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  • 25/03/2025
REPLAY - Coronavirus : William Dab, ancien directeur général de la santé et épidémiologiste évoque la gestion de la crise par le gouvernement. Il répond à Rémy Buisine et à vos questions.

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00:00:00Bonjour à toutes et bonjour à tous, on est en direct sur Brut avec William Dabb qui est
00:00:04ancien directeur général de la santé et épidémiologiste. Bonjour à vous, merci de nous
00:00:09accorder du temps pour ce direct. On a beaucoup de questions à vous poser, on va parler de la
00:00:13gestion de cette crise notamment par le gouvernement, par la gestion de cette épidémie notamment, où
00:00:18on en est aujourd'hui. Mais cette première question justement avec le recul qu'on peut avoir
00:00:23aujourd'hui, c'est de se dire est-ce que finalement le gouvernement est à la hauteur de la gestion de
00:00:27cette crise pour vous ? Avant de parler du gouvernement, je pense qu'il vaut mieux parler
00:00:38du système économique, le système politique qui nous gouvernait jusqu'à tout récemment. Ce que
00:00:50nous vivons actuellement c'est l'histoire d'un terrible échec, un échec dans lequel
00:00:56on a privilégié le profit à court terme, on a oublié que la prévention était rentable,
00:01:06on n'a eu aucune vision prospective par rapport à la survenue d'une pandémie dont de très
00:01:15nombreux épidémiologistes disaient la vraisemblance de la survenue. Et cette pandémie nous a surpris
00:01:25comme s'il n'y avait eu aucun signal d'alerte, comme s'il n'y avait eu aucun travail qui permettait
00:01:34de penser qu'un jour ou l'autre nous ferions face à une situation comme celle-là et qu'il
00:01:40fallait s'y préparer. Mais à cette époque-là on nous disait qu'il n'y avait plus d'argent et qu'au
00:01:49contraire il fallait réduire les dépenses de l'état et les dépenses de santé. Et ceci a été
00:01:59le discours de tous nos gouvernements depuis au moins une vingtaine d'années. Donc la question
00:02:07n'est pas tellement ce que le gouvernement actuel a fait ou n'a pas fait, même s'il y a des questions
00:02:14à se poser. La question c'est aussi pourquoi depuis si longtemps nous avons vécu avec des
00:02:24responsables aussi imprévoyants. D'imprévisions c'est ça ? Manque de prévoyance ? Bien sûr,
00:02:31bien sûr. Ce qu'on appelle la santé publique, c'est à dire l'action en matière de santé qui
00:02:44est pensée et organisée au niveau des populations. Tous les systèmes de santé ont deux pieds si vous
00:02:50voulez. Il y a un pied de services qui sont rendus aux individus. C'est la médecine, ce sont les
00:02:57EHPAD etc. Et il y a un pied de services qui sont pensés au niveau de la population, au niveau
00:03:08collectif. La France, et c'est pas nouveau, la France se caractérise par un très fort déséquilibre
00:03:18entre les deux pieds. Chaque fois que nous dépensons 100 euros dans le domaine de la santé,
00:03:2596 euros vont au pilier des soins individuels, 4 euros vont à la prévention collective. C'est
00:03:35un très fort déséquilibre, et c'est celui que nous payons aujourd'hui, alors même que le
00:03:41confinement coûte à notre économie environ 150 milliards d'euros par mois. C'est à dire beaucoup
00:03:49plus, beaucoup beaucoup plus que ce qu'une politique de prévention raisonnable aurait coûté. Cette
00:03:59crise aujourd'hui, ça me permet peut-être de rebondir sur la première question maintenant qu'on a pu
00:04:04introduire justement sur, on va dire, la gestion sur ces dernières années, sur l'introduction un peu
00:04:09de la situation sanitaire, de la gestion de la santé depuis peut-être, c'est quoi, 10, 15, 20 ans pour
00:04:16vous ? Au moins, oui je dirais depuis les années 90. Aujourd'hui, si on part justement sur la
00:04:33première question que je vous posais, sur la gestion de la crise, si on part peut-être dans
00:04:36un aspect chronologique, l'avis que vous en faites aujourd'hui ? La chronologie, elle est facilement
00:04:52accessible. Moi, je pense que ce qui est intéressant à souligner, et c'est un réflexe que j'ai souvent
00:05:03noté chez les dirigeants politiques, quand on est face à une situation à risque, on n'est pas sûr de
00:05:11ce qui va arriver, mais peut-être que quelque chose va arriver. Le premier réflexe des responsables
00:05:17politiques, notamment en France, je dis notamment en France parce que dans nombreux pays, ça s'est
00:05:24passé comme en France, mais dans d'autres pays, ça ne s'est pas passé comme chez nous, le premier
00:05:29réflexe, c'est de rassurer. Et là, dans ce domaine-là, je pense qu'en France, alors là, vraiment,
00:05:39nous avons fait très fort. Le virus n'arrivera pas en France, puisque Wuhan est désormais confiné,
00:05:48et s'il arrive, nous sommes prêts. On n'avait pas de masque, pas beaucoup, pas de test, mais on nous
00:05:57a dit, nous sommes prêts, nous avons un excellent système de santé. Quand on parle de système de
00:06:03santé, on voit bien qu'on parle du système médical, on ne parle pas du système de prévention, parce
00:06:10que si on parle du système de prévention, c'était évident que nous n'étions pas prêts. Nous avons
00:06:16très peu de professionnels de santé publique en France, je parle pas des experts, nous avons une
00:06:22bonne expertise épidémiologique, nous avons une bonne expertise en santé publique, mais pour gagner
00:06:28des batailles contre des virus ou des bactéries ou d'autres problèmes de santé, il faut avoir
00:06:36des professionnels de terrain. Et ça, nous en avons très peu en France. Dans nos agences régionales
00:06:46de santé, il y a très peu de professionnels de santé publique, je ne crédite pas leur qualité,
00:06:51bien évidemment, je critique le fait que quantitativement, ils sont évidemment insuffisants
00:06:58pour faire face à ce à quoi nous devons faire face. Voyons donc quoi regarder. Les Chinois,
00:07:07quand ils ont mis en place leur dispositif de maîtrise de l'épidémie, notamment à Wuhan,
00:07:17dans la province de Hubei, ils ont envoyé sur le terrain 1 800 équipes de 5 personnes,
00:07:30quasiment 10 000 professionnels, encadrés par des épidémiologistes, pour identifier les cas
00:07:39positifs, pour identifier les contacts et les isoler. Parce que ce qu'on nous a présenté comme
00:07:46étant la construction d'un hôpital en moins d'une semaine, ce n'était pas un hôpital pour soigner,
00:07:53c'était des lieux où on allait isoler les personnes contagieuses pour casser les chaînes
00:08:01de transmission. Ce travail-là en France n'est pas faisable à cette hauteur-là et c'est ce que
00:08:08nous payons aujourd'hui. Pourquoi il n'est pas faisable ? Parce que nous n'avons pas suffisamment de
00:08:13professionnels de santé publique sur le terrain pour faire ce travail. La France, c'est historique,
00:08:19n'a jamais suffisamment investi pour lutter contre ces phénomènes épidémiques. C'est-à-dire quoi ?
00:08:28Qu'on a délaissé les choses pendant de longues années ? Que la conséquence de ce qui se passe
00:08:33aujourd'hui, c'est un abandon d'une certaine politique efficace qui aurait pu permettre d'éviter
00:08:39la situation dans laquelle on est aujourd'hui en France et peut-être dans d'autres pays ?
00:08:43C'est historique si vous voulez, on peut faire un petit détour historique. La première grande loi d'hygiène en France,
00:08:51de Louis Pasteur, la loi qui découle des découvertes de Pasteur et de ses élèves, c'est 1902.
00:09:01Les britanniques l'avaient promulguée 20 ans auparavant, les allemands pareil.
00:09:08Parce qu'en France, une des raisons de cette situation est, et je pense qu'il y a toujours
00:09:27eu une tension forte entre la liberté individuelle et la sécurité du groupe.
00:09:35En France, la liberté individuelle a toujours prévalu par rapport à des pays, on peut dire les
00:09:43pays anglo-saxons, on peut dire les pays à majorité protestante, les pays du nord de l'Europe, où la
00:09:51dimension collective de la santé a toujours été plus présente. Évidemment, en situation épidémique,
00:10:00on ne peut pas demander à chacun de se protéger contre les virus et les microbes. Seule une action
00:10:07collective organisée permet de le faire. Cette approche-là a toujours été négligée en France.
00:10:18Il faut attendre la grande épidémie de grippe de 1918-1920 pour que la France crée un ministère
00:10:29de la santé publique, d'ailleurs qui s'appelait le ministère de l'hygiène publique. Alors avant,
00:10:35qu'est-ce qui se passait ? Eh bien avant, c'était une direction du ministère de l'intérieur qui
00:10:40était chargée de ces questions. Et ça, les médecins ne pouvaient pas l'accepter. Les médecins, à juste
00:10:47titre à mon avis, ne pouvaient pas accepter que la santé publique, qui éventuellement a besoin
00:10:55d'agir au niveau des groupes, soit sous le contrôle du ministre de l'intérieur, c'est-à-dire du
00:11:01ministre de la police. La deuxième dimension, et ça je l'ai bien vécu quand j'étais au ministère et
00:11:11où avec le ministre Jean-François Mathié, on a préparé la loi de santé publique de 2004,
00:11:18il y avait cette idée, il y a une ambiguïté en France autour de ce que veut dire le mot
00:11:25public. Dans le monde entier, vous prenez le thème de public health, vous prenez n'importe
00:11:34quel livre de public health et on vous dit immédiatement qu'il s'agit de s'occuper de
00:11:39la santé au niveau de la population. Public health veut dire population health, la santé
00:11:46de la population, mais pas en France. Parce qu'en France, depuis la révolution française, le mot
00:11:52public désigne ce dont vont s'occuper les pouvoirs publics au nom de l'intérêt général. Donc nous
00:12:03avons les libertés publiques qui sont garanties par l'état, nous avons la fonction publique,
00:12:09etc. Nous avons la sécurité publique et donc dans ce sillage-là, la santé publique c'était
00:12:22l'intervention de l'état dans le domaine de la santé. Alors ça c'est une erreur dont on a mis
00:12:29un siècle à se remettre, parce qu'il est clair que ni les patients, ni les médecins ne veulent
00:12:38voir l'état s'immiscer dans le domaine de la santé. Et donc je dirais que ce biais conceptuel,
00:12:45cette incompréhension du deuxième pilier du système de santé dont je parlais à l'instant,
00:12:53explique les retards que nous avons pris. Je me souviens, vous me dites si ça vous semble pas
00:13:04intéressant, je défendais en commission des affaires sociales de l'assemblée nationale en
00:13:122003 le projet de texte de loi de santé publique, la loi qui sera promulguée en août 2004. Et dans
00:13:22cette loi, on disait, pour faire compréhensible, la santé publique n'est pas le monopole de l'état,
00:13:34et des acteurs privés peuvent être des acteurs de santé publique. Et bien aussi bien chez les
00:13:45députés de droite que de gauche, cette explication n'était pas du tout, cette conception n'était pas
00:13:53du tout évidente, et disait ah non non non non, la santé publique ça doit être les pouvoirs publics.
00:14:01Et j'avais du mal à m'en sortir, j'avais du mal à argumenter et d'un seul coup, un peu pousser
00:14:13dans mes retranchements, je leur ai dit écoutez, qui agit sur le sida sur le terrain ? Qui va dans
00:14:24les écoles parler de la protection contre le sida ? Qui va dans les entreprises ? Qui a créé des
00:14:35communautés qui réfléchissent aux meilleurs moyens de défendre les différents droits des
00:14:44personnes atteintes du virus, du sida, de les défendre, de faciliter l'accès au traitement ?
00:14:50Est-ce que ce sont les pouvoirs publics qui ont fait ça ? Je leur dis, ben non, vous savez très bien,
00:14:56c'est l'association Aide, entre autres, qui a fait ça. Tous les députés disent, ah bah oui, évidemment.
00:15:02Vous savez qu'Aide, c'est une association de la 1901, c'est donc de statut privé. Vous allez dire
00:15:10aux volontaires de Aide qui se dépensent pour combattre cette épidémie pour laquelle, bon,
00:15:21on avait des traitements en 2003, d'accord, mais on n'avait toujours pas de vaccins, vous allez leur dire
00:15:26à ces professionnels qu'ils ne font pas de la santé publique, qu'ils n'agissent pas au niveau des
00:15:33groupes et des populations ? Ah ben non, on ne peut pas leur dire ça. Donc vous voyez, de très nombreuses,
00:15:39de très nombreux acteurs qui ne sont pas de statut public font de la santé publique. Il nous faut
00:15:51changer la représentation de ce qu'est la santé publique. Ce qu'il veut dire aujourd'hui,
00:15:56c'est quoi ? Trop de bureaucratie ? Je termine là-dessus, je vais y revenir. Et finalement,
00:16:06on sait, les députés, dans un jeu d'abonnement, se sont mis d'accord sur le fait que la conception
00:16:14et l'évaluation des actions de santé publique, c'est la responsabilité de l'État. Ça c'est sûr.
00:16:21La politique de santé publique est de la responsabilité de l'État. Alors d'ailleurs,
00:16:26j'ouvre une parenthèse, aidez-moi à ne pas perdre le fil, parce qu'à l'époque, qui était
00:16:35responsable de la santé de la population ? Figurez-vous que ce n'était pas clair. Est-ce
00:16:41que c'était l'État ? Est-ce que c'était la sécurité sociale qui n'est pas l'État ? Est-ce
00:16:48que c'était les collectivités territoriales ? Eh bien, c'était écrit nulle part. Donc là,
00:16:54cette loi, au moins, a écrit pour la première fois que la conception en amont et l'évaluation
00:17:00en avant des politiques de santé publique sont de la responsabilité de l'État, pas de la sécurité
00:17:06sociale de l'État. Et qu'entre les deux, l'action de santé publique peut être menée par des acteurs
00:17:15très divers, qu'ils soient de statut public ou de statut privé. Mais vous voyez, ça fait moins
00:17:25d'une vingtaine d'années qu'on a clarifié ce qu'était la notion de santé publique, d'action
00:17:31de santé populationnelle en France. Si on revient justement sur la situation aujourd'hui dans la
00:17:42gestion de cette crise sanitaire liée au Covid-19, il y a notamment la question, et on en parle juste
00:17:47avant par exemple, on l'a évoqué avec Edwi Plenel, qui nous a expliqué les tenants et aboutissants de
00:17:51son enquête sur la gestion des masques et les nombreuses pénuries qu'on a pu entendre ici et
00:17:55là. Qu'est-ce que vous faites, vous, comme analyste par exemple, par rapport à la gestion des masques,
00:18:01par exemple ? Moi, je crois qu'il ne faut pas se tromper de cible. Bien entendu, les ministres de
00:18:09la santé de la décennie 2010-2020 vont être très critiqués, mais ça ne marche pas comme ça. Les gens
00:18:21doivent comprendre que ça ne marche pas comme ça. Moi, pendant six ans, j'ai défendu à Bercy, je
00:18:29faisais partie des réunions au ministère des finances où se décidait le budget du ministère
00:18:35de la santé. Avant même qu'on ait commencé de présenter quoi que ce soit, les fonctionnaires
00:18:44de Bercy nous disaient « bon, écoutez, on va être très clair, dans le domaine de la santé,
00:18:49on a la sécurité sociale. La sécurité sociale, globalement, c'est un budget supérieur à celui du
00:18:56budget de l'État, donc vous vous calmez, parce que vous avez des leviers sur énormément, énormément
00:19:04d'argent ». Et vous voyez, c'est énormément d'argent, c'est vrai, mais c'est de l'argent pour les soins,
00:19:09ce n'est pas de l'argent pour la prévention organisée. Et ça, ils ne voulaient pas le comprendre. Donc,
00:19:16si on veut aller au bout des choses et au bout de notre système de décision politique, on pourra
00:19:25reprocher à tel ou tel ministre de la santé les décisions qui ont été prises, mais ça c'est trop
00:19:31superficiel. La vérité, c'est que les décisions sont prises à Bercy et nous vivons pendant, depuis
00:19:39au moins deux décennies, dans une véritable inversion de la décision politique et de la
00:19:45décision démocratique. Normalement, le ministère du finance est là pour apporter les outils et les
00:19:53moyens permettant aux autres ministères de déployer leur politique. Et là, clairement, c'est ce qu'il
00:20:00fait pas pour vous. C'est l'inverse. C'est l'inverse. Les autres ministères sont au service de la
00:20:08vision que Bercy a des dépenses publiques et des priorités du pays. C'est fondamentalement ça que
00:20:20nous payons actuellement. Une vision comptable de nos politiques publiques. Et qui fait que,
00:20:29évidemment, la prévention a servi de variable d'ajustement. Parce que dépenser aujourd'hui
00:20:36pour un risque qui n'est pas certain, qui pourrait arriver mais on ne sait pas quand, et bien dans
00:20:44une vision court-termiste, on a toujours mieux à faire. Et c'est ça, si dans l'après-crise nous
00:20:51n'interrogeons pas ce mécanisme de décision démocratique et politique, et si nous nous
00:20:58contentons de dire à tel ou tel ministre qu'il n'a pas bien fait, je vous dis qu'on va passer
00:21:04à côté de quelque chose et qu'une deuxième et une troisième pandémie surviendront de la même
00:21:12façon. Il faut invexer l'ordre des choses. C'est-à-dire qu'on vous dit qu'une deuxième
00:21:15troisième pandémie ne sert que pour vous ? Ce qui se passe là avec le Covid-19, ça va revenir ? On
00:21:19va vivre la même chose dans les prochaines années, prochaines décennies avec d'autres virus ?
00:21:22Ça me semble évident. J'ai publié un que sais-je qui s'appelle santé et environnement. La première
00:21:33édition date de 2007, je l'ai entièrement réécrit l'été dernier. Et je l'ai réécrit pour deux
00:21:40raisons. Premièrement, parce que la menace climatique, les perturbations climatiques sont
00:21:50devenues un très grand enjeu que j'abordais un tout petit peu en 2007, mais pas à la hauteur
00:21:55de ce que ça devait être. Et la deuxième raison, c'était le risque pandémique. Et j'explique dans
00:22:02ce livre que la mondialisation, la proximité à l'Himalayen, les conditions d'hygiène déplorable,
00:22:09la déforestation créent les conditions de survenue de pandémie. On est tellement dans
00:22:20la difficulté actuellement que j'hésite un peu à vous le dire, mais en vérité autant regarder les
00:22:25choses en face. Rien ne dit que par-dessus le coronavirus, nous n'allons pas avoir une deuxième
00:22:33pandémie. Parce que les conditions d'émergence du coronavirus, elles continuent d'exister.
00:22:38Tu sais lesquelles pour vous ces conditions d'émergence ? C'est ce que je viens de vous dire.
00:22:41L'écologie notamment. Bien évidemment. Si on peut s'étaler peut-être sur le point de l'écologie,
00:22:44parce que c'est vrai que c'est un point important, parce que des fois on ne fait pas le rapprochement
00:22:47sur l'écologie. Mais bien évidemment. Bien évidemment. Le fait qu'on mette l'homme en
00:22:52contact avec des animaux qui vivaient entièrement dans des forêts, sans contact avec l'espèce
00:22:59humaine, a créé les conditions d'un passage de virus, de l'animal à l'homme. Vous couplez ça
00:23:10avec une urbanisation de presque 60% de la population aujourd'hui qui vit en ville,
00:23:16les transports internationaux, le commerce mondial, la mondialisation de notre économie,
00:23:25une faiblesse de l'hygiène dans un certain nombre de pays. Vous créez quasiment expérimentalement
00:23:37les conditions nécessaires à la survenue d'une pandémie. Et les perturbations climatiques,
00:23:47ça c'est connu. Alors là, énormément de travaux ont été publiés là-dessus. Je dis les
00:23:54perturbations climatiques parce qu'il y a à la fois le réchauffement, mais pas que. C'est un
00:23:58bouleversement de notre système climatique. Regardez, c'est exactement le même
00:24:07mécanisme. L'homme et nos décideurs réfléchissent trop à court terme. Nous demander de faire des
00:24:15efforts aujourd'hui pour éviter en 2050, en 2060, ce que la quasi-totalité des scientifiques
00:24:23jugent inévitable. Regardez les difficultés que nous avons avec ça. Et des grands pays,
00:24:29des grandes puissances qui refusent absolument les contraintes de l'action préventive. C'est
00:24:39évidemment vrai des États-Unis, c'est vrai du Brésil, c'est vrai d'une certaine façon de la
00:24:46Russie. Les Chinois, je dirais, sur la question du climat, distinguent le court terme et le long
00:24:56terme. Parce qu'à court terme, ils ont besoin du charbon. Mais en même temps, ils font un énorme
00:25:01effort de nucléarisation du pays pour échapper à la pyramide du charbon. Mais c'est exactement le
00:25:10même problème. Si nous n'arrivons pas à agir immédiatement sur les causes des perturbations
00:25:18climatiques, peut-être pas nous, mais nos enfants vont en subir les conséquences, comme nous
00:25:24subissons tous ensemble actuellement les conséquences du fait qu'il y a 20-25 ans, la perspective d'une
00:25:31pandémie n'a pas été prise au sérieux. Donc un manque d'anticipation, c'est ce qu'on évoque
00:25:36depuis le début. Alors ça, c'est quand même étonnant au XXIe siècle. Parce que la peste qui a
00:25:45tué un tiers de la population européenne, on ne pouvait qu'être que fataliste. La notion de
00:25:54contagion n'était pas comprise, la notion de microbe n'existait pas. Donc on ne pouvait rien
00:26:02faire. La pandémie de grippe de 18-20, 80 millions de décès dans le monde, au moins 500.000 en France,
00:26:11c'est pareil. Le virus de la grippe, on ne connaissait pas. Les bactéries, on ne les
00:26:17connaissait pas. Pas de vaccins, pas d'antibiotiques, pas de réanimation. On ne pouvait que subir. Mais
00:26:25au XXIe siècle, on a les outils scientifiques que nous avons, on a les outils médicaux que
00:26:31nous avons. Et donc rien de tout ça, on ne peut pas dire que là on est surpris, on ne peut pas dire
00:26:42qu'on ne comprend pas. Et pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, nous avons le
00:26:47savoir qui nous permet de ne pas subir, de ne pas être fataliste. Donc gagner cette bataille est un
00:26:55énorme enjeu. Ce sera un grand tournant dans l'histoire de l'humanité. Pour la première fois,
00:27:01l'homme refuse la fatalité d'une pandémie. Tout le monde sait qu'on a déjà gagné des batailles
00:27:09contre des épidémies. On vient récemment de gagner la bataille, une de plus, contre Ebola. Mais Ebola
00:27:16n'était pas une pandémie. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que nous sommes en
00:27:23mesure de gagner une bataille contre une pandémie. Et ce qui est rageant, c'est que pour la première
00:27:31fois dans notre histoire, nous avons le savoir pour le faire. Nous avons les moyens médicaux,
00:27:36nous avons les moyens technologiques, et que nous nous retrouvons dans cette situation d'échec. Et
00:27:43c'est ça dont il nous faut absolument tenir compte, et en tirer les leçons, y compris pour des
00:27:50problèmes qui nous semblent plus lointains, mais qui nous tomberont dessus de la même façon,
00:27:55et notamment les perturbations climatiques. Alors sur l'instant aujourd'hui, quand on parle du
00:28:02confinement, on a à peu près un mois maintenant de confinement. Un peu plus, oui. Voilà, c'était
00:28:08un mois jour pour jour, à peu près. Aujourd'hui, on voit encore qu'il y a à peu près 2000 personnes
00:28:14qui rentrent à l'hôpital par jour. Hier, c'était 270 personnes en réanimation. Alors, pour le deuxième
00:28:20jour consécutif, le nombre total de personnes hospitalisées a baissé. En réanimation, ça baisse
00:28:24tout doucement. Mais on se dit, comment ça se fait qu'après près d'un mois de confinement, ce qu'on
00:28:29disait à l'instant, on arrive encore à avoir autant d'hospitalisations et autant d'entrées en
00:28:33réanimation ? Parce que même s'il y a une tendance à la baisse, elle reste quand même importante
00:28:37aujourd'hui. Vous avez entièrement raison. Je note que même si vous n'êtes pas épidémiologiste,
00:28:44vous posez la bonne question en termes d'épidémiologie. Parce que qu'est-ce qui compte
00:28:49dans la maîtrise d'une épidémie ? C'est la connaissance du taux d'attaque. Le taux d'attaque,
00:28:54c'est le nombre de nouveaux cas qui surviennent chaque jour. Or, c'est pas du stock dont il faut
00:29:01nous parler. Le stock, c'est important pour la planification hospitalière, pour dimensionner le
00:29:07nombre de lits dont nous avons besoin. C'est utile, bien sûr. Ça ne dit rien, le stock de
00:29:13malades à l'hôpital ou en réanimation sur la dynamique de l'épidémie. Seul le taux d'attaque,
00:29:19le nombre de nouveaux cas, compte. Eh bien, c'est très curieux. Alors, je pense qu'il n'y a que
00:29:30quatre explications au fait qu'après un mois de confinement, on ait encore un tel flux quotidien
00:29:38de nouveaux malades. Premièrement, le confinement est imparfaitement respecté. C'est vrai jusqu'à
00:29:48un certain point, ça peut y contribuer. Je pense pas que ce soit la raison principale. Deuxièmement,
00:29:55il y a des gens qui continuent de travailler, qui donc prennent les transports en commun,
00:30:02sont dans les entreprises, vous par exemple. Vous travaillez, vous vous déplacez et donc
00:30:10vous pouvez être mis en contact avec le virus. Troisième explication possible,
00:30:21peut-être que le virus est transmis par aérosol et pas seulement par les gouttelettes,
00:30:28auquel cas sa contagiosité serait encore plus forte que ce que l'on pensait. Nous n'en avons
00:30:34pas la preuve. Les infectiologues sont divisés là-dessus, mais tous disent ok, c'est peut-être
00:30:42une possibilité. Est-ce que ce serait une source majeure de contamination ? La plupart des
00:30:47infectiologues à qui j'ai parlé disent non, parce que pour développer la maladie, il faut une
00:30:54certaine quantité de virus. Même si on croise le virus dans la rue, il n'est pas évident qu'on
00:31:00va en respirer suffisamment pour déclencher une maladie. Et il y a la quatrième explication,
00:31:09et celle-là, beaucoup de gens l'ont réclamée depuis un mois. Moi, j'ai pris position là-dessus
00:31:20très fortement depuis trois semaines. On laisse des gens contagieux sortir de l'hôpital parce
00:31:30qu'ils n'ont pas besoin de soins et qu'on a besoin de lits à l'hôpital. Et ils vont où,
00:31:35ces gens ? Ils retournent chez eux. C'est-à-dire qu'on les fait sortir trop vite ? On les fait
00:31:40sortir trop vite parce qu'il faut libérer des lits pour les malades qui ont besoin de soins.
00:31:44Ces gens n'ont pas besoin de rester à l'hôpital. Médicalement, tout va bien. On les renvoie chez
00:31:51eux parce qu'on a besoin du lit pour soigner. C'est logique. Mais ils sont encore contagieux
00:31:59et on les renvoie où ? On les renvoie chez eux. Alors moi, je veux bien. Évidemment,
00:32:04on ne va pas leur donner de masque. Les soignants n'en ont pas suffisamment. Et on va leur dire
00:32:10respecter l'hygiène des mains, la distance physique chez des gens qui, parfois, vivent
00:32:17dans 40 mètres carrés à 4. Ce n'est juste pas possible. Ces gens-là devraient aller dans des
00:32:27lieux isolés jusqu'à ce qu'ils ne soient plus contagieux au moins 14 jours après la fin des
00:32:35symptômes. Les hôtels sont vides. On devrait les mettre à l'hôtel. C'est une stratégie. Les
00:32:41mettre à l'hôtel. Mais il y a d'autres lieux. On a des gymnases qui sont vides. On a plein
00:32:47d'endroits qui sont vides, qui peuvent être très facilement équipés, comme les Chinois l'ont fait,
00:32:52parce que c'est des centres d'isolement qui nous font, ce n'est pas des centres de soins.
00:32:57Ce n'est seulement qu'aujourd'hui qu'à Paris, avec notamment le groupe Accor, la solution est
00:33:06en train d'être mise en place. On a perdu un mois. Un mois de perdus ? Absolument. Il ne faut
00:33:13pas s'étonner qu'on a encore ce flux. Je veux bien que le stock baisse. Heureusement. Après cet
00:33:19effort qu'on a demandé à la population d'un confinement généralisé, si on n'avait pas eu
00:33:26une baisse du stock de malades, il y aurait réellement quelque chose qu'on ne comprendrait
00:33:32pas. Mais comme vous le dites, on a entre 1 000 et 2 000 nouveaux cas par jour. Déjà,
00:33:39comme les Chinois l'ont fait, nous devrions investiguer au plan épidémiologique ces cas,
00:33:46pour essayer de trouver les situations dans lesquelles ces nouveaux cas qui arrivent tous
00:33:53les jours à l'hôpital ont été contaminés. Ça, on ne le fait pas ? Non, on ne le fait pas. Depuis
00:33:59que la France est en phase 3 de l'épidémie, il a été décidé de ne plus investiguer les nouveaux
00:34:07cas. Je pense que c'est une erreur épidémiologique de base. Parce que c'est vrai qu'il faut rappeler
00:34:12au départ que, quand il y a eu les premiers cas de coronavirus ensemble, en France, on cherchait
00:34:16ce qu'on appelait le patient zéro, c'est-à-dire celui qui était en son entourage. Et au début,
00:34:23ça a très bien marché. Je comprends que, compte tenu de tout ce qu'on a dit plus tôt,
00:34:33la France n'a pas suffisamment d'épidémiologie de terrain. Elle n'a pas suffisamment d'épidémiologie
00:34:38sur le terrain. Et donc, on ne peut pas faire ce que les Chinois ont fait. Une épidémiologie,
00:34:44ça prend un peu de temps à le former. Mais en revanche, si on ne peut pas être exhaustif,
00:34:53qu'est-ce qui nous empêche de faire par échantillonnage ? Par exemple, si on fait un
00:35:00échantillonnage au dixième, au lieu d'avoir à investiguer 2000 personnes par jour, on est à 200.
00:35:08Et si on fait un échantillonnage au vingtième, on est à 100. Peut-être que sans enquête par jour,
00:35:15c'est faisable. Là, on peut mobiliser des gens, notamment dans les centres hospitalaux
00:35:24universitaires, notamment dans des équipes de l'INSERM, où on a des épidémiologistes aguerris,
00:35:32évidemment à l'Institut Pasteur également, qui est un excellent département d'épidémiologie,
00:35:38et on pourrait investiguer ne serait-ce qu'une centaine de cas par jour. Où se sont-ils contaminés ?
00:35:44Comment peut-on penser, décider du confinement et de s'enlever si on n'a pas cette donnée de base ?
00:35:53On joue au dé quand on fait ça. Annoncer la date du 11 mai sans avoir cette donnée,
00:36:00de savoir où les nouveaux cas se contaminent, c'est jouer au dé avec la santé de la population.
00:36:07C'est-à-dire que pour vous, la date du 11 mai, on s'avance trop à l'annoncer ?
00:36:11La vérité, c'est que je n'en sais rien, parce que je n'ai pas la donnée dont je vous parlais à l'instant,
00:36:20et ce que j'ai noté, c'est que le Président n'a donné aucune justification épidémiologique à sa
00:36:29décision relative au 11 mai. Aucun. A aucun moment dans son discours, il n'a justifié cette décision.
00:36:39Et ça veut dire quoi qu'on est sur une décision qui est politique et pas scientifique ?
00:36:43La décision, elle est politique, ça ne me choque pas. Elle est évidemment politique, et ce n'est pas péjoratif pour moi.
00:36:51Nous avons des autorités, des gouvernants qui sont là pour prendre des décisions pour nous protéger.
00:37:00Donc la décision est politique. La décision d'assouplir le confinement ne peut pas être
00:37:07purement scientifique ni purement épidémiologique. En revanche, que le politique nous explique
00:37:15l'ensemble des arguments qu'il a pris en considération pour annoncer la décision du 11 mai,
00:37:25comme citoyen d'un pays démocratique, c'est ce que j'attends. Est-ce que la décision a été influencée
00:37:32par des facteurs économiques ? Sûrement. Et ce n'est pas péjoratif. Je n'ai jamais opposé l'économie
00:37:42à la santé publique. Si nous fabriquons 5 millions de chômeurs en France, c'est un drame de santé publique.
00:37:47Donc on ne joue pas la santé contre l'économie. Ce n'est pas une bonne manière de raisonner.
00:37:55Il n'est pas illégitime qu'on se préoccupe de l'état de santé de notre économie, parce que l'état
00:38:00de santé de notre économie influence notre état de santé à nous tous. Donc ce n'est pas illégitime.
00:38:07Mais est-ce que c'est ça qui a prévalu dans la décision du 11 mai ? Ou est-ce que c'est une
00:38:12analyse épidémiologique ? Ou les deux ? Je n'ai pas l'argument.
00:38:17On voit qu'au jour le jour, on les découvre, on défend ses versions plus pessimistes, plus optimistes,
00:38:25mais on se dit est-ce que finalement, en tant qu'épidémiologiste, on peut avoir une projection au 11 mai ?
00:38:30C'est ça vraiment la question. C'est impossible.
00:38:32Sans les données dont je vous parlais à l'instant, si on ne comprend pas où se contaminent les gens
00:38:39qui tous les jours doivent être hospitalisés pour être soignés du Covid, nous parlons du
00:38:45sexe des anges. C'est-à-dire que nous n'avons pas la donnée épidémiologique de base pour penser
00:38:53rationnellement la fin ou l'assouplissement du confinement.
00:39:01C'est un point qui est important sur cette date du 11 mai. On parle notamment aussi des conséquences du confinement.
00:39:06C'est ce que vous évoquiez quelque part à l'instant aussi. Au-delà du côté économique, c'est le côté psychologique
00:39:11pour chacun au quotidien. Ça va faire un mois, il y a encore au moins, a priori, un mois devant nous.
00:39:15Je me suis posé la question. Je la pose sous forme de question. Est-ce que nous sommes en train de basculer
00:39:31dans un moment où les inconvénients sanitaires du confinement pourraient être plus importants
00:39:37que le risque dont on veut nous protéger ? Quelles sont les conséquences ?
00:39:43Il y a très nombreuses conséquences d'effets, on peut dire, indésirables du confinement.
00:39:54Il y a déjà des études, pas françaises, mais on va en avoir. Il y a des études en cours
00:40:00là-dessus en France sur le niveau de stress, d'anxiété et de dépression des personnes confinées.
00:40:09Quand vous êtes tout seul, bien sûr, il y a internet, il y a le téléphone, mais vous vous rendez compte
00:40:17qu'il y a des gens qui sont tout seuls isolés depuis un mois. C'est une situation qui n'est pas du tout
00:40:26sans inconvénients sur la santé mentale. A l'inverse, il y a des gens qui habitent,
00:40:35et c'est là où on voit que cette épidémie est un formidable révélateur des inégalités dans la vie,
00:40:44des inégalités de vie. Il y a des gens où il peut y avoir 4, 5, 6 personnes confinées dans un logement
00:40:54qui n'est pas très grand. Inévitablement, il y a des tensions qui vont survenir. Ça a déjà été
00:41:01dit, ça a déjà été documenté, les violences intrafamiliales augmentent, les violences contre
00:41:06les femmes augmentent. Donc il y a également cette dimension intrafamiliale ou intrafoyée.
00:41:15Ensuite, il y a des gens qui travaillent à domicile, mais on ne les a pas préparés à travailler à
00:41:20domicile. Du jour au lendemain, on leur a dit, il y a un ordinateur, vous avez internet, vous allez
00:41:26travailler. Est-ce que leur logement est adapté ? Est-ce qu'au plan ergonomique, les postes de
00:41:34travail sont adaptés ? Alors il faut à la fois télétravailler, mais il y a aussi les enfants
00:41:42qui doivent faire l'école à la maison. Tout ça en même temps. Et donc ça, c'est une situation
00:41:52qui crée énormément de stress. Vous êtes en train de télétravailler, vous êtes en conférence
00:41:57téléphonique avec vos équipes, vos enfants qui en ont marre d'être confinés commencent à se chamailler.
00:42:03Vous voyez bien la situation que ça crée. C'est juste extrêmement difficile à vivre.
00:42:11Donc en termes de stress, en termes de troubles musculosquelettiques parce que les postes de
00:42:15travail ne sont pas adaptés, en termes de diminution de l'activité physique, c'est
00:42:24évident que les gens ont moins d'activité physique. Or l'activité physique est un très
00:42:33puissant facteur protecteur de la santé qu'en grande partie nous avons perdu. On peut faire
00:42:38des exercices à la maison évidemment, mais enfin c'est quand même pas pareil que d'avoir une
00:42:45activité physique régulière. Donc le confinement a toutes sortes d'inconvénients et encore un dont
00:42:54on va découvrir très bientôt les conséquences. C'est qu'en réalité, moi j'ai très nombreux
00:43:03témoignages de patients qui ont disparu là-dessus. Les cabinets de nos médecins de ville sont vides.
00:43:10Et c'est ce qu'on avait aussi entendu avec Philippe Juvin notamment qui nous disait que
00:43:14tous ceux qui ont des maladies graves, qui sont suivis pour ça, ils ont disparu depuis
00:43:18près d'un mois. Là il va y avoir de la casse. Ces maladies chroniques, que ce soit les diabètes,
00:43:23les asthmes, les cancéreux dont les chimiothérapies ont dû être décalées parce qu'on avait besoin
00:43:29urgentement de place, des opérations chirurgicales qui ont été reportées,
00:43:35il va y avoir cette mortalité indirecte là aussi liée au confinement, liée au fait que soit les
00:43:45gens ont peur de sortir, soit ça sert à rien qu'ils sortent parce que les soins dont ils ont besoin,
00:43:51notamment à l'hôpital, ne peuvent pas leur être offerts parce que l'hôpital est saturé
00:43:59par le Covid. Et ça c'est une mortalité et une morbidité, un ensemble de maladies qu'il faudra
00:44:07également imputer, peut-être pas directement mais indirectement au Covid. Donc oui, ce confinement
00:44:14est à la fois un échec, évidemment nous n'avions plus le choix. Pour vous c'est un échec ce
00:44:19confinement ? Je vous le redis, le fait qu'on ait dû recourir à un confinement généralisé est une
00:44:27défaite de la santé publique. C'est parce que nous n'avons pas fait ce qu'il fallait pour nous
00:44:33préparer que nous avons dû nous résoudre à utiliser cet outil. Mais un outil comme celui-là
00:44:41n'est ni complètement efficace, on le voit bien parce qu'il y a encore des nouveaux cas,
00:44:46ni sans inconvénients. Alors il a ralenti la progression épidémique, c'est bien le moins,
00:44:56et vraisemblablement grâce au confinement, nous avons sauvé le système, notre système
00:45:03hospitalier ne va pas s'écrouler. Il faut rendre hommage aux héros soignants, d'ailleurs on
00:45:09aimerait bien savoir quelle est la proportion qui ont été contaminés, chose qu'on ne sait
00:45:13toujours pas aujourd'hui. Quel est le prix que les soignants ont payé à leur héroïsme ? Ce serait
00:45:21la moindre des choses que de le savoir. Ce qu'on sait c'est malheureusement les décès,
00:45:26les cas les plus graves de ceux qui sont en réanimation, mais le nombre de personnes
00:45:30contaminées au total parce que la plupart n'ont pas été testées. Exactement, écoutez ça c'est
00:45:36quand même incroyable. Qu'on n'était pas préparé à ce point là, dans un pays comme la France,
00:45:43parmi les 8 plus grandes puissances économiques du monde, mais c'est honteux. Enfin on peut se
00:45:49regarder là, ce que nous avons fait collectivement, c'est honteux. Et je dis bien collectivement,
00:45:55parce que c'est un système, c'est ce système là qu'il va nous falloir autopsier. Je ne veux pas
00:46:02dire que c'était la responsabilité de tout le monde. C'est un système à dénoncer, à faire
00:46:06exploser après tout ça ? Ah ben là si on n'a pas compris, moi je sais, moi pour les générations
00:46:12là, la vôtre et celle de vos enfants, bon pour moi écoutez voilà. Ah ben oui là c'est dramatique.
00:46:20Non là c'est dramatique parce qu'on met en jeu ni plus ni moins que la survie de l'espèce humaine.
00:46:25Je suis persuadé de ça. On entendait parfois certains témoignages qui disaient, le confinement c'est un
00:46:29peu une technique moyenâgeuse, parce qu'on n'a pas d'autres moyens de se protéger. Oui, mais c'est
00:46:33vrai. Non mais qu'au 21e siècle nous devions recourir à un tel dispositif de prévention
00:46:45généralisée, c'est juste hallucinant. Mais c'est une défaite terrible. Alors qu'on a les connaissances,
00:46:54encore une fois, scientifiques, médicales, technologiques, pharmacologiques, on sait ce
00:47:01qui protège et ce qui ne protège pas. On connaît les modes de transmission du virus en grande partie,
00:47:08mais c'est incroyable. Et qu'au total, la seule chose qu'on arrive à faire, c'est le confinement
00:47:14généralisé de la population. Mais oui c'est le Moyen-Âge. Et le confinement on peut l'éviter
00:47:20avec quoi ? Le matériel notamment, c'est ça ? Parce qu'on sait que certains pays asiatiques ils ont,
00:47:23alors certains ont pris la décision du confinement, d'autres non. Il fallait des masques et des tests.
00:47:30Avec des masques et des tests on pouvait éviter ça ? Bien évidemment. Il faut revenir aux basiques de
00:47:35l'investigation des épidémies. Donc les mesures d'hygiène, les masques, les mains, le gel
00:47:42hydroalcoolique, le savonnage des mains, une distance de au moins 1m50, ça me paraît
00:47:51raisonnable. Les personnes qui ont des symptômes, on les teste. Elles sont positives, on les isole.
00:47:57On teste les contacts et on fait un confinement ciblé et de courte durée. Parce que les personnes
00:48:07porteuses du virus, en moyenne, en trois semaines, on peut les renvoyer à leur vie normale.
00:48:17Donc c'est pas un confinement de deux mois, c'est un confinement de trois à quatre semaines pour des
00:48:28personnes ciblées. C'est beaucoup plus efficace au plan épidémiologique et beaucoup moins pénalisant
00:48:34au plan économique. Et le fait qu'on n'ait pas été capable de se préparer de cette façon-là, alors
00:48:47que la loi de 2004, à laquelle j'ai contribué, complétée par la loi du
00:48:56sénateur Giroud en 2007, qui était excellente, qui est venue renforcer les dispositions pour
00:49:04gérer les situations d'urgence, que cet édifice-là ait été démoli au cours de la décennie 2010-2020,
00:49:13est juste invraisemblable. On parle souvent de la question des écoles, elle revient dans les
00:49:18commentaires, souvent on entend dire la première chose qu'on ferme c'est la dernière qu'on va
00:49:23rouvrir. Là finalement on voit que les écoles, ça a été la première décision du président de la
00:49:28république, deux jours après le premier ministre avait annoncé la fermeture des bars, avant que deux
00:49:33jours plus tard on annonce le confinement global. Il y a beaucoup de personnes qui nous regardent
00:49:37actuellement dans ce live, même notamment peut-être des parents ou même des élèves aussi, qui sont
00:49:40là peut-être dans les collèges, les lycées et autres, qui se disent le 11 mai, voilà on comprend
00:49:46pas trop pourquoi on nous fait rentrer maintenant, c'est quoi vous votre regard sur ça ? Alors qu'on
00:49:49a parfois entendu des épidémiologistes nous dire que l'école était un endroit où les enfants étaient
00:49:54super contaminateurs en étant asymptomatiques, parce qu'ils ne relevaient pas forcément de
00:49:58symptômes très graves ou même ça ne se voyait pas. Quelle analyse vous faites sur cette réouverture
00:50:04des écoles, qui est quelque chose qui revient pas mal dans les commentaires ? Le premier élément,
00:50:08j'en reviens à ça, c'est qu'elle n'est pas justifiée cette décision. Donc moi je ne sais
00:50:13pas les tenants et les aboutissants qui ont abouti à dire le 11 mai les enfants retournent à l'école.
00:50:19Puis après on a entendu qu'ils ne vont peut-être pas retourner tous. D'accord mais alors sur quels
00:50:25critères on va dire que certaines écoles sont ouvertes ou pas d'autres ? Donc je n'ai pas la
00:50:29réponse, je vais pas broder là-dessus, je n'ai pas la réponse. Maintenant au plan épidémiologique,
00:50:35c'est un peu compliqué. Et pour terminer, je vous dirai comment je verrai qu'on peut décider dans
00:50:44cette incertitude. Il sera d'ailleurs intéressant d'avoir un débat là-dessus. Le rôle des enfants
00:50:51dans la transmission du virus n'est pas clair. Que les enfants soient super propagateurs, moi je
00:50:58connais pas de travail qui l'a démontré. Les enfants sont peu touchés, ça c'est une évidence
00:51:04épidémiologique. Il y a beaucoup d'explications possibles, beaucoup d'hypothèses possibles pour
00:51:09l'expliquer, notamment le fait que les enfants sont plus en contact avec de nombreux virus et
00:51:17bactéries, qu'on les a vaccinés, que donc leur immunité est un peu boostée. Tout ça peut jouer
00:51:25un rôle. Sont-ils propagateurs et sont-ils super propagateurs ? Moi je ne le sais pas. Ce que je
00:51:32note, je n'ai pas connaissance, je lis à peu près tout ce qui se publie tous les jours dans la
00:51:40littérature médicale et scientifique mondiale, je n'ai pas connaissance d'un seul foyer épidémique
00:51:48dans une école, pas un. Ça ne veut pas dire qu'il n'existe pas. Pour l'instant, je ne l'ai pas vu
00:51:54décrit. En tout cas, on voit bien qu'avant la fermeture des écoles, nous n'avions pas d'argument
00:52:03pour penser que c'était un lieu particulièrement à risque élevé de maladies et de contagion.
00:52:10Voilà, ça c'est factuel. Alors, quand tirer ? Je terminerai là-dessus. Je pense, et ça dans
00:52:23notre culture française, ce n'est pas facile à admettre. Je pense qu'il nous faut procéder par
00:52:30essais et erreurs et je pense que nous avons besoin de responsables politiques courageux
00:52:36qui vont nous dire ça. Qu'est-ce que ça veut dire dans le cas des écoles ? Ça veut dire qu'il faut
00:52:43faire le pari, et je dis bien le pari, d'ouvrir certaines écoles. Ce qu'on pourrait d'ailleurs
00:52:52faire, à mon avis, dès maintenant dans certaines régions qui sont moins touchées.
00:52:56On ne peut pas forcément attendre le 11 mai, sauf que la réouverture de ces écoles doit être faite
00:53:04sous une surveillance épidémiologique intensive. On peut, si on prend quelques écoles test,
00:53:13quelques centaines d'écoles test, par exemple, on fait des prélèvements aux gamins au jour zéro,
00:53:18pas des prélèvements sanguins, des prélèvements dans le nez, un peu désagréable, mais c'est pas
00:53:25méchant. Alors déjà, on a le nombre d'enfants porteurs du virus à J0 et puis on fait la classe
00:53:33en respectant évidemment des mesures barrières. Peut-être que les classes doivent être moins
00:53:39nombreuses, etc. Et puis, toutes les semaines, on refait les tests et on voit si d'une semaine
00:53:48à l'autre, de nouveaux gamins se sont contaminés. Et en fonction des résultats, on décide, on poursuit,
00:53:55on arrête. Il nous faut rentrer dans une attitude pragmatique. C'est illusoire de croire que nous
00:54:05saurons tout pour prendre les bonnes décisions. Nos responsables vont être obligés de prendre
00:54:11des décisions sous incertitude. Il faut qu'ils le disent parce que les gens vont comprendre s'ils
00:54:17disent ça. Et il faut procéder par essai et erreur. On essaye. Si ça marche, on continue. Et si
00:54:26ça ne marche pas, on fait marche arrière. Pour tous les problèmes liés au déconfinement, c'est
00:54:34comme ça que je procéderai. Et je commencerai évidemment dans les régions où la circulation
00:54:39virale est la moins dense. En Ile-de-France, je ne m'amuserai pas à faire ça en ce moment. Je
00:54:46pense personnellement sur les projections épidémiques que l'on a, que le 11 mai sera trop
00:54:51tôt en Ile-de-France. Mais dans certaines régions, je pense que dès à présent, on pourrait essayer
00:54:59cette stratégie de déconfinement à condition de surveiller très rigoureusement et de très près
00:55:07les effets que ça a sur la circulation du virus. Et ça, c'est faisable. On se dit que la durée
00:55:14d'incubation est longue quand même, que des fois, les effets, on le voit sur le long terme. On voit
00:55:19par exemple que les personnes qui sont arrivées il y a 2-3 semaines, je pense fin mars, sont des
00:55:23personnes qui avaient été contaminées avant le confinement. Du coup, comment on arrive à avoir...
00:55:27Non, non, moi, je n'ai pas cette idée. Vous ne pensez pas ? Je ne sais pas. Peut-être que vous
00:55:31avez raison. Je n'ai pas vu une seule étude là-dessus. Certains épidémiologistes nous
00:55:35disent que la durée d'incubation peut être parfois entre 7 et 12 jours et que les formes les plus
00:55:41graves qui mènent à des hospitalisations aux alentours de 14. Alors après, c'est vrai qu'il y a
00:55:46des... C'est compliqué que ça, je pense. En moyenne, c'est environ une semaine d'incubation. Il y a des
00:55:54cas documentés jusqu'à 21 jours d'incubation. Il y a même quelques cas documentés jusqu'à 28 jours
00:55:59d'incubation. Mais du coup, c'est ça qui se dit, c'est comment on arrive à avoir une réaction rapide
00:56:07des choses. C'est-à-dire, est-ce que, par exemple, on ne peut pas tester quelque chose et ne pas foncer
00:56:11dans le mur et on s'en rend compte dix jours plus tard parce qu'on a les premiers effets de cette
00:56:15mesure qu'au bout de dix ou quinze jours, entre le moment où on incube le virus et le moment où on
00:56:19va avoir des symptômes ? Vous avez raison. Mais si on attend de tout savoir avant de prendre des
00:56:25décisions, dans deux ans, nous sommes encore confinés. Soyons clairs. Donc il faut faire et
00:56:35apprendre en faisant. Parce qu'on ne peut pas, on n'aura pas tout le savoir nécessaire pour avoir
00:56:42un déconfinement parfaitement rationnel et parfaitement sécuritaire. Nous ne l'aurons pas.
00:56:50Donc il faut faire des paris. Mais pas un pari national, tout le monde au travail le 11 mai. Non,
00:56:59il faut faire des paris locaux et, je redis, en essayant et en apprenant. Et ça, je pense que les
00:57:07gens peuvent le comprendre. Parce qu'il n'y a pas d'autre solution que celle-là. Il y a la question
00:57:12qui revient régulièrement, c'est sur la... On sait qu'il y a un mois, on a eu tendance à minimiser les
00:57:16choses, de dire... On entendait les termes, c'est qu'une grippette, c'est pas trop grave, on peut
00:57:21peut-être même viser l'immunité collective. Et puis finalement, les discours ont changé très
00:57:26rapidement, à aller même sur quelque chose, de dire ça peut être très contagieux, il y a des
00:57:33formes beaucoup plus graves que prévues. Qu'est-ce que vous en pensez ? Comment on a évolué là-dessus ?
00:57:37Est-ce que c'est parce... Je sais qu'une hypothèse qui a souvent été évoquée, c'est le fait de dire
00:57:40ben voilà, en Chine par exemple, on n'a pas eu toutes les données venant de la Chine qui permettaient
00:57:45de prendre en compte la dangerosité de ce virus. Et après, j'aurais encore une ou deux questions
00:57:49Je veux dire une chose, je suis professeur au conservatoire des arts et métiers, aujourd'hui je
00:58:00suis professeur émérite. J'étais titulaire de la chaire d'hygiène et sécurité du conservatoire
00:58:06national des arts et métiers jusqu'au 22 février dernier. Je n'avais pas du tout envie d'arrêter de
00:58:13travailler, mais j'étais atteint par les limites d'âge. Donc la fonction publique m'a gentiment
00:58:17demandé de partir. Je n'avais pas envie d'arrêter de travailler, mais je m'attendais quand même,
00:58:22j'avais besoin un petit peu, voilà, de ralentir un petit peu. Et évidemment, je peux vous dire
00:58:32une chose, mes étudiants pourront en témoigner, dès que j'ai su qu'il y avait transmission inter-humaine
00:58:37du coronavirus, et dès que j'ai su que contrairement au SRAS que j'avais géré en 2003, on était
00:58:45contagieux avant l'arrivée des symptômes, j'ai dit à mes étudiants, mi-janvier, nous aurons une
00:58:52pandémie. Ils m'ont regardé en disant, là le vieux était un peu loin, il est sur le point d'arrêter, il y a
00:58:59quelque chose qui va pas. Mais c'était évident, c'était absolument pour un épidémiologiste évident
00:59:06que les conditions, nouveau virus, pas d'immunité, transmission inter-humaine, contagion avant la
00:59:13survenue des symptômes, pandémie, c'est inévitable. Ou alors il aurait fallu que les chinois tuent le
00:59:20truc dans l'oeuf, mais dès le 15 janvier, en réalité, c'était trop tard.
00:59:28Du coup, j'ai perdu le fil. Votre question, s'il vous plaît. La question, c'est justement, moi j'ai un peu perdu ma question,
00:59:36j'ai un petit vide là. On parlait justement sur la Chine notamment, voilà, c'était ça. Est-ce que la Chine
01:00:00elle n'a pas minimisé les choses ? C'est ce qu'on évoquait, c'est de se dire voilà, aujourd'hui la Chine,
01:00:04il y a un mois on était là à se dire voilà, il y a un mois on se disait bon c'est pas trop grave, on a même vu des
01:00:13chefs de maladies infectieuses, des gens qui étaient très voilà très à la pointe, qui disaient bon c'est pas
01:00:18trop grave, on partait avec des discours rassurants, et puis finalement quelques jours plus tard nous disent,
01:00:22voilà, et vous vous nous disiez justement à l'instant que... Le 22 février, moi je pars en retraite et j'ai
01:00:29l'intention d'être quand même relativement tranquille et je commence à entendre de la part
01:00:35de certains médecins, des leaders dans leur profession, ce discours banalisateur, soit pour
01:00:46dire, ah non mais attendez, par rapport à une épidémie de grippe c'est rien du tout, soit pour dire écoutez
01:00:5280-85% des cas, on le sait déjà, sont très peu graves, c'est une grippette. Oubliez les émotions, restez sur la
01:01:02raison. Et je me suis mis à intervenir dans les médias, non pas parce que j'aime ça, mais parce que je me suis
01:01:09dit que c'est pas possible. Un épidémiologiste, moi qui ai compris, ce qui n'était pas un exploit, tous les
01:01:19épidémiologistes ont compris la même chose, je ne peux pas essayer de dire ça. Et je suis montré au
01:01:26créneau médiatique parce que j'ai vu le danger que ces gens étaient en train de créer. Et ces gens ont
01:01:35une forte responsabilité, parce que le politique, il écoute les alarmistes comme moi, et puis il
01:01:43écoute d'autres médecins qui disent écoutez vous êtes en train de nous refaire le truc de la pandémie,
01:01:48grippe à l'H1N1 2009-2010. C'est compliqué pour le politique. Et donc il dit je vais attendre un peu
01:01:58pour essayer d'y comprendre un peu plus. Et là on commence à perdre du temps. Plus ce que je vous
01:02:04disais tout à l'heure, c'est à dire que le réflexe habituel de nos responsables politiques est de
01:02:09rassurer. Ce que disent les responsables politiques c'est qu'il faut faire attention sinon la population
01:02:15va paniquer. Écoutez moi, en presque 40 ans de carrière de santé publique, je n'ai jamais vu
01:02:23une population paniquer. Jamais. J'ai vu une population paniquer, inquiète, parce qu'on
01:02:29lui disait pas la vérité. Inquiète parce qu'elle avait le sentiment qu'on n'était pas transparent,
01:02:35et qu'on essayait de la manipuler. Mais regardez dans un domaine beaucoup moins grave, l'incendie
01:02:41de Lubrizol à Rouen l'automne dernier. Mais regardez le préfet, la ministre de l'environnement,
01:02:49la ministre de la santé de l'époque qui nous disent tout va bien, rassurez-vous la pollution
01:02:55c'est comme d'habitude. Les gens armés voient un immense nuage noir au dessus de leur tête et on
01:03:01leur dit ne vous inquiétez pas, il n'y a rien à craindre. C'est toujours le même réflexe. Et ce
01:03:07réflexe est destructeur de la prévention et ça inquiète les gens. Alors que quand on dit aux gens
01:03:16oui nous faisons face à ça, oui il y a des incertitudes, voilà ce que nous mettons en place
01:03:22pour lever les incertitudes, voilà les mesures de précaution à adopter dans l'attente, les gens
01:03:29savent quoi faire. Mais quand les gens ont le sentiment qu'on les manipule et qu'on leur ment,
01:03:33alors là c'est pire que la panique, c'est la colère et c'est l'effondrement de la confiance.
01:03:39Et moi je vous garantis que dans une situation comme celle que nous vivons, quand la population
01:03:47n'a pas confiance dans ses dirigeants, la situation devient ingérable. Dernière question avant de
01:03:54conclure ce live, la crainte d'une seconde vague, que faire pour l'éviter, l'humilité collective
01:03:59notamment parce que c'est vrai qu'on entend régulièrement même de plus en plus dire que
01:04:02même si on l'a eu on pourrait le revoir. On parle des anticorps notamment qui ne seraient
01:04:06peut-être pas forcément assez performants. Donc la crainte d'une seconde vague et sur
01:04:09l'immunité collective, un peu votre avis pour conclure ce direct ? Je ne sais pas ce que c'est
01:04:14que la seconde vague alors que la première est encore là. L'immunité collective peut-être,
01:04:21c'est un pari. On voit que c'est remis en cause quand même de plus en plus sur l'idée de dire
01:04:29on ne sait pas si on peut pas le revoir. C'est toujours pareil, nous sommes en
01:04:32situation d'incertitude. Il ne faut pas être dogmatique, il faut être pragmatique. Le pari
01:04:41de l'immunité collective était celui des anglais, ils ont fait marche arrière. C'est le pari des
01:04:48suédois, ils peuvent peut-être le réussir mais la santé publique de terrain en Suède est tellement
01:04:55forte qu'ils vont peut-être s'en sortir. Moi je dis que c'est un pari. Peut-être que oui,
01:05:05mais il faut un certain nombre de conditions. Est-ce que les anticorps que l'on a sont
01:05:10protecteurs ? On peut penser que oui, encore qu'il y a déjà quelques cas de rechute. C'est pas sûr
01:05:16que ce soit protecteur à 100%. Est-ce que l'immunité va être durable dans le temps ? Je
01:05:21ne sais pas. Regardez pour la grippe, chaque année on est obligé de changer la composition du
01:05:27vaccin. Le virus mute, les anticorps que l'on avait l'année d'avant ne sont pas pleinement
01:05:33efficaces contre le nouveau virus. Le coronavirus a un potentiel énorme de mutations. Donc cette
01:05:41immunité va-t-elle être durable ? Il ne me semble pas raisonnable d'avoir une stratégie de sécurité
01:05:49sanitaire fondée sur la notion d'immunité collective. De la même manière, on a l'hypothèse
01:05:59qu'au printemps, avec l'été, la hausse des températures, le coronavirus s'affaiblirait.
01:06:06Je le souhaite. Je n'ai pas beaucoup d'arguments pour penser que ce virus va se comporter comme ça,
01:06:13mais j'aimerais me tromper. Et qu'il disparaisse comme ça ? Pour vous, il pourrait continuer ? Je
01:06:18souhaite qu'ils aient raison, mais ce n'est pas un pari que je ferais personnellement. Je termine
01:06:26en vous disant qu'en réalité, la question de la deuxième vague est une mauvaise question. La seule
01:06:32chose qui compte, c'est d'écraser, d'écrabouiller ce virus pour ne pas qu'il y ait une deuxième vague.
01:06:39Et c'est possible. Si nous sommes rigoureux dans l'isolement des personnes porteuses, de leur
01:06:47entourage, que nous respectons comme le font les pays du nord, comme le fait l'Allemagne et comme
01:06:55quand même beaucoup de gens en France le font de plus en plus, les mesures d'hygiène de base,
01:07:00l'hygiène des mains, la distance physique, les mesures dites barrières, le port du masque
01:07:05généralisé. Même un mauvais masque vaut mieux que pas de masque du tout, à condition quand même
01:07:14de le porter correctement et à condition de ne pas oublier que le fait d'avoir un masque ne dispense
01:07:20pas de prendre les autres mesures de précaution. Ce virus peut disparaître faute de personnes
01:07:27infectées jusqu'à ce qu'on ait un vaccin et jusqu'à ce qu'on ait un ou des médicaments
01:07:35efficaces, y compris des médicaments prophylactiques. Le vaccin ne me paraît pas réaliste avant 2021. Il
01:07:43faut le trouver, il faut trouver le modèle, il faut le tester, il faut s'assurer qu'il n'a pas
01:07:46d'effet indésirable et surtout il faudra le produire industriellement. 5 milliards de doses.
01:07:53On n'a pas d'industrie aujourd'hui pour faire ça. Avant 2021, c'est un pari que je ferais. En revanche,
01:08:00une solution médicamenteuse me semble beaucoup plus... c'est un espoir qui me semble plus
01:08:08plus solide. Ce jour-là, tout changera. Mais jusqu'à ce qu'on ait cet outil-là, il faut pas
01:08:17accepter de façon fataliste la deuxième vague, il faut écrabouiller ce virus lors de sa
01:08:27première vague. Je pense que c'est possible. C'est tout ce qu'on espère et on vous remercie en tout
01:08:31cas William Dabb. Je rappelle que vous êtes ancien directeur général de la santé et aussi épidémiologiste.
01:08:35On a essayé de revenir dans ce live sur la gestion gouvernementale mais pas que. On a pris un peu
01:08:40de recul pour essayer de parler même d'une gestion du monde de la santé depuis plusieurs décennies
01:08:44maintenant et le recul que vous avez voulu prendre pour parler de la situation que nous vivons
01:08:49actuellement par rapport à une politique de plusieurs décennies en arrière et actuelle. Tout ça, vous
01:08:54pourrez le voir ou le revoir dans le replay. On a abordé beaucoup de questions, notamment aussi sur
01:08:58l'épidémie, sur la sortie du confinement, sur le confinement même en lui-même et la stratégie
01:09:03qui est en cours actuellement. On a parlé aussi des écoles, beaucoup de choses que vous pourrez
01:09:06voir ou revoir en replay. Comme d'habitude, vous le savez sur Brut, nos Facebook Live, vous pouvez
01:09:10les revoir juste après quand il termine. Je rappelle qu'on va continuer bien évidemment dans
01:09:14les prochains jours, dans les prochaines semaines à aller à la rencontre d'autres personnes, des
01:09:18personnes qui sont à la gestion politique, dans la gestion de la crise dans les hôpitaux, des chefs
01:09:23de service de maladies infectieuses. On va aussi aller à la rencontre de plein de personnalités
01:09:27différentes, même dans la recherche, comme on le fait depuis quelques semaines maintenant. On a eu
01:09:31Philippe Juvin, Gilles Pialou, Eric Caume et tant d'autres qui sont exprimés à Brut. Olivier Véran
01:09:36aussi ministre de la Santé qu'on a pu avoir en Facebook Live. Ou Edoui Pleynel, encore il y a
01:09:40deux jours on a pu discuter avec lui de la gestion de cette pénurie des masques qu'on a évoqué
01:09:44notamment dans ce Facebook Live. Donc des interviews déjà faites que vous pouvez voir ou revoir sur
01:09:48notre page Facebook et d'autres à suivre dans les prochains jours, dans les prochaines semaines.
01:09:52Donc restez connectés et puis on mettra le lien également de MyBrut où on vous envoie tous les
01:09:56jours notre lettre d'information liée au coronavirus, toutes les informations qui arrivent sur votre
01:10:00boîte mail avec nos publications, nos interviews et on continuera de le faire avec une seule
01:10:05motivation, celle de répondre à vos questionnements, à vos interrogations sur cette crise, parce que
01:10:09c'est vrai qu'on est dans une période où on a envie de savoir beaucoup de choses, on a envie de
01:10:12comprendre ce confinement, ce virus, la suite de cette crise sanitaire, et bien on essaye au
01:10:18mieux possible d'y répondre avec toutes sortes de personnalités à laquelle on va à la rencontre
01:10:22comme c'est le cas aujourd'hui avec William Damme. Encore merci à vous et merci beaucoup et puis
01:10:28chouette à tous, une très bonne journée à vous et puis une très bonne journée à tous ceux qui
01:10:31nous ont suivis. Prenez soin de vous et restez chez vous et à très bientôt sur Brut. Merci à vous.

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