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À l'occasion des 50 ans de la loi sur le handicap, LCP diffuse ce documentaire réalisé par Laetitia Møller et raconté par Jérémie Elkaïm.
C'est un combat de près d'un siècle, qui n'a jamais été raconté en documentaire, celui que les personnes handicapées physiques ont mené pour revendiquer un droit simple, celui d'exister. De l'entre-deux-guerres où quelques visionnaires prêchent dans le désert, à la première politique nationale du handicap votée en juin 1975, se dévoilent des décennies de luttes, d'émancipation et d'éveil politique. Éclairé par des militants handicapés d'hier et d'aujourd'hui confrontés à des archives méconnues, ce projet mémoriel inédit croise l'intime et le politique. Il décrypte les racines d'un débat très actuel.
De la rééducation des mutilés de la Première Guerre mondiale aux revendications radicales des « Handicapés Méchants » dans les années 1970, en passant par l'injonction à marcher imposée aux polios dans les années 1950, ce film retrace une histoire faite de
ruptures, de mobilisations et de revendications identitaires. De l'entre-deux-guerres aux lois fondatrices de juin 1975 - dont on célèbre aujourd'hui le cinquantenaire - les personnes handicapées se battent pour leur droit à exister, à être visibles, à vivre dignement. À travers des archives rares et les voix de militantes et militants d'hier et d'aujourd'hui, le film explore les racines d'un débat toujours actuel, autour de l'antivalidisme, de la vie autonome ou de la fermeture des institutions.

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Transcription
00:00C'est une histoire inconnue, celle d'une lutte oubliée.
00:07On les a appelés invalides, infirmes civiles, diminués physiques et handicapés moteurs.
00:16Des mutilés de guerre aux activistes radicaux des années 70, en passant par les polios,
00:22ils sont des milliers à s'être dressés pour revendiquer un droit simple, celui d'exister.
00:27De l'action de quelques pionniers, là où rien n'existait, à la première politique nationale du handicap votée en 1975,
00:36cette histoire est jalonnée de mobilisations intenses, où s'affrontent des visions opposées.
00:42On se retrouve et on se dit qu'il faut réfléchir, qu'est-ce qu'on veut, qu'est-ce qui nous différencie et qu'est-ce qui nous rapproche.
00:50Documenté par de rares chercheurs, la mémoire de ce combat n'a pas été transmise.
00:54Je l'ai découvert il y a une dizaine d'années peut-être.
00:59Ça a été un réconfort immense parce que je me suis dit, je ne suis pas seul à ressentir ce que je ressens.
01:05C'est important pour tout le monde, en fait, qu'on soit valide ou handicapé.
01:09Devant des archives méconnues, des militants d'hier et d'aujourd'hui témoignent d'un siècle d'évolution et de freins profonds.
01:17Avec eux, ce récit éclaire les racines d'un débat largement actuel.
01:22C'est un récit éclaire les racines d'un débat largement actuel.
01:52En 1918, lorsque les poilus reviennent massivement des tranchées, des centaines de milliers d'entre eux portent dans leur chair les stigmates du sacrifice qu'ils ont fait pour la nation.
02:07La société doit composer avec une nouvelle catégorie, les mutilés de guerre.
02:11La première guerre mondiale, c'est un événement, effectivement, des milliers et des milliers de blessés, des hommes jeunes en âge de travailler qui vont avoir des blessures comme on n'en a jamais vu,
02:27qui ont le corps disloqué, qui sont démembrés et pour qui il va falloir inventer des techniques médicales, de prothèses, de rééducation.
02:35La question de leur réinsertion se pose très vite.
02:42Pour les remettre sur pied, l'État ouvre des centres spécialisés.
02:46Exercices physiques, séances de gymnastique synchronisées, appareillages rudimentaires ou ingénieux.
02:52L'objectif est de leur permettre de retrouver un métier à leur portée.
03:09L'idée de départ, c'est faute d'assistance publique, il faut que les mutilés puissent travailler parce que c'est soit le travail, soit la mendicité.
03:17Donc, ce n'est pas une question de patriotisme à ce moment-là, c'est encore une question pratique.
03:22Organisés dans de puissantes associations, ils sont les premiers à défiler dans la rue pour réclamer des droits
03:30et rappeler à la nation sa dette morale envers eux.
03:36Contrairement aux mutilés qui ont l'attention de l'État, les handicapés civils, victimes d'accidents ou de maladies,
03:44ne bénéficient d'aucune prise en charge.
03:47Sans moyens de pression, ils restent des invisibles.
03:52La Première Guerre mondiale fait que les mutilés de guerre se détachent du reste de la population.
03:58Mais elle ne va pas faire que les handicapés civils se détachent de la population.
04:02Et elle ne va pas lever la peur, le mépris, le déclassement dont sont victimes les handicapés civils.
04:11Tout ce qu'on va appeler les infirmes civils, les malades incurables, relève plus du récit de la fatalité,
04:17d'un sort qui s'est abattu sur eux, et qui peut pour certains prendre un sens religieux.
04:23Figure de souffrance christique, les infirmes auraient, selon des croyances anciennes,
04:30la vertu de racheter les péchés des bien portants.
04:33La maison a toujours eu gorgé de pauvres, de pauvres, de tout âge, de toutes conditions.
04:42Pourquoi viennent-ils chez eux ? Parce que personne n'en veut plus ?
04:44C'est leur dernier recours ?
04:45Bien souvent, bien souvent.
04:46C'est la question que je pense, lorsque nous n'avons plus de place,
04:48je leur dis, mais allez voir ailleurs.
04:51On me dit, personne n'en veut.
04:52Mise au banc de la société, les infirmes civils sont considérés comme des parias,
05:00soumis aux regards gênés et à la curiosité malsaine.
05:07On disait à ma mère, quand on a un enfant comme ça, on le cache.
05:11Et ça peut encore exister, lire.
05:12Ma mère, c'était la pauvre, parce qu'elle avait un enfant handicapé,
05:16et que c'est la honte de la famille.
05:18Et vous ressentez cette honte d'être dans cette société.
05:21On ne correspondait pas aux canons et aux normes.
05:26Et on faisait partie des monstres.
05:29On devait nous cacher.
05:31Vous avez vu le film Fricks.
05:3319e siècle, j'aurais été dans un barnum.
05:36Je serais peut-être partie avec le patron du cercle.
05:39Mais on ne sait jamais.
05:41Mais voilà, j'aurais été.
05:42C'est ça, on devait être caché.
05:45Sinon, on était dans le phénomène de foire.
05:48Ça, c'est intéressant, parce qu'on voit que c'est de la peur, en fait.
05:54C'est même pas du rejet, c'est même pas de l'intolérance, c'est de la peur.
05:59C'est de la peur de se confronter à la douleur, de se confronter à la mort,
06:02de se confronter à tout ce qui terrorise.
06:04C'est la peur du noir, en fait.
06:06Alors, on dissimule ces indésirables derrière les murs épais des hospices.
06:15Des établissements réservés aux indigents.
06:19Les infirmiers végètent, parfois des années,
06:22au milieu des vieillards et des incurables.
06:25Il n'y avait pas de traitement médical en hospice.
06:29Donc soit les gens guérissaient seuls,
06:32soit les gens passaient le reste de leur vie en hospice.
06:34Et donc, ça pouvait être très, très long.
06:37Et dans le cas, par exemple, des personnes qui entraient en hospice à 25 ans,
06:41ils pouvaient très bien y passer les 40 années suivantes.
06:48Ceux qui échappent au dortoir sans intimité
06:50vivent souvent reclus dans les familles.
06:53Gardés à l'abri des regards,
06:55ils sont considérés comme des charges.
06:56Certaines personnes étaient, par exemple,
07:04attachées sur des chaises
07:06pendant l'absence de leurs parents
07:07dans les travaux des champs, par exemple.
07:10Vraisemblablement pour les sécuriser,
07:11en tout cas, on l'espère.
07:13Mais on voit, au travers de ce type d'exemples,
07:16on a une image
07:17très négative, effectivement,
07:20de la situation des personnes handicapées civiles
07:22entre les deux guerres.
07:23À l'hécatombe de la Grande Guerre
07:30succède le fléau de la tuberculose.
07:33Très contagieuse,
07:35la maladie fait des ravages dans les classes populaires.
07:38Pour endiguer le mal,
07:40la France se couvre d'établissements d'un genre nouveau,
07:43les sanatoriums.
07:43La tuberculose a fait passer
07:47les problèmes de maladie et de santé publique
07:50à une échelle, j'allais dire, industrielle.
07:53C'est-à-dire, elle a vraiment amené
07:54à faire des grands équipements médicaux
07:57et aussi à mailler le territoire.
07:59Au nord de la France,
08:04la station balnaire de Berck-Plage
08:06devient une véritable ville sanatorium.
08:10Toute l'année,
08:11près de 6 000 malades
08:12sont répartis dans une soixantaine d'établissements
08:14où ils bénéficient de l'air marin
08:16et de grands bains de lumière.
08:18C'est une ville
08:25qui va se consacrer
08:26à l'accueil de malades,
08:27principalement de tubercules osseuses,
08:30d'autres maladies,
08:31des os et des articulations également,
08:33pour les garder là,
08:35immobilisés,
08:36en attendant que la croissance se fasse,
08:38que l'infection se résorbe
08:41parce qu'on ne sait pas la soigner.
08:43Et la meilleure chose à faire
08:44pour éviter qu'il y ait des déformations,
08:46des scolioses,
08:47c'est de garder
08:48ces enfants allongés,
08:49immobilisés
08:50pendant des semaines,
08:51des mois,
08:51voire des années.
08:59On recourt aussi à la mécanothérapie,
09:02une méthode héritée du XIXe siècle
09:04pour étirer la colonne vertébrale
09:06ou au contraire,
09:07éviter le moindre mouvement
09:08grâce à un plâtrage du corps.
09:10À cinq, six ans,
09:18dénudé sur une table,
09:20j'étais entouré d'adultes
09:21en blouse blanche
09:22qui devisaient de mon cas
09:23comme si je ne me trouvais pas
09:24dans la pièce.
09:26Je ne me souviens pas
09:27de combien ils étaient,
09:28mais ils étaient nombreux.
09:29J'avais peur,
09:30j'avais honte.
09:32Je ne savais pas pourquoi,
09:33j'étais tétanisé.
09:35Leur visage,
09:35avec le temps,
09:36est devenu celui
09:37d'un monstre unique.
09:42C'était presque l'image
09:43d'une terreur d'enfance,
09:45en fait.
09:45C'était terrifiant,
09:46c'était orwellien, quoi.
09:49Vous vous trouvez dénudé
09:51au milieu d'une armée d'adultes.
09:53Ça faisait vraiment
09:54comme une scène de cauchemar,
09:55un peu comme dans Brasil
09:56de Terry Gilliam, quoi.
09:59Et j'étais au milieu de ça,
10:00et puis ils n'arrêtaient pas
10:01de dire Nicolas
10:02qui est intelligent,
10:03qui est intelligent.
10:04Et je me disais,
10:05mais je ne suis pas
10:06un rat de laboratoire,
10:07quoi.
10:08Et j'étais petit.
10:09Et j'étais petit,
10:11mais je sentais le scandale
10:12de cette situation-là.
10:14Et cette espèce
10:14de dépossession de soi,
10:16en fait.
10:17Et je ne savais pas
10:18que cette dépossession
10:19de soi,
10:20ça allait être
10:21la définition
10:23de notre rapport au monde
10:24en tant que peuple handicapé.
10:30Le peuple handicapé
10:31de Berck
10:32commence, lui,
10:33à se rencontrer.
10:34Des intrigues se tissent
10:35entre malades,
10:36des histoires d'amour,
10:38de mort
10:38et d'amitié.
10:42En ville et sur la plage,
10:44c'est un balai incessant.
10:45À bord de leur carriole
10:46équipée de miroirs
10:48pour se diriger seuls,
10:49les plus fortunés
10:50vont se balader
10:51dans les grandes forêts
10:52de pin
10:53qui bordent le littoral.
10:58Dans les établissements
11:00populaires,
11:01les plus démunis
11:02tentent de déjouer
11:03l'ennui et la discipline,
11:04souvent sévères,
11:05des règlements intérieurs.
11:08Ensemble,
11:09ils forment
11:09une micro-société.
11:10Il y a quelque chose
11:14de très important
11:14qui joue
11:15avec les politiques
11:16de la tuberculose.
11:17C'est cette concentration
11:18des malades
11:19au même endroit
11:20qui va leur permettre
11:21de se rencontrer,
11:23de discuter,
11:24de s'entraider,
11:26de constituer
11:27un savoir
11:27en dehors
11:28du savoir des médecins
11:29parce qu'ils vont pouvoir
11:30s'observer
11:30les uns les autres.
11:32Mais ce qui est sûr,
11:33c'est que Berck
11:34a été un des centres
11:35de politisation
11:36par les personnes handicapées.
11:38Ça va susciter
11:42des mobilisations
11:43d'abord
11:43sur la qualité de vie
11:44et les mobilisations
11:45vont naître
11:46par exemple
11:46pour revendiquer
11:48une nourriture
11:48de meilleure qualité
11:49et pour le grand nombre
11:51des malades
11:51croyants,
11:52catholiques,
11:53il y a des enjeux
11:54autour de l'accessibilité
11:55de l'église de Berck
11:56qui n'est pas accessible
11:57au chariot plat.
11:58Ça va susciter
11:59des mobilisations
12:00notamment d'une association
12:01qui s'appelle
12:01l'Association catholique
12:02des malades de Berck
12:03qui va d'abord
12:05se constituer
12:05pour défendre
12:06le droit
12:06d'exercer leur religion.
12:08Une multitude
12:11d'amicales
12:12et d'associations
12:12de malades
12:13se constituent
12:14se réclamant
12:15du communisme
12:15ou du catholicisme social.
12:19Plusieurs femmes
12:20issues de la bourgeoisie
12:21sont brutalement
12:22déclassées
12:23par la maladie.
12:24Soutenues par leur foi,
12:26elles transforment
12:26cette épreuve
12:27en combat.
12:28Parmi elles,
12:30Suzanne Fouché,
12:31fervente catholique,
12:32fonde
12:32l'ADAPT,
12:33la Ligue pour l'adaptation
12:35des diminués physiques
12:36au travail.
12:38Le sanatorium,
12:39ce n'est pas forcément
12:40des établissements glamour
12:41et dans les années 30,
12:43on trouve,
12:44d'après Suzanne Fouché,
12:46des surveillantes
12:47de sanatorium
12:47qui expliquaient
12:48aux femmes atteintes
12:49de tuberculose
12:50qu'elle valait moins
12:51que les prostituées.
12:52Dans un moment de sa vie
12:53où elle n'a pas les moyens
12:54de se payer une chambre
12:56individuelle
12:57où elle va devoir
12:57cohabiter avec des femmes
12:59moins instruites qu'elles
13:00et vis-à-vis de qui
13:01elle va prendre une place
13:02un petit peu de leader
13:03pour revendiquer
13:05la meilleure nourriture,
13:06contester certains aspects
13:07contraignants du règlement.
13:09A la même époque,
13:14émerge une autre figure,
13:16celle d'André Tranois,
13:17frappé par la poliomyélite,
13:19une maladie paralysante
13:20en passe de relayer
13:21la tuberculose.
13:23Avec trois amis,
13:24ils fondent l'APF,
13:26l'Association des Paralysés
13:27de France,
13:28ainsi qu'un bulletin
13:29d'information,
13:30Faire Face.
13:32Le premier éditorial
13:33affiche leur ambition.
13:35Être des hommes
13:36au sens plein
13:37et sublime du mot,
13:39malgré ou grâce à
13:40notre infériorité physique.
13:50La Seconde Guerre mondiale
13:52marque un coup d'arrêt
13:52brutal à cette effervescence.
13:55Elle fait planer sur la France
13:56une période trouble.
13:58Dans les hôpitaux psychiatriques,
14:00près de 40 000 aliénés
14:01laissés à l'abandon
14:02meurent de faim
14:02et d'épuisement.
14:04Français,
14:07le maréchal vous parle.
14:09Riches ou pauvres,
14:11bourgeois ou artisans,
14:13ouvriers ou paysans,
14:14je m'adresse à tous.
14:16Si chacun d'entre vous
14:17fait un geste,
14:19tous les Français
14:19seront sauvés.
14:22Prônant la famille
14:23et le patriotisme,
14:25le régime de Pétain
14:26en appelle
14:27à la générosité
14:27des Français.
14:29Chacun doit jouer son rôle
14:30et des associations,
14:31notamment catholiques,
14:33sont officiellement mandatées
14:34pour prendre en charge
14:35les infirmes et les anormaux.
14:38En délégant cette question,
14:39l'État se désengage.
14:41à la fois pour des raisons
14:43d'économie
14:44et des raisons de proximité
14:45idéologiques,
14:46religieuses.
14:47Il y a un choix politique
14:48qui est fait
14:49sous le régime de Vichy
14:51de sous-traiter
14:52la question
14:53de l'aide,
14:54de la prise en charge
14:55des personnes jugées
14:57anormales,
14:58comme on dit à l'époque,
15:00à des associations,
15:01souvent des associations
15:02confessionnelles.
15:03et ce choix
15:04n'est pas remis
15:05en question
15:05à la libération
15:06sous la 4e,
15:07la 5e république.
15:09Il va y avoir
15:09une continuation
15:10de ce choix
15:10dont on hérite
15:11encore aujourd'hui
15:12dans le secteur
15:13médico-social.
15:16Cette décision initiale,
15:18toujours d'actualité,
15:19détermine le sort
15:20de millions de personnes.
15:22En France,
15:24la politique du handicap
15:25n'est pas directement
15:26mise en œuvre
15:26par l'État,
15:27mais par des associations
15:28subventionnées,
15:30qu'on appelle
15:30gestionnaires.
15:31Renforcées par les dons
15:35et les subventions étatiques,
15:37ces associations
15:38amplifient leur action
15:39à l'après-guerre.
15:41Grâce au développement
15:42des services postaux,
15:43elles organisent
15:44des réseaux de correspondance
15:45qui permettent aux infirmes
15:46de partager leurs difficultés.
15:49L'Association des Paralysés
15:50de France,
15:50d'André Tranois,
15:52et la Ligue pour l'adaptation
15:53des diminués physiques
15:54au travail de Suzanne Fouché
15:56ouvrent des délégations
15:57sur tout le territoire,
15:59attirant toujours
15:59plus d'adhérents.
16:00Lorsque le bulletin
16:04de l'APF
16:05est lancé en 1933,
16:07entre 1933 et 1935,
16:08je crois qu'il y a
16:09500 adhérents.
16:11En 1945,
16:12il y a 10 000 adhérents.
16:16Dans des centres de formation,
16:18à Choisy ou à Etufon,
16:19on apprend la couture
16:20aux jeunes filles
16:21et la cordonnerie
16:22aux garçons.
16:24Le bulletin
16:24« Faire face »
16:25devient un véritable journal
16:26et la devise de l'APF
16:28« Risquer l'impossible »
16:30le nouvel esprit des temps.
16:37Les 30 glorieuses
16:39font souffler sur la France
16:40l'espoir de la prospérité.
16:44Pendant que le pays
16:45fait tourner ses usines
16:46à plein régime,
16:47le confort moderne
16:48fait irruption
16:49dans les foyers.
16:50Cette obsession du progrès
16:55change le quotidien
16:56des personnes handicapées.
16:59Il va y avoir
17:00la possibilité
17:01de piloter une voiture
17:02pour certaines personnes
17:03avec des conduites manuelles.
17:04Il va y avoir
17:05dans les lieux de soins
17:06d'abord les postes
17:07de radio individuels
17:08puis les télévisions individuelles.
17:10Il va y avoir
17:10la possibilité
17:12qui devient de plus en plus
17:13pensable et réaliste
17:14d'avoir un logement individuel,
17:16confortable,
17:17accessible à soi.
17:18Alors que les Français
17:20goûtent aux joies
17:21des vacances en bord de mer,
17:23les associations organisent
17:24les premiers séjours
17:25au grand air.
17:27Des petites cures
17:27de liberté
17:28qui permettent
17:29de se rencontrer
17:29et de faire germer
17:30des idées nouvelles.
17:34Il s'agit, si vous voulez,
17:36dans le siècle
17:36de la productivité
17:38où nous vivons,
17:39qui semble si peu
17:41fait pour nous,
17:42de faire tomber
17:43tous les préjugés
17:45que 20 siècles
17:45ont accumulés
17:46d'une part
17:47dans l'esprit des valides
17:48et d'autre part
17:49dans l'esprit
17:50des handicapés.
17:52Je me suis aperçu
17:53que mon handicap
17:54était très léger
17:55alors qu'avec
17:56les bien portants
17:56je me croyais
17:58très handicapé
17:59et dans ce cas
18:01mon handicap
18:01disparaît presque.
18:04En ville,
18:05j'ai l'impression
18:05qu'on me regarde
18:06tandis qu'ici
18:06je passe inaperçu.
18:10les enfants infirmes
18:13y sont parfois
18:14mêlés à de jeunes
18:15sans handicap.
18:17Derrière la volonté
18:18d'intégration,
18:19on veut les mettre
18:20en contact
18:20avec un idéal
18:21à atteindre,
18:22ressembler
18:23le plus possible
18:24aux valides.
18:24Avais-tu déjà
18:28qu'il était parent ?
18:29Oui,
18:30pour aller
18:31dans un hôpital.
18:33Et nous pensons
18:34que si dès l'enfance,
18:36si dès l'âge
18:36de 10 ans
18:37il est mêlé
18:37à des valides,
18:38il joue comme eux,
18:39il travaille comme eux,
18:41nous pensons
18:41qu'à mesure
18:42que son adolescence
18:42se fera
18:43et qu'il arrivera
18:43à l'âge d'homme,
18:45à ce moment-là alors
18:45il sera tout à fait
18:47comme un valide,
18:48un être à part entière
18:50dans la société.
18:50On voit que finalement
18:53les personnes handicapées
18:55sont jugées
18:56par rapport
18:56à la norme valide.
18:58En fait,
18:58le validisme
18:59c'est une notion
19:00qui a été inventée
19:01par les militants,
19:02les militantes handicapées
19:03et qui désigne
19:04l'oppression
19:05des personnes handicapées
19:06en fonction
19:07d'une norme
19:08qui est une norme
19:10valido-centrée,
19:11c'est-à-dire
19:12qui érige
19:13le fait d'être valide
19:14en idéal universel
19:16à atteindre.
19:20Alors voilà,
19:23je suis dans la poussette
19:25parce qu'il n'y avait
19:25pas vraiment
19:25de fauteuil roulant.
19:27C'est juste après la guerre
19:28quelque part
19:29et ma soeur
19:30est à côté de moi
19:31et je suis dans la poussette
19:32parce que je ne marche pas.
19:34Je ne m'avais pu rentrer
19:34à l'école communale
19:36qu'à partir de sept ans
19:37parce que je marchais
19:37avec des cadres
19:38à partir de sept ans.
19:39Ça, c'est à côté
19:40de mon vélo,
19:41c'est toujours 54.
19:42J'avais des appareils
19:43de marche.
19:44Dans les archives,
19:45vous avez montré
19:46des appareils de marche
19:47en cuir et acier.
19:49Je peux vous dire
19:49que c'était les mêmes.
19:51Exactement les mêmes.
19:52Ça, c'est à Berque-Plage
19:53où on est toujours
19:54avec ma soeur.
19:56Et là, j'ai des plâtres
19:58parce qu'on allait à Berque
20:00et on me faisait des plâtres.
20:01Là, je suis sur mon...
20:03J'étais très bien sur mon tricycle,
20:05je me promenais
20:05à Berque-Plage.
20:07Alors là, je n'avais rien.
20:09Il y a eu des périodes
20:10où j'avais des appareils
20:11et des périodes
20:11où je n'en avais pas.
20:17Avec le retour des beaux jours,
20:18les parents redoutent
20:19la poliomyélite
20:20que des agents multiples
20:21peuvent propager,
20:22mais en particulier
20:23les eaux polluées.
20:25On sait trop que cette maladie
20:26peut aboutir à la paralysie
20:27avec des séquelles
20:28plus ou moins définitives
20:29et qui de toute façon
20:31nécessitent une longue rééducation.
20:32Dans cette période d'après-guerre,
20:37alors que la tuberculose régresse,
20:40la poliomyélite,
20:41jusque-là peu répandue,
20:43connaît un pic.
20:45Sur fond de natalisme
20:47et d'apologie de la jeunesse,
20:49cette nouvelle épidémie fait peur.
20:51La poliomyélite touche des enfants.
20:55La poliomyélite touche
20:58des classes plutôt favorisées.
21:00Le cas le plus connu,
21:01c'est Roosevelt.
21:02Et la poliomyélite va créer
21:05des tableaux cliniques
21:06avec des séquelles très variées.
21:08Séquelles très variées
21:09qu'on ne trouve
21:10ni chez les tuberculeux
21:12ni chez les mutilets de guerre.
21:15En plus, ces séquelles
21:17vont toucher
21:18à la profondeur du corps.
21:20Ça va toucher à la fois
21:21le système nerveux,
21:23les muscles,
21:25les articulations, etc.
21:27Ça va justifier
21:28un intérêt des médecins
21:30et un intérêt
21:31au niveau des techniques
21:32de rééducation.
21:35Dans les années 50,
21:37quelques centres,
21:38dont l'hôpital de Garche,
21:39se spécialisent
21:40dans la rééducation
21:41de ce nouveau public,
21:43les polios.
21:44Sur des enfants et des adultes,
21:46on y pratique
21:47l'électrothérapie
21:48et des séances
21:49d'exercice intensifs
21:50pour parvenir,
21:51coûte que coûte,
21:52à les faire tenir debout.
21:56Monsieur Avergazier,
21:57ministre des Affaires Sociales,
21:59a inauguré
21:59le centre de rééducation motrice,
22:02qu'on pourrait encore mieux appeler
22:03le centre du retour à la vie.
22:06Les hommes et des enfants
22:07au nombre d'une centaine
22:08réapprennent à se servir
22:10de leurs bras
22:11et de leurs jambes.
22:12On voit qu'il y a
22:24des générations entières
22:26qui sont soumises
22:27à des gestes
22:28qui ont l'air
22:29vraiment très douloureux
22:30de réadaptation
22:32avec une médecine orthopédique.
22:34On ne sait pas bien sûr
22:35ce qu'ils ressentent,
22:36ce qu'elles et ils ressentent,
22:37mais qu'elle a l'air
22:38très invasive.
22:39On voit bien que cette médecine,
22:41elle n'a pas pour but
22:42d'atténuer les douleurs
22:44de ces personnes,
22:45mais vraiment
22:46de les acheminer,
22:47de les conformer
22:48à une norme
22:49puisque ne pas marcher
22:51est considéré
22:51véritablement
22:52comme une déchéance.
22:53L'idéal,
22:55c'est le corps valide,
22:56c'est le corps
22:57qui se tient debout,
22:59bipède,
23:00à la fois pour des raisons
23:02physiologiques,
23:03symboliques,
23:04pratiques,
23:05avec des orthèses
23:06lourdes autour des jambes,
23:08des béquilles,
23:09mais la priorité,
23:10c'est se tenir debout.
23:12Il y a vraiment cette idée
23:13dans la rééducation
23:15et puis dans les appareillages,
23:17dans la laideur
23:18des fauteuils,
23:20dans la laideur
23:21des grosses chaussures
23:22qu'on voit dans l'archive.
23:24On devient des espèces
23:25de monstres.
23:27On devient des espèces
23:28de créations,
23:30surtout un gamin.
23:31Un gamin,
23:31il voudrait de la couleur
23:32et de la légèreté,
23:33il voudrait des baskets,
23:34il ne veut pas des espèces
23:35de grosses chaussures
23:36orthopédiques.
23:37Et je pense
23:39qu'il y a cette négation
23:41de la sensibilité
23:45aussi
23:46de celui
23:48qui est rééduqué,
23:49c'est-à-dire
23:49on doit le conformer
23:51à un modèle.
23:52Mon plus grand rêve
23:57n'a jamais été de marcher.
23:59Ça ne m'a jamais effleuré.
24:01On m'a dit
24:01qu'il fallait que je marche.
24:04Mais moi, profondément,
24:06je voulais, je ne sais pas,
24:09créer des choses,
24:10faire des chansons,
24:11faire des films,
24:12écrire des livres.
24:14Ou alors,
24:14quand j'ai perdu mes cheveux,
24:15je rêvais d'avoir
24:16les cheveux qui repoussent.
24:17mais j'étais plus complexé
24:20par ma calvitie
24:21que par le fait
24:22de ne pas marcher.
24:26Établissement de référence,
24:28l'hôpital de Garche
24:29ouvre une école
24:30de perfectionnement
24:30pour handicapés moteurs.
24:33Des générations de polio
24:34vont s'y succéder,
24:36recevant dans le même lieu
24:37soins et enseignements.
24:38Si vous échangez aujourd'hui
24:41avec des personnes
24:42qui ont fait des séjours,
24:43des longs séjours
24:44dans leur enfance
24:46à Garche dans les années 50,
24:48certains vont vous dire
24:48à quel point cet hôpital
24:50leur a permis
24:51une sorte d'émancipation.
24:53Émancipation déjà
24:54par rapport à leur famille.
24:56C'est des enfants
24:56qui parfois
24:57n'auraient pas fait d'études
24:59s'ils n'avaient pas fait
25:00ce long séjour
25:01où ils ont été entraînés,
25:03motivés,
25:04suivis de très près
25:04pour réussir physiquement
25:06et scolairement.
25:07Et chez qui on a un peu
25:09inculqué l'idée
25:11que si tu veux,
25:12tu peux.
25:13Que si tu n'as pas de jambes,
25:15tu as une tête.
25:16Que si tu as
25:17un handicap physique,
25:18tu peux performer
25:19cette situation
25:21par la réussite scolaire.
25:24Ces années d'éveil
25:25passées ensemble
25:25cimentent une expérience collective
25:27et constituent
25:28le socle d'une contestation.
25:31Le diktat de la performance
25:32est remis en question.
25:37Les difficultés
25:41qui se posent
25:41pour ces enfants
25:42qui grandissent
25:43en rééducation
25:45qui vont être contestées
25:47progressivement
25:48par certains jeunes
25:49qui trouvent
25:50un petit peu absurde
25:51cette sorte d'acharnement
25:53à vouloir
25:54les faire marcher.
25:57D'autant plus
25:58qu'avec l'arrivée
25:59de nouveaux fauteuils roulants
26:01plus légers,
26:02pliables,
26:02à autopropulsion américains,
26:04la possibilité
26:05de se déplacer
26:06en fauteuil
26:07devient beaucoup
26:07plus intéressante.
26:09Offre plus d'autonomie,
26:11plus de sécurité
26:11pour peu
26:12que l'espace public
26:13soit accessible
26:14et qu'il n'y ait pas
26:15partout des marches
26:16et des portes
26:16qui empêchent
26:17de se déplacer.
26:22En s'opposant
26:23à l'injonction
26:23à marcher,
26:24la jeune génération
26:25d'handicapés
26:26fait un constat amer.
26:28Alors que la société
26:29prétend les intégrer,
26:31rien dans l'espace public
26:32n'est pensé pour eux.
26:34L'accessibilité
26:36qui n'est toujours
26:36pas atteinte aujourd'hui
26:37devient une revendication
26:39centrale.
26:41Évidemment,
26:41quand on vous dit
26:42que votre seule chance
26:44d'être intégrée
26:45c'est de marcher,
26:47de monter les escaliers,
26:49c'est une façon
26:50de faire méconnaître
26:53qu'une société
26:54peut être aussi organisée
26:55sans escalier,
26:56qu'une société
26:57peut être aussi organisée
26:58en enseignant
26:59la langue des signes
27:00dans les écoles.
27:00Et ça,
27:01c'est des choix politiques.
27:05À l'époque,
27:06les choix politiques
27:07sont entièrement guidés
27:08par l'enjeu
27:09de la reconstruction
27:10et sa valeur cardinale,
27:11le travail.
27:13Toutes les énergies
27:14sont mobilisées
27:15et les infirmes
27:16sont incitées
27:17à participer
27:18à l'effort national.
27:20On va avoir recours
27:21à la main-d'oeuvre
27:22immigrée dans cette période,
27:23mais il va aussi
27:24y avoir l'idée
27:24que les diminués physiques,
27:26les personnes diminuées physiques,
27:28pourraient,
27:28elles aussi,
27:29être optimisées,
27:30être récupérées,
27:31comme on dit à l'époque,
27:32pour être une force
27:33de travail utile
27:34pour le pays.
27:35L'essentiel,
27:36c'est de savoir
27:37que le diminué physique
27:40n'est pas un diminué professionnel
27:42et qu'il peut être
27:43un ouvrier parfaitement rentable
27:45pour un industriel,
27:46quel qu'il soit.
27:47On affirme
27:48que tout le monde
27:50est pareil,
27:51que tout le monde
27:51peut participer
27:52à la construction
27:53du pays
27:54et du système
27:54de la sécu.
27:55donc,
27:56on va dire,
27:57vous vous mettez
27:58au travail,
27:59vous allez par ce biais-là
28:00payer vos soins
28:00et même payer
28:01le soin des autres
28:02et donc,
28:02vous gagnez
28:03sur tous les tableaux.
28:05Depuis l'invention
28:05de la sécurité sociale
28:07en 1945,
28:09ceux qu'on appelle
28:09les diminués physiques
28:11peuvent progressivement
28:12se former,
28:13travailler
28:14et cotiser
28:15pour financer
28:16le système de santé.
28:17C'est l'âge d'or
28:18d'une nouvelle philosophie,
28:20la réadaptation.
28:21Sous la houlette
28:25des grandes associations,
28:27des ateliers
28:27dits protégés
28:28couvrent l'hexagone,
28:30vantant les performances
28:31de ces travailleurs
28:32qu'on veut bien intégrer
28:33tant qu'ils font
28:34tourner l'industrie.
28:37Monsieur Bernard Chenot,
28:38ministre de la Santé publique,
28:39a inauguré à Kissigny
28:41dans l'heure
28:41le centre Joseph Arditi
28:43qui est le premier
28:43du genre en France.
28:45Tout en poursuivant
28:46leur rééducation,
28:47les paraplégiques
28:48peuvent ici
28:48se réadapter
28:49au travail industriel
28:50et redevenir
28:51des citoyens
28:52par entière.
28:53Nous venons en tête
28:55avec une productivité
28:56de 130%
28:58parmi les usines
28:59de la télémécanique
29:00de Nanterre
29:00avec exclusivement
29:02des paraplégiques
29:02traumatiques dans l'usine.
29:04C'est dire l'utilité
29:05de votre usine
29:05en train de faire
29:06dans l'économie nationale.
29:07C'est à quel point
29:07un diminué physique
29:08même gravement atteint
29:09comme l'est un paraplégique
29:11peut travailler
29:12mieux qu'un autre
29:13s'il a évidemment
29:15le grand désir
29:16de reprendre sa place.
29:19Il travaille automatiquement
29:20mieux qu'un autre
29:21parce qu'il n'a
29:22aucune distraction
29:24physique possible.
29:26Il est tout près
29:27de son travail
29:28et il n'en sort pas.
29:30En 1957,
29:32le vote de la loi gazier
29:34couronne cette logique
29:35productiviste.
29:36Les entreprises
29:37doivent désormais
29:38recruter un quota
29:39d'infirmes civils,
29:41un dispositif jusque-là
29:42réservé aux mutilés
29:43de guerre.
29:44La loi de 1957
29:49est très importante
29:51pour l'histoire
29:52du handicap,
29:52ne serait-ce que
29:53parce que pour la première fois
29:54dans un texte de loi,
29:55le mot handicap apparaît.
29:57Il arrive en France
29:58dans les valises
29:59du plan Marshall,
30:00dans une période
30:01d'influence nord-américaine
30:04très importante,
30:05où utiliser un terme anglais
30:06à la place des termes
30:08d'infirme,
30:09de diminué physique,
30:10comme cela court
30:11dans la période,
30:12paraît plus moderne
30:14et vient euphémiser
30:14un petit peu
30:15le regard qu'on porte
30:16sur les personnes handicapées.
30:18Mais le texte de loi
30:20ne définit pas précisément
30:21le quota,
30:22qui ne sera donc
30:23jamais respecté.
30:25Ce défaut d'application
30:26concrète des lois
30:27sur le handicap
30:28va devenir un leitmotif.
30:31Tout le monde patronal
30:33a toujours eu tendance
30:34à dire,
30:34bon, ok,
30:35on veut bien dire
30:36que les handicapés
30:37sont comme les valides,
30:38mais quand même,
30:39vous n'allez pas
30:40nous obliger
30:40à embaucher
30:42des personnes handicapées.
30:44Elles travaillent moins vite,
30:45elles travaillent moins bien,
30:46elles tombent malades,
30:47bon.
30:53Est-ce que tu crois
30:53qu'on donne du travail
30:54facilement
30:55à un handicapé comme toi ?
30:56Non, non.
31:01Non, parce que si,
31:02moi, j'ai ma place
31:02et puis que le patron,
31:05il me donne du boulot
31:06qui ne m'intéresse pas
31:07parce qu'en disant,
31:07tu lui donnais ça,
31:08ça ne va pas être trop dur
31:09pour lui,
31:10je ne suis plus d'accord,
31:11je voudrais faire du boulot
31:12comme les autres.
31:14Ce serait trop facile.
31:18Et tu crois
31:19que ça va être possible, ça ?
31:20à côté de ces ateliers protégés,
31:28aux métiers souvent répétitifs
31:29et subalternes,
31:31les associations gestionnaires
31:32multiplient les foyers d'hébergement.
31:35Présentés comme une heureuse alternative
31:37à l'hospice,
31:39ils sont bientôt dénoncés
31:40comme des lieux de ségrégation.
31:41Dans les années 60 et 70,
31:55une nouvelle génération accède
31:57à l'âge adulte
31:58au moment même
31:58où la société se transforme.
32:01Sous l'impulsion d'une jeunesse
32:02qui conteste l'ordre social,
32:04de nouvelles aspirations grandissent
32:06chez les jeunes handicapés.
32:07Celle de faire des études,
32:10de mener une vie autonome
32:11et surtout d'être traité en égale.
32:18Il aime bien Patrick
32:19quand quelqu'un essaye de l'aider
32:21par exemple dans la rue ?
32:22Ah non, absolument pas, non.
32:24Il a horreur de ça.
32:25Lui est comme les autres du reste.
32:27Il a horreur de tout ce qui est charité,
32:29il a horreur de tout ce qui est pitié.
32:32Et moi aussi, du reste,
32:33je trouve ça abominable.
32:34C'est scandaleux.
32:35Il y a des gens qui trouvent ça très bien,
32:37la pitié.
32:37Peut-être, pas moi.
32:41On a là l'indice
32:43d'une vraie rupture générationnelle,
32:45d'une vraie rupture politique
32:47et peut-être aussi
32:48d'une espèce de rupture sociale.
32:50C'est des années,
32:51les années 60,
32:52où de plus en plus
32:53cette humeur contestataire
32:54qui va se politiser
32:55va se diffuser,
32:58y compris chez ces jeunes
32:59personnes handicapées moteurs
33:01qui vont, pour certains,
33:03accéder au baccalauréat général,
33:05rentrer à l'université
33:08dans ces années 60
33:09de politisation
33:10à tout va du monde étudiant.
33:12Dans les amphis,
33:19les bullitions militantes
33:20infusent les têtes bien faites
33:21de cette nouvelle génération
33:23d'handicapés.
33:24Au centre des paralysés étudiants
33:26ou au groupement
33:28des intellectuels handicapés physiques,
33:30on se rassemble
33:31et on dénonce
33:32les obstacles rencontrés
33:33tous les jours
33:34pour accéder aux examens
33:35et aux cours.
33:39Ce mouvement est en train
33:40de s'aimer
33:40à travers toute la France
33:42dans de nombreuses universités.
33:44Saint-Épéry a écrit
33:46« L'homme se révèle
33:47face à l'obstacle.
33:49C'est une évidence,
33:50pour nous c'est un peu plus.
33:52C'est une réalité
33:52de tous les jours. »
33:57Entre les jeunes
33:58et les anciens,
33:59un débat cristallise
34:00tous les désaccords,
34:02la quête.
34:02Sur ce majeur de financement,
34:06elle est organisée
34:06chaque année
34:07par les associations
34:08à grand renfort
34:09d'appels aux dons.
34:14Rompant avec ce vestige
34:15du passé,
34:17la nouvelle génération
34:17s'insurge
34:18contre ce symbole ultime
34:20et humiliant
34:21du regard de pitié
34:22porté sur eux.
34:26Refuser de donner,
34:27c'est ce que demande
34:27aux valides
34:28ce groupe de handicapés.
34:29Cette année encore,
34:30des associations
34:31organisent la quête,
34:32d'autres,
34:32la contestent.
34:33D'aucuns appellent ça
34:34mendicité,
34:35pitié, etc.
34:36Nous, nous appelons ça
34:37la solidarité.
34:39On peut,
34:40selon son appérament,
34:41selon sa mentalité,
34:43selon aussi
34:43certaines opinions politiques,
34:46appeler ça
34:46d'une façon ou de l'autre.
34:47La quête,
34:48je suis tout à fait contre.
34:49Ça véhicule
34:51un sentiment
34:51tout à fait déplorable
34:53par rapport à
34:54l'assistant,
34:55la charité,
34:55la condescendance.
35:00On abandonne
35:01la compassion
35:01et on abandonne
35:03la charité
35:04parce que c'est
35:06le rapport
35:06du dominant
35:07à dominer.
35:09C'est une volonté
35:11de sortir
35:12de ce champ
35:13de l'assistance
35:14pour vraiment
35:16se diriger,
35:19s'orienter
35:19sur le terrain politique.
35:21C'est-à-dire que,
35:21il faut changer
35:22le rapport
35:23de force
35:23et pour ça,
35:25il faut militer,
35:26il faut lutter
35:27politiquement.
35:28Et bon,
35:28on en est toujours là
35:29en fait.
35:42En mai 68,
35:44le contexte
35:44de crise sociale
35:45généralisée
35:46et de remise en cause
35:47de toutes les autorités
35:48radicalise
35:50ce mouvement
35:50déjà en marche.
35:51À la cité universitaire
35:56d'Antony,
35:57devenu un foyer
35:58activiste,
35:59une dizaine
36:00de chambres
36:00ont été aménagées
36:01pour les étudiants
36:02handicapés.
36:03Sur ce terreau militant
36:05pousse
36:05un nouveau mot d'ordre,
36:07rompre avec
36:07la tiédeur
36:08des associations
36:09et le paternalisme
36:10des valides.
36:11J'ai une chambre
36:16à la cité universitaire
36:17d'Antony,
36:18alors adaptée,
36:19il y avait un ascenseur
36:20pour aller à la chambre.
36:22On était un petit groupe,
36:23on mangeait,
36:24bon voilà,
36:25on disait que c'était
36:26la fosse au Lyon,
36:27mais c'est pas grave
36:27parce qu'il y avait
36:28des étudiants
36:28qui refusaient
36:29de venir manger avec nous.
36:31Ben non,
36:31on ne va pas avec eux
36:32quand même.
36:33Et puis,
36:34on voulait aller
36:35à la cafétaria,
36:36boire un café
36:36puis qu'on continue
36:37de discuter
36:38avec des copains.
36:39Et là,
36:40trois marches.
36:41Ah ben oui,
36:41on a le droit de manger
36:42mais on n'a pas le droit
36:43de s'amuser quand même,
36:43il ne faut pas exagérer.
36:45Et donc,
36:46c'est là où on a pris conscience
36:48que ça n'allait pas du tout.
36:50Donc, on a fait une manif...
36:51On n'a pas fait sauter les marches
36:52mais on s'est battus
36:54pour qu'on puisse rentrer
36:56dans la cafétaria.
36:58Et à partir de là,
36:59il y a un copain
37:00qui dit
37:01mais il y a une fille
37:01qui est en grève de la faim
37:02qui s'appelle Aïcha
37:03qui a des revendications.
37:05Aïcha,
37:06marginale,
37:07à plus d'un titre.
37:08Je ne demande pas moi
37:08à vivre mieux,
37:09que les autres travailleurs.
37:09Je demande à vivre comme eux
37:10et pouvoir me battre comme eux.
37:12C'est-à-dire que
37:13dès que je suis dans une usine,
37:14qu'on ne me prenne pas par faveur,
37:15que je puisse me syndiquer comme eux,
37:16me battre et lever le poing comme eux,
37:18me foutre en grève comme eux.
37:20On n'a que la charité.
37:21Voilà,
37:21c'est tout ce qu'on nous offre.
37:23Les OS de Renault
37:24ont pu imposer leur volonté
37:25parce qu'ils ont arrêté les machines.
37:27Qu'est-ce que tu veux
37:27qu'on arrête, nous ?
37:29Alors, rien du tout.
37:31Alors, on est de la merde.
37:32Et aujourd'hui,
37:33nos revendications
37:34comme on les pense,
37:35il est bien certain
37:35pour que des Dienesch
37:36ou pour des Pompidou
37:37ou des Mitterrand même,
37:39on ait des caractériels.
37:40Bon, parce que, évidemment,
37:42quelqu'un qui rouspète,
37:43quand même, ça ne se fait pas.
37:45Il faudrait qu'on aille
37:46autour d'une table ronde,
37:47un tapis vert, etc.
37:48Quoi qu'on pourrait discuter
37:48de la forme de la table,
37:49ça serait bien aussi.
37:50Alors, voilà.
37:52Ces militants,
37:53considérés comme des agitateurs,
37:55sont écartés des discussions
37:56qui se trament
37:57dans les coulisses du pouvoir.
37:59Car, dans ces années
38:00de refonte sociale,
38:02la question des handicapés
38:03fait surface
38:03dans l'agenda du gouvernement
38:05qui semble découvrir
38:06tout d'un coup
38:07l'ampleur du problème.
38:11Il y a une volonté de l'État
38:12de rationaliser
38:13tout le monde
38:14du sanitaire et social.
38:15Il y a une volonté
38:16de réorganiser ce secteur.
38:18Dès l'après-mai 68,
38:20le discours
38:20de politique générale
38:22de Jacques Chabandé-Halmas
38:24sur la nouvelle société
38:25contient un paragraphe
38:26sur le handicap.
38:27Un rapport
38:28d'un haut fonctionnaire,
38:29François Bloch-Lenet,
38:30va porter sur la question générale
38:32des personnes inadaptées
38:33et handicapées.
38:34Il y a un livre à succès
38:35qui les exclut
38:36d'un haut fonctionnaire,
38:38le noir,
38:38qui va porter
38:39sur le grand problème public
38:40que représenterait
38:41les personnes handicapées.
38:42Il y a une agitation
38:43dans le monde
38:45de la haute fonction publique
38:46autour de l'idée
38:47qu'il faut apporter
38:48une grande réforme
38:49sur la question
38:51des personnes
38:51dites inadaptées,
38:52handicapées.
38:53Madame,
38:53vous êtes secrétaire d'État
38:54Mais pour l'heure,
38:56le discours porté
38:57par la secrétaire d'État
38:58à l'action sociale
38:59reste celui
39:00d'une administration
39:01qui vise moins
39:02à émanciper
39:03qu'à rationaliser.
39:06Actuellement,
39:07madame,
39:07quelles mesures ont été prises
39:08d'une part
39:09sur le plan scolaire
39:11et d'autre part
39:12sur le plan professionnel ?
39:13Eh bien là,
39:14nous avons à distinguer
39:15les différentes catégories
39:17d'enfants
39:17selon leur handicap.
39:18Certains sont d'abord
39:20des débiles légers,
39:21heureusement,
39:22et ceux-là peuvent être
39:23très vite récupérés
39:25pour la société,
39:25s'ils osent dire,
39:26et amener à avoir
39:27une scolarité normale.
39:28Pour les autres,
39:29débiles moyens,
39:30débiles profonds,
39:31arriérés profonds,
39:33débiles,
39:34je veux dire,
39:34handicapés,
39:35sensoriels ou moteurs,
39:37nous avons des institutions
39:39qui leur sont propres.
39:42Face à ces propos
39:43d'un autre temps,
39:45la riposte s'organise.
39:47Proche de l'extrême gauche,
39:48plusieurs groupes contestataires
39:50apparaissent.
39:51C'est le cas du mouvement
39:52de défense des handicapés
39:54et du côté de la cité
39:55U d'Anthony,
39:57du CLH,
39:58le comité de lutte
39:59des handicapés,
40:00qui naît en 1973.
40:02Alors,
40:03on se retrouve
40:04avec Aïcha
40:04et d'autres copains
40:06et on se dit
40:07il faut réfléchir.
40:09Qu'est-ce qu'on veut ?
40:11Qu'est-ce qui nous différencie
40:12et qu'est-ce qui nous rapproche ?
40:14Et c'est comme ça
40:14que notre réflexion
40:15a cheminé
40:16et que comme c'était
40:18toujours les bons petits
40:19handicapés,
40:20ça l'est toujours d'ailleurs,
40:21les bons petits handicapés,
40:23on a dit
40:23handicapés méchants.
40:24Voilà,
40:25c'est le slogan.
40:28Handicapés méchants,
40:30un titre
40:30qui peut faire sourire,
40:31qu'on peut percevoir
40:33comme une plaisanterie,
40:34mais qu'il faut bien
40:34entendre aussi
40:35comme un avertissement.
40:36Ces personnes
40:37ne sont pas là
40:39pour être aimables,
40:40gentilles,
40:41polies.
40:42Elles sont là
40:42pour que les choses changent
40:43et que les choses changent
40:44immédiatement.
40:51En faisant irruption
40:53sur un champ de course
40:54en direct du Tiers-C,
40:55ou en prenant le micro
40:56en pleine soirée mondaine,
40:58les handicapés méchants
40:59rompent avec les méthodes
41:00respectables de leurs aînés.
41:03Et nous qui représentons
41:04un groupe d'handicapés
41:05en lutte,
41:06nous tenons à vous informer
41:07qu'il y a...
41:08Voilà une intervention
41:09qui n'était pas prévue.
41:10Mon cher ami,
41:11en direct,
41:11les interventions
41:12ne sont jamais prévues,
41:13ce sont les choix...
41:13Cultivant la contre-culture
41:15dans des happenings
41:16provocateurs et joyeux,
41:18ils sortent de l'invisibilité.
41:21Je pense que l'action
41:22de démonstration
41:24est un peu combattante,
41:25c'est pour démontrer
41:26quelque chose.
41:28Que la rue était à nous,
41:29que nous aussi,
41:30on était dans l'espèce publique.
41:36Ce qui est frappant
41:37sur ces images,
41:38c'est qu'on voit
41:39des handicapés malpolis.
41:40On voit des handicapés
41:42qui ne restent pas
41:43à leur place
41:43et ça, c'est précieux.
41:46Parce qu'on a tellement
41:47été éduqués
41:48et rééduqués même
41:49à être des bonnes consciences,
41:52à ne pas faire de vagues
41:53et d'un seul coup,
41:55on assiste
41:56à une espèce
41:56de saine vengeance.
41:59C'est cette figure
42:00de l'handicapé
42:01en action
42:02qui ment cruellement.
42:03C'est un côté réjouissant
42:18de voir ces archives
42:19parce que,
42:20bon déjà,
42:21ça me paraît
42:21d'une grande actualité
42:22parce que les usines hospice
42:24et les ghettos
42:24d'handicapés
42:25dont ils parlent,
42:26il s'agit en fait
42:27des CAT
42:28qui sont devenus
42:29des ESAT
42:30où les ouvrières
42:31et les ouvriers
42:31n'avaient pas
42:32de droit du travail,
42:33n'étaient pas justiciables
42:34du droit du travail
42:35et ne le sont toujours pas.
42:41Ces groupes minoritaires
42:43représentent une avant-garde.
42:45Âgés de 18 à 25 ans,
42:47ils dénoncent
42:47leur ségrégation
42:48dans les établissements
42:49spécialisés
42:50et rejoignent
42:51les luttes
42:51des minorités opprimées.
42:56Pour certains,
42:58c'est aussi défendre
42:58l'idée
42:59que les personnes
43:00handicapées
43:00appartiennent
43:01au combat ouvrier.
43:03Leur combat
43:03n'est pas coupé
43:05du combat
43:05d'autres minorités.
43:07Les personnes,
43:08les travailleurs immigrés
43:09qui se mobilisent
43:09dans la même période,
43:11les femmes
43:11et les féministes
43:12avec qui il va y avoir
43:12des liens,
43:13avec les personnes
43:14psychiatrisées,
43:16avec les prisonniers,
43:17il va y avoir
43:18une idée
43:19qu'on appellera
43:20bien plus tard
43:21l'intersectionnalité
43:22et qu'il faut
43:23s'organiser
43:24pour lutter ensemble.
43:27Et en plus,
43:28quand t'es une bonne femme,
43:30quand je cherche
43:32du boulot,
43:32on me dit
43:33« Mais madame,
43:34pourquoi vous voulez
43:35travailler ?
43:35Vous êtes mariée ? »
43:37Ça, c'est la main d'œuvre.
43:39Alors, comme toutes les femmes,
43:40même normales,
43:41disons non handicapées,
43:42déjà, une femme
43:43a beaucoup moins de droits
43:44à la formation professionnelle.
43:45Mais quand t'es handicapée,
43:46alors là,
43:47t'as plus que le métro
43:47à faire et la quête.
43:49Ça, c'est le problème.
43:50En plus,
43:51ce que je trouve ignoble,
43:52c'est qu'à partir du moment
43:53où on voit un handicapé,
43:54il n'est pas comme les autres.
43:57Il n'a pas de vie sexuelle.
43:59Personne ne pense
44:00qu'un handicapé
44:00peut avoir une vie sexuelle,
44:02qu'il peut avoir un clitoris
44:02qui lui fasse du bien
44:03de temps en temps,
44:04qu'on le caresse.
44:06Personne ne veut nous voir
44:07comme des personnes en entier.
44:09Personne.
44:09Lorsque j'ai découvert
44:10ces archives,
44:12ça m'a fait vraiment l'effet
44:13d'un immense soulagement
44:16de se dire
44:17qu'en fait,
44:18il y a eu des luttes
44:20qui ont fait tout un travail
44:21de mobilisation collective
44:24de la condition handicapée.
44:27Et tant qu'on n'a pas accès
44:29à l'héritage théorique,
44:31l'héritage des expériences,
44:33des luttes collectives du passé,
44:36il faut qu'on refasse tout
44:37à chaque génération.
44:39C'est dans ce climat contestataire
44:41que l'État fait de la prise en charge
44:43des personnes handicapées
44:44une obligation nationale.
44:47Votée le 30 juin 1975,
44:49une nouvelle loi réaffirme
44:51leurs droits.
44:52À l'emploi,
44:53à l'éducation,
44:55à l'insertion sociale.
44:57Le discours officiel
44:58se félicite d'une avancée majeure.
45:01L'essentiel me paraît être
45:02qu'elle permet de sortir
45:04du cadre de l'assistance.
45:06Elle reconnaît des droits,
45:08des droits sociaux,
45:09comme aux autres Français
45:10ou handicapés.
45:12Et je pense que pour les familles,
45:14c'est un aspect psychologique
45:15essentiel.
45:15Il y a des choses
45:17qui se détachent
45:18et qui apparaissent
45:19pour la première fois
45:20et qui sont incontestablement
45:23neuves et très positives.
45:25Donc, il y a la mention
45:26de l'accessibilité
45:27qui n'existait pas
45:28dans les lois antérieures.
45:30Alors, c'est une accessibilité
45:31qui prend une forme limitée,
45:33très limitée.
45:34C'est les lieux publics
45:36en milieu urbain.
45:37Donc, par exemple,
45:37ça ne concerne pas
45:38les mairies en milieu rural,
45:39pour être très concret.
45:41On voit un peu l'absurdité
45:42et le problème que ça pose,
45:43mais c'est un début.
45:44C'est une loi qui promet
45:45beaucoup de choses
45:45et qui a suscité
45:46beaucoup de déceptions
45:47sur son effectivité.
45:50Et il y a eu des choses
45:51qui se sont transformées
45:52en bien pour les personnes
45:53handicapées dans la suite
45:54de l'histoire,
45:55mais qui ne sont pas seulement
45:56liées à cette loi, bien sûr,
45:57qui sont aussi liées
45:57à des progrès techniques,
45:59par exemple.
46:00Il y a des changements sociaux
46:01plus généraux
46:01dans lesquels la loi de 1975
46:03joue comme un facteur
46:04parmi d'autres.
46:06Les militants de l'époque
46:07dénoncent un projet de loi
46:08construit main dans la main
46:10avec les associations
46:11qui se limitent à renforcer
46:12le secteur médico-social.
46:15En prétendant les intégrer,
46:17la loi consolide, selon eux,
46:18une filière spécialisée
46:19qui les met à l'écart.
46:22Elle renforce le placement
46:23en institution.
46:24Elle le pérennise
46:25et donc ça va tout à fait
46:28à l'encontre des droits
46:29des personnes handicapées
46:30malgré, effectivement,
46:32cette appellation loi
46:33en faveur des personnes handicapées.
46:36Et cette loi, effectivement,
46:38vient confirmer et instituer
46:40l'existence de certains secteurs,
46:42de certaines institutions parallèles
46:44pour les personnes handicapées,
46:45à l'exemple de celle
46:46qui est la plus zonnie
46:47par certains militants,
46:48parmi les plus radicaux,
46:50les centres d'aide par le travail,
46:51institués comme étant dérogatoires
46:53aux droits du travail.
46:55Naturellement,
46:55le bon compassionnel
46:56trouvait ça absolument merveilleux
46:58parce qu'on parlait
46:59des handicapés,
47:00on faisait une loi.
47:01Bon, d'accord,
47:02on fait une loi,
47:02mais si la loi,
47:03elle ne sert à rien,
47:04elle a cadré un peu
47:05les associations gestionnaires,
47:07c'est tout.
47:08Elle n'a absolument pas
47:10mis en avant
47:11la place de la personne handicapée.
47:14Alors que nous,
47:14au CLH,
47:15on y pensait déjà.
47:18Deux ans après son vote,
47:19même ses partisans
47:20comme les adhérents
47:21de l'Association
47:22des Paralysés de France
47:23expriment leur désillusion.
47:27Nous avons appuyé très fort
47:28le préambule
47:29de la loi d'orientation.
47:31Nous sommes toujours
47:32partie prenante
47:32pour ce préambule,
47:34mais les décrets
47:34qui paraissent
47:35nous font déchanter
47:36et, en certaine mesure,
47:39ne nous permettent pas
47:40d'espérer un grand changement.
47:44Mais ces décennies
47:45de mobilisation
47:46auront permis
47:47un changement
47:47de paradigme majeur.
47:50L'idée est que c'est
47:50à la société entière
47:51de se transformer.
47:54Les actuelles inadaptées.
47:56Nous pensons
47:57qu'il y a des égards
47:57sur la société
47:58qui est très adaptée,
48:00qui ne permet pas
48:01que nous nous exprimions.
48:03Nous espérons
48:03que dans l'esprit
48:04au moins des jeunes handicapés,
48:06il y a une certaine évolution
48:07de leur mentalité,
48:09c'est-à-dire qu'ils cessent
48:10d'être passifs
48:11pour s'intégrer
48:12totalement à la société.
48:17Il faudra 30 ans
48:18pour que la loi de 2005
48:19pour l'égalité
48:20des droits
48:21et des chances
48:21répondent enfin
48:22à ces attentes.
48:24Elle renforce
48:24l'accessibilité,
48:26l'obligation d'emploi
48:27et pose les premières pierres
48:29de la société inclusive.
48:31La loi de 2005,
48:33elle est le produit
48:33de toute l'histoire antérieure
48:35des mobilisations
48:36en France
48:37et à l'international
48:38autour de la question
48:40du handicap,
48:42du droit
48:42à l'inclusion,
48:44des revendications
48:46d'accessibilité généralisée
48:47qui ne se réduisent pas
48:48à l'installation
48:49d'une rampe
48:50à la place d'escalier
48:51mais qui soit
48:52une pensée
48:53de tout le cadre bâti,
48:55des logiciels,
48:56du symbolique,
48:57du scolaire
48:58pour être accessible
48:59à tous les corps
49:01et à tous les modes
49:03de fonctionnement individuels.
49:04La loi de 2005,
49:06elle est intéressante.
49:08Alors,
49:08c'est un peu
49:09l'aboutissement
49:10de ce qu'on voulait.
49:12Le seul petit problème,
49:14c'est qu'elle est
49:14très mal appliquée.
49:16Mais c'est à travers
49:17leurs revendications
49:18pour la fermeture
49:19de ce qu'ils appelaient
49:20les ghettos d'handicapés
49:21que les militants
49:23des années 70
49:24ont été
49:24les plus précurseurs,
49:26anticipant il y a 50 ans
49:27une question
49:29largement actuelle.
49:30Combien de temps
49:31passez-vous
49:32à faire votre lit ?
49:33Une heure
49:34à le recouvrir.
49:37Votre indépendance,
49:39vous hésitez ?
49:39Votre indépendance,
49:39vous hésitez ?
49:40Même si on faisait
49:41un centre hospitalier
49:43spécialisé ?
49:44Non.
49:44Avec peu.
49:46Tant que je reviens
49:47sur le de ville,
49:49je resterai dans mon studio.
49:51Pour savoir
49:52faire part, c'est tout.
49:55On peut sans doute voir
49:57à la fin des années 70
49:58le début de ce qu'on appelle
50:00aujourd'hui
50:00le mouvement
50:01de désinstitutionnalisation.
50:04C'est-à-dire la volonté
50:05de ne plus avoir
50:07de bâtiments,
50:09de dispositifs
50:10distincts
50:12pour les personnes handicapées
50:13et les personnes valides.
50:16Mettre fin aux institutions,
50:17planifier la vie autonome
50:18sont des perspectives
50:19fortement débattues en France.
50:22Si l'ONU appelle
50:23à la fermeture
50:24des établissements spécialisés,
50:26le sujet est loin
50:27de faire consensus.
50:28et réactive l'affrontement
50:29entre militants
50:30et associations.
50:33En fait,
50:34ce qu'il faudrait,
50:35c'est appliquer
50:36le droit international.
50:37Notamment la convention
50:39de l'ONU
50:40sur les droits
50:41des personnes handicapées
50:42qui a ratifié
50:44la France en 2010
50:45et qui doit entrer
50:46en fait
50:46en application
50:48qui ne consiste pas
50:49en fait
50:49à renvoyer les gens
50:50chez eux
50:51ou à les mettre
50:51à la rue
50:52comme le disent
50:53les associations
50:53gestionnaires
50:54d'établissements
50:54mais à simplement
50:56affecter les fonds,
50:58les moyens
50:59aux personnes
50:59elles-mêmes.
51:00Ce qui veut dire
51:01que les personnes
51:02elles vivent
51:03chez elles
51:04avec toutes les aides
51:06humaines,
51:07techniques
51:07dont elles ont besoin
51:09pour décider.
51:16C'est l'avantage aussi
51:17qu'on a
51:17quand on est handicapé,
51:19c'est que comme
51:19on ne correspond pas
51:20à la normalité,
51:21on peut inventer
51:22notre normalité,
51:23on peut inventer
51:24notre rapport
51:25à la réalité.
51:26On ne ressemble pas
51:27aux autres
51:28mais on ressemblera
51:29à rien d'autre
51:30qu'à soi.
51:32Ça permet d'avoir
51:33une trajectoire
51:34de vie intéressante aussi.
51:36Les handicapés,
51:37c'est le combat
51:37qui n'a jamais été mené
51:39ou du moins
51:40amené à la lumière
51:41en fait.
51:41Parce qu'on a vu
51:42des tentatives,
51:44on a vu des accès
51:45de colère,
51:45on a vu tout ça
51:46mais dans les yeux
51:47du grand public
51:48ça reste
51:49et dans les yeux
51:49des politiques
51:50du coup parce que
51:51les politiques sont
51:51la version aggravée
51:52du grand public
51:53c'est vraiment
51:55le sujet
51:56qu'on remettra
51:57toujours à plus tard.
51:59Ça ne urge pas.

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