Raphaël Graven, dit « Jean Pormanove », est mort en direct sur la plateforme Kick, devant des milliers d’internautes, après plus de douze jours de coups, d’insultes et d’humiliations. Pour mieux comprendre le succès des vidéos de streams mettant en scène des pratiques violentes, « Le Nouvel Obs » a interrogé Michaël Stora, psychologue et psychanalyste, expert des mondes numériques.
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00:00Beaucoup d'êtres humains ne vont pas bien et une manière d'aller mieux, c'est paradoxalement de regarder le sadisme à l'oeuvre.
00:08Cet homme est mort en direct, à 46 ans, sur une chaîne de streaming qui réunit jusqu'à 15 000 téléspectateurs.
00:17L'histoire de Jean Portmanov est en train de choquer la France, même le monde, et surtout, elle interroge.
00:23Ce streamer populaire de la plateforme Kik était enfermé depuis 298 heures, subissant coups, moqueries, humiliations et harcèlement de la part d'autres streamers.
00:34Des scènes similaires de strangulations, de jets d'eau, d'insultes étaient d'ailleurs déjà visibles depuis des mois sur la chaîne.
00:41Mais alors, qu'est-ce qui a poussé tant de personnes à cliquer, visionner ses streams, interagir et même suggérer des sévices sur un homme fragile et maltraité ?
00:50Pour Michael Stora, psychanalyste spécialiste du numérique, c'est choquant, mais pas vraiment surprenant.
00:56Pour comprendre un petit peu les mécanismes qui font que ça remporte un grand succès en termes d'audience, ce type de vidéos,
01:03où d'une certaine manière la violence, les humiliations ou autres sont mises en scène,
01:08ou malheureusement se rapprochent d'une forme d'Internet réalité,
01:12on retrouve véritablement ce mécanisme psychologique qui est celui du voyeurisme.
01:16Les gens peut-être qui suivent ces vidéos-là vont avoir des processus d'identification aux bourreaux,
01:23parce qu'il y a en nous ce bourreau quelque part,
01:26mais certaines personnes derrière leur avatar ont des paroles sadiques,
01:32ce qu'on appelle le cyberbashing, la haine en ligne.
01:35On s'est quand même souvent rendu compte que c'est un peu monsieur et madame tout le monde,
01:38avec une particularité, c'est que ce sont des personnes qui vivent des frustrations terribles.
01:43Quand toute la journée vous vivez des frustrations, ces personnes vont regarder ce type de vidéos
01:48parce que ça va, par un effet peut-être, je dirais cathartique,
01:52leur permettre de pouvoir libérer, pour le pire, quelque chose justement qui est d'habitude réprimé.
01:59Notre éducation nous permet de baisser d'une certaine manière notre capacité à faire du mal à l'autre.
02:06Et on voit bien que cette haine, cette rage, justement derrière ce pseudo,
02:11peut s'exercer sans aucune modération,
02:15voire même celui qui va être le plus méchant aura le plus de retours sur investissement.
02:21C'est un voyeurisme interactif.
02:23Sur certaines chaînes de streaming, on donne de l'argent, on commente, on interagit.
02:28Et d'ailleurs, les réseaux sociaux ont bien compris que ce qui engage, comme on dit,
02:34d'une certaine manière le succès, ce sont malheureusement des vidéos à valence souvent très négatives.
02:40Mais ce genre de vidéos, elles ne font pas que buzzer et choquer.
02:43Elles pourraient aussi mener à une condamnation par la justice.
02:45Par exemple, dans le cas de Jean Portmanov, le parquet de Paris a ouvert une enquête contre Kik
02:49pour déterminer, entre autres, si la plateforme de streaming australienne
02:53a diffusé en connaissance de cause des vidéos d'atteinte volontaire à l'intégrité de la personne.
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