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  • 22/05/2025
Invité 7h45 22/05

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00:00Le jeudi 22 mai 2025, 8h moins le quart, c'est votre quart d'heure toulousain.
00:03On parle de la santé de nos enfants ce matin, à l'occasion d'une grève illimitée qui vient de démarrer.
00:08Jeanne-Marie Marco ?
00:09Oui, grève illimitée des soignants du service de réanimation pédiatrique de l'hôpital Purpan de Toulouse
00:14pour dénoncer un manque de moyens.
00:17Donc si vous êtes récemment passé par ce service ou par une maternité de la région,
00:22venez nous dire comment vous avez été pris en charge au 05 34 43 31 31.
00:27Bonjour Sébastien Lerquin.
00:29Bonjour.
00:29Vous êtes notre grand témoin du jour parce que vous avez enquêté pendant des mois avec Anthony Cortez
00:34sur la mortalité infantile en France.
00:384,1, le scandale des accouchements en France, c'est le titre de votre livre qui en découle.
00:45Expliquez-nous d'abord ce chiffre, c'est quoi 4,1 ?
00:48Alors 4,1 c'est le taux de mortalité infantile dans notre pays,
00:53c'est-à-dire que pour 1000 naissances vivantes, 4,1 bébés meurent avant leur premier anniversaire.
00:58Ça correspond, pour vous donner une idée, à un bébé sur 250 et chaque année, 2800 bébés qui perdent la vie dans notre pays,
01:06malheureusement avant leur premier anniversaire.
01:07Et dans notre région, autour de Toulouse, il y a un département qui est particulièrement touché ?
01:12Oui, dans notre livre, on est parti en reportage, notamment dans le Lot.
01:16Le Lot, c'est un département rural.
01:18Ce qu'on a constaté, c'est que sur place, 3 des 4 maternités ont fermé au cours des 15 dernières années.
01:23Il ne reste plus que la maternité de Cahors.
01:26Et dans le même temps, ce qu'on a vu, c'est que la mortalité infantile a augmenté pour atteindre 6,2 pour 1000.
01:30C'est un taux qui est énorme.
01:32Ce qui en fait d'ailleurs le département métropolitain le plus touché actuellement.
01:35Mais le lien entre mortalité infantile et fermeture des maternités en France est-il avéré scientifiquement ?
01:44Alors ce lien, il pose question et c'est ce qu'on fait dans notre livre.
01:47C'est-à-dire qu'il n'y a pas de véritables études qui sont menées sur ce sujet.
01:51Et c'est là tout le problème en fait.
01:53C'est un petit peu l'impensée actuelle.
01:56Ce qu'on a constaté nous au cours de notre enquête, c'est qu'on a d'un côté les maternités qui ferment.
02:01On a quand même trois quarts des maternités qui ont fermé dans notre pays au cours des 50 dernières années.
02:06Et ce qu'on a constaté, c'est qu'il y a eu un report des naissances qui, elles, n'ont pas disparu, bien sûr, sur les structures un peu plus importantes.
02:12Et en fait, on a un petit peu les deux faces d'une même pièce.
02:14D'un côté, on a des maternités qui ferment.
02:16De l'autre, on a des structures plus importantes qui aujourd'hui sont surchargées.
02:20Et donc nous, ce qu'on fait dans notre livre, c'est qu'on interroge ce lien-là.
02:22Vous avez interrogé notamment des soignants du CHU Toulouse
02:25qui disent que la distance, les kilomètres à faire pour arriver à une maternité
02:30augmente le risque de complications, voire de décès ?
02:35Ça, c'est quelque chose qu'on a entendu, effectivement, notamment à Cahors,
02:38puisqu'on a la présidente de l'Ordre des sages-femmes qui nous dit
02:41« Chez nous, l'augmentation de la distance est une perte de chance ».
02:45Et elle nous parle de cas malheureusement dramatiques,
02:48notamment d'une maman qui est arrivée avec un hématome rétro-placentaire
02:51et qui a dû faire plus d'une heure de route pour arriver jusqu'à la maternité.
02:54Et elle nous explique que malheureusement, ce bébé aurait pu être sauvé
02:57si la maman habitait plus près.
02:59Là, ça n'a pas été le cas.
03:00Et vous qui nous écoutez, si vous êtes récemment allé dans une maternité
03:04ou si vous êtes loin d'une maternité,
03:06venez nous dire quel est votre quotidien au 05, 34, 43, 31, 31.
03:14Pourquoi les maternités ferment, selon vous, Sébastien Lurquin ?
03:18Alors, ce qu'on a constaté, c'est qu'il y a différents facteurs à l'œuvre.
03:22D'abord, il y a un seuil en France qui est de 300 accouchements,
03:26c'est-à-dire qu'en dessous de ce nombre d'accouchements,
03:29une parent, une maternité doit fermer.
03:31Ceux est fixé en 1998, ça remonte.
03:34C'est ça.
03:35Et depuis 30 ans, d'ailleurs, ces textes de loi n'ont pas été revus
03:38et c'est une partie du problème.
03:39C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on a des textes de loi qui sont dépassés.
03:42Ça fait partie du problème.
03:44Et ce qu'on constate, c'est qu'il y a des maternités qui ferment
03:45parce qu'elles n'atteignent plus ce seuil de 300 accouchements.
03:50Il y en a d'autres, souvent en zone rurale,
03:51qui peinent à assurer ce qui s'appelle la triple permanence des soins.
03:54C'est-à-dire qu'une maternité, pour rester ouverte,
03:56doit avoir en permanence un pédiatre, un gynécologue et un anesthésiste,
03:59en plus de sage-femme.
04:00Ça, c'est aujourd'hui une vraie difficulté de recrutement.
04:03Et puis, ce qu'on constate, c'est aussi dans les maternités parfois privées,
04:06c'est-à-dire que les groupes se rendent compte
04:08que tout ce qui concerne l'obstétrique,
04:10la périnatalité n'est pas forcément rentable.
04:12Et il y a des choix « rationnels » qui sont faits
04:15de fermer ces services-là qui ne rapportent pas.
04:18Et on en est aussi là aujourd'hui.
04:19Parce que l'acte obstétrique, je vais y arriver,
04:22est beaucoup moins rentable qu'un acte chirurgical.
04:25C'est ça la raison de fermeture de maternité par les groupes privés ?
04:29Oui, je vais vous donner un exemple que nous on cite dans le livre
04:31et qui est un petit peu révélateur.
04:32C'est qu'aujourd'hui, on constate que tout ce qui concerne l'obstétrique,
04:35par définition, autour de l'accouchement,
04:37les soignants ont deux personnes à prendre en charge,
04:39la maman et le bébé, pour une durée indéterminée.
04:42En plus, on ne sait pas exactement quand l'accouchement aura lieu.
04:45Et ça, c'est rémunéré 2 000 euros.
04:47En face, vous avez, par exemple, la chirurgie ambulatoire.
04:50Si on prend le cas d'une prothèse de hanche,
04:52c'est un soin programmé.
04:53Le patient rentre le matin, il se fait opérer à une heure précise,
04:56il est chez lui le soir, les risques sont limités.
04:59Et bien ça, c'est rémunéré 6 000 euros.
05:01Donc finalement, on interroge un petit peu tout ce système aujourd'hui
05:03qui fait qu'on a des actes médicaux,
05:05puisque notre système de santé est régi par la tarification à l'activité.
05:09Et bien certains actes, notamment quand ils concernent
05:12tout ce qui est autour de l'accouchement
05:13et la périnatalité et la pédiatrie,
05:16sont moins bien rémunérés que des actes tels que la chirurgie ambulatoire.
05:20Alors, on ferme des petites structures,
05:22petites maternités, mais on a de très grosses unités,
05:24comme chez nous le CHU Toulouse,
05:26maternités de type 3 qui réalisent 5 000 naissances par an.
05:29N'a-t-on pas gagné en qualité tout de même ?
05:33Alors, on a gagné en qualité et en sécurité des soins sur le papier.
05:37C'est ce que nous disent les soignants qu'on a interrogés.
05:39C'est-à-dire que cette logique, finalement,
05:40qui consistait à fermer des petites maternités
05:43pour des motifs de sécurité,
05:44elle a fonctionné pendant une cinquantaine d'années.
05:47C'est-à-dire que notre taux de mortalité infantile,
05:49il a baissé depuis les années 60 jusqu'aux années 2000.
05:53Ensuite, il s'est mis à stagner.
05:54Et ce qu'on constate aujourd'hui, c'est qu'il réaugmente.
05:56Donc nous, ce qu'on interroge dans notre livre,
05:57c'est d'un côté ces fermetures de petites maternités
05:59et de l'autre, la conséquence du flux de naissances
06:02qui se reporte sur les structures plus importantes.
06:05Parce que ce qu'on a constaté dans ces grands CHU,
06:07notamment celui de Toulouse,
06:08qui est un fleuron français sur le papier,
06:10encore une fois,
06:10c'est qu'en fait, dans ces services,
06:12il y a une énorme rationalisation.
06:14C'est-à-dire qu'on est aujourd'hui,
06:16même l'hôpital public est confronté
06:18à des logiques de rentabilité.
06:20C'est-à-dire qu'il doit avoir...
06:22Le système est organisé pour que les vies soient occupées.
06:24Et ce qu'on constate, c'est que bien souvent,
06:26les taux d'occupation explosent,
06:28notamment dans les services de réanimation pédiatrique
06:30ou dans les soins de néonatologie.
06:32Or, ce sont des unités critiques.
06:34C'est pour ça que vous parlez d'usine à bébés dans votre livre.
06:36Une dernière question.
06:37On sait qu'en Suède, il y a une sage-femme par maman.
06:40Au CHU de Toulouse,
06:41on est très très loin de ce one-to-one.
06:43Oui, aujourd'hui, on est très très loin
06:46du one-to-one en France.
06:48Ce qu'on constate, c'est qu'on vous parlait tout à l'heure
06:50des décrets de 1998.
06:51Ces fameux textes qui n'ont pas été revus.
06:53Ce sont eux qui fixent aussi l'encadrement dans les maternités.
06:56Et aujourd'hui, il arrive chez nous, dans notre pays,
06:57qu'une sage-femme doit s'occuper de 4, 5, 6,
07:00parfois plus de mamans en même temps.
07:02Donc, on imagine bien les conditions de travail
07:03qui sont les siennes.
07:05Et bien sûr, les risques que cela représente aussi
07:07pour une maman d'être moins bien suivie.
07:08Et c'est pour dénoncer ce manque de moyens
07:10que le personnel du service réanimation pédiatrique
07:14de Purpan à Toulouse s'est lancé
07:16dans une grève illimitée depuis hier.
07:18Merci beaucoup Sébastien Lorquin,
07:19co-auteur du livre 4,1
07:21Le scandale des accouchements en France
07:23aux éditions Boucher.
07:24Chastel, bonne journée.

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