Valérie Hayer, eurodéputée et présidente du groupe Renew Europe au Parlement européen, était l'invitée politique de franceinfo soir, mercredi 30 avril 2025.
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00:00France Infossoir, l'invité, Aurélie Herbemont.
00:06Bonsoir Valérie Ayet.
00:07Bonsoir.
00:08Vous êtes eurodéputée, présidente du groupe Renew Europe au Parlement européen.
00:13Ça fait 100 jours que Donald Trump est à la Maison Blanche.
00:15Il avait promis de régler la guerre en Ukraine en 24 heures.
00:18On n'y est pas.
00:19Mais le président américain pense que Vladimir Poutine veut la paix.
00:23Et vous ?
00:24D'abord, je voudrais dire, peut-être un premier bilan de ces 100 jours.
00:27Alors, ces 100 jours, ces premiers 100 jours de Donald Trump nous ont plongé dans un monde nouveau.
00:33Et dans un monde dans lequel l'Europe a toute sa place.
00:35Ce monde nouveau, c'est un monde d'instabilité avec la remise en cause de l'architecture de sécurité mondiale bâtie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
00:43C'est un monde dans lequel il ouvre une guerre commerciale avec la terre entière.
00:46On va y revenir sur la guerre commerciale.
00:48Sauf la Russie, sauf la Biélorussie et sauf la Corée du Nord.
00:52Et un monde dans lequel il challenge notre modèle démocratique.
00:55Et donc, l'Europe, elle a toute sa place à jouer dans ce nouveau monde pour assumer un leadership, son rôle de puissance européenne.
01:03Sauf que pour l'instant, c'est plutôt Donald Trump qui mène la danse sur la question ukrainienne.
01:08Justement, j'y venais.
01:10Effectivement, Donald Trump essaie de mettre l'Europe de côté.
01:13Et on voit bien que... Alors, peut-être qu'il a un deal avec Vladimir Poutine. Je ne le sais pas.
01:18Qui, pour l'instant, entre ses limites.
01:20Exactement. C'est que ça a été une phase de test dans la relation entre Donald Trump et Vladimir Poutine.
01:25Puisque Donald Trump pensait visiblement, sincèrement, que Vladimir Poutine cherchait la paix.
01:29Or, on voit bien que ça n'est pas le cas.
01:31Ce que Donald Trump doit comprendre, et ce que nous, Européens, on lui dit depuis le début,
01:35c'est que la paix ne peut pas se faire sans les Ukrainiens, et elle ne peut pas se faire sans les Européens.
01:41Aujourd'hui, l'enjeu pour l'Europe, mais aussi pour les Etats-Unis de Donald Trump,
01:44pour assurer une paix durable en Ukraine, c'est d'abord de créer les conditions pour renforcer l'Ukraine.
01:51Pour que Vladimir... Volodymyr Zelensky, pardonnez-moi, le moment où les négociations commenceront,
01:56pour que Volodymyr Zelensky soit en position de force ou pas trop de faiblesse, en tout cas.
02:00Exactement. Et puis que l'Europe travaille, et c'est le cas,
02:04notamment sous l'impulsion d'Emmanuel Macron, qui a été rejoint par le Premier ministre britannique,
02:09Keir Starmer, que l'Europe travaille aux garanties de sécurité.
02:12C'est-à-dire les conditions de sécurité dans lesquelles la paix sera durable.
02:17Et en fait, l'Europe, Donald Trump ne voulait pas de l'Europe,
02:20mais l'Europe s'est invitée quand même dans ces discussions.
02:23Et c'est cette initiative-là qui a été mise en place par le Président de la République,
02:27et qui sera clé pour demain.
02:28Pour l'instant, il n'y a pas de paix en Ukraine.
02:31On semble encore loin. Vladimir Poutine annonce une trêve de trois jours à partir du 8 mai.
02:38Mais est-ce que, quand même, vous considérez que Donald Trump a fait avancer un peu les choses
02:42vers une résolution de ce conflit ou pas du tout ?
02:45Un peu quand même ou pas ?
02:46Il avait promis que le conflit trouverait une résolution en 24 heures,
02:51au lendemain de sa prise de fonction.
02:52On voit bien que le compte n'y est pas aujourd'hui.
02:56Les choses, clairement, n'ont pas avancé.
02:58Vladimir Poutine joue avec Donald Trump.
03:00Et d'ailleurs, Donald Trump sera patient et menace de ne plus jouer son rôle de médiateur.
03:05Je ne sais pas si on peut l'appeler comme ça.
03:06Est-ce que ce serait un problème si les Etats-Unis disaient
03:08« Bon, finalement, en fait, je ne veux plus du tout m'occuper de ça. »
03:10Mais il faut que Donald Trump revienne vers les Européens et vers les Ukrainiens.
03:15C'est ce qu'on lui propose depuis le début,
03:16à savoir renforcer l'Ukraine et trouver une résolution durable au conflit.
03:21C'est possible si on s'y met tous, si on aide l'Ukraine.
03:23Et évidemment que le plan de paix travaillé par Volodymyr Zelensky,
03:28les garanties de sécurité travaillées par les Européens,
03:31elles pourront s'appliquer avec le soutien des Etats-Unis.
03:34Donc j'espère que Donald Trump, une fois qu'il aura définitivement pris conscience
03:38que Vladimir Poutine n'est pas un allié pour lui,
03:41reviendra à un peu de sagesse pour effectivement régler le conflit en Ukraine.
03:46Vous plaidez pour que l'Europe joue les premiers rôles.
03:49Pour l'instant, ce n'est pas vraiment le cas.
03:50Mais est-ce que Donald Trump a réveillé l'Europe pour la forcer finalement
03:54à prendre son destin en main sur la question ukrainienne
03:56et plus globalement de sa défense ?
03:58Assurément, si on doit chercher du positif dans le désordre mondial
04:04que Donald Trump a lui tout seul est en train d'accélérer et d'organiser.
04:08C'est le moment de l'Europe.
04:10C'est le moment pour l'Europe d'assumer sa puissance politique, géopolitique,
04:14en matière militaire aussi.
04:16On a des atouts en Europe.
04:17On est 27 pays, 450 millions d'habitants,
04:21des militaires, plus de 1 million de militaires.
04:23Mais pour l'instant, on a du mal à se faire entendre.
04:24La puissance nucléaire.
04:25Non, je ne suis pas d'accord avec vous parce que, évidemment, c'est ce que je vous ai dit tout à l'heure.
04:29Poutine ne calcule pas l'Europe, pour le dire un peu trivialement.
04:31Oui, mais Poutine ne calcule pas l'Europe.
04:32Mais vous savez, il y a quelques semaines, quand il a commencé à prétendre
04:35qu'il était prêt à travailler sur des négociations,
04:38la première chose qu'il a demandé, c'est que les banques russes soient réintégrées
04:42au système bancaire mondial.
04:44Et vous savez qui a pris cette première sanction ?
04:47Et vous savez où est situé ce système ?
04:49Le cœur de ce système bancaire, il est en Europe.
04:51Donc, en décidant de sanctions contre la Russie,
04:54même si Donald Trump disait demain, on va lever les sanctions,
04:56les Etats-Unis vont lever des sanctions,
04:58en Europe, on a pris des sanctions,
05:00on a été extrêmement fermes contre la Russie
05:02et on a des leviers de pression sur Vladimir Poutine
05:04d'un point de vue économique,
05:06d'un point de vue militaire aussi,
05:08en soutenant l'Ukraine et en renforçant notre propre défense européenne.
05:11C'est le moment, véritablement, d'avancer sur la défense européenne
05:14et c'est le sens du plan à 800 milliards d'euros
05:15qu'a présenté Ursula von der Leyen il y a quelques semaines.
05:19Valérie Ayet, vous le mentionniez au début de cet entretien,
05:21Donald Trump a aussi bousculé le monde en matière commerciale,
05:2425% de droits de douane sur les voitures et l'aluminium européen,
05:2710% sur le reste des produits pendant trois ans.
05:30Est-ce que vous croyez que ça va pouvoir revenir
05:32à la situation antérieure avec des droits de douane
05:34très faibles entre l'Europe et les Etats-Unis ?
05:37Alors, visiblement, il a pris conscience ces derniers jours
05:40que sa stratégie n'était peut-être pas la meilleure.
05:42Ni dans l'intérêt du monde, ni dans l'intérêt des Américains.
05:47Aujourd'hui, ce qui se passe, et on le voit,
05:49les chiffres qui sont tombés aujourd'hui,
05:51depuis...
05:51Sur la croissance américaine ?
05:53Exactement.
05:53La croissance américaine en chute de 0,3 point de PIB.
05:56Il dit que c'est la faute de Joe Biden.
05:57Bien sûr, évidemment, c'est la fausse de tout le monde,
06:00sauf la sienne.
06:00La réalité, c'est quoi ?
06:02C'est qu'il déstabilise complètement l'économie américaine,
06:06il déstabilise l'économie mondiale.
06:08Évidemment, il avait promis qu'il relancerait la dynamique économique du pays
06:13et qu'il ramènerait du pouvoir d'achat aux Américains.
06:16Qu'est-ce qui se passe ?
06:17Il est en train de mener une guerre commerciale à la Terre entière.
06:20Ça va évidemment avoir un impact de l'inflation,
06:23des prix supérieurs pour les Américains
06:24et aussi, potentiellement, des débouchés moindres
06:27pour les entreprises américaines
06:28parce qu'évidemment, on ne va pas se laisser faire.
06:31Ursula von der Leyen, justement, et Donald Trump
06:33ont convenu de se voir.
06:34Il n'y a pas de date.
06:35Est-ce que ce n'est pas un problème pour négocier ?
06:36Alors qu'il y a 15 jours, il a vu Georgia Meloni.
06:39Alors, il a vu Emmanuel Macron il y a quelques semaines.
06:42Georgia Meloni, effectivement, est allée à Washington.
06:45Et celle qui gère la politique commerciale européenne,
06:48il ne l'a toujours pas vue, vraiment.
06:49Oui, mais la réalité, c'est qu'il n'aura pas d'autre choix
06:51que de parler à Ursula von der Leyen.
06:52Même s'il ne le veut pas,
06:53parce qu'il déteste cet objet politique qu'est l'Europe.
06:56C'est 27 États qui ont décidé de s'organiser politiquement
06:59pour peser dans les affaires du monde.
07:01Mais il n'aura pas d'autre choix
07:02que de parler à Ursula von der Leyen.
07:04Parce qu'il a besoin de trouver un accord avec nous.
07:06Il est parti, là, avec son agressivité,
07:09sa guerre commerciale.
07:10Il pensait qu'on allait plier.
07:11Il pensait que les Canadiens allaient plier.
07:13Au contraire, on a mis en place des mesures de rétorsion
07:16et il est obligé de négocier.
07:17Donc, tôt ou tard, il devra parler à Ursula von der Leyen.
07:20Et aujourd'hui, la Commission européenne
07:21a déjà présenté une première série de contre-mesures
07:24qui, pour l'instant, sont suspendues.
07:26Le temps que les mesures américaines plus agressives
07:29sont suspendues aussi pendant trois mois.
07:30Exactement.
07:31Pour envoyer un signal de bonne volonté sur la négociation.
07:33Mais en même temps, la Commission européenne dit
07:35qu'elle continue de travailler sur des mesures de rétorsion.
07:37C'est-à-dire que si Donald Trump
07:38continue son agressivité vis-à-vis de l'Europe,
07:41eh bien, on en tirera les conséquences
07:42et on dégainera nous aussi.
07:44On doit montrer les muscles pour protéger
07:45les intérêts de nos entreprises et des Européens.
07:47Valérie Ayet, un petit peu de politique française
07:50puisque vous êtes secrétaire générale déléguée de Renaissance,
07:53proche de Gabriel Attal.
07:54François Bayrou a commencé ce matin
07:56à consulter pour instaurer la proportionnelle
07:58aux élections législatives en France.
08:01Renaissance dit que le scrutin actuel est le moins pire.
08:03Est-ce que vous, vous êtes pour ou contre
08:04la proportionnelle aux législatives ?
08:06Alors, la question de la proportionnelle,
08:09elle pose surtout la question de la capacité
08:11à bâtir des majorités de projets au Parlement.
08:14Moi, personnellement, je suis plutôt en faveur
08:15de la proportionnelle.
08:16Parce qu'au Parlement européen, ça fonctionne comme ça.
08:18Exactement. Au Parlement européen, ça fonctionne comme ça.
08:21Ça fonctionne très bien.
08:22Moi, je suis présidente...
08:23En France, plutôt mal.
08:23Oui, vous voyez, mon expérience au Parlement européen,
08:26je suis présidente du groupe Centriste
08:27et tous les jours, je parle, je négocie avec mes homologues
08:30de la droite européenne, des socialistes européens
08:32et des verts européens.
08:33Et on arrive à trouver des terrains d'entente.
08:34Ça ne veut pas dire qu'on est d'accord sur tout.
08:36Bien évidemment.
08:37Mais on est dans une logique constructive et de compromis.
08:40Et vous pensez qu'un proportionnel pour les législatives françaises,
08:43ça permettrait de changer la culture politique
08:45et de forcer tout le monde à avoir cette culture de coalition ?
08:47Alors moi, c'est la question que je pose aujourd'hui
08:49aux responsables politiques.
08:50Parce qu'on a vu, après les dernières élections,
08:53que finalement, l'Assemblée nationale, aujourd'hui,
08:55ressemble à peu près à ce qu'aurait pu être
08:57une Assemblée nationale avec une proportionnelle.
08:59Sauf que, on est encore dans les postures.
09:02Les responsables politiques...
09:03Et moi, je déplore notamment l'attitude de la gauche
09:05de gouvernement l'année dernière,
09:08qui a refusé de s'inscrire dans une logique
09:10de dépassement dans l'intérêt des Français.
09:12Depuis le début d'année, le Parti Socialiste
09:14a renoncé à censurer.
09:15Effectivement.
09:16Donc, il y a un pas.
09:16Parce qu'ils ont tiré les enseignements.
09:18Ils ont compris que ce n'était pas dans leur intérêt
09:19de déstabiliser le pays.
09:22Moi, ce que je pense, c'est que,
09:23un, il faut de la maturité
09:25du côté des responsables politiques français.
09:27Je déplore qu'elles ne soient pas là à ce stade.
09:30Et, effectivement, le changement de scrutin
09:32peut peut-être obliger les uns et les autres
09:34à se parler davantage.
09:36Mais j'aurais souhaité que ce débat s'inscrive
09:39dans une réflexion plus large.
09:41Dans une réflexion, peut-être en mettant en place
09:43une convention citoyenne,
09:45un débat plus large auprès des Français
09:46pour se poser la question de...
09:48Comment on rétablit de la confiance
09:51entre les Français et nos institutions ?
09:53En ayant un débat large
09:54sur le mode de scrutin,
09:56sur les modalités de vote
09:57et sur, par exemple, la participation citoyenne
10:00pour vraiment recréer du lien
10:01et redonner de la confiance dans nos institutions.
10:03Donc, très bien que le débat soit mis sur la table.
10:06Je regrette qu'il ne soit pas plus large
10:08pour véritablement redonner du cœur
10:11et de l'élan à notre modèle démocratique.
10:13Une toute dernière réponse, très rapidement.
10:16Gabriel Attal pense à la présidentielle de 2027.
10:19Gérald Darmanin aussi assume de plus en plus y penser.
10:22Édouard Philippe est déjà déclaré candidat pour Horizon.
10:25Est-ce qu'il faudra une primaire
10:26pour départager tout ce petit monde ?
10:28Alors, je pense qu'avec notre famille politique,
10:31on a une double responsabilité,
10:32celle de l'unité et celle de la continuité du dépassement.
10:35C'est l'une des raisons pour lesquelles...
10:37Sinon, il y a un risque de ne pas être au second tour.
10:39Effectivement.
10:40Donc, on a plusieurs personnalités.
10:42Ce n'est pas un secret de dire que moi,
10:43je soutiens Gabriel Attal.
10:46Ce qui compte que...
10:47Primaire ou pas primaire ?
10:48Personnellement, je suis plutôt favorable à la primaire.
10:50Mais c'est trop tôt pour le dire.
10:51En tout cas, ce qui sera clé,
10:52c'est véritablement qu'on soit unis le moment venu
10:54avant la veille de l'élection présidentielle, évidemment.
10:57Merci Valérie Ayet.
10:58Merci à vous.
10:59Et merci Aurélie Herbebon.
11:00On se retrouve à 20h pour les informer.
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