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Éducation
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00:00Première chose que je voulais vous faire comprendre c'est où on en est en termes de
00:10la recherche en matière des sciences de comportement sur ces questions. Alors quand j'ai commencé
00:14à bosser sur le changement climatique en 2003, donc un peu plus de 20 ans, on en était
00:20à pas grand chose en termes de recherche en sciences sociales. Les gens me demandaient
00:26toujours qu'est-ce qu'un sociologue faisait à analyser la crise climatique. Les climatologues
00:34et une science naturelle me demandaient mais qu'est-ce qu'il fout là, lui c'est une question
00:38de molécules dans l'atmosphère. Je répondais ben pas non, vous nous dites qu'on est probablement
00:42responsable nous et nos activités humaines, donc c'est une question de sciences sociales
00:46en ce qui me concerne. Et quand j'en parlais à mes collègues sociologues, ils me disaient
00:49ben non c'est une question de molécules dans l'autre atmosphère, je vois pas pourquoi
00:52tu fais ça. Donc je me sentais un peu seul dans mon coin, mais c'est pas grave, j'ai
00:56une tête de cochon et j'étais persuadé qu'il y avait quand même beaucoup d'enjeux en matière
01:00de psychologie, de sociologie, de sciences politiques et d'anthropologie à aller creuser
01:05sur ces questions-là. Et donc je dirais que la question de la biodiversité maintenant
01:13est peut-être pas au niveau où elle était en 2003 en matière des sciences des comportements.
01:18On est un peu plus avancé que ça, mais comme quelqu'un ici dans la salle Arnaud vous le
01:22dira, il n'y a pas grand-chose non plus. Alors ça c'est un premier élément. Donc en fait
01:28les sciences des comportements, on est super avancé maintenant sur les questions d'atténuation
01:33au changement climatique, que ce soit mobilité, rénovation énergétique, on est plutôt
01:37fort. On sait ce qu'on fait, on sait les bonnes préconisations qui fonctionnent ou
01:41pas, ça veut pas dire qu'elles sont mises en œuvre. Jeudi, d'un point de vue des sciences,
01:45on commence à connaître le sujet. Sur la question d'adaptation, on est moins bon,
01:52on est meilleur que sur la biodiversité, mais on est moins bon quand même que sur
01:55l'atténuation. C'est une raison pour laquelle j'ai arrêté de travailler sur l'atténuation
01:59l'année passée. J'ai dit mes adieux à l'atténuation au climat pour me concentrer
02:04sur la question de biodiversité et d'adaptation au changement climatique parce qu'il y a encore
02:07beaucoup de choses à découvrir et à faire, des préconisations à imaginer aussi. Sur
02:14la question de l'eau, j'ai dit « it's back ». Je ne sais pas si certains d'entre
02:17vous sont assez vieux pour vous souvenir que, dans les années 90, oui, ça remonte
02:22un peu pour certains d'entre vous qui n'étaient même pas nés, mais en fait, les Nations
02:26unies avaient déclaré le 21e siècle comme le siècle de l'eau, avec des guerres de
02:32l'eau, la crise de l'eau qui est arrivée. Le changement climatique est arrivé avec
02:37un réseau de scientifiques plutôt efficace et l'eau a peu tombé sur le côté des préoccupations.
02:42Le changement climatique est venu nous obnubiler, je dis ça vraiment par observation, sauf
02:50que là, maintenant, quand on parle de plus en plus des impacts du changement climatique
02:53et du fait qu'on va devoir s'adapter, bien, l'eau est en train de faire un « come
02:57back ». L'eau est en train de faire un « come back » de plusieurs manières,
03:01par l'élévation des océans, bien entendu, par le fait qu'en fait, avec le changement
03:06climatique, on se retrouve avec des tempêtes tropicales qui sont plus puissantes qu'avant
03:10et qui sont dans les endroits qu'on ne voyait pas. Je suis allé à Montréal pour
03:13la première fois il y a deux ans, c'était un bout de temps que je n'étais pas allé,
03:16et on arrive à l'aéroport et là, tous les téléphones, à l'aéroport même,
03:19à la descente de l'avion, les téléphones commencent à faire « pipi pipi » tout
03:22le monde en même temps, et c'était une allée tornade à Montréal, ce qui n'existait
03:29pas avant. Et donc, en fait, ces catastrophes naturelles, ces événements, ces phénomènes
03:33naturels sont en train de se déplacer, de s'amplifier et de s'accroître, notamment
03:38avec les questions de l'eau, les différences de température avec l'eau et la terre,
03:42il y a tout ça qui est en train, en fait, d'émerger de manière de plus en plus forte.
03:45Ensuite, bien entendu, il y a les sécheresses et l'inverse des sécheresses, les inondations,
03:49les crues sauvages, torrentielles, etc., ce qui pose un paquet de problèmes pour l'agriculture,
03:55etc. Donc, l'eau est en train de faire un « come back » et dans les années 80 et
03:5990, la recherche et les applications françaises, comme les SAGE et l'ISDA, d'ailleurs,
04:04étaient bien en avance sur le restant d'Europe sur des manières intégrées de voir l'eau.
04:09Il y avait le modèle français. C'était à peu près le seul... Excusez-moi d'être
04:14méchant, mais à l'époque, c'était à peu près le seul secteur environnemental où
04:18la France était en avance sur les autres. Le reste, on était franchement en arrière.
04:22Et là, depuis 2010, on a plus qu'à rattraper en sciences sociales et en matière de politique
04:26publique beaucoup des pays qui nous faisaient envie et qui nous regardent maintenant avec
04:30de derrière. Donc, il y a quelque chose qui se passe en France là-dessus depuis une quinzaine
04:35d'années. C'est vraiment chouette d'en faire partie, en fait, parce qu'on voit les choses
04:39avancer. Est-ce qu'on bouge assez vite? Non. Est-ce que c'est assez profond comme changement?
04:43Non, mais ça bouge. Donc, ça, c'est super important. Un autre point que je voulais faire
04:51avant de rentrer dans le vif du sujet, c'est qu'une des observations que j'ai eues en France,
04:56c'est qu'on accuse souvent l'État français d'être très top-down, directeur, machin.
05:01C'est peut-être vrai dans certains secteurs, mais dans le secteur sur lequel je travaille,
05:05moi, c'est-à-dire la transition écologique, ce n'est pas ça qui se passe. On se retrouve
05:08avec des expérimentations locales qui, ensuite, vont tenter des trucs, vont souvent se casser
05:13la gueule un petit peu au départ et ensuite corriger le tir et s'améliorer, pour qu'ensuite,
05:19à un moment donné, ces bonnes expérimentations remontent, soit en matière de bonnes expériences
05:24partagées entre villes, soit l'ADEME le prend et voit s'il n'y a pas moyen de voir si ce n'est
05:31pas généralisable dans un projet d'éco-quartier, de machin, ou alors c'est transformé carrément en
05:35loi. Donc, en fait, en France, sur les questions de transition écologique, qui sont arrivées
05:41d'ailleurs en même temps à peu près que la vague de décentralisation des concentrations,
05:44on se retrouve avec un processus de décision politique qui n'est pas top-down, qui est beaucoup
05:50plus complexe que ça et plus intéressant, même si on fait des erreurs, je parle généralement
05:55du taxe carbone, mais sur beaucoup d'autres choses, comme la réglementation thermique des
06:00bâtiments, qui est maintenant une réglementation environnementale, des choses comme ça, ça se
06:04passe. Sur la question d'adaptation au changement climatique, il y a encore des problèmes de faire
06:10remonter du local des bonnes expériences pour les faire partager à plus grande échelle, en partie
06:15parce qu'il n'y a pas énormément de bonnes expériences, en partie parce qu'on n'est pas
06:18capable d'évaluer si l'expérience est bonne ou pas, parce qu'en fait, on n'a pas de critère
06:22d'évaluation de ce qu'est être adapté, dans un premier temps. Est-ce que ça veut dire que si,
06:27en temps normal, on aurait… 100 personnes seraient mortes d'une catastrophe et que là, il y a eu 95
06:32de mortes ou 10, c'est grâce à la politique d'adaptation ou c'est juste parce que les gens
06:36étaient en vacances et n'étaient pas sur leur territoire à ce moment-là? OK? Donc, il y a encore
06:41des difficultés. Avec ça, avec la dernière difficulté, c'est que oui, on commence à voir
06:44des impacts du changement climatique sur les territoires, mais ils ne sont pas encore suffisamment
06:48fréquents ni assez suffisamment profonds pour être capable de dire oui, grâce à ma stratégie
06:55d'adaptation, on s'en sort mieux que si on n'avait pas eu. OK? Donc, on en est un peu dans le flou,
07:00ça fait partie des difficultés d'avoir une stratégie, en fait, d'adaptation au niveau
07:06territorial. Dernier point, je veux insister là-dessus. C'est super important. On m'a demandé
07:12de venir à l'Assemblée générale, à l'Assemblée nationale, il y a quelques temps pour parler
07:16justement d'adaptation auprès des élus qui avaient un petit peu morflé sur ces questions-là.
07:19Et en lisant le texte, j'ai vu que le mot maladaptation n'apparaissait pas, pratiquement pas,
07:27et qu'il n'y avait pas une vraie définition de ce qu'était la maladaptation. Alors ça, si on ne le
07:33fait pas, on n'a pas de critères de ce qu'est être adapté, mais on a pas mal de critères de ce
07:37que ça veut dire d'être maladapté. Et donc, maladapté, la maladaptation, c'est une action
07:43qui vise à être mieux adaptée, mais qui a des effets induits négatifs. Au début, c'était
07:48simplement, le meilleur exemple, c'était la clim. Je mets la clim, je m'adapte individuellement à la
07:53chaleur, sauf que ça crée une augmentation de la consommation d'énergie qui, elle, en fait,
07:58va aller dans le sens du changement climatique, donc effet parvers. Mais avec le temps, les critères
08:04de maladaptation se sont multipliés, ça commence à être vachement compliqué. Il ne faut pas que ça
08:10ait d'effets néfastes sur les inégalités. Il ne faut pas que ça ait d'effets néfastes sur la
08:14biodiversité. Bon, pas sur la consommation d'énergie non plus. Et donc, en fait, il ne faut pas non plus
08:20que ça ait des effets peut-être positifs maintenant. Oui, je me sens mieux, mais dans dix ans, il va avoir
08:24des effets négatifs. Donc, c'est assez compliqué, mais au moins, ça donne un petit peu des critères
08:29de ce qu'il faut tenter d'éviter en termes de maladaptation. Mais pour moi, c'est un travail
08:35que je fais faire à tous mes étudiants de Sciences Po qui bossent sur l'adaptation. Si vous n'avez pas
08:39une section sur la maladaptation, vous n'allez pas comprendre l'adaptation. Il est absolument
08:44important de comprendre les deux. C'est ça qui fait qu'on se dépêche au mieux avec des critères
08:48potentiels. Alors, quand on dit adaptez-vous, vous faites de la transition, changez vos modes de vie,
08:55vive les Nations Unies. C'est quand même leur mot, leur injonction de base. On demande beaucoup
09:01de choses à un pauvre petit cerveau, à une psyché, à un individu, puis à une société. Donc, aujourd'hui,
09:07là, je vais passer au travers de certains slides. Première chose qu'il faut savoir, c'est que le cerveau
09:11est paresseux. Et que parce qu'il est paresseux, c'est une belle machine bioénergétique, le cerveau,
09:17mais c'est une machine paresseuse. Et donc, en fait, il tente par beaucoup de moyens différents de ne
09:24pas consommer trop d'énergie. Et à chaque fois que vous lui demandez de faire un changement de comportement,
09:30d'instinction, de mentalité, de valeur, de désir, bien, vous lui demandez de faire un travail supplémentaire.
09:38À chaque fois que vous demandez de casser une habitude, et je vous mets au défi d'en casser une cette
09:43semaine, brossez-vous les dents avec la main gauche si vous êtes droitier. Vous allez voir qu'un, c'est
09:49compliqué sur la coordination, mais c'est pas ce qui va se passer, c'est que la force de l'habitude va faire
09:53que, si vous vous rappelez, dans deux, trois jours, vous allez avoir oublié. Donc, il va falloir mettre un petit
10:00post-it jaune à côté de votre brosse à dents pour dire gauche. Sinon, vous allez oublier. Et ça, en fait,
10:07ce sont tous des méthodes qui font que le cerveau refuse ou n'est pas très confortable avec le
10:13changement. Deuxième élément là-dessus, c'est les émotions. Nous ne sommes pas tous confortables
10:19au même égard avec les émotions, avec le changement. Certains d'entre nous peuvent trouver ça fun,
10:25excitant. Certains d'entre nous, c'est plutôt angoissant et flippant, surtout s'il faut changer
10:30de civilisation et qu'il faut arrêter de changer de téléphone tous les ans, qu'il ne faut pas
10:35changer de bagnole, etc. On ne peut pas changer d'enfant. Et on a l'autre méthode aussi avec le
10:45cerveau, ce sont les représentations sociales. Alors, comme je vous le disais, le changement peut
10:50provoquer de l'angoisse. Et ça, c'est super important parce que si vous avez un message entièrement
10:55fondé sur, attention, la catastrophe arrive, vous suscitez de la peur et de l'angoisse, et donc du
11:02refus et du déni. Ça, c'est à peu près certain, mais ce n'est pas vrai pour tout le monde. Et il peut
11:09y avoir une condition par laquelle ça, cet effet négatif, peut diminuer. Si vous proposez un message
11:15un peu angoissant d'un problème à résoudre, changement climatique, transition, biodiversité,
11:20s'adapter, mais qu'ensuite vous dites, ben voici, je vous donne des outils pour le faire. Tu n'as pas
11:25développé tes outils. Déjà, le cerveau, il se dit, OK, ce n'est pas moi qui vais faire l'effort, donc bien,
11:31donc vous prenez soin du côté paresseux. Et ensuite, vous dites, il n'y a pas à flipper. Il y a des solutions.
11:38Alors, ce qui est intéressant avec le cerveau, et ça, n'importe quel psy va vous le dire, c'est que si votre
11:43cerveau est convaincu d'avoir une solution, même si la solution ne vaut rien du tout, l'angoisse diminue.
11:48Et donc, vous êtes plus ouvert à prendre acte. C'est un peu bizarre, mais c'est comme ça que ça fonctionne.
11:54Là, je parle simplement de l'individu, mais au niveau institutionnel, c'est encore plus compliqué,
11:59parce qu'on peut avoir des normes d'entreprise, on peut avoir des... Donc, il y a quelques temps, j'ai un
12:06enfant de deux ans et demi. Elle est pour toi, celle-là. Et on est tous les deux très écolos, avec ma femme.
12:15Elle a un docteur en biodiversité. Moi, je travaille sur le changement climatique. Vous pouvez imaginer ce qui se passe.
12:21Et on a un enfant. On se sent un peu coupable d'avoir un enfant. Bon, ce n'est pas vrai. Mais n'empêche qu'on se dit,
12:26je viens d'exploser mon empreinte carbone. Et on se dit, bon, on va faire attention. Donc, au bout de six mois,
12:30on se dit, allez, on se lance dans l'aventure, les couches lavables. Ça fait six mois qu'on n'a pas dormi.
12:37Ça, c'est nous devant les couches lavables. La boîte arrive à la maison. Il y a des consignes sur comment utiliser
12:44les couches lavables. Il y a des couleurs dedans. Ça fait six mois qu'on n'a pas dormi. Et là, la fatigue cognitive a fait,
12:50tu comprends? Non. Et là, c'est presque humiliant. En tout cas, humilité, c'est sûr. On n'a pas été capables de comprendre
12:58comment utiliser les couches lavables. Et au bout d'une semaine, on les a renvoyées. Ce que je suis en train de vous dire,
13:04en fait, c'est que dans tous les projets de recherche que j'ai menés, il est très rare qu'une attitude ou une idéologie
13:11anti-climat soit un facteur déterminant pour expliquer pourquoi les gens ne changent pas. Ce qui fait que les gens ne changent pas,
13:20c'est ça. Ce sont des choses du quotidien. Autant dans les plaisirs qu'on peut avoir dans le quotidien, se faire un barbecue l'été
13:27et ne pas manger de viande, merde, je vais me faire mon camp de barbecue quand même. Le plaisir d'acheter des trucs. Le jour où on ne pourra plus
13:34avoir de café, je vous dis, la recherche est foutue. C'est le temps. On est fortement limités dans le temps. Imaginez, vous avez deux enfants.
13:45Et là, vous êtes censés aller les chercher à l'école. Il y en a un qui va au judo, l'autre qui va au fleuret ou je ne sais pas trop quoi.
13:52Vous allez les mener là, vous faites les courses, vous devez leur donner à bouffer et leur faire prendre le bain, tout ça en huit heures et quart.
14:00Et vous bossez. Est-ce que vous avez vraiment envie de faire tout ça à pied? Non. C'est juste pas possible. Et donc, une des parties, moi en tout cas,
14:08une de mes grandes conclusions, c'est qu'en fait, ce sont les choses de la vie quotidienne qui font qu'on a de la difficulté à changer.
14:16C'est ce cumul-là. Et tant que les politiques publiques ne s'adresseront pas à ces petits détails de la vie quotidienne qui font qu'il est difficile de changer,
14:25et tant qu'on va rester à un niveau de discours un peu trop généraliste, ça ne marche pas, le message ne passera pas. Il va rester au niveau cognitif,
14:32il ne se sera pas transformé en action. Ça, c'est super, super important. Juste un autre, bon, il y a les habitudes, les phases de vie, super intéressantes.
14:41Ça, c'est une petite découverte que j'avais faite en 2008 à Lyon et qui maintenant a été une conclusion généralisée. Je fais des entretiens, un entretien semi-directif avec un couple de très, très écolos.
14:52Et pendant jusqu'à 25-30 ans, pas de voiture, pas de permis de conduire, rien, bio-équitable. Et franchement, en 2008, des végétariens qui sont végétariens pour des causes de climat,
15:05c'était très rare, rarissime. C'est-à-dire que c'est déjà rare aujourd'hui, mais à l'époque, c'était pire. Et en fait, ils ont leur premier enfant, ça ne changeait rien, leur mobilité, le vélo, le vélo,
15:16et le deuxième enfant arrive six mois après, une voiture, deux permis, parce que c'était juste trop compliqué. Et donc, on a, en termes de sociologie, souvent, on fonctionne par catégorie socioprofessionnelle.
15:28Vous avez un certain niveau de scolarité, ça vient donc éventuellement avec un certain niveau de revenu, ce qui vous permet d'acheter une maison. Voilà. Grosso modo, il y a un paquet de trucs qui sont explicables par ça.
15:39Sur les questions d'écologie, ça ne marche pas très bien. Ça marche moins bien, en fait, que sur d'autres secteurs de la vie. Et les phases de vie où je suis célibataire ou en couple sans enfant font une plus grande différence que le revenu,
15:51que lorsque je suis en couple avec deux enfants ou qu'ensuite je suis à la retraite. Et ça aussi, il faut le prendre en compte dans la manière d'accompagner les gens et de faire de la sensibilisation, parce qu'en fait, on n'a pas les mêmes capacités et les mêmes contraintes selon les phases de vie.
16:09Sur la question de biodiversité, les représentations sociales. Une représentation sociale, c'est un fil que vous mettez autour de vous et qui fait que certaines informations vont passer. Donc, dans votre cas ici, vous êtes très probablement un peu sensible quand même à la question de l'environnement et du climat, et si vous vous promenez devant un buraliste et que vous voyez un magazine avec «climat» dessus ou «biodiversité» ou «la faim des insectes», votre association va être attirée par ça.
16:40Je ne sais pas combien de vous sont fans de foot, mais moi pas. Donc, si un magazine avait «foot» dessus, je ne le vois même pas. Mais s'il y a quelqu'un qui est en train de donner un coup de pied ou un coup de poing, je vais peut-être regarder. Mon attention va être attirée parce que ma représentation sociale, le filtre, est ouvert en fait aux arts martiaux, mais au climat et à la biodiversité aussi.
16:59C'est une manière d'organiser tous les stimuli qui vous sont envoyés pour ne pas que le cerveau soit complètement tsunamisé par tout ça. Mais le cerveau fait de l'ordre là-dedans et donne un sens, une signification.
17:10Et donc, si vous êtes une association environnementale qui tente de soulever des fonds pour sauver la biodiversité, en fait vous prenez un beau petit panda comme ça, super kawaii, et d'ailleurs, je vous dis, les représentations sociales sont plus importantes que l'information cognitive dans nos décisions, puis je vais vous montrer. Ça, vous dites «merde, il va disparaître, il faut le sauver».
17:41Scientifiquement parlant, le panda peut disparaître, franchement, on s'en fout. Le ver de terre meurt, on est foutus. Scientifiquement. Mais essayez d'obtenir des fonds pour votre association avec ça. Vous voyez en train de marcher avec une pancarte «sauvez le ver de terre», ça m'énerve parce que ça ne bouge pas, c'est censé bouger, là. Ça a rajouté.
18:02En fait, ça renvoie à des émotions fondamentales et notamment celle-ci, une émotion universelle dans toutes les cultures, le dégoût. Et ça, c'est clé, parce que parmi les gens avec qui j'ai parlé dans mes recherches sur le projet, sur la biodiversité, il y a une grande différence entre eux et ceux qui bossent sur le climat.
18:21Les gens qui sont intéressés par la biodiversité fonctionnent à l'émerveillement. Ils n'ont pas de sentiment de dégoût à l'égard des vers de terre, mais un sentiment d'émerveillement par rapport à ce que ça produit, à ce que ça apporte. C'est super important, ça.
18:38Alors, j'y arrive, justement. Il y a des signaux faibles, ce qu'on appelle en science, c'est-à-dire des trucs qui sont en train d'émerger, des conclusions, des éléments de compréhension qui sont en train d'émerger et qu'on se dit «ah, il y a peut-être quelque chose à fouiller et à confirmer». Peut-être que finalement, ce ne sera pas important, mais peut-être que si. Et certains de ces signaux, je les mets là.
19:06Bon, on sait que sur le climat, c'est la peur de la catastrophe. Ça, ce n'est même pas un signau faible, mais ce qui est intéressant, c'est cette différence avec l'émerveillement face aux gens dont je vous parlais. Le moteur n'est pas le même. Avec les gens qui sont intéressés par la biodiversité, on voit, en fait, un amour pour la nature comme moteur de changement et d'action. Pour les gens sur le climat, qui bossent sur le climat presque exclusivement, on est plutôt face à la peur d'une catastrophe.
19:33Donc, deux moteurs émotionnels très, très différents. Et on est quelques-uns à penser, dont Dominique Bourg, que les émotions positives sont probablement plus puissantes comme moteur de changement que les émotions négatives. Et en tout cas, les conséquences des émotions négatives sont plus multiples et parfois contre-productives, ce qui n'est pas le cas des émotions positives. Et ça, on les exploite, dans le bon sens du terme, pas assez.
20:02L'autre chose que j'ai remarquée, c'est qu'en matière de climat, on est quand même... la pensée, la manière de penser le monde est un peu plus sectorielle, un peu plus limitée. Ceux qui pensent biodiversité ont une pensée beaucoup plus systémique, holistique, d'interaction entre les choses.
20:21Les gens avec qui j'ai parlé, puis qui sont des gens normaux, disent « En fait, si je plante cette fleur-là maintenant au mois de février, vu que les abeilles, en fait, se réveillent plus tôt à cause du changement climatique, il faut que je plante des fleurs aussi qui vont permettre de nourrir les abeilles plus tôt et plus tard, parce qu'en fait, les abeilles vont aussi polliniser mes arbres fruitiers. Et en plus, c'est bon pour les oiseaux. Je suis LPO, moi, donc vous voyez. »
20:45Et en fait, ils parlent là-dedans et en fait, ils en ont pour 20 minutes de description à partir de la fleur qu'ils ont plantée au mois de septembre ou de février ou de voilà. Ça, ce sont une forme de pensée systémique quotidienne qu'on ne retrouve que très peu, ou beaucoup moins en tout cas, chez les gens préoccupés par le climat. Donc, il y a quelque chose qui se passe au niveau des mentalités aussi.
21:05Une des grandes différences aussi entre les deux, c'est que si vous tapez sur Google « solutions pour aider au changement climatique », là, vous allez tomber sur l'ADEME, l'ADEME, l'ADEME et l'ADEME, mais pas que. Avec des dizaines, voire des centaines de trucs, des astuces, des pratiques que vous pouvez changer, blablabla, vous faites la même chose sur le GIEC, il y en a beaucoup.
21:28Quand je pose la question sur la biodiversité, même pour les gens qui sont intéressés ou j'y fais de quoi au quotidien, la réponse est hésitation. Et donc là, il y a un gros, gros travail à mettre en œuvre sur la mise à disposition des publics de solutions qui peuvent aider à la biodiversité.
21:50Ça, c'est super important parce que même chez ceux qui veulent faire quelque chose, ils ne savent pas quoi ni comment. Donc là, il y a une grosse différence là-dessus. Et je vous rappelle, si on a un problème pour lequel on ne pense pas avoir une solution, en fait, ça, ça risque de mener à de l'inertie, du déni ou « tiens, je vais aller faire autre chose dans la différence ». Donc ça, c'est assez important.
22:15Il y a quand même des mesures qu'on peut mettre en œuvre. La végétalisation des villes. Là, je veux aborder cette question-là spécifiquement parce qu'elle est au croisé de plusieurs enjeux. On peut végétaliser une ville de manière complètement, excusez-moi, débile. Vous plantez une seule essence d'arbre partout.
22:37Oui, peut-être que c'est super bon pour l'ombre et le rafraîchissement, mais en disant que quand le changement climatique a rapporté des sécheresses, des nouveaux insectes, des nouvelles formes de maladies, des arbres, et que par hasard, cette nouvelle maladie s'attaque à l'arbre que vous avez planté, à cette essence, bien vous êtes foutu. La leçon de la biodiversité, c'est que plus un système est divers, plus il est résilient. C'est vrai aussi, je pense, pour les sociétés humaines.
23:04Donc là, là-dessus, ça, je pense que c'est important. Ce qui veut dire que quand on fait un plan de végétalisation des cours de récré, là, il y en a partout en ce moment en France, c'est génial d'ailleurs. Il faut penser non seulement à avoir différents types d'essences, mais aussi des arbres plus petits, fruitiers, plus gros, planter des carottes pour leur contact avec la nature et tout.
23:25Mais faire attention de penser que dans 15 ans, ces arbres-là vont peut-être être trop gourmands en eau par rapport à ce qui va se passer avec le pliovilumétrie de mon territoire. Au contraire, si ce sont des arbres qui aiment beaucoup l'eau et qu'en plus, il va plus pleuvoir qu'avant, tant mieux. Le problème, c'est qu'en fait, de manière plus ou moins généralisée en France, on va sortir avec plus d'eau en mai et juin, septembre et octobre, et beaucoup, beaucoup moins d'eau en juillet et août, avec des grosses chaleurs.
23:53Donc, comment on fait? Et encore une fois, la diversification des végétaux, etc., est la meilleure solution, mais on ne peut pas faire n'importe quelle diversification des végétaux. Il faut faire une diversification qui prend en compte les futurs impacts du changement climatique dans 15-20 ans et planter le bon arbre maintenant.
24:12C'est en ça que l'adaptation est difficile et quand on la croise avec la biodiversité, c'est là qu'on est obligé d'avoir plusieurs sciences qui se parlent pour dire non, mets pas celle-là parce que là, ce n'est pas bon. En revanche, si tu mets celui-là, c'est bon. Oui, mais si je veux faire ça et que je veux passer une route, ah non, les racines ne sont pas bonnes pour ça, tu vas péter ton trottoir, etc., etc. Donc, avec les services verts, les espaces verts.
24:35Donc, tout ça n'empêche que cette question de la végétalisation des villes, c'est une très bonne solution, mais qu'on ne peut pas la faire n'importe comment à cause des contraintes du climat à venir.
24:47La réponse qui émerge au niveau individuel, beaucoup, sur les questions de comment je peux faire moi pour la biodiversité, c'est le jardin.
24:56Alors, on a testé ça et puis d'ailleurs, il y a une grosse enquête qui a été menée aussi sur les types de jardins idéaux en France.
25:03Donc, les trois jardins qui sont là, le C, c'est le jardin à l'américaine, de la pelouse, de la pelouse, de la pelouse et du ciment et pas mal d'espace pour la voiture, ça c'est important.
25:13Le deuxième, un peu plus rangé, plus réduit, là, il n'y a plus de place pour la voiture, mais il y a un peu plus de fleurs, mais c'est quand même un peu à la française.
25:23Et le troisième, c'est le jardin à l'anglaise, un foutoir organisé, c'est vraiment ça le jardin à l'anglaise, ça n'a pas l'air organisé, mais ça l'est, mais il ne faut pas que ça paraisse.
25:35Et c'est le jardin à l'anglaise qui est le plus proche, en fait, d'un style de jardin le plus compatible avec la biodiversité.
25:44Et donc, les gens, les fous de la biodiversité vont nous dire, en fait, si vous regardez le jardin à l'anglaise, le long des bandes, là, vous faites du foutoir réel.
25:53Vous mettez des branches, vous les laissez là. Vous entassez un petit tas de feuilles ici et là. Vous laissez une partie de votre jardin à la nature.
26:03Et là, ce qu'on a remarqué, nous, c'est que sur les jardins un peu plus à l'anglaise ou carrément sauvages, ensauvagés, qui est le mot utilisé par les propriétaires, le choix des plantes se fait par, je regarde ce qui pousse.
26:20Vraiment, c'est ça. Le mot d'ordre pour les gens qui sont vraiment biocentrés sur leur jardin, mais ça, ça ne pourra pas passer avec toute une population, ce n'est pas possible.
26:29Pour les jardins vraiment sauvagés, c'est laisser pousser, laisser mourir et laisser vivre.
26:36Donc, si autrement dit, vous plantez un truc, ça meurt, c'est que ça ne doit pas être là, donc on ne le replante plus.
26:40Moi, j'ai encore tendance à insister sur certains de mes dahlias, mais sinon, je laisse un peu libre.
26:47Tous vont avoir des récupérateurs d'eau, mais c'est plus intéressant que ça.
26:52C'est que les gens qui sont vraiment intéressés par la question de la biodiversité vont s'arranger pour ne pas avoir besoin d'arroser leur jardin, sauf à cas de nécessité absolue.
27:02Alors que là, à droite, le style à l'américaine ou même celui, la version B, va devoir être arrosé.
27:09Et donc, en fait, toute une pratique de tonte qui vient avec aussi, il y a des pratiques de, qu'est-ce que je fais, ah oui, ça c'est génial.
27:16Qu'est-ce que je fais avec mes limaces qui vont manger mes salades?
27:21La première, c'est que vous n'avez pas de salade, donc pas de problème.
27:25La deuxième, vous prenez les granules bleues, vous les foutez par-dessus votre salade et les limaces meurent, étouffées d'ailleurs.
27:32Et la troisième, il n'y en a plus, oui, non, ça c'est bon ça.
27:36La troisième, c'est que les gens vont dans leur jardin au petit matin, ramassent les limaces, les mettent dans un contenant et vont les foutre plus loin dans un champ, sans les tuer.
27:48Donc là, ça va très loin.
27:55Sur les questions d'adaptation, de manière plus générale, et en termes d'action, qu'est-ce qui se passe en France en ce moment?
28:02Bon, je vous l'ai dit, sur les questions de biodiversité, il y a encore beaucoup, beaucoup à faire.
28:06Je pense que les jardins, c'est quand même un point d'accroche important, comme la végétalisation en ville.
28:13C'est deux points d'accroche qui peuvent être super importants pour des politiques publiques, pour des projets qu'on peut mettre en œuvre, qu'on peut évaluer, qu'on peut regarder.
28:21Si je fais ça dans mon jardin, deux ans plus tard, est-ce que j'ai une augmentation de la biodiversité des insectes, par exemple?
28:27Est-ce que j'ai plus de vers de terre au mètre carré?
28:29Il y a des trucs qu'on peut faire qui sont mesurables.
28:31Et donc ça, ce sont des choses qui peuvent être faites.
28:34Mais à une plus grande échelle, au niveau national, qu'est-ce qu'on constate en matière d'adaptation, outre le troisième plan national d'adaptation?
28:42Il y a des acteurs privés, dans un premier temps, pas les entreprises.
28:46Il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui font de l'adaptation au changement climatique, sauf quelques exceptions.
28:52La première exception qu'on peut citer, ce sont les opérateurs d'énergie qui vendent et produisent de l'électricité.
28:58Pourquoi? Parce que même une centrale nucléaire a besoin d'eau.
29:02Parce que même une centrale nucléaire ne peut pas rejeter trop d'eau chaude dans une rivière,
29:07parce qu'il y a des normes environnementales pour la protection de la biodiversité qui fait qu'on ne peut pas monter au-dessus de 28 degrés.
29:14Et ça arrive de plus en plus.
29:16Et ça va arriver de plus en plus parce que les étés vont être de plus en plus chauds avec de moins en moins de pluie pour rafraîchir l'eau.
29:22Ce qui veut dire qu'à partir de 2035, on a un gros problème.
29:25À partir de 2035, quand on va avoir des canicules de 2003, deux années sur trois,
29:32on n'aura plus d'eau en été, qu'on va avoir l'arrivée en masse du véhicule électrique,
29:37que tout le monde va s'acheter de la clim parce que ça sera plus vivable,
29:41on va avoir une incroyable hausse de l'électricité avec une incroyable baisse de la production parce qu'on ne sera pas capable d'en produire.
29:50On va avoir une grosse contradiction. Là, on parle de maladaptation à l'échelle systémique.
29:55Et donc, on a EDF, par exemple, qui maintenant est en train de développer, d'élaborer une stratégie d'habitabilité des territoires.
30:02Là où ils ont leur centrale pour voir comment faire le partage de l'eau entre la production agricole et la production d'énergie.
30:10Lequel des deux va gagner? Ça, ce n'est pas évident.
30:14Il y a les loisirs, il y a la pêche, il y a tous ces enjeux.
30:20Et dans le sud, on commence déjà à avoir des enjeux liés à la perception des inégalités sociales avec les piscines.
30:27Quand est-ce que les arrêtés municipaux anti-piscines ne vont pas devenir une loi nationale?
30:33Il y a des questions à se poser sur ces questions-là, notamment en été.
30:37Les assureurs, vous avez la Banque des territoires et d'autres assureurs qui sont en interaction assez proche avec des pouvoirs publics le long des côtes,
30:48le long d'une rivière. Et là, il y a un projet immobilier, une résidence pour vieux, un hôtel ou je ne sais pas trop quoi.
30:56Sauf que dans 15-20 ans, la côte, bye bye.
31:00Donc, question, est-ce que la Banque des territoires, est-ce que les assureurs, est-ce que les investisseurs ne doivent pas se retirer d'un projet
31:08parce qu'il n'est pas conforme à ce qu'on peut s'attendre dans 20 ans?
31:12Parce qu'éventuellement, l'hôtel ou la résidence pour les vieux va se retrouver à la flotte.
31:16Ou qu'ils n'auront pas accès à l'eau.
31:19Et donc là, il y a des vraies vraies questions là-dessus.
31:22Et en fait, toute la question de facteur humain, d'organisation, d'institution est en train d'être intégrée par les grands opérateurs.
31:30Et ça, c'est plutôt chouette.
31:33Sur la question de l'eau, on a, j'ai fait, je l'ai exprimé de cette manière-là par exprès, vers une territorialisation encore plus forte.
31:43Oui et non.
31:45Le problème avec l'eau, c'est que le cours d'eau, il s'en fout des petites limites administratives et territoriales.
31:53Ça peut passer au travers de 2-3 départements, voire plus, etc.
31:58Et donc, quand on a un cours d'eau qui, en plus, peut passer d'un pays à un autre, qu'est-ce qui se passe?
32:03Comment on fait de la gestion de l'eau quand on a différentes échelles et tout ce millefeuille enchevêtré très complexe de SAGE,
32:12de plan climat, de SCOT, de machin, de trucs, et qui va faire que, bien, comment on fait?
32:20OK. Et donc, en fait, on a un problème avec une territorialisation qui est plus forte, qui fait sens en termes de transition énergétique spécifiquement,
32:29mais qui ne fait peut-être pas sens au niveau de la biodiversité ou au niveau des cours d'eau.
32:34Donc là, il va y avoir, quitte même à faire des stratégies spécifiques cours d'eau, biodiversité,
32:40qui vont être un peu différentes en termes d'approche générale de l'approche qu'on peut avoir très territorialisée,
32:46les impacts du changement climatique et ou de la production d'énergie, par exemple, énergie renouvelable.
32:52Sur l'adaptation et biodiversité, il y a des signaux faibles que j'ai beaucoup aimés aussi.
32:57On avait fait une petite enquête qu'on a… ensuite, on a retrouvé des éléments de ça dans d'autres enquêtes.
33:03C'était sur les impacts du changement climatique sur le territoire du Grand Annecy, avec le beau lac.
33:08On l'avait fait en 2019. En 2018, ça doit être à peu près ça, l'eau du lac avait descendu à un niveau incroyable en été,
33:16mais jamais vu, à un point tel qu'en fait, ça sentait très mauvais.
33:20Il y avait de la boue sur plusieurs dizaines de mètres.
33:23Il y avait des cadavres qui avaient été découverts, des gens qui avaient disparu.
33:27Donc, pendant deux mois, pratiquement inutilisable, sachant que pendant ces deux mois-là,
33:32c'est la grosse saison de revenu touristique parce que les gens se peignent dans le lac.
33:36Il y a de la voile, il y a du bateau, c'est super beau.
33:39Et là, c'était l'inutilisation, on pouvait pas l'utiliser.
33:43Ce qui est intéressant dans cette étude, c'est qu'on demandait aux gens, bien, en quoi est-ce dû?
33:4880 % des gens ont dit impact de changement climatique sur l'eau.
33:54Alors, oui et non.
33:57Oui, en partie, parce qu'il avait fait un peu plus chaud, qu'il avait un peu moins plu.
34:01Il y a eu plus de ponctions de la part du secteur agricole sur le territoire,
34:07mais en plus, il y avait aussi moins neigé pendant l'hiver,
34:10ce qui faisait qu'il y avait moins de fonte de neige après.
34:13Et donc, différents problèmes.
34:15Le problème pour l'élu, c'est qu'il a envie de faire une stratégie d'adaptation,
34:19de combattre le changement climatique, qu'il a une opportunité en or.
34:22Les gens veulent plus voir le lac baisser, et donc, il peut leur dire,
34:26scientifiquement, c'est faux,
34:28que le changement climatique est la cause de la catastrophe du lac.
34:32Il faut donc faire quelque chose.
34:34Mais n'importe quel scientifique du changement climatique va arriver et va dire,
34:37non, c'est faux, vous ne pouvez pas dire ça.
34:39Le changement climatique, c'est sur une durée de 10 ans.
34:41En bas de 10 ans, ça peut être juste une anecdote, un épiphénomène,
34:45c'est peut-être juste accidentel.
34:47Et donc, comment?
34:49Et donc, ils ont trouvé une manière assez intelligente de formuler la chose
34:53et de dire que le changement climatique était un des facteurs aggravants
34:57de la situation du lac,
34:59pour tenter de faire passer dans la représentation sociale
35:02l'importance de travailler sur le changement climatique.
35:05Sur la question des impacts, ça, c'était le premier impact,
35:08c'était sur le lac, c'était clair.
35:10On a été étonnés, parce que tout le monde, dans un questionnaire comme ça,
35:14il y a des choix multiples,
35:16puis on laisse toujours deux ou trois questions ouvertes.
35:19Les gens peuvent écrire ce qu'ils veulent.
35:21On est retrouvés avec une quasi-totalité des commentaires écrits
35:24sur les impacts du changement climatique sur les produits du terroir.
35:29Les gens flippaient à l'idée de perdre leurs bons produits qu'ils mangent,
35:34l'alimentation.
35:36Et je me suis dit, je ne sais pas pourquoi, je suis étonné.
35:39Après tout, en fait, les Français sont obsédés avec leur bouffe.
35:42La question du territoire est marchandisée, est revalorisée,
35:47on passe, il y a peut-être plus de skis, ce n'est pas grave,
35:50parce qu'il donne son fromage.
35:52Et on va aller manger le fromage de la chèvre, là,
35:54même si on ne peut plus faire de skis, on est content d'être en montagne.
35:57Et donc, d'une certaine manière, ça fait sens,
36:00et je me suis dit, parce qu'en fait, c'est une des grandes conclusions
36:03de mes 40 projets de recherche et plus,
36:05c'est que si vous voulez parler de sauver le changement climatique,
36:08il ne faut pas en parler.
36:10Si vous voulez vraiment avoir un effet sur les pratiques,
36:12il faut parler d'autre chose,
36:14de tous les autres effets positifs qui peuvent exister,
36:17que parce que je ne fais plus de voiture,
36:20je me promène en vélo, c'est meilleur pour ma santé,
36:22je vais être plus beau à la plage l'été,
36:24je vais être en meilleure forme, mon médecin va être content, blablabla.
36:27Mais là, sur les impacts du changement climatique sur un territoire,
36:30si vous passez par la bouffe, vous allez voir un effet,
36:33mais complètement différent que si vous parlez de,
36:36il va y avoir un insecte qui va arriver dans 30 ans.
36:39On s'en fout, en fait.
36:41Donc, il y a des éléments comme ça,
36:44et qui revient à cette idée qu'il faut, en fait,
36:47traduire en concret réel quotidien
36:50les effets du changement climatique,
36:52des pratiques à faire qui sont possibles et accessibles.
36:57Je vais aller un peu rapidement là-dessus.
37:00C'est une manière de cibler.
37:03Réduire la charge cognitive,
37:06il y en a plusieurs manières pour réduire la charge cognitive.
37:09Plutôt que de dire aux gens, prenez un bus, un vélo
37:12et la voiture pour aller du point A au point B,
37:15vous faites de l'urbanisme multifonctionnel.
37:18C'est-à-dire que dans un quartier, vous avez tout ce qu'il faut
37:21à portée de pied.
37:23Donc, les gens étant par-dessus ces 300 m.
37:26Ça, c'est une règle. C'est 300 m.
37:29Donc, dans un quartier, vous avez le médecin,
37:32vous avez une école, une garderie, une salle de sport
37:35et tout ce qu'il faut pour bouffer.
37:38Les gens arrêtent de prendre leur voiture d'emblée.
37:41Ça, c'est une règle.
37:44Vous réduisez la mobilité en leur offrant les services
37:47dont ils ont besoin au quotidien, à proximité.
37:50Ça marche beaucoup mieux.
37:53Les urbanistes ont été les premiers à voir ça
37:56et maintenant, c'est plutôt bien acquis que c'est la meilleure stratégie.
37:59C'est pour ça que la plupart des écoquartiers maintenant
38:02qui voient le jour ont des services au rez-de-chaussée.
38:05Ça marche plutôt bien.
38:08C'est une manière d'attirer l'attention
38:11sans avoir l'impression qu'on se fait donner un ordre
38:14d'agir d'une telle ou telle manière.
38:17Donc, quand vous passez dans un village, vous allez un peu trop vite
38:20et il y a le bonhomme pas content rouge qui vous dit ralentissez
38:23et là, il se transforme en bonhomme vert souriant.
38:26En fait, ça a fonctionné.
38:29Il n'y a pas de flics pour vous dire de ralentir.
38:32C'est juste que ça marche.
38:35Il y a eu un rapport Skipoll en Allemagne.
38:38Les agents de nettoyage et d'entretien des toilettes
38:41en avaient ras-le-bas de ramasser le pipi à côté des urinoirs
38:44et il n'y en avait qu'une bonne idée de mettre la petite mouche dans le fond
38:47et nous, les garçons, on est un peu stupides.
38:50Donc, on regarde la mouche, ce qui fait qu'on vise correctement.
38:53Et ça, parce qu'il y a la légende de ça,
38:56c'est une photo que j'ai prise à côté de chez moi, à côté du marché.
38:59Il y avait un mur comme ça, il y avait des affiches
39:02pendant des années municipales.
39:05Ne pas uriner ici, il y a une maison à côté, il y a des enfants,
39:08il y a une crèche, ça ne marchait pas.
39:11Et donc, ce sont les enfants qui ont fait ça.
39:14Ne faites pas pipi sur les bonhommes, ils ont dessiné.
39:17Ça fait appel à un nudge, mais à des émotions aussi de protection pour l'enfant.
39:20C'est mignon, je ne suis quand même pas pour faire ça.
39:23Même un mec bourré a de la difficulté à faire pipi là-dessus.
39:26Et en fait, il y a eu un résultat concret réel,
39:30c'est mieux respecté que toutes les réglementations
39:33municipales machin chouette avec menace d'amende.
39:43Moins de sciences, plus de solutions.
39:46C'est beau la science, mais ça nous explique le problème
39:49et les sciences naturelles ne nous donnent pas vraiment de solutions.
39:54Quand j'entends que le GIEC nous dit de devenir végétarien,
39:58d'arrêter de prendre la voiture, de faire la rénovation énergétique,
40:01ce ne sont pas des solutions d'un point de vue des sciences comportementales.
40:04C'est la porte ouverte à un paquet de problèmes.
40:07Comment on fait pour convaincre une copropriété
40:10de faire la rénovation énergétique de son bâtiment
40:13quand la moitié des propriétaires ne vivent pas là
40:16et que les autres sont trop pauvres pour le faire
40:19et que les autres ne comprennent pas ce qui se passe?
40:22J'ai fait des expérimentations, je suis allé assister à des réunions de copropriétés.
40:26Il y a une fois avec l'Agence locale de l'énergie et du climat,
40:29il y avait cinq propriétaires dont trois avaient des doctorats.
40:32Il n'y en a pas un des trois qui était capable de dire
40:35à quel niveau d'aide financière ils avaient droit.
40:38Incapable de prendre l'information, de la synthétiser,
40:41d'arriver à une conclusion alors que c'est censé être simple.
40:44Donc, si on n'est pas capable de mettre l'information accessible pour tout le monde,
40:47ça, ça n'arrivera jamais.
40:50La rénovation énergétique, ce n'est pas un problème de pognon,
40:53c'est un problème de décision collective.
40:56Et donc, la solution est quoi?
40:59Justement là-dessus, à part Gaétan Brisepierre, on n'est pas beaucoup à comprendre
41:02ce qui se passe là-dessus.
41:05Donc l'idée, ce n'est pas de dire changer, c'est de dire
41:08voici comment on peut changer avec des solutions opérationnelles.
41:14Il faut être pratique.
41:17Dans les cafétérias, ne demandez pas aux gens d'être végétariens,
41:20offrez de la bonne bouffe végétarienne,
41:23et ensuite vous leur expliquez pourquoi c'est bien d'être végétarien.
41:26Pas l'inverse. Vous passez par les poupées gustatives.
41:29Ça marche beaucoup mieux.
41:32Quand je suis arrivé en France, j'ai été végétarien pendant environ 7 ans.
41:35J'ai arrêté parce que j'étais découragé.
41:38Et puis depuis 4-5 ans, en fait, même les buffets, etc.,
41:41ils sont franchement meilleurs. Les chefs s'y sont mis.
41:44Et ça commence à être super bon, intéressant.
41:47Et ça, c'est une super première bonne étape.
41:50Je vous rappelle que dans le monde anglo-saxon, il y a entre 10 et 12 %
41:53de végétariens dans la population, et en France, c'est 2.
41:56Les phases du changement.
41:59C'est super important d'expliquer chaque phase
42:02de changement dans une équipe
42:05ou dans une politique publique pour dire, bon,
42:08dans un an, voici ce qu'on demande, et dans deux ans, on sera là,
42:11et dans trois ans, on sera là.
42:14Les ondes à faibles émissions. Je suis cynique.
42:17Plusieurs villes ont dit, dans un an,
42:20on va arrêter la phase d'apprentissage.
42:23Ensuite, ça va être les critères 5 qui seront en un an,
42:26et ensuite 4, et là, c'est admis, cette année, bon,
42:29plus besoin d'effets.
42:32Donc ça, c'est un signal politique à ne pas envoyer.
42:35Mais encore là,
42:38la neutralité carbone en 2050 et être adapté
42:41en 2050, ça ne veut rien dire du tout,
42:44et donc il faut rendre ça absolument concret et opérationnel.
42:50Je vous rappelle que changer fait peur,
42:53et donc, en fait, le changement doit être présenté comme un défi fun.
42:56C'est un truc qu'on a envie de faire.
42:59Pas par obligation, mais parce que ça met un peu de piquant
43:02dans la vie, parce que ça va rendre le boulot plus intéressant,
43:05parce que ça nous amène à être plus inventifs et créatifs,
43:08des choses comme ça.
43:11Et ce qui est important aussi, ce qu'on a remarqué,
43:14c'est que si vous donnez un objectif un peu éloigné,
43:17vous dites, bien, là, ça, c'est le défi, il faut se rendre là,
43:20et entre les deux, il n'y a rien.
43:23C'est très difficile de garder, en fait, l'action en cours.
43:26Donc, il faut donner des étapes à mi-parcours pour dire,
43:29bien, OK, le défi, il est là, mais on va commencer par là.
43:32Le jour où vous serez capables de vous brosser les dents
43:35et d'y arriver, bien, ça, c'est le défi final.
43:38Commencez par la main gauche.
43:41L'exemplarité. L'exemplarité beaucoup plus compliquée.
43:44Qu'est-ce qu'il en paraît? Je les diviserais en deux slides.
43:47C'est la petite anecdote de Gandhi.
43:50Il y a une maman qui vient avec son petit garçon de 6 ans,
43:53je ne sais pas trop quoi, voir Gandhi et qui dit à Gandhi,
43:56bien, tu peux dire à mon garçon d'arrêter de manger du sucre.
43:59Il veut toujours manger du sucre. Il n'est pas en bonne santé
44:02parce qu'il mange trop de sucre, etc. Donc, Gandhi lui dit,
44:05bien, reviens me voir dans un mois. Elle revient le voir dans un mois.
44:08Elle dit, bien, Gandhi, je suis venu te voir il y a un mois, tu te souviens,
44:11j'avais demandé, est-ce que tu disais à mon enfant d'arrêter de manger du sucre?
44:14Et donc, Gandhi, il dit, bien, arrête de manger du sucre.
44:17Bon, elle regarde et on va dire, ouais, bon, t'aurais pu lui dire ça il y a un mois.
44:20Il dit non, parce qu'il y a un mois, je mangeais du sucre. OK?
44:23Pourquoi c'est important? Parce que ça impacte beaucoup
44:26la légitimité de la politique publique.
44:29Une collectivité territoriale, un gouvernement qui dit,
44:32faites des efforts et qui est interprété par, serrez-vous la ceinture,
44:35par leur qualité de vie et qui ne le fait pas, aucune chance.
44:38Mais on s'est retrouvé dans des situations en France, dans des villes
44:41où il y avait beaucoup d'actions menées par des villes,
44:44mais elle n'en parle pas.
44:47Et donc, en fait, les citoyens, d'ailleurs, c'est assez typique de Grenoble,
44:50la grande majorité des Grenoblois ne savent pas que Grenoble
44:53n'est pas une ville.
44:56La grande majorité des Grenoblois ne savent pas que Grenoble
44:59n'est une des villes les plus innovantes d'Europe
45:02sur les questions de transition. Ils ne savent pas. Aucune idée.
45:05Ça, c'est parce qu'ils ne font pas leur boulot sur la com.
45:08En même temps, si vous ne faites que de la com et que vous faites
45:11du greenwashing, ça ne prendra pas beaucoup de temps pour quelqu'un
45:14de s'en apercevoir non plus. Donc, c'est pour ça que je dis ça,
45:17les deux en même temps. Mais ce qui est encore plus intéressant
45:20avec ça,
45:23c'est que l'exemplarité fonctionne
45:26quand on parle avec quelqu'un
45:29qui est dans le même métier que nous, par exemple, à un père.
45:32Si vous prenez un chercheur en agronomie
45:35pour dire à un planteur de carottes et de patates
45:38et de fraises comment faire son métier,
45:41il va se faire accueillir à coups de fouche.
45:44En revanche, si vous prenez un agriculteur qui l'a déjà fait
45:47et qui a exactement le même discours que le bonhomme en agronomie,
45:50il va être écouté parce qu'il est capable de dire
45:53non, mais je sais que tu auras un problème là-dessus, mais ça, c'est pas grave,
45:56tu fais ça à la place et c'est réglé. Et ça, c'est un phénomène
45:59qu'on a retrouvé en matière de BTP, en matière
46:02de transition écologique dans les quartiers,
46:05en matière de services entre une ville et une autre
46:08où là, il y a eu quelque chose qui s'est passé, une expérimentation
46:11qui a fonctionné sur la mobilité, sur la végétalisation en ville
46:14et qui disent aux autres, nous, on a fait ça, fais gaffe à ça,
46:17tu peux avoir un problème. Donc, en fait, on parle tout de suite
46:20en résolution de problème. On laisse pas à l'autre le soin de dire
46:23tu te démerdes et puis tu verras comment tu résoutes tes problèmes.
46:26Non, on les a déjà vécus, donc on est capable de dire
46:29comment on les a résolus avec le même langage.
46:32Les plombiers qu'on avait interrogés, c'était assez drôle parce qu'ils disaient
46:35oui, mais moi, je savais pas faire un trou dans un mur, je faisais
46:38un mur de 25 comme ça pour laisser passer un tuyau comme ça.
46:41Donc, maître d'oeuvre, architecte pas content, ça fait un pont thermique.
46:44Et donc, ils ont simplement fait venir un autre plombier
46:47pour dire aux plombiers comment faire leur truc et puis c'était réglé.
46:50Pas de conflit. Il y a eu un conflit avec le maître d'oeuvre
46:53et l'architecte quand ils sont venus pour dire aux plombiers
46:56comment faire son boulot. Ça, c'est super important et ça renvoie
46:59une notion anthropologique, en fait, de reconnaissance
47:02entre pairs. Même langage,
47:05même expérience, même formation,
47:08on parle entre nous, donc on peut se faire confiance.
47:11Très, très important ça.
47:16Changer, ça s'apprend aussi et là, l'adaptation,
47:19c'est super important. Pour moi,
47:22il faut pas se lancer dans une stratégie d'adaptation
47:25systémique, holistique, multisectorielle, intégrée
47:28dès le départ parce que c'est simplement trop casse-gueule
47:31et que si on souffre trop d'échecs au début,
47:34on arrête d'avancer. C'est trop décourageant.
47:37Et puis, c'est pas bon pour la carrière, c'est stressant à la maison,
47:40c'est tous les raisons personnelles pour lesquelles on veut pas se lancer dedans.
47:43Et donc, on commence par un secteur
47:46plutôt facile. Là, on commence à comprendre comment faire
47:49de la végétalisation correcte tout en intégrant quand même
47:52des questions de climat. Donc là, c'est quand même une première étape
47:55qui est pas trop mal. Ça dépasse simplement planter un arbre,
47:58c'est pas mal. Puis après ça, on peut aller plus loin,
48:01c'est-à-dire comment on va intégrer l'eau
48:04dans un système urbain. Comment on fait des récupérations
48:07d'eau de pluie pour les plantations qu'on va faire,
48:10pour les arbres qu'on va planter, etc.
48:13Et par après ça, on peut aller jusqu'à l'approche
48:16systémique, voire civilisationnelle. Mais en tout cas,
48:19ce qui est clair, c'est que les expériences qui commencent
48:22avec des objectifs trop ambitieux ont
48:25beaucoup plus de chance de se planter et ensuite, c'est l'inertie.
48:28On n'aime pas se planter.
48:31Donc, voilà. Ça me renvoie un petit peu
48:34à une anecdote qu'il faut quand même comprendre
48:37sur la question de l'innovation.
48:40En fait, c'est mon fils qui m'avait fait comprendre.
48:43Il me dit, c'était marqué bien sur son devoir.
48:46Il avait eu 14.
48:49Il savait pas trop quoi en penser du bien
48:52pour 14. 14 sur 20,
48:55c'est pas fameux. C'est pas 10 non plus.
48:58Donc, c'est bien ou c'est pas bien?
49:01En termes d'innovation, je voudrais vous rappeler que dès qu'on se plante
49:04en général dans notre société, on a une conséquence,
49:07sauf en pharmaceutique.
49:1090 % des innovations en pharmaceutique
49:13sont des échecs.
49:16Ça va pas sur le marché.
49:19Ça ne soigne pas ce que c'est censé soigner.
49:22C'est pas considéré comme étant efficace ou ayant des effets
49:25notoires ou négatifs trop importants.
49:28Il y a un plan de réussite qui fait que le 90 %
49:31peut être payé.
49:34Une compagnie pharmaceutique accepte des échecs de 90 %.
49:37Nous, à 90 %,
49:40ce que mon fils me dit d'ailleurs,
49:43donc un élu qui réussit une fois sur deux, c'est quand même pas si mal que ça.
49:46Voilà.
49:49Et donc, en fait, cette culture de l'innovation, de l'échec,
49:52du retour sur expérience n'est pas encore assez diffusée.
49:55C'est un point absolument nécessaire dans toutes les institutions.
49:58Et ça, c'est une des caractéristiques,
50:01dans les études qu'on a menées, des villes et des entreprises
50:04et des territoires qui sont innovants.
50:07Échouer n'est pas le cauchemar.
50:10C'est une manière d'apprendre.
50:13Donc, on essaie bien entendu de réduire les échecs au max,
50:16mais l'idée, c'est que l'échec
50:19est une source d'amélioration pour après.
50:22On se dit ça, on ne recommence plus jamais
50:25parce qu'on a trop morflé.
50:28Ça, on va reprendre le machin et on va l'adapter
50:31et ça, c'est super bien.
50:34Mais moi, je vous rappelle qu'jusqu'en 2010-2012,
50:37on faisait un paquet d'expérimentations et franchement,
50:40on ne savait même pas pourquoi quelque chose semblait fonctionner ou pas.
50:43C'est grave. Là, on commence à savoir, on commence à comprendre quand même.
50:46Ça, c'est le risque comme source d'apprentissage.
50:49Il n'y a rien de technique là-dedans.
50:52On est vraiment dans du subjectif et on en est dans la culture des organisations.
50:55Il y a beaucoup d'entreprises qui vous disent,
50:58innover, c'est le futur.
51:01Mais dès que vous faites une erreur, vous n'avez plus de contrat intéressant,
51:04vous n'avez plus de sujet intéressant, vous arrêtez de faire partie des équipes intéressantes.
51:07Oui, bon, on peut l'avoir en règle, l'innovation,
51:10mais s'il n'y a pas une culture de l'innovation, du retour sur l'expérience
51:13et de l'erreur, ça ne marche pas.
51:16Et ça, c'est vraiment pas facile. Je ne sais pas comment transformer une culture.
51:19On dirait que c'est quelque chose qui est sur le long terme.
51:22Donc, certaines villes l'ont, certaines villes l'ont pas.
51:25Certains services l'ont, certains services l'ont pas.
51:28Ce qui apparaît assez clair, c'est que même en matière de recherche,
51:31mais c'est vrai pour les politiques publiques, c'est vrai pour les pouvoirs publics,
51:34les gens qui sont intéressés par les questions de transition
51:37sont des gens qui sont en général moins conservateurs que les autres.
51:40C'est-à-dire que le changement leur fait moins peur.
51:43Ils sont prêts à apprendre de leur expérience, de leurs échecs.
51:46Et ça, c'est vrai même pour la recherche.
51:49C'est-à-dire que les chercheurs qui travaillent sur le climat
51:52ont tendance à être moins monodisciplinaires
51:55et à travailler dans des silos que les autres.
51:58Parce qu'on réalise qu'avoir fait que de la sociologie du climat,
52:01que de l'économie du climat,
52:04on passe toujours à côté de quelque chose d'important.
52:07Donc, ce qui fait qu'on a des beaux débats entre les économistes et les sociaux,
52:10sur le signal prix en particulier, j'aime bien les titiller là-dessus.
52:13Mais n'empêche que sans économistes avec lesquels j'ai bossé,
52:18il y a pas mal de choses que je comprendrais franchement moins bien
52:21parce que j'étais trop formé sociaux,
52:24mais que maintenant je peux intégrer dans mes recherches
52:27pour tenter d'évaluer le poids du prix parmi d'autres facteurs de décision
52:30parce que je sais qu'il n'y a pas que le prix qui compte.
52:33Et donc ça, ça sert beaucoup entre nous à le faire.
52:36Donc, cette ouverture vers le travail en transversal,
52:39en multidisciplinaire, en transdisciplinaire, super important,
52:42je dirais encore plus important pour la biodiversité.
52:45Finalement, sauver la planète comme argument d'acceptabilité.
52:48Je déteste le mot d'acceptabilité sociale.
52:51Je vais vous dire pourquoi.
52:54L'acceptabilité sociale en général est interprétée comme étant binaire.
52:57Soit les gens veulent, soit ils en veulent pas. Non.
53:00On peut penser qu'une politique publique de mobilité est acceptable,
53:03mais penser que c'est applicable aux autres et pas à soi.
53:06C'est toujours les autres le problème avec les accidents de la route.
53:09C'est jamais soi-même.
53:12Et donc, c'est toujours les autres qui polluent et qui ont le choix de faire autre chose,
53:15mais moi, j'ai pas le choix.
53:18Donc, le niveau d'acceptabilité, là, voilà.
53:21Deuxième chose, c'est que l'acceptabilité, c'est sur un continuum.
53:24Je peux être en parfaitement désaccord et en opposition très fort,
53:27militante, convaincue,
53:30je peux être en indifférence, rien à foutre,
53:33et je peux être en accord total aussi.
53:36Et entre les trois, il y a tout ça.
53:39Et les modalités, les conditions pour lesquelles on peut accepter ou pas quelque chose
53:42peuvent rien avoir avec l'écologie.
53:45On peut refuser une politique de transition écologique
53:48parce qu'en fait, j'ai pas envie d'avoir froid 18 chez moi.
53:51Tout simplement.
53:54Ou parce que j'ai pas le temps à passer sur le...
53:57Comment est-ce que j'ai le droit à quoi comme aide financière, là?
54:01Il y a la région qui offre ça, mais seulement à partir d'un certain montant de revenu.
54:04Sinon, bien, il y a le département qui m'aide,
54:07et il y a peut-être la ville, et puis...
54:10Non, j'ai pas envie de passer du temps.
54:13J'ai rencontré des chefs d'entreprise qui ont arrêté des projets d'amélioration
54:16d'efficacité énergétique parce qu'en fait, ils étaient incapables de savoir
54:19à quoi ils avaient le droit comme aide. Simplement à cause de ça.
54:22Là, vous pouvez dire, bien, ils sont pas si convaincus que ça,
54:25mais quand on est dirigeant d'une petite entreprise de 10 à 15
54:28ans, on fait déjà quatre boulots différents, on n'a pas ça.
54:31Quand on est une grande entreprise, on a une équipe qui le fait,
54:34qui suit la réglementation, qui va tenter d'influencer
54:37les futures recommandations européennes sur des machins, des trucs.
54:40Bien sûr qu'ils ont le temps de le faire et de le voir venir,
54:43mais pas la petite entreprise. Et donc, en fait, en général,
54:46moi, ce que j'ai trouvé, c'est que
54:49il faut utiliser tous les arguments
54:52possibles pour amener à non seulement
54:55accepter, mais intégrer, à s'approprier
54:58et à changer de comportement. On peut accepter que
55:01quelque chose existe, dire oui, et ensuite retourner à son barbecue de viande
55:04et dire, oui, oui, c'est vrai. Être végétarien, c'est mieux pour la santé,
55:07c'est mieux pour la planète. J'accepte tout ça,
55:10mais je vais quand même faire mon barbecue parce que ça sent trop bon.
55:13OK? Et donc, en fait,
55:16le bien-être, le confort, la justice sociale, la bonne bouffe,
55:19les loisirs, la relaxation.
55:22On présente maintenant le vélo
55:25plus que comme un moyen de combattre le climat dans plusieurs villes,
55:28mais comme une manière super plaisante de se déplacer.
55:31Bon, à Paris, je ne sais pas comment vous faites.
55:34Franchement, moi qui suis un maniaque du vélo, je ne vois pas comment vous faites.
55:37Moi, quand je vais chez moi, les trois quarts du temps, je ne suis même pas sur la route.
55:40Je suis sur une piste cyclable sécurisée. Ensuite, je suis le long
55:43d'une rivière avec des arbres partout. C'est à peine si je vois une voiture
55:46où je l'entends. Pas dangereux non plus.
55:50Mais ceci étant dit, ce qui est important ici, c'est que
55:53oui, il ne faut pas oublier de sauver la planète,
55:56mais ce n'est pas un argument qui va mener à des changements de pratiques.
55:59Il faut utiliser d'autres choses.
56:02Donc, on améliore le niveau de connaissance en parlant écologie,
56:05on tente d'influencer les représentations sociales,
56:08mais pour les pratiques avoir un effet sur le réel, il faut parler
56:11d'autres choses.
56:14Et ça, c'est pour me faire plaisir moi-même.
56:18Pour ceux qui ont des références cinématographiques,
56:21c'est le Sensei qui dit...
56:24Non, ça ne vous dit rien.
56:27Karate Kid, le vrai.
56:30Voilà, je laisse
56:33le plancher ouvert à des questions.
56:36J'ai couvert quand même pas mal de trucs un peu superficiels parfois.
56:39L'idée, c'était de vous
56:42partager ce que les sciences des comportements
56:46peuvent dire sur ces questions de transition.
56:49Avec une dernière conclusion, je vais être un peu provoque,
56:52mais je vais vous dire franchement,
56:55depuis deux ans, je suis devenu convaincu
56:58que le mot transition écologique est complètement à côté de la plaque.
57:01C'est voir même de l'hypocrisie.
57:04Je vous dis pourquoi.
57:07Parce que le problème, ce n'est pas l'écologie.
57:10L'écologie, c'est la conséquence de nos actes.
57:14Le problème, ce n'est pas l'écologie.
57:17Le problème, c'est nos activités humaines.
57:20On ne devrait pas parler de transition écologique,
57:23on devrait parler de transition humaine.
57:26Si on réussit notre transition, l'écologie va s'en porter mieux.
57:29Mais ce n'est pas en implantant des ruches en ville
57:32qu'on va sauver l'écologie.
57:35Donc, on fait un peu fausse route quand on utilise ce terme
57:38de transition écologique, même s'il faut se comprendre.
57:41La transition écologique est une conséquence de nos actes.
57:44Et donc, ce n'est pas en s'attaquant aux conséquences
57:47de nos actes qu'on va guérir le problème.
57:50Le problème est la source potentielle de solutions,
57:53mais c'est nous.
57:56Donc, juste pour être bien sûr que vous compreniez
57:59où on se situe maintenant de plus en plus dans les sciences sociales,
58:02on en est là avec quelque chose qui émerge,
58:05qui moi me pose problème, c'est que dans la littérature scientifique
58:08dans le monde, quand on parle d'adaptation au changement climatique,
58:11on a parlé de modification, d'adaptation, etc.
58:14Depuis 2020, on parle de transformation
58:17de notre civilisation.
58:20Moi, je trouve ça super facile de dire il faut une transformation
58:23de notre civilisation pour sauver le climat, etc.,
58:26sur papier, dans des articles publiés,
58:29dans des revues, dans les rapports du GIEC.
58:32Très bien. Mais en termes d'acceptabilité sociale,
58:35je ne suis pas sûr que ça passe.
58:38Pas quand on comprend ce que ça veut dire dans notre quotidien
58:41et en termes d'impact profond sur nos modes de vie.
58:44Donc, j'ai un peu des débats sur cette question de transformation.
58:47Probablement que c'est absolument nécessaire
58:50et je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure stratégie d'en parler.
58:53Voilà. Merci.
58:56Applaudissements

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