00:00Qui a encore envie d'être maire ? C'est le sujet qu'on aborde maintenant et on est avec Daniel Cornalba, maire de l'étang-la-ville, dans les Yvelines, membre du bureau de l'association des petites villes de France.
00:12Bonjour Daniel Cornalba.
00:15Bonjour.
00:16Effectivement, étant la ville, une petite ville des Yvelines, combien d'habitants chez vous ?
00:21Un peu plus de 5000 habitants.
00:23Oui, donc c'est une assez petite ville, même pas moyenne. Vous allez fêter le 14 juillet dans votre ville, Daniel Cornalba ?
00:33Il y a toujours des commémorations. Maintenant, on est tout près de la région parisienne, donc on a évidemment nos voisins un peu plus grands qui, eux, font ce d'artifices et autres.
00:42Donc l'intensité sera peut-être plus chez mes voisins.
00:45Alors je voulais, avant de vous faire réagir, je voulais vous faire écouter le ministre délégué François Noël Buffet, qui était l'invité de CNews Europe 1 ce matin.
00:55Écoutez ce qu'il dit sur le 14 juillet sur les violences.
00:57J'ai été maire pendant 20 ans de ma commune dans le Rhône, à Oulin. Pendant 20 ans, je n'ai pas vécu ce que vivent les maires aujourd'hui.
01:04Certes, nous avons eu parfois des problèmes de sécurité, des problèmes d'agression, mais ça restait véritablement très accessoire.
01:11Qu'est-ce qui s'est passé ?
01:11Ça n'est plus le cas. Les maires sont aujourd'hui à portée de violence.
01:15Pourquoi ça a changé ?
01:16Parce que la société a changé, parce que la violence s'est débridée.
01:18La population a changé ?
01:20Il y a eu une évolution de la population, incontestablement, mais une partie de cette population s'est débridée.
01:25La violence n'est plus un problème. L'atteinte à la personne physique n'est plus un problème.
01:29On le voit, y compris avec les mineurs. Il n'y a pas forcément plus de délinquance des mineurs, mais l'intensité des actes est de plus en plus importante.
01:35Daniel Cornalba, je posais la question en préambule, qui a encore envie d'être maire ?
01:41Le nombre de démissions a atteint un niveau record.
01:442 500 maires ne se représentent plus en 2026.
01:50Quand on écoute François-Noël Buffet, c'est vrai que cette violence est très dissuasive.
01:55Est-ce que vous, vous la ressentez ?
01:57Ce qui est certain, c'est qu'on est dans une société qui est beaucoup plus polarisée.
02:00Et ça, on le voit, il y a une tension parfois dans les interpellations.
02:04Maintenant, je crois que malgré tout, le maire et la commune restent, on va dire,
02:09une institution de stabilité dans un contexte national qui est quand même assez hasardeux.
02:14Et je pense que ça, ça demeure.
02:16C'est l'élu préféré des Français, d'ailleurs.
02:19Encore, encore, depuis pas mal de décennies.
02:22Mais moi, je me l'explique assez simplement, c'est qu'on a la proximité, de fait.
02:25Et donc, oui, quand vous allez au marché, vous allez être interpellé à portée d'engueulade, c'est vrai.
02:29Je crois que le président Larcher disait même à portée de baffe.
02:32C'est des choses, évidemment, qui sont réelles.
02:35Et en même temps, le fait qu'on soit dans cette proximité fait qu'on explique les conséquences des politiques.
02:39On explique aussi pourquoi tout n'est pas possible.
02:41Quand on vous demande d'un côté de réduire la fiscalité et de l'autre toujours plus de services publics,
02:46on explique aussi ces contradictions.
02:48Et je pense que la force du local, c'est cette capacité à expliquer ce que l'on fait,
02:52mais aussi avoir les conséquences concrètes.
02:54Vous élisez un maire, il a un programme, vous le voyez se mettre en œuvre.
02:57Et donc, quelque part, ça déjoue le discours sur l'impuissance publique.
03:01Mais justement, qui explique ce fait souvent, vous le disiez, un petit peu engueulé, à portée de baffe.
03:08Effectivement, ça, vos collègues d'ailleurs de l'Association des petites villes de France le constatent souvent ?
03:16Tout à fait.
03:17Alors, à titre personnel, il m'est déjà arrivé de recevoir des menaces et de devoir porter plainte.
03:21C'est jamais de gaieté de cœur, évidemment, mais je l'ai fait.
03:23Effectivement, d'ailleurs, avec le conseil de la commissaire de police que je remercie et qui me disait, il ne faut rien laisser passer.
03:28Et je la rejoins.
03:29Et donc, ça me permet aussi de signaler qu'il y a une coopération très forte, nécessaire, à l'éclon locale entre, voilà, force de police et en même temps, police municipale et maire élu qui sont sur le terrain,
03:40de façon complémentaire, puisqu'on est dans cette proximité que j'évoquais.
03:43Donc, c'est une réalité à laquelle on est effectivement confronté.
03:45De toute façon, les maires ne sont pas dans une bulle à part.
03:48Quand la société est polarisée, évidemment, nos populations le sont aussi.
03:52Avec cette différence, je le disais, que nous, on a encore cette capacité de faire de la prévention,
03:56on a encore cette capacité d'être dans un dialogue direct pour essayer de faire diminuer les tensions.
04:00Je ne dis pas que c'est parfait partout et que c'est possible partout, mais quand on peut le faire, c'est ce qu'on essaie de faire.
04:04Vous, Daniel Cornalba, vous êtes maire depuis combien de temps ?
04:08Maire depuis 2020.
04:09Oui, donc, aux dernières élections, est-ce que vous allez vous représenter ?
04:15Vous ne le voyez pas, parce qu'on est à la radio.
04:17Je le dis toujours dans ces cas-là, est-ce que j'y pense en me rasant ?
04:19Je ne suis pas rasé depuis quelques temps, donc je ne peux pas vous répondre tout de suite.
04:23Vous êtes barbou alors.
04:24Voilà, exactement.
04:25Oui, un peu.
04:25Mais ce que je peux vous dire, en tout cas, c'est qu'il n'y a pas de contradiction sur le ras-le-bol qu'évoque beaucoup de maires.
04:32Le fait qu'un tiers d'entre eux se pose la question de se représenter ou pas,
04:35c'est un signal qui doit quand même nous alarmer collectivement
04:38et qui pose donc la question d'un statut de l'élu pour faciliter les conditions d'exercice du mandat.
04:43Mais on peut avoir cette frustration et, en même temps, éprouver un sentiment d'utilité dans ce qu'on fait.
04:49Et l'un n'exclut pas l'autre.
04:51Et c'est ce que je rappelle tout le temps aux éditorialistes, aux politologues,
04:54c'est que vraiment, les deux phénomènes vont conjointement.
04:57Et quand moi, je résous une situation très concrète localement,
05:00à la fin de la journée, je suis épuisé, mais je sais à quoi je sers.
05:03C'est gratifiant.
05:05Restez avec nous, Daniel Cordelada.
05:07On est avec une auditrice qui nous appelle Isabelle.
05:10Bonjour Isabelle.
05:10Bonjour, bonjour à vous tous.
05:12Bonjour, bienvenue sur Europe 1.
05:14Vous nous appelez d'où ?
05:15Je vous appelle du 49.
05:17Alors, c'est... pardon ?
05:20Le Ménéloir.
05:21Le Ménéloir, voilà.
05:22Dans une grande ville d'Angers où le maire est suffisamment grand
05:25pour être à l'abri de certains aspects.
05:27Christophe Béchut, n'est-ce pas ?
05:29Exactement.
05:29D'ailleurs, Angers qui a été élue l'une des villes les plus agréables de France.
05:33Oui, vous savez, tout est à l'heure.
05:37Elle est jolie, mais comme partout, il y a de la violence,
05:39mais tout est bien caché, on est sous le tapis.
05:43C'est-à-dire, quel genre de violence ?
05:46De la violence...
05:48Quand une personne se prend, une jeune fille se prend un coup de couteau au quai,
05:52que trois rugbymans, les jeunes,
05:55qui intervenirent et se sont fait, excusez-moi, planter,
05:58là, on est obligé de le sortir dans les journaux.
06:00Voilà.
06:01Je le dis parce que j'ai travaillé dans la police,
06:03donc je sais très bien comment ça se passe.
06:06Pour vous, on essaie clairement de, entre guillemets,
06:10de cacher cette violence ?
06:11Ça ne date pas d'aujourd'hui, madame.
06:13Ça ne date pas d'aujourd'hui.
06:14Moi, je dis toujours aux politiciens,
06:16prenez les transports en commun.
06:18Alors, vous ne vous habillez pas en tant que maire ou machin,
06:22mettez une peau dessus, n'importe quoi,
06:24et puis faites les bus et les trames la nuit.
06:26Vous allez voir l'envers du décor.
06:28Voilà.
06:29Alors, je reviens sur les maires.
06:31Moi, je plains aussi les maires des petites communes,
06:33parce que je trouve que tout se dégrade
06:36et que ça va très bien avec ce qui se passe
06:38depuis l'Assemblée nationale où on a eu les lignes.
06:41C'est-à-dire plus de respect des institutions.
06:43Un maire, on n'est pas obligé de l'apprécier
06:45pour le parti qu'il représente.
06:49Mais souvent, en tant qu'électeur,
06:50le maire, on l'élit pour notre ville
06:52et on l'élit après un président différemment.
06:55Moi, c'est ce que je vois dans ma ville.
06:56Cette dégradation, pour vous, Isabelle,
06:58elle est récente ?
07:00Oui, elle montre un...
07:05Je dirais qu'elle date d'à peu près presque dix ans.
07:08Oui.
07:08Elle montre un système où on n'a plus de respect
07:10de l'autorité, des lois,
07:11et surtout d'aucune institution.
07:13Et comment vous l'expliquez, ça ?
07:16Merci à l'IFI, déjà.
07:17Quand on voit des gens qui arrivent à l'Assemblée nationale
07:20qui n'ont aucune rigueur,
07:23qui agressent,
07:24qui...
07:26Ils donnent le mauvais exemple, selon vous, c'est ça ?
07:29Écoutez, les institutions,
07:32quelles que soient militaires, police,
07:35maires ou même une école...
07:38Déjà, à mon époque, on ne disait pas
07:39éducation nationale, on disait enseignement.
07:41Ça voulait déjà tout dire.
07:42L'éducation se réservait aux parents.
07:44Bon, voilà.
07:45Les mots ont du sens, croyez-moi.
07:47Bien sûr.
07:48Et moi, ce que je...
07:49Ben oui, voilà.
07:50Et donc, moi, ce que je vois,
07:51que oui, c'est un truc dégrade.
07:54Vous avez un grand pédagogue,
07:56pédopsychiatre Maurice Berger,
07:57que je ne citerai jamais suffisamment...
07:59Oui, un pédopsychiatre, effectivement.
08:00Voilà, voilà.
08:01Qui a alerté depuis des années, des années.
08:04La police aussi peut alerter,
08:05mais je vous assure que la police,
08:07quand un gouvernement passe,
08:08vous êtes comme l'armée,
08:09vous êtes la grande maître.
08:11Oui.
08:11Et moi, je plains les maires.
08:13Oui, je les plains.
08:14Parce que maintenant,
08:15ils sont sur les réseaux sociaux,
08:18ils sont destitués de leur pouvoir
08:19dans le sens du côté sacré.
08:21Voilà.
08:21Oui.
08:22Et vous dites,
08:23ça rejaillit sur la société.
08:24Merci, en tout cas.
08:25Ah, bien sûr.
08:26Merci, Isabelle.
08:28Daniel Kandelbav,
08:29quand vous écoutez Isabelle,
08:31qui est un petit peu sévère,
08:34je ne sais pas comment on peut décrire,
08:36désabusé peut-être,
08:37qui décrit ce manque d'autorité,
08:39ce non-respect des institutions,
08:42est-ce que vous la rejoignez ?
08:43Déjà, je souhaitais la rassurer
08:46sur le fait qu'il nous arrive
08:48de prendre les transports en commun,
08:49en tout cas, je le fais régulièrement,
08:50et en tout cas, je rejoins sur le fait
08:52que les horaires décalés, etc.,
08:54il est essentiel que les élus ne soient pas déconnectés
08:56et soient, je dis souvent un peu,
08:58les mains dans le cambouis
08:59ou en tout cas, les pieds dans la boue.
09:02Et à vrai dire,
09:02c'est tout l'enjeu du statut de l'élu
09:04qui est débattu actuellement à l'Assemblée,
09:05c'est de permettre à tous les citoyens,
09:07quel que soit leur niveau de vie,
09:09leur milieu, etc.,
09:10de pouvoir être élus,
09:11de pouvoir concilier vie privée,
09:13vie professionnelle et mandat d'élu.
09:15Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui,
09:17c'est tout l'enjeu de cette loi,
09:18et j'insiste,
09:19parce que ça va dans le sens de ce que j'entends,
09:20c'est que si on veut que nos élus nous ressemblent
09:24et qu'on représente la société dans sa diversité,
09:27il faut que tout le monde puisse se présenter.
09:28On en est encore loin aujourd'hui,
09:29et le but de cette loi,
09:30alors elle est imparfaite, c'est clair,
09:32mais le but quand même,
09:34c'est de permettre au plus grand nombre,
09:35quelle que soit sa situation,
09:36de pouvoir se présenter,
09:37de défendre ses convictions.
09:38Et je pense que la société en a besoin,
09:40et je pense que ça ne peut que faire du bien.
09:42Ça passe par des augmentations de salaire.
09:44Alors c'est vrai qu'on n'a plus d'argent,
09:45mais c'est vrai que les maires sont assez mal payées.
09:47Alors je ne sais pas si c'est indiscret
09:48de vous demander quelle est votre rémunération de maire.
09:52C'est public, donc je vous le dis tout de suite.
09:56Maire de moins de 10 000 habitants,
09:58c'est en gros autour de 1 500 euros net.
10:00Donc on n'est pas très loin du SMIC.
10:02Je précise que...
10:02Oui, ce sont des indemnités, pardon,
10:04pas des salaires.
10:05Exactement, ce n'est pas un salaire,
10:06c'est une indemnité.
10:07Et effectivement,
10:09quand vous êtes dans une ville
10:10de un peu plus de 5 000 habitants comme moi,
10:11c'est 100 agents par exemple.
10:13C'est un budget de 12 millions d'euros.
10:14C'est une petite PME que vous gérez.
10:16Moi, je pose la question.
10:17Et vous travaillez combien d'heures ?
10:18Ce n'est pas qu'une question...
10:20Au moins, alors par jour non,
10:22mais je vais vous dire par semaine,
10:23c'est à minima pour la mairie 50 heures.
10:25Donc ce que je veux dire,
10:26c'est que c'est complètement décorrélé.
10:28Il y a un vrai décalage
10:29et je peux comprendre que certains citoyens disent
10:31écoutez, je ne vais pas lâcher mon métier
10:33et ma situation professionnelle
10:34pour aller me prendre des coups,
10:36me faire engueuler
10:37pour finalement cette indemnité-là.
10:40Même si je le dis et je le répète,
10:41on ne fait pas que ça pour l'indemnité.
10:43Ici, je suis un peu cas.
10:44Bien sûr, on l'entend d'ailleurs chez vous.
10:45On l'entend, vous êtes un maire extrêmement engagé.
10:48Ça se sent quand on discute avec vous.
10:51Et en tout cas, bravo à vous
10:54parce que c'est important d'avoir des élus comme ça
10:56et on comprend en vous entendant
10:58pourquoi le maire est l'élu préféré des Français.