoir,
31:21comme Monet,
31:21qui vont peindre la mère
31:22avec l'écume,
31:24avec le mouvement
31:24des vagues chez Cézanne.
31:26C'est un bloc,
31:27c'est une masse
31:28qui semble presque
31:29nous écraser
31:31ou écraser en tout cas
31:32le paysage
31:33et qui s'impose
31:34à l'intérieur
31:34de ce paysage.
31:36Et ça,
31:36c'est aussi une façon
31:37de représenter
31:38la nature,
31:39de représenter
31:40un motif
31:41qui fait la particularité,
31:43qui fait la singularité
31:45de Cézanne.
31:54Certains de ces paysages
31:57de bord de mer
31:58n'ont rien
31:58de pittoresque.
32:00Ils n'hésitent pas
32:01à y intégrer
32:02des éléments
32:02de l'architecture
32:03industrielle.
32:05Ici,
32:06la cheminée
32:06d'une usine
32:07a autant de légitimité
32:09que les arbres,
32:10la mer
32:10et le ciel.
32:12Il y a des motifs
32:13qui demanderaient
32:14trois à quatre mois
32:15de travail,
32:16écrit l'artiste
32:17à son amie
32:17Camille Pissarro.
32:18Cézanne travaille
32:24très lentement.
32:26Sa peinture
32:27est une lutte
32:28pour tenir son motif.
32:30Rien n'est laissé
32:31au hasard
32:31ou à la spontanéité.
32:38Lorsque vous regardez
32:39un horizon
32:39de l'estac
32:40chez Cézanne,
32:41l'horizon n'est jamais
32:42horizontal.
32:43Il penche toujours
32:45d'un côté
32:45ou de l'autre.
32:47Il n'y a pas
32:47la stabilité
32:48d'un trait
32:49que l'horizon
32:50définit véritablement.
32:51Donc,
32:52nous sommes
32:52avec un Cézanne
32:54qui,
32:54dans l'instabilité,
32:56va chercher
32:57à traduire
32:58la stabilité finale
32:59à l'intérieur
33:00de la composition
33:01de son tableau
33:02et qu'une succession
33:03d'instabilités
33:04crée
33:05la stabilité finale
33:07du tableau.
33:08Et ça va très loin.
33:09Ça va très loin
33:10parce que ça ouvre
33:11à l'art moderne,
33:12ça ouvre à la modernité,
33:13évidemment.
33:14Et quand on me demande
33:16pourquoi Cézanne
33:16ne fait pas de vraie verticale,
33:18ne fait pas
33:18de vraie horizontale,
33:20j'ai toujours tendance
33:20à répondre
33:21à la fameuse boutade,
33:22mais qui n'en était pas une,
33:24de Picasso.
33:25Pourquoi voulez-vous
33:25que je fasse un nez
33:26au milieu de la figure ?
33:28Personne ne le remarquerait.
33:30Eh bien,
33:30pour Cézanne,
33:30c'est la même chose.
33:31Des vraies verticales,
33:32des vraies horizontales,
33:33personne ne les remarque.
33:35Et ça,
33:35c'est un des grands principes
33:36que recherche Cézanne
33:38dans sa peinture.
33:39Il dit que la peinture,
33:40ça n'est pas
33:41reproduire la nature,
33:43mais créer une harmonie
33:44parallèle à la nature.
33:46Pour atteindre cette harmonie,
33:56le choix des couleurs
33:57est primordial.
33:59Jérémy Céton
34:00montre aux étudiants
34:02comment créer eux-mêmes
34:03des couleurs
34:03tout en nuances.
34:04Ce bleu outre-mer
34:09ne se révèle pas du tout
34:11de la même façon
34:12selon comment il est lié,
34:14avec quel matériau
34:15il est lié,
34:16mais aussi dans quelle concentration
34:18on va le mettre.
34:19Alors, la couleur,
34:21eh bien,
34:21c'est pas que le nom
34:22qui est écrit sur le pigment,
34:25c'est une texture,
34:28une brillance,
34:29une profondeur,
34:30et que ça,
34:31ça dépend beaucoup
34:31de sa mise en œuvre.
34:32Mais j'ai l'impression
34:34que c'est un peu plus transparent
34:35qu'une peinture en tube.
34:38Est-ce que c'est le médium
34:39qui...
34:39Non,
34:40c'est une histoire
34:41de concentration du pigment.
34:43Alors,
34:43ce qui est intéressant
34:44par rapport à Cézanne,
34:45c'est que ça va un peu
34:46dans un mouvement inverse.
34:48C'est-à-dire que Cézanne
34:50a commencé à peindre
34:51dans les années 1860,
34:53une quinzaine d'années
34:53après l'invention
34:54du tube de peinture.
34:56On sait combien
34:56le tube de peinture
34:57a contribué
34:58à générer l'impressionnisme,
34:59le fait que les peintres
35:01ont quitté l'atelier,
35:02parce qu'ils n'avaient plus
35:03cette cuisine à faire,
35:04justement.
35:05Et du coup,
35:05ils pouvaient librement
35:06aller avec leurs quelques tubes
35:07se déplacer dans le paysage.
35:09Et grâce à l'invention
35:10du tube de peinture,
35:11l'impressionnisme a pu naître.
35:12Il n'aurait pas pu sinon.
35:13L'art de Jérémy Séton
35:20surprend le regard.
35:22Sur cette forme
35:23évoquant un pic montagneux,
35:25l'artiste a appliqué
35:26différentes valeurs de gris
35:27sur la partie supérieure.
35:29Sur le côté clair,
35:30un gris sombre,
35:32et sur le côté ombragé,
35:33un gris clair.
35:35Ainsi,
35:37suivant l'endroit
35:37où on se place,
35:39la surface de l'œuvre
35:40apparaît soit plane,
35:42soit en volume.
35:42C'est sûr que nous,
36:05on a adopté
36:06le Cézanne plus intime.
36:08Le Cézanne dans sa profondeur,
36:10le Cézanne qui pose
36:11plus de questions
36:12que ce qu'il ne donne
36:13de réponses.
36:15Paul Cézanne,
36:15c'est un itinéraire aussi.
36:17Et c'est le temps long.
36:19Et je crois que si
36:21nos étudiants
36:22arrivent à trouver
36:22un modèle
36:23dans l'œuvre
36:25de Paul Cézanne,
36:26c'est dans ce travail
36:29qui n'a aucune ambiguïté,
36:32qui consiste à revenir
36:33sans cesse sur le motif,
36:36à ne pas avoir peur
36:37de la répétition,
36:38à être dans une forme
36:39d'obsession
36:40qui va jusqu'à la fin
36:42de sa vie quand même,
36:44d'une démarche obstinée
36:45et d'un travail
36:46de peintre
36:47qui cherche,
36:49qui cherche
36:49et qui cherche encore.
36:51En 1886,
37:05le père de Cézanne meurt.
37:07Sa mère,
37:08ses sœurs et lui-même
37:09héritent de la bastide
37:10du jas de bouffon
37:11et de la fortune
37:12du banquier.
37:17Désormais,
37:18Cézanne est à l'abri
37:18du besoin.
37:19Il profite de l'espace
37:21que lui offre la maison
37:22pour se consacrer
37:24pleinement à sa peinture.
37:32En parallèle,
37:34l'artiste s'intéresse
37:35aux découvertes
37:36les plus récentes
37:37de son temps
37:37en matière de vision.
37:40Il engage plusieurs réflexions
37:42sur le fonctionnement
37:43de l'œil humain.
37:45À l'époque,
37:46voyager en train
37:47offre une expérience
37:48totalement nouvelle
37:49de la vitesse.
37:51Cela soulève
37:52plusieurs questions
37:52chez les artistes.
37:54Comment fonctionne
37:54la vision humaine
37:55sous l'effet de la vitesse ?
37:58Avons-nous une vision
37:59panoramique ?
38:01Ou bien l'œil
38:01fait-il une mise au point
38:03qui influe
38:03sur la profondeur de champ ?
38:06Cézanne constate
38:07que lorsqu'il peint
38:08en plein air,
38:09il n'y a pas
38:10de couleur noire.
38:12Les ombres se composent
38:13en fait
38:13de toute une variété
38:14de nuances.
38:15En 1904,
38:17il écrit à son ami
38:18artiste Émile Bernard
38:20Une sensation optique
38:22se produit
38:22dans notre organe visuel
38:24qui nous fait classer
38:25par lumière,
38:26demi-ton
38:26ou quart de ton
38:27les plans représentés
38:29par des sensations
38:30colorantes.
38:32La lumière n'existe
38:33donc pas pour le peintre.
38:35Tant que forcément
38:36vous allez du noir
38:37au blanc,
38:38la première
38:38de ces abstractions
38:39étant comme un point
38:40d'appui
38:41autant pour l'œil
38:42que pour le cerveau,
38:43nous pataugeons.
38:44Nous n'arrivons donc pas
38:45à avoir notre maîtrise,
38:47à nous posséder.
38:48Les ombres colorées,
38:58voilà un des sujets
38:59de discussion favoris
39:00du groupe
39:01d'amis artistes.
39:03Parmi eux,
39:04Pissarro est le plus proche
39:05de Cézanne.
39:07Il l'a toujours encouragé
39:08à dépasser ses doutes
39:09et ses questionnements.
39:11Et c'est à son incitation
39:12que Cézanne évoluera
39:14vers une palette
39:15au ton plus clair.
39:18A la fin de la guerre
39:21franco-prussienne,
39:22le groupe des Batignolles
39:24ravive l'idée
39:24d'organiser une exposition.
39:26Au départ,
39:27Cézanne ne semble pas
39:28le bienvenu,
39:29Manet ayant dit de lui
39:30qu'il était un maçon
39:31qui peint avec sa truelle.
39:34Mais Pissarro insiste
39:35sur la participation
39:36de son ami.
39:38En 1874,
39:40le groupe inaugure
39:41sa première exposition
39:42collective
39:43dans l'atelier
39:44du photographe Nadar.
39:46Cézanne présente
39:47une œuvre
39:48qui est un peu radicale
39:49en tout point,
39:50qui choque à tous les niveaux.
39:51Parce que non seulement
39:52c'est une scène
39:53de maison close,
39:54à l'heure où on voit
39:54un homme de dos
39:55qui est vraisemblablement Cézanne,
39:57qui est une sorte
39:57de portrait déguisé,
39:59qui regarde une prostituée
40:00laquelle elle a voluptueusement
40:02alanguie sur un lit.
40:04Il y a une servante
40:05derrière elle
40:05qui est en train
40:06de soulever un voile
40:07pour découvrir sa nudité.
40:09Déjà, le thème
40:10est franchement osé.
40:12Et puis, le titre même,
40:14une moderne olympia
40:15fait directement allusion
40:17au tableau de Manet
40:18qui avait fait
40:19le scandale
40:20que l'on sait
40:21au salon de 1865
40:23pour avoir représenté
40:25lui aussi une prostituée.
40:26Mais alors,
40:27avec en plus de ça
40:28une moderne olympia,
40:29Cézanne,
40:30il le pousse encore
40:31un degré plus haut
40:32dans le scandale.
40:34Et puis, par ailleurs,
40:35ce qui est choquant
40:35en tout cas pour le public
40:37de l'époque,
40:37c'est la manière
40:38dont l'œuvre est peinte
40:39avec cette touche
40:40très esquissée,
40:41très peu finie,
40:42cette manière
40:43d'appliquer la peinture
40:44sur la toile
40:45avec ce côté
40:46un peu fiévreux
40:47dans la facture
40:48que d'ailleurs,
40:49dont Cézanne rencontre
40:50jusque dans le titre,
40:51une moderne olympia,
40:52esquisse.
40:52Et ça aussi,
40:53c'est subversif
40:54puisqu'à l'époque,
40:55on n'expose que
40:56des œuvres finies.
40:57Les esquisses
40:57sont supposées
40:58rester dans l'atelier.
40:59On ne les montre pas
40:59au public.
41:05Cette première exposition
41:07marquera la naissance
41:08de l'impressionnisme.
41:09Cette révolution picturale
41:11majeure doit son nom
41:12à l'un des tableaux
41:13présentés,
41:14Impression soleil levant
41:15de Claude Monet,
41:17dont le titre a été détourné
41:18par un critique d'art
41:19qui se voulait moqueur.
41:27Une décennie plus tard,
41:30un marchand d'art avisé,
41:31Ambroise Vollard,
41:33dont voici le portrait
41:33par Cézanne,
41:35révélera l'artiste au public.
41:36En 1895,
41:42Vollard présente
41:43dans sa galerie
41:43la toute première exposition
41:45consacrée à l'artiste.
41:47L'hommage à Cézanne,
41:49peint par Maurice Denis,
41:50représente les amis du peintre
41:52réunis autour
41:53d'une de ses natures mortes.
41:55Toutefois,
41:56les musées français
41:56tardent à acheter ses œuvres.
42:00Pendant ce temps,
42:01outre Rhin,
42:01les choses bougent,
42:02à la surprise générale.
42:03À Berlin,
42:06sur le frontispice
42:07de la Alte-Nationale Galerie,
42:09on peut lire
42:09« À l'art allemand ».
42:12Dès lors,
42:12comment une œuvre
42:13du français Cézanne
42:14s'est-elle retrouvée
42:15dans ce musée
42:16à la fin du XIXe siècle ?
42:19Annette Huch
42:22est aujourd'hui
42:23directrice de ce musée.
42:25En 1897,
42:27un de ses prédécesseurs,
42:28Hugo von Schudi,
42:30étonne le tout Berlin
42:31en présentant
42:32un tableau de Cézanne
42:33qu'il a acheté en France,
42:35le moulin sur la couleuvre
42:36à Pontoise.
42:42En France,
42:44des voix se sont élevées
42:45dans la presse.
42:47Comment se fait-il
42:47que l'on doive aller à Berlin
42:49pour voir des œuvres
42:49aussi qualitatives
42:50de nos impressionnistes ?
42:52C'était le cas.
42:56Il fallait effectivement
42:56se rendre à Berlin
42:57parce qu'à cette époque-là,
42:59les musées français
42:59n'étaient pas aussi visionnaires
43:01que l'était
43:01la National Gallery
43:02sous la direction
43:03de Hugo von Schudi.
43:06Le directeur doit faire face
43:07à une opposition virulente
43:09pour imposer l'impressionnisme.
43:12Il fait venir à Berlin
43:13des œuvres
43:13qui ne sont pas du tout
43:14du goût de l'empereur
43:15Guillaume II.
43:18Ce dernier considère
43:19la National Gallery
43:20comme un musée dédié
43:21à la célébration
43:22de l'art allemand.
43:23Dans ces lieux,
43:24la peinture historique
43:25et académique
43:26est exposée
43:27pour glorifier
43:28la maison régnante
43:29de Prusse.
43:30Pour chaque nouvelle acquisition,
43:32il faut une autorisation
43:33de l'empereur
43:34qui détermine en outre
43:35l'endroit
43:36où l'œuvre
43:36sera présentée.
43:37Dans un discours
43:45de 1901,
43:47Guillaume II
43:48s'est prononcé
43:48avec véhémence
43:49contre les impressionnistes
43:51français
43:51en critiquant leur art
43:55qu'il qualifie
43:56d'art de caniveau.
44:00Hugo von Schudi
44:01a donc fait preuve
44:02d'un grand courage
44:03dans ses choix.
44:04Et aujourd'hui,
44:05la salle des impressionnistes
44:06est une pièce maîtresse
44:07de la Alte-Nationale Gallery.
44:27Au fil des ans,
44:29Cézanne s'éloigne
44:30du groupe des impressionnistes.
44:32il estime
44:33que leur approche picturale
44:34est trop désordonnée,
44:35trop complaisante
44:36ou trop attachée
44:37à fixer l'instant.
44:39L'artiste sent
44:39qu'il doit tourner la page
44:41et se replie
44:42dans sa Provence natale,
44:43au jas de Bouffan,
44:45où il poursuit sa quête
44:46de la vérité en peinture.
44:53Cézanne,
44:54c'est la réalité.
44:55C'est toujours un rapport
44:56à nos pieds dans la terre,
44:57à notre tête dans le ciel,
44:59au bruit du vent.
45:01Il était très sensuel,
45:02très attentionné
45:04à tout ce que les sens
45:05lui apportaient.
45:06Ça se traduit en peinture
45:07et aucun autre lieu
45:09que Cézanne
45:09est devenu Cézanne.
45:13C'est l'ensemble
45:14de ces bâtiments
45:15qui s'incrustent
45:16les uns dans les autres,
45:17qui se correspondent,
45:18qui ne sont dans le même axe,
45:20qui intéressaient vraiment Cézanne.
45:21Parce que Cézanne
45:22ne peint pas
45:23ce qu'il faudrait voir.
45:26Son regard est toujours
45:27à regarder par côté.
45:33Dans le parc de la Bastide,
45:35source d'inspiration
45:36toujours renouvelée,
45:38l'artiste peint
45:38des œuvres charnières
45:39qui vont ouvrir
45:40une voie nouvelle.
45:42Si dans ses premiers tableaux,
45:43les touches de couleurs
45:44juxtaposées
45:45étaient plutôt impressionnistes,
45:47elles ont évolué
45:47pour devenir plus structurantes.
45:49Elles s'orientent désormais
45:50à la verticale,
45:51à l'horizontale
45:52ou en diagonale
45:53pour faire ressortir
45:54le relief du paysage.
45:56Ce que recherche Cézanne,
45:57c'est une stabilité,
45:59un équilibre de la composition,
46:01afin de représenter
46:02la permanence du motif.
46:04Souvent,
46:05une même image
46:05comporte plusieurs perspectives.
46:08C'est presque du cubisme.
46:09Cézanne,
46:10il ne le sait pas,
46:11mais il va fonder
46:12ce que la peinture
46:13du début du siècle
46:14et puis ensuite
46:15la peinture abstraite
46:15va, j'allais dire,
46:17établir comme les fondements
46:18de l'art moderne,
46:19de l'art contemporain.
46:21Mais Cézanne,
46:21pourquoi il reste vivant,
46:22pourquoi pour nous
46:23il reste meilleur,
46:25si je puis dire,
46:25que Picasso,
46:26que Braque,
46:27que Mondrian,
46:27que Malevich ?
46:29C'est parce qu'il laisse
46:30aux autres d'aller
46:30sur ces terrains-là,
46:31mais lui, il est en retrait,
46:33il est en avance
46:33ou il arrive après.
46:35C'est-à-dire que la peinture
46:36doit toujours avoir
46:37un sens par rapport
46:39à la réalité du monde,
46:40par rapport à la,
46:41en latin,
46:42je dirais la res,
46:42la chose.
46:44Cyril,
46:44qui a cette très belle phrase,
46:46c'est pas à propos de Cézanne,
46:47mais c'est dans
46:48les Élégi Advinaux,
46:49quand il dit qu'il veut dire
46:50ce que les choses
46:51jamais ne pensèrent être
46:53en elles-mêmes.
46:54Cézanne,
46:55c'est de chercher
46:56ce que les choses
46:56ne savent pas
46:58ce qu'elles sont.
46:59Et lui,
46:59par la peinture,
47:01il va le dire.
47:02être ici avec tout le monde
47:28sur les pas de Cézanne,
47:29c'était intéressant,
47:30pas tellement pour moi,
47:31pour le rapport au paysage,
47:32mais plus pour la collecte
47:36de matériaux,
47:38d'images.
47:38Je travaille d'après-photo,
47:40moi, de photo.
47:41Donc je prends des images,
47:44ensuite je peux faire
47:45mes collages.
47:47Il y a cette qualité-là,
47:48d'être proche de la matière,
47:50d'une couleur qui ne peut pas
47:51être plus vraie
47:51que celle qui compose le sujet,
47:53si on vient les redessiner,
47:55les peindre.
47:56quand le soleil revient,
48:05il y a tout qui éclate
48:06et du coup,
48:08ça fait des mélanges
48:09sur la peinture
48:10de moments d'ombre,
48:11de moments qui sont
48:12complètement ternes
48:14et des moments où ça éclate.
48:15Du coup,
48:16il y a des lumières
48:16un peu partout
48:17qui viennent s'immiscer
48:18et vu que le soleil,
48:19il bouge,
48:20il y a plein de lumières
48:21partout sur la pierre.
48:22Et du coup,
48:24il y a la roche rouge
48:25qui ressort aussi.
48:27Ça, c'est cool.
48:34Je n'aime pas dessiner
48:35les choses inertes,
48:35normalement.
48:37Mais là,
48:37je pourrais passer des heures
48:38à juste la regarder,
48:39la dessiner,
48:39la regarder,
48:39la dessiner.
48:41Parce qu'au final,
48:41quand je dessine,
48:42je fais des allers-retours.
48:44C'est presque comme
48:44un match de tennis.
48:46Et c'est comme ça
48:47que ça m'aide
48:47à bien regarder
48:48ce qui est où
48:49et ce qui est quoi.
48:50Parce qu'au final,
48:51c'est presque comme
48:52dessiné comme ça,
48:53en fait.
48:54La main,
48:54elle est connectée
48:55au regard.
48:56Il y a tellement
48:56de choses à dire
48:57sur le caillou
48:57en peinture
48:58que j'ai hâte
48:58de sortir
48:59les peintures après.
49:09Vers 1895,
49:11Cézanne découvre
49:12les carrières abandonnées
49:13de Bibémus,
49:15près de la Sainte-Victoire.
49:17Elles forment
49:17un ensemble saisissant
49:19au cœur
49:19d'une forêt de pins
49:20où les roches
49:21se partent
49:22de magnifiques teintes
49:23ocres,
49:24mauves et rouges
49:25changeant au gré
49:26de la lumière.
49:28C'est l'un des sites
49:29emblématiques
49:29de l'œuvre de Cézanne.
49:32Les peintures
49:32qu'il réalise ici,
49:34en fractionnant
49:34les formes
49:35en de multiples facettes,
49:37sont annonciatrices
49:38du cubisme.
49:41Avec les baigneuses,
49:43Cézanne aborde
49:44un autre thème
49:45qui le passionnera
49:46à la fin de sa vie.
49:47Il est ici photographié
49:51devant une toile
49:51inachevée.
49:53Comme il a toujours
49:53montré une certaine
49:54timidité
49:55en présence
49:56de modèles vivants,
49:57il peint
49:58les nues féminins
49:59de mémoire
50:00dans son atelier.
50:02Début octobre 1906,
50:05il écrit
50:05une dernière lettre
50:06à son fils.
50:06Mon cher Paul,
50:10il a plu samedi
50:11et dimanche
50:12avec orage.
50:13Le temps
50:14est très rafraîchi.
50:16Il ne fait même
50:16pas chaud du tout.
50:19Tu as bien raison
50:19de le dire,
50:20c'est ici
50:20la basse province.
50:23Je continue
50:24à travailler
50:24avec difficulté,
50:25mais enfin,
50:26il y a quelque chose.
50:28C'est l'important,
50:29je crois.
50:31Les sensations
50:32faisant le fond
50:33de mon affaire,
50:34je crois être
50:36impénétrable.
50:38Tout passe
50:38avec une rapidité
50:39effrayante,
50:41je ne vais pas trop mal,
50:42je me soigne bien
50:43et je mange bien.
50:45Je te prie
50:46de me commander
50:47deux douzaines
50:48de pinceaux
50:49en émoncile
50:50comme ceux
50:51que nous avions commandés
50:52l'an passé.
50:54Je le répète,
50:56je mange bien
50:57et un peu
50:58de satisfaction morale.
51:01Mais pour ça,
51:01il n'y a que le travail
51:03qui puisse me le donner
51:04ferait beaucoup
51:05pour moi.
51:07Tous mes compatriotes
51:08sont des culs
51:09à côté de moi.
51:12J'ai dû te le dire,
51:14j'ai reçu
51:14le cacao.
51:16Je t'embrasse,
51:18toi et maman,
51:20ton vieux père,
51:22Paul Cézanne.
51:23Le 15 octobre 1906,
51:40alors que Cézanne
51:41peint en plein air,
51:42un violent orage éclate.
51:44Victime d'un malaise,
51:46il reste de longues heures
51:47sous la pluie.
51:48Retrouvé inanimé
51:49au bord d'un chemin,
51:50il est ramené chez lui,
51:51agonisant.
51:54Cézanne rend son dernier souffle
51:56le 23 octobre,
51:57emporté par une pneumonie.
52:02Il a tout dit ?
52:04C'est lui qui l'a dit.
52:05Je vous dirai la vérité
52:06en peinture.
52:07Donc,
52:12c'était sa vérité, certes.
52:16Et c'est peut-être ça
52:17qui touche les gens.
52:18C'est lui qui l'a dit ?
52:33C'est lui qui l'a dit ?
52:35...
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