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  • 19/05/2025

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00:00Europe 1 matin week-end
00:03Presque 8h48 sur Europe 1, voici les incontournables de Julia Vignali.
00:11Je vous laisse avec Julia et ses invités, les frères d'Ardennes.
00:14Un vent de fraîcheur souffle dans ce studio, ça y est, elle est entrée dans le studio.
00:18Bonjour Julia Vignali, qui est votre incontournable ce matin ?
00:20Bonjour Lénaïque, bonjour à tous.
00:22Ce matin, je vous propose une rencontre avec deux réalisateurs bien connus du grand public,
00:27multi-récompensés à Cannes.
00:28Ce sont les frères d'Ardennes, Jean-Pierre et Luc.
00:31Véritable pilier du cinéma européen, ils reviennent cette année encore à Cannes
00:35avec un film intitulé « Jeune mère ».
00:37C'est un film social et engagé dans la lignée de ce qu'ils ont toujours fait.
00:41Avec ce film, ils nous plongent au sein d'une maison maternelle
00:44et nous proposent de suivre le quotidien de cinq adolescentes
00:47qui ont l'espoir de proposer à leur enfant une vie meilleure.
00:50C'est aussi touchant que réaliste, on s'attache vraiment à ces jeunes filles.
00:54Personnellement, j'ai beaucoup aimé, je vous propose d'écouter Jean-Pierre et Luc Dardenne.
00:57Avec plaisir.
00:58Bonjour Jean-Pierre et Luc Dardenne.
01:02Merci d'avoir accepté cet entretien avec les Incontournables d'Europe 1.
01:06« Jeune mère » sortira au cinéma le 23 mai prochain
01:08et sera présenté en avant-première en compétition officielle
01:12lors du prochain Festival de Cannes.
01:14Alors on le rappelle, vous faites partie des rares réalisateurs
01:17à avoir reçu la Palme d'Or à deux reprises.
01:20Qu'est-ce que cela représente pour vous le Festival de Cannes ?
01:23Vous êtes un peu à la maison, non ?
01:24Oui, à la maison, il ne faut jamais dire ça, il faut toujours faire attention.
01:28Parce qu'à la maison, parfois il y a des pièges.
01:29Mais on pourrait dire que Cannes est un peu la mère de chacun de nos films.
01:32Tous nos films sont nés à Cannes.
01:34Et est-ce que vous avez toujours, malgré tout, la pression cannoise ?
01:39La pression en présentant ce 13ème film ?
01:42Mais c'est sûr qu'on a toujours quand même une certaine appréhension
01:46parce que c'est un nouveau film.
01:48Il faut voir comment la critique va le recevoir,
01:50comment le public va le recevoir à Cannes
01:52et puis comme il sort le même jour.
01:54Tout se complique si je puis dire.
01:55Donc on sera un peu nerveux je crois.
01:58Le 23 mai, on pensera à vous.
01:59Alors avec Jeune Mère, vous portez une nouvelle fois à l'écran un destin féminin.
02:03Mais cette fois-ci, vous dressez non pas un, mais cinq portraits de femmes.
02:07Cinq adolescentes hébergées dans une maison maternelle
02:09car elles sont enceintes ou elles viennent d'accoucher.
02:11Elles ont besoin d'aide dans leur vie de jeune maman.
02:14Leur dénominateur commun, c'est l'espoir d'une vie meilleure pour elles
02:17mais aussi pour leurs enfants.
02:18Jean-Pierre et Luc Dardenne, vous avez récemment déclaré concevoir
02:20votre filmographie comme une sorte de comédie humaine à la Balzac.
02:25Alors, est-ce que vous pouvez m'expliquer ?
02:26Je lui laisse la responsabilité de cette expression.
02:29C'est lui qui a dit ça, donc qui l'explique ?
02:30J'ai voulu dire que tous nos personnages sont des gens effectivement
02:33qui appartiennent aux marches de la société
02:36ou qui sont exclus du centre pour une raison ou pour une autre
02:39et qui essayent de trouver leur place.
02:42On essaie dans ce dernier film de filmer cinq jeunes mères
02:45mais comme si elles se libéraient de quelque chose
02:48et qui va leur permettre peut-être de devenir des personnes heureuses.
02:53Alors dans votre film, on est en totale immersion dans cette maison maternelle
02:56et comme toujours avec vous, vous êtes partie d'éléments de réalité
02:59pour écrire ces cinq histoires difficiles.
03:01D'ailleurs, vous avez souhaité tourner en condition réelle
03:03dans une vraie maison maternelle.
03:05Il n'y avait pas d'autre choix que cette immersion, Jean-Pierre Dardenne ?
03:09Si, si, il y a toujours du...
03:10On vit dans une société aujourd'hui où il y a encore pas mal de choix
03:14pour un certain nombre de gens.
03:15Donc on y avait le choix évidemment.
03:17Mais si c'est devenu jeune mère, c'est parce qu'on a passé du temps dans cet endroit.
03:20Et au fur et à mesure qu'on a travaillé,
03:22quand on pensait déjà à mettre en route les répétitions et tout,
03:26nous on a dit à la production, les amis, nous on souhaiterait pouvoir tourner
03:29dans la maison où nous avons passé du temps pour préparer le film,
03:33pour rencontrer des gens.
03:34Et notre film est né là, à partir de là.
03:36Donc vous êtes parti d'un lieu pour créer une histoire.
03:38Voilà, c'est là, dans ce lieu-là qu'on les a rencontrés.
03:41On s'est dit, nous on voudrait que ce lieu soit le lieu aussi du tournage.
03:46Et on n'imagine pas que ça puisse se tourner ailleurs d'ailleurs, au même titre.
03:49Nous non.
03:49Mais nous, les spectateurs non plus d'ailleurs, on n'imagine pas non plus
03:52que ces femmes sont des actrices tellement elles sont vraies.
03:56Est-ce qu'on peut parler un peu de ces jeunes femmes d'ailleurs
03:58qui interprètent et donnent vie à ces cinq personnages ?
04:00Comment vous avez choisi ces actrices et comment vous les avez dirigées ensuite ?
04:04Choisis à travers un casting.
04:06Voilà, on les a vues trois fois, plus ou moins 150 sur 300.
04:12Voilà, on a joué les scènes avec elles, les personnes sont revenues.
04:15On en a gardé 7, 8 et puis voilà, on en a choisi 5.
04:19Vous leur donnez la réplique ?
04:20Oui.
04:21Depuis toujours ?
04:21Depuis toujours.
04:22Génial.
04:23C'est ce qui vous permet de sentir si le personnage est...
04:25Oui.
04:26Et puis on revoit après évidemment ce qu'on a filmé.
04:28Donc la CA2, c'est quand même ça qui décide, c'est elle par rapport à la caméra.
04:32Et puis après, pour les diriger, je dirais très vite, on a répété tout le film, on a trouvé des choses avec elles.
04:40Beaucoup de spontanéité dans leur jeu.
04:43Même si ça ne se passe pas, s'il ne se passe pas une chose imprévue, il y a quand même une tendance à l'imprévu permanente.
04:50On a dit bon, attention, et ça, c'était très bien pour le tournage.
04:54Quand je suis arrivée ici, vous m'avez aidée à ne pas avoir honte d'être une mère célibataire.
04:58Je ne veux pas revenir dans le passé, mais je t'en ai déjà prêté de l'argent.
05:01Je me réjouissais tellement de te tenir compte de moi.
05:04Je ne sens rien.
05:07Tu n'es plus ma soeur !
05:09Je veux qu'il ait des paroù qu'il aime.
05:10Je ne veux plus connaître la misère, je veux m'en sortir.
05:12Dans ce film choral, il est question une fois encore de déterminisme social,
05:16puisque ces jeunes femmes confrontées à la maternité précoce sont toutes issues de milieux sociaux défavorisés.
05:21Mais c'est aussi en devenant mère elles-mêmes que ces femmes puisent la force justement d'essayer de s'en sortir.
05:26Parfois même en prenant des décisions extrêmes, comme celle de confier leur enfant à des familles plus aisées.
05:31Est-ce qu'à travers ce film, vous vouliez aussi briser le tabou de l'abandon ?
05:36Parce qu'on les voit quand même abandonner, alors le mot est peut-être mal choisi, mais confier leur enfant à quelqu'un d'autre.
05:40Oui, confier un enfant à l'adoption, en famille d'accueil.
05:43Quand la mère le confie en famille d'accueil, elle a toujours la possibilité de revenir sur sa décision.
05:47Quand elle le confie à l'adoption, non.
05:50Et donc c'est une décision, mais c'est ça qui est intéressant de voir dans ces maisons maternelles,
05:56et ce qu'on a essayé de montrer dans notre film, c'est qu'on peut devenir responsable d'un enfant en pensant qu'on est incapable.
06:04Et on accepte de le confier en disant, espérons que ces gens fassent mieux que moi.
06:09Être une bonne mère, ça peut être effectivement de confier son enfant à l'adoption.
06:14Alors ces cinq jeunes femmes n'ont pas connu elles-mêmes l'amour maternel et la chaleur d'un foyer rassurant.
06:19Elles sont en carence affective pour la plupart.
06:21Jean-Pierre et Luc Dardenne, est-ce que vous pensez qu'on peut transmettre ce que l'on n'a pas reçu ?
06:25Voilà, ça c'est une grande question.
06:29Oui, je pense que c'est possible et que ces maisons maternelles, c'est ça qu'elles veulent faire,
06:34c'est donner à ces jeunes filles d'autres rapports que des rapports de violence, de domination sont possibles.
06:40On n'est pas seulement tous les ennemis les uns des autres, ça peut fonctionner autrement.
06:44Et cette affection qu'elles n'ont pas reçue, est-ce qu'on peut le transmettre ? Moi je pense que oui.
06:49On peut le transmettre dans la mesure où justement on le reçoit de quelqu'un d'autre.
06:53Si on ne l'a pas reçu de ses propres parents dans sa propre famille et qu'on ne le reçoit de personne d'autre, je crois que non.
07:00Mais là précisément, elles le reçoivent de la part d'une éducatrice, d'une personne qu'elles rencontrent dans la maison maternelle.
07:06C'est pour ça que c'est possible de s'en sortir.
07:09On va parler d'Emilie Dequenne, révélée en 1999 dans votre film Rosetta, qui nous a quittés il y a un mois maintenant.
07:16Quels souvenirs gardez-vous d'elle, Luc Dardenne ?
07:19Très grands souvenirs, grande actrice et une fille magnifique, généreuse, vivante.
07:27Bon, la maladie est arrivée dans sa vie et malheureusement, c'était une maladie intraitable.
07:34Mais je pense qu'il reste ses films et elle sera avec nous à Cannes, puisque la compétition est dédiée à Emilie.
07:42Elle sera là le dernier jour, parce que notre film passe le dernier jour, comme Rosetta était passée le dernier jour en 1999.
07:50Et c'est pour ça que le film passe ce dernier jour, cette fois-ci.
07:55Elle sera là avec nous et en même temps, comme elle l'aurait dit, les filles qui sont là et qui ont mon âge, elles sont là aussi, au présent.
08:01Emilie était comme ça, c'est une fille du présent, c'était pas une mélancolique.
08:05Elle était là, dedans, dans la matière.
08:08Eh bien, merci beaucoup Jean-Pierre et Luc Dardenne pour cet entretien avec les Incontournables d'Europe 1.
08:13Je rappelle la sortie de votre film, très réussi, jeune mère, en salle le 23 mai prochain.
08:18Un film puissant, saisissant, avec ces cinq femmes guerrières,
08:21qui fabriquent elles-mêmes un espoir qu'elles n'ont pas reçu en héritage.
08:24Merci à vous.
08:24Merci à vous.

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