00:00Tout de suite on va évoquer un sujet qui nous préoccupe tout particulièrement, c'est la Syrie avec ce très lourd bilan.
00:091000 morts après une semaine d'affrontement en Syrie et ce matin le gouvernement syrien affirme que les combats ont cessé avec un cessez-le-feu entré en vigueur dans la province de Sueda.
00:24Vous êtes docteur en géopolitique, enseignant à Sciences Po Paris, vous êtes notamment l'auteur de la guerre mondiale n'aura pas lieu les raisons géopolitiques d'espérer paru aux éditions Odile Jacob.
00:36Alors merci d'être en direct sur Europe 1 car en effet nous avons besoin de comprendre ce qu'il se passe précisément en Syrie.
00:43Sept mois après la chute de Bachar al-Assad, la situation est particulièrement chaotique avec ces combats qui opposent des tribus et des bédouins sunnites aux combattants de ruses à Sueda.
00:57Alors ce matin donc il y a eu cet appel, cette annonce comme quoi les combats avaient cessé. Est-ce que l'on peut faire confiance au gouvernement syrien ?
01:06La réponse est non, pour deux raisons. D'abord parce qu'en dépit de sa bonne volonté affichée, Al-Jolani, celui qui dirige le pouvoir aujourd'hui en Syrie, celui qui a pris le pouvoir après la chute d'Assad en décembre dernier, il est faible.
01:21Il est à la tête d'une véritable coalition et non seulement sa coalition pour partie ne lui obéit pas, même lorsqu'il affirme qu'il faut absolument promouvoir la paix,
01:32et notamment la paix et la sécurité intercommunautaires, puisque la Syrie, on va y revenir, est une mosaïque communautaire.
01:37Donc non seulement il n'est pas écouté par une partie de ces miliciens extrêmement durs, mais la deuxième raison c'est que justement ces miliciens, pour la quasi-totalité d'entre eux,
01:46ceux qui aujourd'hui ont le pouvoir en Syrie, ce sont des anciens djihadistes.
01:49Et le problème avec le terme de anciens, c'est que vous ne savez jamais dans quelle mesure ils sont sincèrement réellement repentis ou s'ils ne le sont pas.
01:57Et le problème aujourd'hui, c'est qu'au sud du pays, vous avez une population minoritaire, que sont les Druzes, dont on parle beaucoup,
02:03qui sont à cheval sur trois pays du Proche-Orient et uniquement eux, le Liban, la Syrie et Israël, mais c'est en Syrie qu'ils sont le plus nombreux, un petit peu moins d'un million.
02:11Ces Druzes ne sont pas considérés comme de véritables musulmans par les islamistes.
02:16Alors à partir du moment, et je conclue, à partir du moment où vous avez au pouvoir une coalition faite de différentes milices islamistes et parfois islamistes radicales,
02:24je rappelle quand même que pour beaucoup, ces gens-là ont crapahuté au sein de Daesh dans les années de 2010, il faut voir ce que c'est quand même.
02:30Et qu'ils considèrent les Druzes comme des traîtres à l'islam, vous imaginez bien ce que ça peut donner.
02:34Et là, on peut parler d'un véritable massacre.
02:37Et il y a eu de véritables massacres. C'est absolument incontestable.
02:40Lorsque je lis ces derniers jours dans une partie de la presse qu'il y a eu des combats intercommunautaires, je ne suis pas d'accord avec cela.
02:47Il y a eu effectivement un certain nombre de cas de figure où des miliciens Druzes se sont vengés.
02:52Mais dans la ville de Souaïda, qui est la première ville Druze de Syrie, la plus importante,
02:56c'est bien des miliciens gouvernementaux soutenus parfois par des bédouins locaux qui sont venus massacrer les Druzes.
03:02Parce qu'il y a ces victimes, 1000 morts, aujourd'hui annoncées concrètement, mais il y a aussi ces déplacements de population.
03:11Oui, de toute façon, au Moyen-Orient, d'ailleurs cette région n'a pas l'apanage de ça.
03:16Mais vous avez très régulièrement des exotes forcés.
03:19Et alors ça s'est vu à maintes reprises au Liban, immédiatement voisins.
03:22Vous l'avez vu en Syrie depuis au moins 2014, puisque sous la férule du boucher Bachar el-Assad,
03:30des millions, pas des milliers, je dis bien des millions et plusieurs millions de Syriens,
03:34on parle d'une douzaine de millions de Syriens, ont fui soit en tant qu'exilés à l'intérieur,
03:39soit en tant que réfugiés vers l'extérieur du pays.
03:41Mais dans tous les cas de figure, au Moyen-Orient, malheureusement, c'est souvent le cas,
03:45lorsque des exactions sont perpétrées, l'agresseur fait en sorte de chasser l'intégralité de la population
03:51qu'il souhaite voir déguerpirer.
03:53Alors Frédéric Ancel, avant de vous libérer, j'aurais une question concernant l'Ukraine, cette fois.
03:58L'Ukraine qui a proposé à la Russie de tenir de nouveau pour parler la semaine prochaine.
04:03Pensez-vous qu'ils peuvent avoir lieu ? Et si oui, pourrait-il aboutir cette fois ?
04:10Alors voilà, deux questions en une. J'allais vous dire oui à la première question.
04:13Et pas d'avent lesquelles en plus, désolé.
04:14C'est-à-dire qu'on peut effectivement, je suis assez optimiste sur la reprise de pour parler,
04:19d'ailleurs je rappelle que des pour parler ont commencé il y a trois ans,
04:22c'est-à-dire juste après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
04:24Mais alors après, est-ce qu'ils peuvent aboutir ?
04:26Je vais vous dire franchement, ça tient à Vladimir Poutine.
04:29Parce qu'aujourd'hui sur le terrain, même s'il ne parvient pas à atteindre ses objectifs,
04:33et c'est même le moins qu'on puisse dire, il est quand même le plus fort pour être très objectif.
04:38D'autant plus que les Américains, aujourd'hui, entretiennent une politique
04:41dont le moins qu'on puisse dire est extrêmement fluctuante avec l'Ukraine.
04:44Donc évidemment, le président Zelensky a besoin, lui, davantage encore que les Russes, d'un cessez-le-feu.
04:49Donc je vous dirais pour résumer, oui sans doute pour des négociations,
04:52je serais extrêmement prudent quant à leur aboutissement à court terme.
04:57Merci beaucoup Frédéric Ancel, toujours aussi passionnant.
05:00Docteur en géopolitique, enseignant à Sciences Po Paris,
05:03ils ont bien de la chance vos étudiants.
05:05Vous êtes notamment l'auteur de La Guerre mondiale n'aura pas lieu