00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatour-Dupin.
00:0520h15 sur Europe 1, merci d'être avec nous.
00:08Fabrice Leclerc, journaliste cinéma Paris Match est toujours avec nous dans ce studio.
00:12Nous rejoins Philippe Guibert, chroniqueur politique et Arnaud Benedetti, politologue,
00:16rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire.
00:19Messieurs, un mot sur Michel Blanc.
00:22Votre souvenir, Philippe Guibert ?
00:25L'exercice de l'Etat, on vient d'en parler.
00:28La scène où il joue le rôle d'un directeur de cabinet d'un ministre,
00:32et il se prépare le matin en écoutant le discours de Malraux
00:36qui fait entrer Jean Moulin au Panthéon, qui est un discours de décembre 1964,
00:40et c'est une scène extraordinaire.
00:42Parce que c'est très rare les acteurs qui ont réussi à être comiques,
00:46puis ensuite acteurs dramatiques, et être très très bons,
00:49donc très grands acteurs dans les deux catégories.
00:52Je ne vais pas être original, parce qu'en plus comme je dirige une revue
00:55qui est la revue politique et parlementaire,
00:57L'exercice de l'Etat, c'est un film qui est tout à fait intéressant,
01:00et je pense que c'est un film à faire voir à des étudiants,
01:02pour comprendre justement ce que c'est qu'incarner l'Etat
01:05et être en responsabilité de l'Etat.
01:07Et c'est vrai, je rejoins ce que dit Philippe,
01:08c'est qu'il était très crédible dans les personnages comiques,
01:11on a ri tout à l'heure ces fameuses répliques dans Les Bronzés,
01:15mais il était extrêmement crédible dans les personnages plus dramatiques.
01:20Il y avait un autre film aussi qui est un très beau film,
01:22c'est Monsieur Hir, où il joue le rôle d'un personnage
01:25qui est tourmenté, sombre, solitaire,
01:28et où manifestement il habite le rôle.
01:30Et c'est vrai que c'est difficile pour quelqu'un qui est catalogué
01:33dans la catégorie des comiques,
01:35ensuite d'épouser des rôles qui sont des rôles un peu plus difficiles et plus complexes.
01:39Il y en a très peu.
01:40Fabrice Leclerc, vous l'avez vu la dernière fois,
01:43Michel Blanc, c'était lors de cette très belle une de Paris Match,
01:45où vous aviez réuni la troupe du Splendide,
01:48c'était il y a quelques mois,
01:50vous vous souvenez évidemment de cette une.
01:53Dans quel état d'esprit il était Michel Blanc ?
01:56Quels souvenirs vous avez de ce moment ?
01:58Alors ce qui est amusant, c'est la réflexion au journal,
02:01c'était qui a symbolisé les 20-30 dernières années,
02:04à la fois des gens populaires, de qualité, drôles, accessibles,
02:08et on s'est dit que c'était le Splendide.
02:10Et on a beaucoup travaillé avec Jérôme Béglé,
02:13le directeur du journal,
02:15Clavier et Lhermitte ont été deux moteurs pour rassembler la troupe.
02:18C'est toujours difficile de les rassembler.
02:20Et Michel Blanc, c'est le seul qui,
02:23une heure avant le shooting qu'on a fait au Splendide,
02:26a dit finalement je ne veux pas venir,
02:28mais de toute façon ce n'est pas essentiel que je vienne,
02:30je ne suis pas essentiel.
02:31Oui, mais j'ai mal aux pieds.
02:33Il est venu, il a fait le truc,
02:35et puis deux jours après il a laissé un message en disant
02:38merci, merci, merci, j'ai retrouvé mes potes,
02:41on a redit des bêtises,
02:42j'ai embrassé Josy sur la bouche,
02:45on a dit des insanités,
02:47qu'est-ce que c'était drôle, qu'est-ce que c'était bon.
02:49Et voilà, c'était ça Michel Blanc.
02:50Il avait parfois,
02:52il était très monsieur Hire en fait,
02:54dans la vie Michel Blanc,
02:55c'était quelqu'un de torturé,
02:57de tourmenté,
02:58de hypochondriac,
03:00fragile,
03:01demandant énormément d'amour,
03:04et dès qu'on lui en donnait,
03:05finalement c'était le plus heureux des hommes.
03:07Et puis il avait quand même cet humour,
03:09ça a été un des grands auteurs du splendide,
03:13il faut savoir qu'il écrivait beaucoup,
03:15il avait un art de la vanne qui était quand même consommé,
03:17il adorait Woody Allen,
03:18d'ailleurs les films qu'il a réalisés sont des films
03:20qui ressemblent beaucoup à ceux de Woody Allen.
03:22Et voilà, c'était ce mélange-là,
03:25Michel Blanc.
03:26Alors justement, on va réécouter les mots de Michel Blanc,
03:28invité sur Europe 1,
03:29il explique comment,
03:30parce qu'on disait qu'il est passé effectivement du comique au drame,
03:32ça a été compliqué,
03:33parce que ce rôle de Jean-Claudius
03:35lui a collé à la peau toute sa carrière,
03:37tel succès,
03:38très compliqué pour lui évidemment,
03:39après de tourner,
03:40alors qu'il a excédé dans ce domaine,
03:42dans des rôles dramatiques,
03:44et il expliquait sur Europe 1,
03:45c'était en 2024 justement,
03:47sa vie avec Jean-Claudius.
03:50Ce qui est très paradoxal,
03:51c'est que j'ai commencé,
03:52les premiers rôles que j'ai faits,
03:54avant que nous ne fassions Les Bronzés,
03:57c'était avec des auteurs,
03:59c'était avec Polanski,
04:01c'était avec Tavernier,
04:02c'était avec Claude Miller,
04:04et puis Les Bronzés sont sortis.
04:06Et là, silence radio,
04:08ils ne m'ont plus appelé.
04:09Ce que je comprends assez bien,
04:10parce que le personnage était tellement typé,
04:13qu'ils ont dû se dire,
04:14mais si on le met dans un film,
04:16les gens vont dire,
04:17ah tiens, il y a Jean-Claudius dans le film.
04:18Et ça, ça vous scie complètement.
04:21Donc en fait,
04:22c'est la sélection à Cannes,
04:24avec Tenue de soirée et Blié,
04:26qui m'ont sorti de là-dedans.
04:28C'est incroyable.
04:29Il y a le prix d'interprétation à Cannes quand même,
04:31il faut s'en souvenir,
04:32avec le film de Blié.
04:34Ce qui est très intéressant,
04:35il m'avait raconté une fois,
04:36sur Jean-Claudius,
04:37sur Les Bronzés 3.
04:38Jean-Claude.
04:39Vous l'appelez Jean-Claudius depuis le début.
04:41C'est Jean-Claude.
04:42C'est Jean-Claude.
04:43Quand ils font Les Bronzés 3 en 2010,
04:47énorme succès,
04:48quasiment 11 millions d'entrées,
04:50ils mettent du temps à y revenir.
04:52Michel Blanc est celui qui a le moins envie d'y retourner.
04:55Il dit, allez avec les potes,
04:56on y retourne,
04:57on écrit quelque chose.
04:58Il me dit, le film n'était pas bon.
04:59On était tous d'accord pour considérer
05:01que le film était un peu raté.
05:02Et il me dit, surtout,
05:03quand j'ai repris le rôle de Jean-Claudius,
05:06je voulais choisir après,
05:09il m'a dit que je l'ai très mal joué dans le film.
05:11Et je me suis rendu compte, en fait,
05:13que je ne pouvais plus jouer Jean-Claudius.
05:16Oui, mais dans le film,
05:18sa vie avait évolué à Jean-Claudius.
05:20Oui, elle avait évolué.
05:21Il était successful,
05:22ce n'était plus le même homme.
05:23Mais peu importe,
05:24il l'a porté à la fois comme un emblème
05:26et comme un fardeau.
05:28Oui, mais il y retourne.
05:29C'est ça qui est quand même incroyable.
05:30Il y retourne.
05:32C'est la dualité de Michel Blanc
05:34comme de beaucoup de membres du Splendide.
05:36Ils ont vécu ce succès énorme
05:38dont on leur parle toujours dix ans après.
05:40Ils ont fait énormément d'autres choses,
05:42tous autant qu'ils sont.
05:43Ils ont eu des rôles dramatiques.
05:45Il faut souvenir que Clavier a joué Napoléon.
05:47Personne ne s'en souvient.
05:49Mais quand ils reviennent à ça,
05:51c'est quand même l'ADN de la bande de copains
05:53du lycée à Neuilly
05:55qui aiment déconner,
05:56qui aiment raconter des horreurs
05:58et surtout qui a un talent d'écriture comique
06:00qui va révolutionner la comédie à la française
06:02à la fin des années 70.
06:04Et c'est une bande de potes.
06:06Il faut s'en souvenir.
06:07C'est une vraie bande de potes.
06:08Et on ne dit jamais non à ces potes.
06:10Vous avez raison Fabrice Leclerc,
06:12Philippe Guibert.
06:13L'humour du Splendide aujourd'hui,
06:15compliqué non ?
06:17Oui, mais visiblement,
06:19vous voyez...
06:21Si vous détruisez Arnaud Bénédicte...
06:22Je pense que c'est compliqué.
06:24C'est compliqué.
06:26Tout le monde pense à Jean-Claude Deci.
06:28Michel Bain est rentré grâce à lui.
06:30Il fait partie de la famille.
06:32Tout simplement.
06:34Il a eu le mérite de savoir en sortir.
06:36Mais il est resté, pour des millions de français,
06:38cet acteur.
06:40Arnaud Bénédicte, sur l'humour du Splendide,
06:42là on parle évidemment des français aujourd'hui.
06:44Oui, je pense que ça serait plus compliqué aujourd'hui.
06:46Parce qu'on est dans une société
06:48qui est certainement plus, j'allais dire,
06:50qui accepte moins un certain nombre
06:52de choses.
06:54Donc on peut imaginer que ça serait plus compliqué.
06:56En même temps, moi ce que j'ai envie de dire,
06:58c'est que, d'ailleurs la bande du Splendide est comme ça,
07:00c'est que
07:02ce sont des vedettes
07:04qui ont traversé
07:06presque 30 ans,
07:08plus de 30 ans de vie
07:10cinématographique en France.
07:12Mais ce qu'il y a de très sympathique avec eux,
07:14c'est qu'ils
07:16ne se prennent pas au sérieux, c'est le moins qu'on puisse dire,
07:18que ce sont des comédiens,
07:20ce sont des acteurs.
07:22Ils ne sont pas donneurs de leçons du tout.
07:24Ils interviennent assez peu d'ailleurs.
07:26Ils ne font pas partie de ces comédiens,
07:28de ces acteurs qui
07:30interviennent dans le débat public
07:32et qui s'érigent parfois un peu
07:34comme des maîtres à penser. Ce n'est pas tout à fait le cas.
07:36Et je pense que Michel Blanc, ce n'était pas le cas.
07:38Moi je ne l'ai pas connu, mais je n'ai pas de souvenirs de Michel Blanc
07:40intervenant dans le débat public. Il reste dans ce qu'il était.
07:42Et donc,
07:44en fait, c'est ce qui je pense aussi fait leur force
07:46d'une certaine manière et les rend encore plus sympathiques
07:48aux yeux du public.
07:50Il faut se souvenir qu'à l'époque,
07:52le Père Noël qui sort en 1982,
07:54je vous rappelle que les affiches du film sont interdites
07:56dans le métro parce que c'est blasphème.
07:58Alors racontez-nous les affiches.
08:00Le Père Noël est une ordure, le titre choque
08:02beaucoup de gens et donc les affiches du film
08:04seront interdites dans le métro.
08:06Le titre, le Père Noël est une ordure ?
08:08Aujourd'hui, c'est extrêmement trash,
08:10c'est une satire sociale.
08:12C'est terrible.
08:14La petite bourgeoisie des pauvres et des riches,
08:16des homos, des hétéros,
08:18des gentils et des pas gentils.
08:20Un film aujourd'hui,
08:22dans le cinéma français tel qu'il est,
08:24je ne suis pas sûr qu'ils trouvent du financement.
08:26C'était extrêmement
08:28dur, c'est arde.
08:30C'est de l'humour très brutal,
08:32très rentre-dedans.
08:34Non, non, ils ont admis réellement quelque chose.
08:36Il y a le splendide,
08:38il y a les nuls ensuite qui amènent
08:40encore quelque chose de supplémentaire
08:42mais dans leur sillage.
08:44Et depuis, qu'est-ce qu'il y a ?
08:46Les inconnus, ça ne passe pas.
08:48C'est moins
08:50vert, je trouve, c'est moins arde
08:52que
08:54le splendide.
08:56Le splendide, effectivement.
08:58Et Michel Blanc,
09:00vous savez, parce que c'est vrai qu'ils ne se sont pas exprimés
09:02aujourd'hui, la troupe du splendide,
09:04ses copains, pas un mot, ils ont demandé
09:06à les faire faire un communiqué.
09:08Pour expliquer
09:10effectivement les circonstances du décès
09:12de Michel Blanc, vous avez raison,
09:14après ils ont fait un communiqué commun en disant
09:16on va respecter notre douleur, on ne dira rien.
09:18Est-ce qu'ils
09:20vont pouvoir se manifester pour rendre un
09:22dernier hommage à leurs copains ?
09:24Fabrice Leclerc, est-ce que ça peut prendre forme ?
09:26On n'en sait rien,
09:28on sait qu'ils avaient envie de
09:30retravailler ensemble sur quelque chose
09:32de totalement différent que les bronzés.
09:34Ils ne voulaient plus en entendre parler.
09:36Moi, je me souviens qu'ils avaient été très
09:38contents quand ils ont reçu leur César d'honneur
09:40tous sur la scène. Ils étaient super
09:42fiers d'avoir ce César tous ensemble.
09:44Beaucoup n'en avaient jamais eu,
09:46Michel Blanc en avait eu un.
09:48Comment ils peuvent réagir ?
09:50Je pense qu'ils ont perdu
09:52leurs copains qui sont extrêmement tristes,
09:54qui sont dans la douleur
09:56et qui ne réagiront pas
09:58de sitôt je pense.
10:00Et puis c'est la fin du Splendide.
10:02On se le dit, il n'y aura plus de Splendide.
10:04Ce n'est pas possible que le Splendide
10:06puisse renaître un jour sans Michel Blanc.