Interview Brut : Oxmo Puccino

Brut

"Un de mes jouets à moi, c'était le hip-hop" Brut a rencontré Oxmo Puccino chez lui, dans le 19ème à Paris. Il raconte comment ce quartier a fait de lui ce qu'il est aujourd'hui.

Transcript

00:00C'est les brutes.

00:03Place des fêtes, place des teufs.

00:16C'est les quartiers qui m'a fait, donc ma musique, mes expressions, ma façon de parler,

00:40ma manière d'aborder.

00:41Même quand tu étais plus dans un rap de go trip et tout, les choses que tu dis, les

00:50noms que tu cites, c'est propre au 19ème.

00:54Et ce qui est inspirant, c'est les personnalités que tu peux rencontrer.

01:04Il y a du lourd, et les gens les plus lourds ne sont pas les plus célèbres, mais les

01:09gens les plus célèbres ne s'inspirent que ces gens-là.

01:11Donc dans le 19ème, il y a des personnalités connues de tous les gens, qui sont très inspirantes.

01:19Ils font partie des gens qui m'ont inspiré.

01:21On va monter là.

01:25Dans mon quartier, il y a un cri, ça fait huit, et tous ceux qui entendent ce cri savent

01:37que ça vient du 19ème.

01:38C'est étrange.

01:39Et si tu fais ça, c'est que tu viens du 19ème.

01:48Pendant longtemps, il y avait une manière de s'habiller, douze ans en cuir noir court,

01:56lunettes Fred ou Cartier, 501 et petites chaussures blanches.

02:04Ça, tu peux le demander partout, ça vient du 19ème.

02:11J'ai commencé à rapper à 20 ans, mais avant de rapper, j'ai dansé, j'ai beaucoup dessiné,

02:19à l'époque où c'était important de dessiner.

02:22Donc j'ai toujours été dans le milieu, depuis l'âge de 11 ans.

02:26Et je me rappelle que vers l'âge de 12-13 ans, j'allais déjà dans les concours de

02:31rap, les compétitions de danse, tout seul, 12 ans.

02:35Parce qu'en même temps, je compare ça à la passion des jouets.

02:41Tu vois, quand t'es tes potes, vous avez 12 ans et il y a un nouveau jouet qui vient

02:45de sortir, vous allez le voir au magasin, vous êtes tombés fous.

02:48Un de mes jouets, moi, c'était le hip-hop.

02:50Comme j'avais pas de potes avec qui vivre ça, j'y allais tout seul.

02:53Selon tes propos, soit tu fais partie du passé, soit t'es à l'heure.

02:57C'est très très simple.

02:58Moi, c'est comme ça que je classe les gens.

03:00Quand ils arrivent sur moi avec des clichés des années 90, je sais très bien qu'ils

03:03font partie du passé.

03:05Et je les laisse là-bas, parce que si je commence à rentrer dans le débat, je vais

03:08les rejoindre dans le passé.

03:10Ça m'intéresse pas.

03:11Moi, je kiffe cette époque comme un dingue.

03:13C'est ce que je me dis souvent, c'est que ça valait le coup d'attendre, parce que

03:17c'était inespéré.

03:18Je pouvais pas dire, un jour, il y a plein de gens qui vont écouter du rap, il va y

03:22avoir des concerts avec des salles pleines.

03:24C'était impensable, impensable, impensable.

03:27Donc moi, je suis comme un dingue.

03:31Je traînais toujours avec des gens, avec des potes, j'allais en soirée.

03:35Et il y avait ma pote Nadine, que je dédicace tout le temps, parce que c'est ma pote Nadine,

03:40qui m'a fait connaître des gens du milieu, et qui m'a demandé de lui écrire des textes.

03:44Et là, c'est parti.

03:46J'ai essayé d'écrire pour moi, ça a plu, et j'ai continué.

03:49C'est juste, ouais.

03:51Et ça, j'ai pas hésité à le faire, parce que plein de fois, je me suis retrouvé sur

03:54scène, dans des concerts, et je voyais les mecs, et je me disais, ça, je peux le faire,

03:59ça.

04:00C'est pas très dur.

04:01Et en effet, c'est pas très dur.

04:03C'est tout ce qu'il y a autour qui est dur.

04:04C'est tout ce qui emmène à ce moment-là.

04:06Quand je commençais à rapper, je me suis tiré.

04:08Faut toujours se tirer de son quartier quand tu commences à faire, quand tu commences

04:11à évoluer.

04:12Toujours, toujours.

04:13Avant, c'était un terrain de tennis, ici.

04:16Il n'y avait rien de tout ça.

04:19C'est vague.

04:22C'est fou.

04:23Et non, non, quand ton rap commence à faire du truc, il faut te tirer.

04:27Pourquoi ?

04:28Parce que toi, tu viens d'un quartier.

04:31Pourquoi ? Je le sais aujourd'hui pourquoi.

04:33Parce que tu cristallises tous les fantasmes qu'on peut se faire sur la réussite, alors

04:44que t'es qu'un chanteur.

04:45T'es qu'un chanteur qui fait du bruit en ce moment, mais pour qui rien n'est promis.

04:49Mais dans l'endroit où t'es, c'est déjà un truc de ouf de faire du bruit à ce point-là.

04:56Qu'on parle de toi au travail, qu'on parle de toi.

04:58Et donc, tu vas cristalliser toutes les frustrations et tous les fantasmes, mais sur toi tout seul.

05:04Et il y a du bien et il y a du très difficile.

05:08Et le très difficile fait souvent que les artistes tombent immédiatement après la

05:16célébrité.

05:18Et s'éloigner physiquement, va avec ce qu'on appelle la réussite.

05:26Rends ça logique, légitime.

05:29Et quand tu reviens, on est toujours content de te voir.

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