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  • 25/03/2025
Charlie Hebdo, la vidéo de Penelope Fillon, quand Jacques Chirac lui a dit "abracadabrantesque"…

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Transcription
00:00Les attentats de Charlie Hebdo, ça a été extrêmement difficile à vivre,
00:05pas que pour moi, surtout pour l'équipe de Cache Investigation,
00:08parce qu'en fait, il se trouve que Charlie venait d'aménager
00:13quelques mois plus tôt, dans les mêmes locaux que nous, au même étage.
00:16En fait, ce jour-là, notre chargé de production, c'était un mercredi,
00:21et notre chargé de production, qui avait été embauché le lundi, Mathieu,
00:25est descendu fumer une cigarette, et en fait il a vu les frères Kwashi
00:28au travers d'une vitre qui était en plastique sablé,
00:33enfin, il voit deux hommes en noir, et il voit très clairement qu'ils sont armés,
00:37et il remonte comme une bombe en disant
00:39« Oh ! Il y a deux mecs armés en bas, je ne sais pas ce qui se passe ! »
00:42Et Edouard Perrin immédiatement dit « Ça, c'est pour Charlie ».
00:45Donc, ils évacuent tout le monde, ils font monter les gens de première ligne sur le toit,
00:49ils planquent toute l'équipe de la rédaction,
00:52et Edouard Perrin et Benoît Bringer, deux journalistes de la rédaction,
00:55mettent des gilets pare-balles et se disent « On va aller prévenir Charlie ».
00:58Sauf qu'au moment où ils sortent, les frères Kwashi arrivent dans le couloir,
01:02nous on avait un œilleton, donc ils les voient,
01:05après ils se déplacent parce qu'il y a une deuxième porte,
01:07ils essaient de voir s'ils peuvent sortir par la deuxième porte,
01:10mais en fait c'était comme un cul-de-sac,
01:12donc ils étaient complètement, enfin, je veux dire, ils se seraient fait tuer, je pense, très franchement.
01:16Et donc ils sont démunis, et ils entendent les frères Kwashi qui rentrent dans la rédaction de Charlie,
01:23ils entendent bien sûr la fusillade, moi je ne suis pas là à ce moment-là,
01:27je suis en train de préparer le 13h, je suis à la rédaction,
01:30et puis il y a une petite dépêche qui tombe, qui dit « Fusillade dans le 11e, des blessés ».
01:36Pas Charlie Hebdo, rien de précis.
01:39Et moi je ne m'inquiète pas, je me dis « Bon, c'est bizarre, c'est quoi ce truc ? »
01:43mais pas plus que ça, très franchement.
01:45Et puis à un moment, mon rédacteur en chef du 13h, Philippe Denis, me dit
01:49« C'est bizarre, il y a Benoît Bringer qui est en train de parler sur BFM,
01:52il y aurait eu une fusillade à Charlie Hebdo ».
01:55Et là, ça se connecte, je comprends immédiatement.
01:58Et je fais un truc que je pense que je vais toujours regretter, c'est que j'ai appelé Benoît,
02:03et je fais un peu ma chef, je lui dis « Bon, Benoît, prenez des caméras, allez filmer,
02:09le journal de 13h, c'est dans une heure et quart, il faut qu'on ait des trucs,
02:13est-ce que tu peux filmer du toit ? »
02:15Et puis je ne suis pas super, parce que je lui laisse à peine le temps de répondre,
02:19il ne me répond pas aussi parce que je pense qu'il est complètement sous le choc,
02:23et au bout d'un moment, il me répond et il me dit « Mais Elise, tu n'as pas compris,
02:26c'est un massacre, c'est un massacre ».
02:29Et là, je n'ai plus rien dit, et je lui disais « Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? »
02:34Il m'a dit « Ils sont rentrés, ils ont rafalé partout, il y a des morts partout.
02:40Nous, ils ne sont pas rentrés chez nous, il n'y a pas de morts, il n'y a pas de blessés,
02:44mais c'est affreux, c'est horrible, on n'ose pas sortir,
02:48parce qu'ils venaient de sortir.
02:50Les frères Kouachi, c'est l'équipe de cage qui les a filmés dans la rue,
02:53ils venaient de tourner le coin de la rue.
02:56Il va falloir qu'on sorte, parce qu'il faut qu'on aille voir ce qui se passe en face.
03:00Et voilà, ça a été un truc affreux, parce que moi je me dis « Il faut que je présente le journal ».
03:10« Bonjour à tous, édition spéciale de la rédaction en raison de cette attaque terroriste
03:14contre nos confrères de Charlie Hebdo. »
03:16On arrive au bout du journal, on a dû faire une heure de journal,
03:19et là, en fait, la liste des morts tombe, pendant le générique.
03:23Et c'est Nathalie Saint-Cricq qui me dit « Kabu est mort, Wawinski est mort,
03:28Bernard Maris est mort ».
03:30Et je pense que sur les images, on nous voit toutes les deux,
03:34la tête dans les mains comme ça, en train de se dire « Mais c'est pas possible ! ».
03:39Voilà, et la suite a été extrêmement difficile à vivre pour l'équipe de cage,
03:44parce que les premiers à être rentrés dans la rédaction de Charlie,
03:48c'est des gens de chez nous, c'est des gens de cage.
03:53« Envoyé spécial s'est procuré des documents inédits.
03:56Une vidéo de la femme du candidat où elle affirme qu'elle n'a jamais été l'assistante de son mari. »
04:01L'interview de Pénélope Fillon, ça a été vraiment quelque chose de très important dans l'histoire d'Envoyé spécial.
04:06Il y avait notamment, je me souviens, Yvan Martinet, Tristan ou Alex qui travaillaient là-dessus.
04:10À un moment, Yvan Martinet dit « J'ai retrouvé une journaliste anglaise qui s'appelle Kim Wilshire,
04:16qui a fait une interview de Pénélope Fillon il y a deux ou trois ans.
04:22Je ne sais pas ce qu'elle dit dedans, mais bon, ça vaut peut-être le coup d'essayer de rapatrier les rushs. »
04:28Kim Wilshire dit « Je ne les ai pas les rushs en fait, c'est mon caméraman de l'époque qui les a. »
04:33On prend contact avec lui, on discute, le type nous dit « Je ne sais pas si j'ai encore la cassette. »
04:39Oui, en fait, finalement, il la retrouve.
04:42Et puis, on finit par signer un accord avec lui, il nous envoie la cassette.
04:48Et franchement, on paie ça, rien du tout. C'était vraiment de confrère à confrère.
04:54On obtient tous les rushs, nos journalistes sont en train de bosser.
04:58C'est un troisième journaliste, Pierre Monégier, qui part le soir avec les rushs,
05:02qui en fait étaient sur un fichier Vimeo. L'interview est assez longue.
05:07Et donc, il doit écouter absolument tous les rushs de Pénélope Fillon.
05:13Et puis, on a un WhatsApp groupé, on est tous sur un WhatsApp envoyé spécial.
05:17Et là, je pense qu'il était un truc comme 22h20 ou un truc comme ça.
05:21Et il nous écrit à 1h16m12s, elle déclare « Je n'ai jamais été l'assistante de mon mari ou quoi que ce soit d'autre. »
05:33Et là, on lit tous le WhatsApp et on fait « Oh ! Ok. »
05:39Pénélope Fillon dit elle-même qu'elle a été rémunérée.
05:42Enfin, elle ne dit pas qu'elle a été rémunérée, mais elle dit qu'elle n'a jamais travaillé avec son mari.
05:48Et on sait qu'elle a été rémunérée.
05:50On réussit à garder ça secret pour nous 48h à peu près.
05:53Et puis, on est en montage, ça commence à fuiter.
05:57Et ça monte, ça monte, ça monte, ça monte.
06:00Et on diffuse ça en exclusive dans Envoyé Spécial.
06:04Et ce jour-là, il y a une audience de dingue pour Envoyé Spécial.
06:08Mais pour cause, tout le monde voulait voir cette vidéo de Pénélope Fillon qui disait elle-même
06:13« Je n'ai jamais été l'assistante de mon mari ou quoi que ce soit d'autre. »
06:16Chapeau le boulot d'équipe, parce qu'à un moment, c'est ça.
06:19Et je crois que cette toute petite phrase qui doit faire 7 secondes à peine, elle pèse lourd.
06:27Aujourd'hui, on rapporte une histoire abracadabrantesque.
06:32On a un producteur extérieur qui arrive dans notre bureau et qui nous propose,
06:37juste avant le lancement de l'émission, la fameuse cassette mairie
06:40où Jean-Claude Méry parle du financement occulte du RPR
06:43et en gros accuse Chirac d'avoir lui-même touché des valises de billets
06:47et puis le parti aussi pour son financement occulte.
06:49Sauf que Jean-Claude Méry, en question, il est mort.
06:52Donc on a la vidéo d'un monsieur dans un canapé avec des grosses lunettes
06:55qui raconte ça et on se dit « Waouh, qu'est-ce que c'est que ce truc ? »
06:59On préempte la cassette, c'est-à-dire qu'on dit à Arnaud Hamelin
07:03« Ok, on prend parce que c'est un document, peut-être une énorme révélation,
07:07mais il faut qu'on travaille dessus, il faut qu'on fasse un travail d'investigation dessus. »
07:11Et c'était pour le tout premier numéro de Pièces à Conviction.
07:14Et là, on se dit « Bon, on se donne 2 mois, 3 mois pour travailler
07:18et pour faire un vrai travail d'investigation dessus, mais on n'a pas eu le temps. »
07:21Parce que moi, en fait, 10 jours après, Claude Chirac m'appelle
07:24et elle me dit, on me la passe au téléphone, je me dis
07:27« Oh, ils sont déjà au courant qu'on a acheté la cassette mairie. »
07:29Pas du tout. Elle me dit « Oui, vous comprenez, Élise, le Président souhaite intervenir.
07:35On est en septembre 2000, c'est juste avant le référendum sur le quinquennat.
07:39Le Président souhaite intervenir pour promouvoir le quinquennat,
07:43expliquer pourquoi c'est important de passer du septennat au quinquennat.
07:47Bon, pourquoi pas effectivement intervenir dans le 19-20, dans le journal pour ça. »
07:51On part à Angoulême, préfecture d'Angoulême.
07:54C'est là qu'on a rendez-vous pour l'interview de Jacques Chirac.
07:57Et dans le train, nos téléphones se mettent à sonner.
07:59On avait chacun 2 portables ou 3 portables.
08:01Et ça se met à sonner de partout.
08:03Et on se dit « Qu'est-ce qu'il se passe ? »
08:05Et en 3 minutes, on a la réponse.
08:06En fait, Arnaud Hamelin était allé vendre la cassette mairie au Monde,
08:11au journal Le Monde, qui, sachant qu'on avait Chirac,
08:14décide de sortir l'intégralité de la cassette mairie dans l'édition de 14 heures.
08:20Et nous, on faisait l'interview à 19h30.
08:22Donc un truc de fou.
08:24Et on se regarde avec Hervé et on dit « Bon ben, là, de toute façon,
08:27il faut absolument qu'on parle de ce sujet avec le président de la République. »
08:30Et on se fait une promesse sur le quai de la gare.
08:33On se dit « Si on ne peut pas le faire,
08:35si d'une manière ou d'une autre, à cause de l'Élysée ou à cause de France Télévisions,
08:38on ne peut pas le faire, on démissionnera. »
08:40Et on n'a pas démissionné.
08:42Bon, ça a été très long, toute l'après-midi.
08:44Moi, j'avais que le Chirac au téléphone toutes les heures,
08:46qui me disait « Ah mais non, mais pas question, il ne faut pas qu'on en parle. »
08:50Qui, au bout d'une heure, me dit « Ok, on en parle. »
08:53Au bout de deux heures, me dit « Ok, on en parle, d'accord, en début d'interview. »
08:57Parce qu'elle voulait, au départ, qu'on en parle en fin d'interview.
08:59Vers 15h-16h, je lui dis « Mais il y a des extraits de la cassette mairie sur le site du Monde. »
09:04Début du site Internet du Monde.
09:06Ils diffusent des extraits de la cassette mairie.
09:09Je lui dis « Donc, on va diffuser aussi des extraits de la cassette mairie, parce que c'est public. »
09:13Là, j'ai cru qu'elle allait m'étriper au téléphone en disant
09:16« Quoi ? Vous allez diffuser un extrait de cette cassette ? »
09:19C'est du domaine public, maintenant. Il faut qu'on diffuse des extraits de la cassette.
09:24Donc j'obtiens qu'on en diffuse.
09:27Et puis, au final, l'heure avance.
09:29Moi, j'ai à peine le temps de préparer mon interview.
09:31C'était vraiment extrêmement tendu.
09:33Et à 18h, elle m'appelle et elle me dit
09:35« Élise, le Président de la République souhaite vous parler en seul à seul,
09:38entre le journal régional et le journal national. »
09:42Ça, on se dit que ça va être un moment un peu tendu.
09:46Entre le journal régional et le journal national, il y a 7 minutes de pub, d'interprogramme.
09:52Et il s'avance vers moi et il me dit
09:54« Madame Lucet, vous n'êtes pas sans ignorer que le journal Le Monde a publié... »
09:59Je lui dis « Évidemment, Monsieur le Président, je suis au courant.
10:02Il faut absolument qu'on en parle. C'est important pour l'interview. »
10:05Elle me dit « Écoutez, Madame Lucet, voilà ce que je vais vous dire. »
10:09Et il me sort la réponse à la question qu'il avait prévue.
10:14Et il me dit « Abracadabantesque » dedans, évidemment.
10:17Et moi, intérieurement, je me dis « Mais c'est pas français, ce truc-là ?
10:21Qu'est-ce que c'est que ce mot bizarre ? »
10:24Et en fait, je n'ai pas le temps de réfléchir à ça
10:26parce qu'il finit ce moment entre nous en disant
10:30« Vous comprendrez bien, Madame Lucet, que dans ces circonstances, je ne souhaite aucune relance. »
10:35Et là, je vois l'heure tourner, c'est entrain dans 4 minutes.
10:39Et je m'entends lui dire « Écoutez, Monsieur le Président, ça ne va pas être possible. »
10:44Et comme c'était Jacques Chirac, ça s'est plutôt bien passé.
10:49C'est-à-dire qu'il me dit « Mais pourquoi, Madame Lucet ? »
10:52Je lui dis « Écoutez, Monsieur le Président, la France entière ne parle que de ça.
10:56Depuis 14h, c'est sorti dans Le Monde, c'est sur France Info, c'est partout.
11:00On ne parle que de ça.
11:02Personne ne comprendrait qu'à l'issue de votre réponse, je ne vous pose aucune question.
11:07Moi, j'ai mon rôle de journaliste, vous, vous avez votre rôle de chef d'État.
11:10Mais c'est impossible que je ne vous pose pas de questions là-dessus.
11:14Et là, Jacques Chirac « Antenne dans 2 minutes ! »
11:17Donc, ça commence à se crisper sérieusement.
11:20Et Jacques Chirac me fait une réponse incroyable.
11:23Et il me dit « Écoutez, Madame Lucet, vous allez me poser des questions et je ne vais pas y répondre.
11:29Antenne dans 1 minute ! »
11:31On rentre, je mets mon oreillette, on s'installe.
11:34Et en gros, c'est ce qui s'est passé.
11:36C'est-à-dire que moi, je le relance une fois, deux fois, trois fois derrière.
11:40Mais il me refait tout le temps la même réponse.
11:42Il a décidé de ne pas me répondre plus que ça.
11:44Et il change évidemment un peu sa version, mais il ne va pas au-delà.
11:48Et ça a été quand même une sacrée bataille pour arriver à ce moment-là.
11:54Et on est sortis, en fait, avec Hervé Brezini, mon directeur de l'Info de France 3 à l'époque,
11:59assez élégamment.
12:01C'est-à-dire que Jacques Chirac nous a salués, Claude Chirac nous a salués.
12:05Il n'y a pas eu une violence qu'il y aurait pu avoir avec d'autres chefs d'État,
12:12que j'ai connus dans d'autres moments.

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