Mathey & IMKA : la musique dans le sang

Brut Afrique

"C'est un monde trop compliqué... Je ne voulais pas que me filles fassent de la musique." IMKA a suivi les pas de sa mère Mathey, chanteuse ivoirienne, en suivant sa passion pour la musique. Au micro de Brut, elles racontent ensemble leur histoire.

Transcript

00:00Je ne voulais pas qu'Imane chante. Vu moi-même mon parcours,

00:03j'ai voulu qu'elle ne fasse que ses études et travailler,

00:07mais j'ai vu que c'est sa passion.

00:08J'ai été à Bujon un jour et je lui ai dit « on va prier »

00:12et j'entends Imane chanter.

00:14Tu peux me chanter la chanson-là ?

00:16Quand j'entends, t'entends, t'entends ?

00:18Si je me tais, où apprendrais-je à écouter la voix du bon père ?

00:29La première fois que je l'ai entendue chanter ça,

00:31je me suis dit « ah, comment ça ? »

00:34Elle m'a dit « maman, chante encore ».

00:36Elle a chanté, après sa petite sœur est venue doubler.

00:41J'ai dit « mais vous chantez depuis quand ? »

00:42C'est ma première fois d'entendre Imane chanter.

00:45Je vous présente ma mère, à l'état civil, Marie-Thérèse,

00:49et communement appelée Mathé.

00:51Je présente Imane, c'est ma fille aînée.

00:54Son nom, Koulibaly Kadidia Imane et son nom d'artiste, Imka.

01:00Qu'est-ce que tu t'es dit en jouant que tes filles allaient être artistes en jouant ?

01:05Imane, je sentais un peu, et puis Leïla aussi, les deux.

01:09Mais, à chaque fois, je les décourageais un peu, concernant la musique.

01:13Parce que je ne voulais pas, je dis « c'est trop compliqué, ce monde-là ».

01:17Non, je ne voulais même pas qu'elles s'intéressent à la musique,

01:19mais là, elles sont grandes, je vois, même elles font les chœurs avec moi souvent.

01:24Imane, est-ce que tu peux chanter une chanson de maman ?

01:26Oti, ma lune, oti, chérie.

01:31C'est la seule chanson en français.

01:33Les autres là, c'est en nagui.

01:35C'est en nagui, moi je ne comprends pas le nagui.

01:37Mais chante, on dit de chanter, ce n'est pas...

01:39D'accord, mais pourquoi tu rigoles alors ?

01:41Non, non, je rigole parce que je veux entendre ce que tu chantes, j'écoute.

01:45Oti, ma lune, oti, chérie.

01:51Oti, ma lune, oti, chérie.

01:57Oti, oti, oti, oti.

01:59Tu en prends celle-là, je veux faire.

02:01Je t'ai gravé sur mon cœur, cette chanson est pour toi.

02:07Le dernier single que je viens d'enregistrer, Imane, elle a participé, elle a chanté.

02:11Le titre, c'est « Te yé yé ».

02:14« Te yé yé », fais un petit refrain.

02:17Le A s'appelle ce soir, on est sur Bengueo.

02:23La musique, c'était pour moi une belle trouvaille.

02:28Parce que je n'avais même pas encore conscience que ma mère, c'était une grande artiste.

02:32J'étais au SIEM 1, où je ne savais pas ce que j'avais à faire.

02:36Et je m'ennuyais en fait.

02:37C'est en classe de SIEM 1 que j'ai fait mon premier texte.

02:39J'ai vécu une grande partie de mon enfance avec mon père.

02:43Donc communement appelé Baba Koulibaly.

02:45Est-ce que ton père savait que tu écrivais des textes ?

02:48Il ne savait pas.

02:49Lui, il m'entendait chanter à l'église.

02:53Et c'est là qu'il a capté que la petite, quand même elle chante.

02:58Je me suis démerdée dans le quartier.

03:00J'avais un voisin qui avait un studio chez lui.

03:02Dieu merci Steph, big up à Steph.

03:04J'avais tellement peur de faire écouter à mon père.

03:07J'ai attendu qu'il arrive tard du boulot et tout, il était en train de manger.

03:11J'ai dit « Papa, je veux te montrer un truc ».

03:14Tu avais peur de lui, c'est ça ?

03:15Ah bah...

03:19Le vrai, c'est le faux.

03:21Quoi ? Non, Baba Koula, non.

03:24Mais il écoutait.

03:25À ma grande surprise, il était avec le téléphone comme ça.

03:28Il faisait sa tête comme ça.

03:29Je disais « Ah oui, il a kiffé ».

03:32Est-ce que l'Imam ne l'était pas à un moment ?

03:34Ça a vraiment eu un impact sur vous ?

03:36Oui, forcément.

03:37Ça a eu un gros impact, je veux dire.

03:41C'est pas facile après de changer.

03:44C'est un gros changement, donc ça n'a pas forcément été facile.

03:48Mais voilà.

03:49Oui, c'est vrai que même pour moi, ce n'était pas facile.

03:52Parce que moi, mes filles, on me les a retirées à 5-6 ans.

03:555-6 ans, donc elles étaient avec leur père et j'étais toute seule.

03:58Et je me rappelle, quand je suis rentrée à Bujon,

04:01alors elles étaient avec moi, on a passé la nuit ensemble.

04:04Elles étaient couchées à côté de moi.

04:06Toute la nuit, elle n'a pas dormi.

04:07Elle se lève et je la voyais.

04:10Elle se lève et elle me regarde comme ça.

04:13Après, elle se couche.

04:14En fait, ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vue.

04:17Et ça, ça m'a marquée.

04:18Aujourd'hui, elles sont grandes, elles sont là.

04:20Elles sont à côté de moi.

04:21J'essaie de rattraper le temps que je n'ai pas pu passer avec mes filles.

04:25Et ça, c'est quelque chose pour moi.

04:27Chaque jour, je veux rattraper.

04:28Je veux rattraper.

04:29À un moment, l'Imam me dit « je vais aller aux États-Unis ».

04:31Je lui dis « ah non, tu restes ici ».

04:35Quand elle rentre du travail, là,

04:37et qu'elle n'appelle pas, elle n'envoie pas un message,

04:39moi, je la bombarde.

04:42Même hier, elle m'a dit « mais t'es où, là ? »

04:44« Depuis, je ne te vois pas ».

04:47Non, parce que les mamans, là, à un moment donné,

04:49elles sont en train de penser qu'elles ont 17 ans ou je ne sais pas quoi.

04:52Non, non, non, non, non, non.

04:54Rentre à la maison.

04:55Moi, j'ai 16 ans.

04:59Moi, quand j'ai des problèmes, j'ai des soucis,

05:02je pense même si un jour, j'ai un chagrin d'amour,

05:04je vais lui en parler parce que je sais que

05:06c'est quelqu'un qui va me parler le plus de sincérité.

05:12J'aime être sans filtre avec elle parce que je sais qu'elle va être sincère.

05:16Je préfère avoir cette relation de copine avec elle,

05:19la taquiner, lui dire quand ça va, quand ça ne va pas,

05:22que de cacher des choses.

05:23Imane, tu parlais de ton papa avec beaucoup d'émotion.

05:26Aujourd'hui, il n'est plus.

05:27Comment, déjà, tu apprends que papa ne sera plus là ?

05:31Je ne vais pas vous mentir que ça, c'est une partie assez...

05:35Je pense que c'est la plus grosse douleur de toute mon existence

05:39parce que je savais qu'il ne se portait pas bien.

05:43Et quand il a pris son biais d'avion pour venir me voir,

05:46moi et ma sœur, ça a été le jour du décès.

05:51Je pense qu'il est venu nous dire au revoir.

05:55Parce que je l'avais eu au téléphone,

05:57il m'avait dit qu'il voulait venir nous voir.

06:01Je pense qu'il savait qu'il allait partir.

06:04Le matin, quand il est arrivé,

06:08on m'appelle, on me dit qu'il va à l'hôpital.

06:10Et quand je suis arrivée, il était déjà dans un coma.

06:14Donc, j'ai dû rester avec lui jusqu'à ses dernières heures.

06:19Ma plus grosse peine, c'est que je le voyais coucher là,

06:23mais je ne pouvais pas forcément discuter avec lui.

06:26Je ne pouvais pas parler avec lui.

06:27Donc, j'ai dormi avec lui, j'ai prié pour lui,

06:30j'ai passé mes derniers moments avec lui.

06:33J'ai chanté pour lui.

06:35Je crois que c'est aux alentours de 6h.

06:39Il était 6h14 quand il a arrêté de respirer devant moi.

06:43Le dernier message qu'il m'a envoyé sur WhatsApp,

06:45c'était une note vocale et il m'a dit

06:47« Ma fille, je t'aime. J'espère que tu vas réussir dans la vie.

06:50Il faut aller loin dans les études. »

06:51C'est à partir du décès de mon père que j'ai réalisé

06:54que ton père ou ta mère,

06:56les gens qui te bombardent de conseils chaque jour,

06:59en fait, tu puisses les perdre un jour.

07:01Maman, si tu devais parler à Imane,

07:03des choses que tu aimerais lui dire, ce serait quoi ?

07:06Lui dire encore...

07:07Je lui dis toujours que je l'aime de tout mon cœur.

07:10Je veux que tu fonces, que tu travailles,

07:14que tu sois brave tous les jours.

07:16Il faut que tu saches que c'est ton travail qui va te faire vivre.

07:19Leïla et moi, on t'aime.

07:21Ah, merci !

07:24Moi, tout ce que je lui souhaite dans la vie, c'est d'être heureuse.

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