00:00Vous êtes bien sur Europe 1, il est 7h12, dans quelques minutes on retrouvera l'Ordre d'Autriche avec les enfants d'Europe 1, mais tout d'abord place à votre invité Thomas Chenel.
00:08Bonjour Alexandre Joissard.
00:10Bonjour.
00:10Colonel, porte-parole de la sécurité civile, chef adjoint du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises.
00:16Alexandre Joissard, ce matin, pouvez-vous nous en dire davantage sur l'incendie ? Où en sommes-nous ?
00:23Écoutez, la nuit est toujours un élément qui peut être favorable. Ça a été le cas avec une meilleure humidité, une température plus basse.
00:33Donc les équipes ont pu travailler, œuvrer à resserrer ce feu. Malheureusement, c'est un feu qui est très important.
00:42Christophe Mani, le directeur du service d'incendie de l'Ordre, le disait tout à l'heure, historique en termes de vitesse, historique en termes de superficie et de périmètre.
00:50Donc c'est encore une grosse journée qui attend les équipes, avec des données météorologiques qui, dans la journée, pourraient nous être défavorables.
00:58Donc c'est pris en compte par la sécurité civile et notamment le centre de coordination avancée qui est présent à Nîmes, avec qui nous échangeons régulièrement,
01:07et qui a préparé des moyens aériens qui iront sur place dès ce matin.
01:1116 000 hectares ravagés par les flammes. Pourquoi c'est allé si vite ? On a l'impression d'avoir été presque surpris par la puissance de ce feu.
01:20Alors on ne peut être que surpris, puisque ce sont des données qui n'étaient pas enregistrées,
01:23ou qui ont pu être enregistrées qu'au plus fort du feu de Gonfaron, par exemple, en 2021 dans le Var.
01:30Pour autant, ça peut s'expliquer par plusieurs données.
01:33Les premières données, c'est l'hygrométrie, la sécheresse qui était très importante.
01:37La deuxième, c'est aussi le vent qui soufflait sur cette zone.
01:41Et puis, il y a la végétation.
01:45Malheureusement, il y a de nombreux végétaux morts qui étaient présents sur cette situation.
01:50Et donc, du coup, ça accélère le feu.
01:52En ce qui concerne la vitesse, elle est très impressionnante,
01:56puisque vous voyez les moyens de la sécurité civile qui ont observé le départ du feu.
02:00L'avion, en l'occurrence, a pu frapper dans les dix minutes après éclosion.
02:05Et malheureusement, ça n'a pas permis d'endiguer le départ de ce feu monumental.
02:09Oui, parce qu'on n'est pas loin d'un centre important de la sécurité civile qui se trouve à Nîmes, c'est ça ?
02:16Au-delà de ça, on a même un système qui s'appelle le gué aérien armé,
02:20avec des appareils qui ont des circuits qui sont prévus dans la journée.
02:24Les circuits, on les décide la veille, justement, avec ce centre de coordination avancé,
02:28et en échange avec les zones à risque.
02:30Et donc, il y avait un circuit qui était prévu au-dessus de l'autre,
02:33puisque l'autre était en risque très sévère.
02:35Et l'objectif de ce circuit qui est fait par les avions,
02:37c'est dès qu'il perçoit le début d'un feu,
02:41de pouvoir taper ce feu avant qu'il prenne trop d'ampleur.
02:44Donc, il était fait, mais là, vu qu'on était dans des données particulières,
02:48le feu a quand même continué et poursuivi sa course.
02:50À côté de cela, les avions qui étaient en l'air ont quand même tapé deux autres départs de feu,
02:55un dans l'Aveyron et un aussi à proximité dans l'Aude,
02:58qui n'ont pas pu se développer.
03:00Et c'est bien là tout l'intérêt de ce fonctionnement.
03:02Donc, vous parliez de ces végétaux morts dans le massif des Corbières.
03:06Ça veut dire que ce matin-là, tous les vignerons et au sens large,
03:11tous les agriculteurs des départements concernés par les vigilances
03:14doivent se rendre dans leur champ pour aller retirer, débroussailler le plus possible ?
03:20Alors, malheureusement, non, ça ne sera pas possible.
03:22Pour deux raisons.
03:23Premièrement, c'est que le débroussaillement est lui-même un facteur à risque
03:27lorsqu'il arrive dans ces périodes sèches,
03:29puisqu'il peut créer des étincelles ou il peut créer des zones de départ.
03:33Donc, ça, c'est un premier point.
03:34Deuxième point, c'est un nouveau fonctionnement
03:38qu'il faut que l'ensemble des agriculteurs
03:41et puis des responsables aient bien en tête.
03:45On a de nouvelles données, en fait.
03:47C'est que par le passé, ce genre de friche pouvait peut-être passer, fonctionner.
03:53Là, en l'occurrence, ça ne marche pas,
03:54puisque avec les températures et les conditions météorologiques exceptionnelles
03:57à cette période de l'année, on peut voir les conséquences.
04:01Maintenant, au-delà des raisons et des facteurs
04:04qui amènent à ce qu'il y ait une prise de vitesse par ces feux,
04:08il faut aussi prendre en compte le fait que 9 feux sur 10 sont d'origine humaine.
04:12Et donc, il y a une vraie responsabilité à avoir du côté de la population
04:16pour éviter l'éclosion des sinistres
04:18et aussi pour pouvoir avoir une nouvelle approche
04:20sur les obligations de débroussaillement autour des habitations,
04:26mais aussi dans les champs, comme je viens de le signaler.
04:29Alexandre Joissard, quand on voit les flammes se rapprocher de chez soi,
04:33quelle est l'attitude à adopter ?
04:34Est-ce qu'il faut rester enfermé chez soi, se confiner,
04:37ou bien partir le plus vite possible ?
04:40Écoutez, c'est exactement cela.
04:41Il faut rester confiné.
04:42Ça, c'est la règle d'or.
04:43rester confiné à l'intérieur d'un habitat en dur.
04:47En l'occurrence, tant que les évacuations ne sont pas demandées par autorité
04:51ou ne sont pas gérées par les sapeurs-pompiers.
04:54Ça, c'est vraiment important de le dire
04:55parce que la plupart de nos personnes retrouvées décédées
04:59ou blessées gravement
05:00sont des personnes qui ont soit tenté d'évacuer
05:03ou qui étaient dans un véhicule en pensant être protégées.
05:06Je le redis, un habitat en dur et non pas un véhicule.
05:09Et pour d'autres, ce sont des personnes qui n'ont pas écouté,
05:12malheureusement, les consignes des autorités.
05:13Donc, on est vraiment sur ce schéma-là.
05:16L'évacuation est à la demande.
05:18Et par contre, le reste du temps, la règle est de rester confiné,
05:22de se mettre avec un linge humide au pied de sa porte,
05:25fermer bien ses volets, bien fermer ses portes,
05:27puisque la capacité de coupe-feu de ses habitats
05:30est bien prise en compte par les sapeurs-pompiers
05:33et par les équipes qui interviennent.
05:35Et ensuite, et là, en l'occurrence, c'était le cas,
05:37avec les moyens aériens que nous avions
05:39et avec les moyens terrestres que nous avons proposés,
05:41c'est cela qui a permis de ne pas avoir un bilan trop lourd
05:44et encore plus lourd aujourd'hui.
05:46C'est le fait que toutes ces équipes ont pu faire de la défense de points sensibles,
05:49c'est-à-dire d'être concentrées dans les villages
05:51qui étaient dans l'acte de propagation du sinistre.
05:54Donc, on parle effectivement d'un bilan d'un mort pour l'instant,
05:57d'une dizaine de blessés, de pompiers également,
05:59qui ont été blessés.
06:01Est-ce que cet été 2025 est particulièrement marqué par les incendies en France ?
06:07Écoutez, jusqu'à ce feu, il était sur ce qu'on appelle le haut du spectre,
06:12c'est-à-dire avec des données élevées,
06:15mais sans être exceptionnelles sur la superficie brûlée.
06:20C'était aussi grâce au travail de l'ensemble des équipes
06:22de la sécurité civile et de la coordination qui a été réalisée
06:26avec toutes les colonnes feu de forêt, c'est-à-dire les renforts
06:29qui sont générés jour après jour.
06:32Malheureusement, avec ce feu historique,
06:34on a plus d'un tiers de la surface totale depuis le début juillet
06:38qui est consommée rien que par ce feu.
06:41Et donc, on s'attend à avoir un gros mois d'août
06:44parce qu'il nous reste tout le mois d'août en termes de saison feu de forêt,
06:48si ce n'est même sans doute début septembre,
06:51si les données nous sont défavorables.
06:52Donc, nous allons être très concentrés sur ce mois d'août
06:55et dès ce week-end, puisqu'on a une vague de chaleur
06:57et un arc méditerranéen qui va nous amener à avoir des risques sévères
07:01dans plusieurs départements.
07:02Et est-ce que pour cet incendie, on peut parler de méga-feux
07:05comme au Canada ou aux Etats-Unis ?
07:07Écoutez, c'est sur cette sémantique qu'on a encore des discussions.
07:11J'étais moi-même au Canada il y a un mois et demi, deux mois,
07:13lorsque vous voyez le feu du Manitoba, on parle de millions d'hectares.
07:17On n'est pas tout à fait sur la même cinétique.
07:20Ce qui est certain, c'est que sur ce type de gros feu
07:22qui passe les 10 000 hectares, ce feu peut lui-même générer ses propres vents.
07:28Donc, c'est là où c'est perturbant aussi pour les équipes au sol
07:31parce que vous pouvez avoir un vent annoncé du sud
07:34donc qui donne une propagation au nord du feu
07:36et finalement, à l'intérieur, le feu se comporte différemment.
07:39Donc ça, ce sont des éléments qui peuvent être caractéristiques
07:42ou qui peuvent ressembler à des méga-feux,
07:44mais rien à voir avec l'Ouest américain
07:46ou avec le Canada encore étant mieux pour nous
07:49qui peut lui-même avoir des orages à l'intérieur de son propre feu
07:54alors qu'il fait grand soleil à côté.
07:55On n'a pas ça et bien heureusement, pour autant, on s'y prépare.
07:59C'est pour ça d'ailleurs qu'il y a des experts feu de forêt
08:01qui échangent avec ces pays-là pour anticiper 2050
08:05et la projection du futur pour nous
08:08parce qu'on voit bien qu'on évolue, qu'on a des nouveaux risques
08:10et que ces nouvelles vitesses et ces nouvelles difficultés
08:14face aux feux de forêt sont différentes
08:16de celles qu'on a pu connaître par le passé.
08:18Merci Alexandre Joissard.
08:20Merci à vous.
08:21Colonel, porte-parole de la Sécurité civile,
08:23chef adjoint du Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises.
08:26Merci d'être venu en direct sur Europe 1
08:27et bon courage à vous et à tous vos collègues.
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