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Transcription
00:00L'événement diplomatique le plus important jamais organisé en Russie.
00:04Vladimir Poutine ne fait pas dans la mesure pour décrire le 20e sommet des
00:07BRICS qu'il accueille à Kazan. En recevant les dirigeants chinois, égyptiens
00:11ou encore iraniens, il veut montrer que les pays émergents, on voit au chapitre
00:15face à l'Occident, prouvaient aussi que Moscou n'est pas seule. On va retrouver
00:19dans un instant notre envoyé spécial Julian Kohling. Mais d'abord on va en
00:22parler avec vous Jean-François Di Melio. Bonjour, vous présidez le Think Tank Asia
00:26Center. Vous êtes également professeur à l'université Paris Dauphine. Merci
00:30d'être avec nous sur France 24. Je le disais, ce sommet des BRICS finalement
00:34c'est avant tout une vitrine pour Vladimir Poutine. Montrer que malgré la
00:37guerre en Ukraine, la Russie n'est pas isolée.
00:41Oui absolument. D'abord il faut rappeler qu'il y a une rotation. Les sommets BRICS
00:47se tiennent dans un pays puis dans l'autre année après année. Mais c'est
00:51l'année ou c'est l'une des années où il faut qu'ils se tiennent en Russie
00:54puisque Poutine n'a pas le droit de sortir. En tout cas il peut aller dans
00:57certains pays mais il y a beaucoup de pays des BRICS, comme on les appelle, où il ne
01:01peut pas aller sous peine d'être rattrapé par son mandat international qui
01:05le ferait juger. Donc ça c'est déjà effectivement un contournement de ses
01:10obligations. On peut appeler ça un succès. En tout cas on peut appeler ça une
01:14astuce effectivement pour ne pas être rattrapé. Alors un succès bien sûr il
01:18faut le nuancer. Il y avait des invités qui ne sont pas là. Il faut rappeler que
01:22l'Arabie Saoudite était sur la liste des BRICS, elle n'est pas là.
01:28La Turquie candidate, elle y sera peut-être la prochaine fois, elle n'y est pas encore.
01:32Et puis l'Argentine, bien sûr du fait du changement de majorité en Argentine,
01:36était pressentie pour faire partie de ce groupe, elle n'y est pas non plus. Et puis
01:41après il faut nuancer aussi sur la structure de ce groupe parce que qu'est
01:44ce que c'est que ce groupe ? C'est un groupe après tout extrêmement informel.
01:48Précisément, c'est ce que j'allais vous dire, c'est-à-dire que les BRICS sont
01:52un club informel, c'est pas une organisation internationale. Donc ça
01:55pose aussi la question de leur poids, de leur relative hégémonie finalement.
01:59Absolument, absolument. Le premier sujet c'est les BRICS. Quel protocole
02:05d'adhésion ? Quelle charte ? L'ONU qui bien sûr est en première ligne dans les
02:12institutions que les BRICS contestent, il y a une charte. Elle date de l'après-guerre.
02:17Les BRICS, il n'y a pas de charte. On peut être candidat, on est admis, on est
02:21accepté. Mais à quoi est-ce que cette charte engage ? Ça reste très flou.
02:26Donc c'est un club et c'est une forme d'assurance contre ce qui pourrait
02:31arriver de mal à un certain nombre de ces pays qui sont dans l'ONU.
02:34Alors les BRICS, ce sont par ordre d'arrivée quatre pays, Brésil, Russie, Inde, Chine
02:38plus un, Afrique du Sud, plus quatre, Égypte, Éthiopie, Iran et Emirats Arabes Unis
02:43dans cet ordre. Neuf pays et des intérêts divergents, pas toujours faciles à concilier.
02:48Oui, d'abord l'ironie, c'est de rappeler que ce sigle de BRICS a été inventé par Goldman Sachs.
02:56C'était une façon de dire voilà les marchés dans lesquels il faut investir.
03:00Quel retournement de l'histoire. C'était dans les années de tout début du millénaire.
03:04Ensuite, la divergence des intérêts, vous l'avez souligné, il faut rappeler que dans
03:09ces BRICS, le I c'est l'Inde et que l'Inde a un pied dans un dispositif qui s'appelle le Quad,
03:15c'est-à-dire l'alliance quadrilatérale où les États-Unis sont les hégémons en fait,
03:20avec le Japon et l'Australie. Et donc l'Inde est d'une certaine façon dans le camp qu'on
03:26pourrait qualifier d'occidental. Et puis l'un de ses principaux fournisseurs de matériel militaire
03:32à côté de la Chine, c'est aussi France avec nos fameux Rafales. Et l'Inde, bien sûr,
03:38est un des piliers et d'ailleurs le pilier le plus important en termes de population des BRICS.
03:43Donc vous voyez qu'il y a des intérêts divergents. Et puis il y a d'autres intérêts divergents
03:47naturellement. La preuve, c'est que l'Arabie saoudite qui s'est réconciliée avec l'Iran
03:51sous les auspices de la Chine aurait pu être là, mais finalement n'est pas là.
03:56On va en parler. Vous restez avec nous Jean-François Diméli, on va retrouver
03:59Juliane Colling, notre envoyée spéciale à Kazan. Donc bonsoir Juliane, on l'a évoqué avec notre
04:05invité. Le but c'est évidemment que Moscou ne soit pas celle, en tout cas c'est ce que veut
04:10montrer Vladimir Poutine. On comprend l'intérêt pour la Russie. Quels sont maintenant les enjeux
04:15pour les pays présents ? Il y a une vingtaine de dirigeants étrangers sur place.
04:19Si vous voulez, c'est vrai que les pays de ce club, comme on pourrait appeler les BRICS,
04:25qui n'est pas vraiment une alliance, c'est plutôt un club de pays qui sont assez disparates,
04:31tout de même dans leurs orientations géopolitiques surtout. Et effectivement,
04:35il y a des points communs chez eux tout de même, notamment une volonté sans doute sur le plan
04:38économique et monétaire je dirais. C'est là où ils se retrouvent le plus je pense. C'est une
04:43volonté un petit peu affichée par ces différents pays de sortir un peu du dollar en fait, du tout
04:47dollar pour tout ce qui est effectivement échanges commerciaux mondiaux. Car on sait que bien sûr,
04:51depuis 1945 et les accords de Bretton Woods, le dollar domine les échanges commerciaux et les
04:57transactions mondiales. Et donc ces pays souhaitent tous, dans l'élan de la Russie et de la Chine,
05:02qui sont un peu les pays on va dire les plus virulents là-dessus, de sortir du dollar et
05:08essayer de commencer à échanger avec d'autres devises, peut-être plus de devises nationales.
05:12Et peut-être même, c'est ce qui se dit actuellement à Kazan, c'est peut-être que
05:16l'alliance des BRICS est prête ou proche de proposer de différentes crypto-monnaies propres
05:23aux pays des BRICS pour pouvoir échanger ensuite dans ces crypto-monnaies. Et on peut aussi dire
05:28que justement, l'alliance des BRICS a également fondé son propre FMI, qui s'appelle la Nouvelle
05:33Banque d'Investissement, qui est présidée par Dilma Rousseff, l'ancienne présidente brésilienne,
05:37avec qui justement Vladimir Poutine s'est entretenu aujourd'hui. Donc tous ces différents
05:41éléments en fait au niveau économique et monétaire sont assez importants puisque voilà,
05:44ces pays ont visiblement la volonté de sortir un peu du dollar et de commencer à échanger avec
05:49d'autres devises et également sortir du système SWIFT peut-être, car on sait que différents
05:53pays des BRICS sont sous sanction, bien sûr la Russie, la Chine ou encore l'Iran. Et donc c'est
05:57important pour eux de pouvoir, encore une fois, bénéficier d'un système bancaire différent du
06:03SWIFT qui est plutôt occidental. Et donc voilà, ça c'est quelque chose de très important. Et on
06:08peut aussi finir en disant que ces pays ont également de manière plus générale à cœur
06:12de sortir d'un monde unipolaire selon eux, dominé par les Etats-Unis et peut-être partir sur un
06:18modèle de monde plus multipolaire, voilà comme on dit souvent. Merci beaucoup Julian Colling,
06:23l'envoyé spécial à Kazan de France 24. Jean-François Dimélieux, vous êtes toujours
06:27avec nous. Est-ce que justement au terme de ces trois jours de sommet, on va pouvoir voir
06:31un renforcement de l'axe, par exemple, Téhéran, Moscou, Pékin ? C'est ce à quoi il faut s'attendre ?
06:38Bon, il y a d'autres conversations que le sommet des BRICS. Comme ça a été dit plusieurs fois ici,
06:45c'est une vitrine. Donc cette vitrine va montrer effectivement une forme de rapprochement. Ceci
06:51étant dit, les vrais liens, bien naturellement, ce sont les liens économiques, c'est en particulier
06:59les achats de pétrole iranien par la Chine, les achats de pétrole russe par la Chine. De ce côté
07:06là, effectivement, il y a un vrai triangle opérationnel. Mais ce triangle fonctionne
07:11indépendamment du sommet. Le sommet, c'est avant tout une vitrine. Il est une vitrine aussi pour
07:17l'histoire de cette fameuse monnaie unique ou ce contournement du dollar. Mais ce contournement
07:22du dollar, il pose autant de problèmes qu'il n'en résout. Parce que la Chine, c'est naturellement
07:27le premier partenaire commercial d'un certain nombre de pays. Et sortir du dollar de façon
07:35brutale ou agressive ou en tout cas conflictuelle, ça pourrait aussi exposer la Chine, ce qu'elle ne
07:40veut absolument pas, à tomber à la masse, si j'ose dire, des sanctions auxquelles la Russie fait face.
07:46C'est un jeu extrêmement complexe. On a un glissement progressif indéniablement. On a
07:52l'émergence d'un nouveau centre de gravité. Mais plus qu'un centre, je dirais que c'est une
07:56circonférence. Parce qu'effectivement, ces pays n'arrivent pas à se mettre d'accord sur tout.
08:03C'est toujours très difficile de mettre des grands pays d'accord sur tout. Mais les principes qui
08:08pourraient fonder un accord multilatéral ne sont pas là. Ce qui est privilégié, c'est
08:15des alliances multiples, successives, qui n'excluent pas la multipolarité, comme cela a été dit. Il
08:20faut rappeler que l'un des termes que l'Inde utilise, c'est le multi-alignement, ce qui est
08:25quand même un paradoxe extraordinaire. Je vous remercie beaucoup Jean-François
08:28Di Melio. Vous présidez entre autres le Think Tank Asia Center. Merci d'avoir été notre invité ce soir.

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