00:00Je voudrais qu'on parle deux secondes de l'enseignement privé musulman,
00:05puisque c'est d'ailleurs dans votre journal, mon cher Louis Le Figaro,
00:09qu'on apprend que l'enseignement privé musulman demande une égalité de traitement
00:13et dénonce une situation problématique.
00:15La Fédération Nationale de l'enseignement privé musulman
00:18plaide pour davantage d'ouverture d'écoles musulmanes
00:20alors que la demande n'a jamais été aussi forte.
00:23Bonsoir Anne Coffinier.
00:25Bonsoir Pierre Devineau.
00:26Vous êtes fondatrice administratrice et dirigeante de la fondation Kéros
00:30pour l'innovation éducative.
00:33De quoi s'agit-il exactement quand on fait référence à cette demande ?
00:39Est-ce qu'elle est... D'ailleurs, est-ce que c'est inattendu comme demande ?
00:43Non, ce n'est pas inattendu.
00:45En réalité, les musulmans de France, depuis 2015 en particulier,
00:52ont fait le choix stratégique de développer les écoles musulmanes sous contrat.
00:57Alors qu'avant, ils étaient plutôt dans l'idée de créer des écoles complètement hors contrat.
01:02Et ça fait suite au changement qu'il y a eu après les grands attentats islamistes de 2015
01:08lorsque Najat Vallaud-Belkacem a considéré que,
01:13pour répondre au risque de radicalisation,
01:16la meilleure solution définitive c'était de passer sous contrat les écoles musulmanes existantes.
01:21Donc, ce n'est pas quelque chose de nouveau.
01:23Simplement, là, c'est clair qu'il y a une volonté de l'État
01:26pour stopper, freiner, empêcher les créations, réduire les écoles existantes musulmanes actuellement.
01:33Et donc, c'est en réaction à cette attitude qu'il y a eu cette déclaration.
01:36Alors, la demande provient de la FNEM, la Fédération Nationale de l'Enseignement Privé Musulman,
01:43qui a été créée en 2014 et qui est sous l'impulsion de l'ex-UOIF,
01:50devenu musulman de France.
01:52Bon, derrière tout ça, Anne Coffinier, il y a les frères musulmans.
01:56Tout à fait. Les frères musulmans, en tant que tels, ils n'existent pas directement en France,
02:01mais ils existent à travers des associations.
02:03Et la première de ces associations, c'est les musulmans de France, UOIF,
02:07dont la branche pour l'enseignement est la FNEM.
02:10Et ce qui est frappant, c'est que ce sont absolument les mêmes personnes
02:13qu'on trouve à la tête des établissements privés sous contrat musulmans
02:17et à la tête des organisations type UOIF.
02:20Par exemple, vous allez trouver Macouf-Manèche, vous allez trouver Asphard.
02:29Donc en fait, ces personnes sont à la fois directeurs ou directeurs adjoints
02:34des gros établissements sous contrat musulman,
02:37et à la fois ils sont présidents ou vice-présidents de l'UOIF devenus frères musulmans.
02:42Donc c'est absolument les mêmes milieux.
02:45Donc, si je comprends bien, c'est sous couvert de faire des écoles sous contrat musulman.
02:52Derrière, c'est pour imposer des choses comme la charia en France ?
02:56Ce qui est assez fou, c'est qu'on a effectivement des écoles musulmanes sous contrat,
03:03donc payées par nos impôts, exactement comme les écoles catholiques sous contrat.
03:08Et ces écoles sous contrat, elles relèvent directement du frérisme,
03:12qui a donc un agenda bien connu et qui est un agenda d'islamisation de la société française.
03:17Donc finalement, ce que dit Benjamin Netanyahou sur Europe 1 et sur CNews ce soir,
03:23et se reflète dans cet article du Figaro et dans ce que vous dites Anne Coffinier,
03:29c'est-à-dire que c'est une forme d'entrisme,
03:33et que même si là on n'est pas en guerre,
03:36c'est une façon aussi de mettre un pied pour former des esprits à la détestation du monde occidental.
03:44Oui, mais cet entrisme, il a été plus qu'accepté par les gouvernements successifs,
03:49puisqu'il y a eu une véritable volonté de passer sous contrat des établissements musulmans,
03:54dans une logique de normalisation, pour montrer qu'ils étaient traités à pied d'égalité
03:59avec les autres religions historiques françaises.
04:03Et donc il y a eu un volontarisme pour passer sous contrat des écoles qui relevaient directement des frères musulmans.
04:10Donc un même Manuel Valls qui a dit, les frères musulmans voilà l'ennemi,
04:14il faut absolument interdire cette mouvance.
04:17Ce même Manuel Valls, il était présent à l'inauguration de l'établissement sous contrat de Marseille,
04:25Donc on est vraiment dans une logique de contradiction interne complète.
04:31Anne Coffinier, vous me disiez tout à l'heure, lorsqu'on s'est parlé en début d'après-midi,
04:37que vous-même dans votre long parcours, à la fois que vous avez été diplomate,
04:42vous avez travaillé dans différentes institutions,
04:45vous avez été en Jordanie au plus près justement de ces organisations islamistes.
04:51Oui, enfin ce qui est intéressant c'est de voir que les frères musulmans ont des stratégies
04:55qui sont complètement différenciées selon les pays.
04:58Et dans un pays comme la Jordanie, à l'époque où j'y étais, et dans un pays comme la France,
05:03leurs stratégies elles passent par les élections démocratiques,
05:07elles passent par l'utilisation de l'état de droit.
05:09Donc typiquement là, ils vont utiliser toute la rhétorique antidiscrimination
05:15et ils vont la retourner à leur profit,
05:18qui est un profit d'islamisation de la société et de paralysie des objections.
05:23Donc ils vont dire c'est pas normal, il n'y a pas d'égalité de traitement,
05:26on a droit à autant d'écoles musulmanes que les catholiques ont droit à des écoles au pro rata,
05:33on a un million et demi d'enfants musulmans à scolariser en France
05:37et on a 10 000 écoles sous contrat, alors que les catholiques en ont 7 000.
05:41Alors comment ça se fait ?
05:43Donc on veut une compensation, mais ça n'a rien à voir.
05:46Dans la Chine, il faudrait un peu plus de temps,
05:48mais si les catholiques ont autant d'écoles, c'est d'abord parce qu'ils ont construit eux-mêmes.
05:53Et c'est une histoire tout à fait différente qui s'étale sur des siècles.
05:56Ce n'est pas le cas qu'ils aient construit et financé les écoles qu'ont les catholiques aujourd'hui,
06:00c'est même parfois le contraire.
06:02Quand vous prenez par exemple le fameux Louis le Grand,
06:04c'était un établissement jésuite privé qui a été nationalisé par l'État,
06:10qui a été récupéré par l'État, mais qui a été intégralement financé, développé par les catholiques.
06:15Donc nous on a une histoire qui est inversée.
06:19Je crois que nous sommes pris à notre propre piège, notre propre piège rhétorique,
06:25de la laïcité.
06:28Parce qu'en réalité, nous avons dit depuis le début,
06:32toutes les religions sont à égalité.
06:35Il n'y a eu aucune antériorité donnée à cette religion historique,
06:39comme l'appelle Anne Coffinier, qui est le catholicisme, le christianisme dans notre pays.
06:43Donc à partir du moment où vous dites que la France est une page blanche,
06:47et que toutes les religions sont sur la même ligne de départ,
06:50évidemment, il y a une inégalité flagrante.
06:53Mais elle n'est pas seulement dans les écoles.
06:55Elle est partout. Les calvaires au coin des rues,
06:57les routes, les paroisses.
06:59Je me souviens d'Alil Boubaker qui avait dit en 2015,
07:02c'était un petit ballon d'essai, ça avait suscité grand bruit.
07:06Écoutez, puisqu'il y a des églises vides, on pourrait peut-être les transformer en mosquées.
07:09Président du CFCM à l'époque.
07:11Exactement. Et donc ça c'était un sujet.
07:14C'est vrai que la façon dont nous avons appréhendé ces religions,
07:18comme si elles étaient tout à fait à égalité dans notre pays.
07:20Puis le deuxième point, c'est tout bête, mais c'est la démographie.
07:22Il y a une pression démographique très forte,
07:24qui est induite par une immigration,
07:27qui fait qu'il y a une demande mécaniquement très forte.
07:30Et puis derrière, on a le moteur de l'extrême gauche
07:32qui agit de fait l'arme de la discrimination.
07:35Tout ce qui est fait sur les écoles catholiques aujourd'hui,
07:37sur Stannes, etc. revient à la fin à dire,
07:41mais vous voyez, on persécute les écoles musulmanes
07:44alors qu'il y a du séparatisme dans les écoles catholiques.
07:47D'ailleurs, ceux qui ont fait des enquêtes sur le lycée Stanislas à Paris
07:52ne se sont pas beaucoup penchés sur le cas du lycée AVERS qui est dans le Nord.
07:57Donc ça, c'était donné à l'époque en exemple d'un enseignement privé musulman
08:03sous contrat avec l'État,
08:05qui respecterait tout à fait la laïcité et les principes de la République.
08:08Or, ça fait deux fois que le lycée AVERS perd devant la justice
08:12en contestant la perte de son contrat d'association avec l'État
08:16puisque l'État, en soulevant un petit peu le capot,
08:18s'est rendu compte qu'en fait, au lycée AVERS,
08:20non, les principes de la République n'étaient pas respectés,
08:22que dans les charges qui sont données pour justifier cette rupture du contrat,
08:29c'est accablant.
08:31Il y a des soupçons de financement d'origine frériste.
08:33Donc on retrouve les frères musulmans qu'évoquait Pierre de Villemot.
08:37Il y a eu une inspection du CDI,
08:39qui est le centre de documentation du lycée,
08:41qui a été refusée, inspection inopinée, bizarrement,
08:43qu'avait accaché le lycée AVERS
08:45dans ce centre de documentation
08:47avec les ressources documentaires
08:49dont se servent les enseignants et les élèves.
08:51Et c'est même allé, ça aussi,
08:53dans les éléments présentés à l'encontre du lycée AVERS
08:56pour justifier qu'il ne soit plus sous contrat avec l'État.
08:58Ils avaient même collecté, apparemment,
09:00des données personnelles d'inspecteurs
09:02venus contrôler justement
09:04toute cette conformité aux principes de la République
09:07de la part du lycée AVERS.
09:09Donc cette qui, aujourd'hui,
09:11n'est plus sous contrat avec l'État,
09:13et heureusement, vu les charges qui sont dedans,
09:15alors c'est encore suspendu à la justice,
09:17mais on voit bien que ce qui a été donné
09:19en exemple d'un islam intégré,
09:22respectueux de l'histoire de France
09:24et des principes de la République,
09:26pour l'instant, on n'a pas d'exemple abouti de cela.
09:29Ça a raté avec AVERS, c'est probable.
09:31En tout cas, sur l'entrise,
09:33mais justement sur ce qui se passe,
09:35nous, dans nos écoles,
09:37et sur le terrorisme également,
09:39avec Samuel Paty et Dominique Bernard,
09:41même Benjamin Netanyahou,
09:43on a parlé tout à l'heure avec Laurence Ferrahi.
09:45On les combat en votre nom.
09:47Ils ont décapité un professeur en France.
09:49Samuel Paty, Dominique Bernard,
09:51deux professeurs.
09:53Le professeur Paty.
09:55Et ils ont tué un prêtre français,
09:57au Père Hamel,
09:59dans son église.
10:01Et il y a eu le Bataclan en France.
10:03Et Toulouse, et Nice.
10:05Ces gens-là vous tueraient tous s'ils le pouvaient.
10:09Voilà, ces gens-là vous tueraient tous s'ils le pouvaient.
10:11Vous vouliez dire, Anne Coffinier,
10:13encore un dernier mot avant qu'on vous quitte,
10:15sur la problématique des écoles turques en France.
10:19Oui, là aussi,
10:21on est dans une logique qui manque
10:23quand même singulièrement de prudence,
10:25puisqu'il est bien connu
10:27que les stratégies islamistes turques,
10:29d'antrisme,
10:31reposent sur les écoles.
10:33Alors que ce n'est pas le cas
10:35en zone arabe, où on repose
10:37plutôt sur les mosquées.
10:39Donc il faudrait surveiller de manière très précise
10:41les écoles sous contrat
10:43et hors contrat turcs,
10:45notamment dans l'Est de la France.
10:47Donc là c'est un appel à Mme Jentay, directement.
10:49Exactement.
10:51Si on veut vraiment être conséquent sur la lutte sur l'islamisme,
10:53il y a des choses quand même qu'il faut prendre au sérieux.
10:55Et là, il y a vraiment beaucoup à faire.
10:57Merci beaucoup, Anne Coffinier,
10:59d'avoir été avec nous
11:01sur Europe 1.
11:03Je rappelle que vous êtes la fondatrice,
11:05l'administratrice et dirigeante
11:07de la fondation Kéros pour l'innovation éducative.
11:13Effectivement,
11:15c'est à l'école que tout commence.
11:17C'est à l'école où nous formons nos enfants.
11:19Vous en avez eu plusieurs,
11:21vous d'ailleurs, Gabrielle Cluzel.
11:23Vous pouvez justement avoir un benchmark,
11:25comme on dit en bon français,
11:27assez bon.
11:29Je reprends l'article du Figaro,
11:31quelques instants, et ce que nous dit
11:33Anne Coffinier, c'est vraiment très inquiétant.
11:35Oui, c'est très inquiétant,
11:37mais je dirais que l'école publique
11:39n'est pas sanctuarisée non plus,
11:41n'est pas à l'abri
11:43de cette entrise.
11:45Il n'y a pas que le privé sous contrat.
11:47Je ne voudrais pas que
11:49tout cela se retourne
11:51contre les écoles catholiques,
11:53mais c'est souvent ce qui se passe.
11:55Les écoles catholiques surnagent un petit peu
11:57dans l'effondrement général de l'éducation nationale.
11:59On leur dit qu'il faut que vous
12:01donniez l'exemple,
12:03que vous vous dissoutiez dans la nature
12:05pour montrer l'exemple.
12:07Vous savez,
12:09la grande erreur, c'est d'avoir pensé,
12:11alors que ce sont deux religions complètement différentes,
12:13et je pense qu'il y a une méconnaissance des religions,
12:15peut-être parce que les gens qui prognent
12:17aujourd'hui la laïcité ne les aiment pas,
12:19mais ils sont toujours persuadés
12:21que l'islam est un christianisme
12:23adolescent.
12:25Ils se disent
12:27finalement que l'islam
12:29c'est le catholicisme
12:31de l'Orient.
12:33Pas du tout, c'est deux religions complètement différentes,
12:35notamment sur leur appréhension
12:37de l'angle politique.
12:39Quand on vous dit qu'on a tous le même dieu, vous ne vous êtes plutôt pas d'accord ?
12:41Non, mais ça c'est du syncrétisme,
12:43et c'est de l'ordre de la foi personnelle,
12:45mais c'est dans l'appréhension des deux religions
12:47par ceux qui nous gouvernent.
12:49Ils vous disent finalement que c'est deux religions
12:51qui n'en sont pas au même
12:53stade, mais qui sont finalement
12:55assez similaires.
12:57On a réussi à mater le catholicisme, on va bien réussir
12:59à mater l'islam. C'est un peu ça.