Sébastien Huyghe, député apparenté Ensemble pour la République du Nord
La vie politique, ce sont parfois les montagnes russes. Sébastien Huyghe a connu des hauts et des bas, des victoires surprises et de lourdes défaites. Il est aujourd'hui un des députés les plus expérimentés de l'Assemblée. Longtemps engagé à droite, il est désormais apparenté au groupe Ensemble pour la République.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ? Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique. Car on ne naît pas politique, on le devient !
00:00La vie politique, ce sont parfois les montagnes russes.
00:03Mon invité a connu des hauts et des bas, des victoires surprises et de lourdes défaites.
00:09Il est aujourd'hui un des députés les plus expérimentés de l'Assemblée.
00:12Il est apparenté au groupe Ensemble pour la République.
00:15Générique
00:29Bonjour Sébastien Huig.
00:30Bonjour.
00:31Alors vous êtes apparu sur le devant de la scène politique le 16 juin 2002.
00:35Ce jour-là, vous avez créé la surprise en battant Martine Aubry aux élections législatives.
00:39On va revoir cela en image.
00:42Quant aux adversaires de Martine Aubry, ils célèbrent à leur façon la défaite de l'ancien ministre.
00:47Leur poulain vient de gagner, tout jeune, 32 ans à peine, inconnu en politique.
00:51Il y a quelques semaines encore, personne n'aurait misé sur sa victoire.
00:55Hier, il n'était encore qu'un simple clair de notaire.
00:58Ce matin, un peu groggy, Sébastien Huig savoure sa toute nouvelle notoriété.
01:03Je réalise que j'ai été élu député mais on va voir ce que ça signifie dans les jours à venir.
01:09En tout cas, je ferai de mon mieux encore une fois pour remplir la mission qui m'a été confiée hier.
01:14Alors vous dites, j'ai été élu député mais bon, on va voir ce que ça signifie dans les jours à venir.
01:19C'est-à-dire que vous avez été totalement pris de court, vous n'étiez pas du tout préparé à cette victoire ?
01:24C'est-à-dire qu'en fait, il y avait une chance sur 100 de l'emporter face à Martine Aubry,
01:29qui était un monstre politique dans une circonscription qui votait à plus de 60% à gauche traditionnellement depuis toujours.
01:38J'avais dit à mes militants, il n'y a qu'une chance mais on va la tenter et on va essayer de mettre le pied dans la porte.
01:44C'est ce qui s'est produit.
01:45Et d'ailleurs au point que vous aviez prévu de retourner à votre travail le surlendemain de l'élection.
01:50Vous n'aviez pas du tout anticipé ce qui allait se passer pour vous ?
01:54Bien sûr, j'avais pris mes congés et mes RTT.
01:57C'est ça l'ironie de l'histoire, c'est que c'est grâce aux 35 heures de Martine Aubry que j'ai pu prendre des RTT pour faire campagne contre elle.
02:06Tout a commencé pour vous.
02:08Du jour au lendemain, vous vous êtes retrouvé à la une de tous les médias, pas les médias régionaux, les médias nationaux.
02:14Plusieurs ministres vous ont appelés pour vous féliciter.
02:17Là, on voit tous les articles de presse qui vous ont été consacrés comme le tombeur de Martine Aubry.
02:22Je crois que vous vous êtes même retrouvé rapidement invité par Jacques Chirac à l'Elysée.
02:26Comment le jeune clair de notaire que vous étiez a vécu ce changement d'univers radical et soudain ?
02:34Je l'ai pris avec beaucoup de sérénité.
02:36J'espère ne pas avoir attrapé la grosse tête, mais ce n'est pas les échos que j'ai eus des gens qui me connaissaient depuis longtemps.
02:43Mais tous ces médias qui vous appellent, les caméras qui vous attendent quand vous sortez de voiture pour arriver au siège de votre parti, tout ça, vous l'avez bien vécu ?
02:51Oui, je me suis dit que ça fait partie du jeu.
02:54Et maintenant, il va falloir faire attention de ne pas dire de bêtises.
03:00Vous aviez fait votre campagne face à Martine Aubry en vous présentant comme le petit gars du coin.
03:04On voit là votre affiche, un homme neuf de chez nous, proche de nous.
03:07C'est ça qui a fait la différence pendant cette campagne ?
03:10Oui, j'ai un slogan que j'ai inventé parce que je m'étais dit qu'il faut faire du positif.
03:14Le slogan est positif, mais en creuse, c'était quand même une critique de Martine Aubry parce que tout ce que j'étais, elle n'était pas.
03:21On a évoqué cette victoire surprise de 2002.
03:24Vous êtes engagé dès l'âge de 16 ans.
03:26C'était au sein du Parti républicain.
03:28Qu'est-ce qui vous a poussé à prendre votre carte aussi jeune ?
03:32C'est une anecdote.
03:34C'est le grand frère d'un ami qui m'avait emmené à une réunion politique dans le Nord du Parti républicain, une réunion publique.
03:42Et puis, il y avait des gens à la tribune qui se sont exprimés.
03:45Et ensuite, il y a eu un dialogue avec la salle.
03:48Et je trouvais que dans la salle, les gens qui étaient là allaient dans le sens de ce qui avait été dit à la tribune.
03:53Et moi, du haut de mes 16 ans, je n'étais pas d'accord avec ce qui avait été dit.
03:58Donc, j'ai levé mon doigt et j'ai exprimé mon avis.
04:01Je me souviens juste après, un petit grand-père qui prend la parole et qui dit
04:04« Moi, je suis d'accord avec ce qu'il a dit le petit jeune ».
04:06Et d'autres l'ont suivi, nous ont suivi dans notre position.
04:11Et je me suis dit, si je n'avais pas osé prendre la parole à ce moment-là, peut-être que les autres ne l'auraient pas fait.
04:17Et donc, ça m'a bien plu.
04:18Et c'est comme ça que tout a commencé.
04:19Alors, votre vie politique, elle n'a pas été faite que de victoires.
04:22En 2008, vous avez été désigné tête de liste de l'UMP au municipal à Lille.
04:27Et là, ça s'est très mal passé pour vous.
04:29Martine Aubry a pris sa revanche en vous infligeant une lourde défaite.
04:33Quelle leçon est-ce que vous avez tirée de cette défaite et de cette campagne ?
04:37Ça a été une campagne très, très dure parce que la machine lilloise s'est mise en route.
04:44Du côté de Martine Aubry, vous voulez dire ?
04:46Du côté de Martine Aubry, oui.
04:47Avec tous les leviers d'une grande ville, elle utilisait ses services, elle utilisait tout.
04:55Elle avait aussi, je pense, une taupe dans mon équipe qui disait où j'allais aller.
05:01Et très bizarrement, 24 heures avant, elle allait à l'endroit où j'allais aller.
05:07Quand vous évoquez la taupe, c'est pour ça que vous avez eu cette phrase après votre défaite.
05:11Vous disiez qu'il n'y avait pas de programme, aucune machine de guerre et on plantait des poignards dans le dos.
05:16Vous avez été trahi par votre propre camp sur cette campagne ?
05:18Oui, je pense qu'il y avait quelqu'un qui...
05:20Mais au-delà de cette taupe, vous n'avez pas forcément eu tout le soutien que vous espériez de la part des responsables de la droite locale ?
05:27C'est clair qu'il y avait aussi certains élus qui auraient voulu être à ma place candidats face à Martine Aubry.
05:37Et donc, voilà, eux aussi n'ont pas...
05:40Ils ont peut-être savonné la planche.
05:42Vous avez subi une autre défaite.
05:44Beaucoup plus tard, c'était au législatif de 2022, battu dès le premier tour.
05:49Alors que vous aviez enchaîné comme cela 20 ans de mandat à l'Assemblée.
05:54Du jour au lendemain, tout s'est arrêté pour vous.
05:57C'est quelque chose qu'on évoque assez peu, ça, le retour à la vie civile quand on a connu une vie publique.
06:03Après des années de vie publique, ça a été compliqué pour vous ?
06:07Je savais à chaque fois que c'était des CDD de 5 ans.
06:13Et que, normalement, la première fois, ce n'est pas moi qui ai gagné.
06:18C'est surtout Martine Aubry qui avait perdu.
06:20Et la logique aurait voulu qu'au bout de 5 ans, je sois battu.
06:25Et à chaque fois, j'ai gagné.
06:29Et quand ça s'arrête, alors ?
06:30En 2022, il y a eu un petit grain de sable.
06:33C'est-à-dire que moi, j'étais pour qu'il y ait une coalition avec Emmanuel Macron.
06:39Vous, membre des Républicains, pour une coalition ?
06:43Avec En Marche ou Renaissance.
06:48Et donc, je l'avais dit dans des réunions politiques à Paris.
06:55Ça avait fuité dans la presse.
06:57Et quand j'ai annoncé ma candidature au local, on m'a étiqueté.
07:01Macron compatible.
07:02Et comme il y a eu un candidat macroniste au premier tour face à moi,
07:07qu'on m'avait affublé de Macron compatible,
07:10mes électeurs de droite anti-Macron, mes électeurs de gauche anti-Macron n'ont pas voté pour moi.
07:14Ce qui m'a fait chuter.
07:15Alors, ce que vous aviez voulu faire en 2022, vous l'avez fait en 2024.
07:19C'est-à-dire que vous avez été investi par Renaissance, devenu Ensemble pour la République,
07:23tout en restant membre des Républicains.
07:26Et là, vous faites donc votre comeback.
07:28Vous êtes aujourd'hui apparenté au groupe Renaissance.
07:31Pourquoi ce changement de famille politique ?
07:34Alors, ce n'est pas un changement.
07:36En fait, d'abord, après la défaite de 2022,
07:41j'étais en train de tourner la page de la vie politique.
07:45J'étais encore conseiller régional dans les Hauts-de-France.
07:47Je finissais mon mandat et je m'orientais pour ne plus me présenter à aucune élection.
07:54J'étais installé comme notaire ici à Paris.
07:57Et donc, c'était plus dans mes intentions, on va dire, de me représenter.
08:03Mais il ne faut jamais dire Fontaine.
08:05Et quand il y a eu la dissolution et que l'extrême-droite était aux portes du pouvoir,
08:10je ne pouvais pas rester les bras croisés.
08:13Et j'ai d'ailleurs quelques-uns de mes amis qui m'ont appelé pour me dire
08:17Sébastien, sur une campagne de quatre semaines,
08:20il n'y a pas le temps pour trouver un candidat et le faire connaître.
08:24Donc, c'est toi qui as le plus de chances pour battre le RN sortant.
08:27Et c'est comme ça que vous êtes revenu sur le devant de la scène ?
08:29J'y suis retourné. Il y avait une condition.
08:32Alors, j'avais l'extrême-droite et l'extrême-gauche.
08:34Je savais que pour le nouveau Front populaire, ce serait la même candidate.
08:39La France insoumise.
08:41Et qu'en face, j'avais le candidat d'extrême-droite sortant.
08:45Et donc, pour avoir une chance de gagner,
08:48il fallait que je sois le seul candidat de l'arc républicain.
08:53En quelques mots, vous avez bénéficié du Front républicain en 2024
08:58avec le désistement de votre adversaire.
09:01Vous aviez refusé de le faire en 2022
09:04alors qu'elle était confrontée au Rassemblement national.