00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatorre Dupin.
00:05Rachel Khan est dans ce studio, bonsoir Rachel, écrivaine, essayiste dans ce studio,
00:10également Régis Le Saumier qui est journaliste, grand reporter, spécialiste international.
00:16Merci d'être là et le général Trinquant est également avec nous dans ce studio.
00:22Évidemment c'est un événement important qui s'est produit hier et confirmation aujourd'hui.
00:29Israël a tué le chef du Hezbollah.
00:33Nasrallah qui, je le disais, depuis 30 ans était à la tête du mouvement chiite libanais.
00:40Avec quelles conséquences ? C'est la question que nous nous posons aujourd'hui.
00:44D'abord peut-être un mot sur Nasrallah lui-même, ce leader qu'on n'arrivait pas à cibler,
00:54ce leader qui régnait sur ce mouvement chiite libanais depuis 30 ans.
00:58Peut-être un mot, Régis, pour le qualifier, pour voir quel impact
01:04et pour que les auditeurs d'Europe 1 comprennent bien l'importance de sa mort
01:08et ce que ça pourrait engendrer dans la région.
01:10Si vous voulez, Nasrallah, je vais dire, c'est le dernier chef de guerre de la guerre civile libanaise
01:17qui finalement a d'abord conservé ses armes après cette guerre civile libanaise
01:22et qui restait d'importance jusqu'à transformer son mouvement non plus en une guérilla
01:30parce qu'elle est née finalement d'une guérilla contre l'occupation du Liban Sud par l'armée israélienne en 1982
01:38qui a transformé ce mouvement en un mouvement, en une nébuleuse, on va dire,
01:44un groupe tentaculaire international, notamment à la faveur de la guerre en Syrie
01:50ayant des ramifications jusque chez les Houthis qui ont été évoquées tout à l'heure.
01:55Véritablement une machine de guerre, voilà.
01:58C'est quelqu'un qui a fait d'un groupe de résistants, on va dire.
02:03D'ailleurs, quand on parle du Hezbollah, la plupart des Libanais disent la résistance.
02:08C'était la résistance à Israël à l'époque, aujourd'hui c'est tout autre chose.
02:12Rachel Caine, d'ailleurs Joe Biden a réagi, il dit que sa mort est une mesure de justice.
02:17Une mesure de justice, Israël était l'ennemi juré de Nasrallah.
02:24De toute façon, il faut bien comprendre que dans ce conflit, l'objectif c'est la destruction d'Israël.
02:29Si on ne comprend pas que les groupes terroristes veulent détruire Israël
02:33et l'ensemble des juifs par ailleurs de la diaspora et l'ensemble des démocraties et des principes et des valeurs démocratiques,
02:39on ne peut pas comprendre ce conflit.
02:41Je trouve que le mot de justice, c'est tout à fait pertinent.
02:50Par ailleurs, il y a aussi un moment particulier de la communauté juive israélienne, mais partout dans le monde,
02:58c'est que c'est le dernier Shabbat de l'année.
03:01De cette année 5784, on va passer dans une nouvelle année.
03:06Je pense que l'air de rien, symboliquement, il fallait marquer le coup aussi par rapport à toutes ces horreurs
03:13qu'ont pu perpétrer ces groupes terroristes depuis des années.
03:18Et pas seulement par rapport à Israël, mais aussi par rapport, et vous l'avez évoqué tout à l'heure,
03:22par rapport à différents pays musulmans.
03:24Parce qu'en réalité, c'est les musulmans aussi qui sont en première ligne de ces barbaries.
03:28Donc Israël a ouvert de front avec le Ramas, avec le Hezbollah, on va y revenir.
03:32General Trinquant, je me tourne vers vous, juste pour dire un mot de cette opération militaire.
03:36Comment l'armée israélienne a-t-elle pu savoir que Nasrallah se trouvait sur les lieux au moment précis où elle a lancé son offensive ?
03:44Oui, alors juste avant, je complète en disant, en plus le Hezbollah et Nasrallah, c'est le bras armé de l'Iran sur la frontière israélienne.
03:52C'était extrêmement important de le rappeler.
03:54Et donc c'est pour ça que c'est une menace.
03:56Et le deuxième point, c'est qu'il a réussi quand même à contribuer à la destruction de l'Etat libanais,
04:03et de permettre de voir que l'Etat libanais n'existe plus.
04:07Mais sur l'opération elle-même ?
04:09Sur l'opération, c'est une opération graduelle,
04:12qui a commencé par la fameuse attaque sur les Bippers ou Pagers et les Tokiwokis,
04:18puis sur des frappes ciblées, et enfin sur cette opération-là.
04:23Alors cette opération-là, comme toutes les autres opérations d'ailleurs,
04:26elles sont montées de longue main par le Mossad.
04:29Il l'a montée depuis très très longtemps.
04:31Et là on peut voir d'ailleurs que dans les services de renseignement,
04:34le Mossad qui agit à l'extérieur, je le rappelle, alors que le Shin Bet agit à l'intérieur,
04:39et que le Haman régit pour l'armée,
04:42le Mossad est probablement le service le plus efficient,
04:46qui s'est infiltré depuis très très longtemps.
04:48Parce que par exemple pour l'affaire des Pagers,
04:50il a fallu monter des sociétés écrans depuis des années,
04:54pour arriver à ce qu'au montage, il y ait de l'explosif dans la batterie.
04:58Ce qui est quand même quelque chose d'extraordinaire.
05:00Et sur l'opération-là, il a fallu identifier où était ce PC,
05:04et avoir suffisamment d'infiltration pour savoir que les responsables du Hezbollah
05:08arrivaient à ce moment-là.
05:10Et la conjonction de la préparation de long terme pour savoir où était le PC,
05:14quel type de bombe il fallait utiliser,
05:16parce qu'il faut que ce soit des bombes qui détruisent les blocos qui sont en dessous,
05:20et de renseignement humain, forcément,
05:24qui vous dit, ça y est, ils arrivent, ils sont en réunion,
05:27et il y a 5, 6 responsables,
05:30cette conjonction a permis de faire cette frappe,
05:33juste au moment où M. Netanyahou était à New York,
05:36et d'ailleurs il y a une photo qui a été publiée,
05:38où on le voit donner l'ordre, puisqu'on a dû lui demander l'autorisation,
05:41et ça, ça se passe dans la représentation israélienne à New York,
05:46que je connais bien, qui est à 5 minutes à pied des Nations Unies.
05:49C'est-à-dire qu'on l'a vu partir rapidement après son discours,
05:53pour rejoindre, et pour donner l'ordre de tir,
05:56parce que les Israéliens attendaient.
05:58Puisqu'on est passé de frappes militaires à des frappes politiques.
06:02On a détruit d'abord l'instrument militaire,
06:06ça a été les pagers et les talkie-walkies, plus quelques frappes ciblées,
06:09mais avant d'arriver au niveau politique, il faut une décision lourde,
06:13parce que ça veut dire qu'on n'a plus la capacité de discuter avec personne,
06:17pendant un certain temps en tout cas.
06:19Et donc ça, ça veut dire qu'Israël décide d'aller jusqu'au bout
06:23de la destruction du Hezbollah,
06:25et arrivera-t-il, c'est un autre sujet,
06:27mais jusqu'au bout, puisqu'il veut détruire complètement,
06:30non seulement la branche militaire, mais également les responsables politiques,
06:33dont ce responsable symbolique, important, qui est M. Nasrallah.
06:39C'est une victoire, Régis Le Saumier, d'ampleur pour ça là.
06:43C'est une très très grosse victoire, évidemment qu'il va avoir des conséquences,
06:47on va en parler dans un instant,
06:49mais à l'heure où l'on parle, c'est une victoire contre le Hezbollah majeure.
06:54C'est incontestable.
06:56Le général vient d'évoquer la question des pagers,
07:00et donc là où on avait une victoire, d'abord du renseignement,
07:04il y a quand même des performances aussi au niveau de la surveillance qui ont été mises en place.
07:09Là, on peut dire que Tsaha l'a surperformée,
07:12et qu'elle a véritablement saisi son ennemi à la gorge.
07:15Après, la vraie question aujourd'hui qui se pose,
07:18c'est que va-t-on faire maintenant que Nasrallah n'est plus là,
07:22de la puissance du Hezbollah ?
07:24Il y a 100 000 combattants, le Hezbollah encore, je crois.
07:28Si vous me permettez de préciser un petit peu l'envergure du Hezbollah,
07:33je voulais m'attarder sur le fait que ce qui s'est passé hier,
07:38c'était déjà passé en 2006.
07:40Je parle des frappes sur Daryé,
07:43qui est le QG du Hezbollah à Beyrouth Sud,
07:46et comment la ville avait été complètement anéantie,
07:50complètement détruite.
07:52Il y a une doctrine chez les militaires israéliens
07:58qui s'appelle la doctrine Daryé,
08:00qui est l'utilisation de la force en milieu urbain,
08:06et dans ces monts peuplés.
08:08En 2006, Nasrallah avait été dit tué pendant trois jours,
08:15puis il avait fini par sortir des décombres,
08:18et à la fin, finalement, l'opération israélienne,
08:21dont une partie s'était déroulée au sol,
08:23avait fini par une défaite, ou en tout cas,
08:26un retrait d'Israël qui avait été exploité immédiatement par le Hezbollah.
08:30Depuis 2006, le Hezbollah a complètement changé.
08:33A l'époque, je le disais dans l'introduction,
08:36c'était une organisation de guérilla,
08:38c'est-à-dire une organisation qui luttait contre la présence d'une armée étrangère,
08:42c'est-à-dire l'armée israélienne, sur son sol.
08:44Donc, qui a utilisé tous les types de techniques,
08:47qui a inauguré d'ailleurs les IED,
08:49bien avant que ce soit utilisé par d'autres groupes terroristes,
08:53au Moyen-Orient et ailleurs.
08:55Donc, ils avaient l'initiative,
08:57et ils ont quelque part fait reculer Tzahal,
09:00puisqu'en 2000, l'armée israélienne décide de quitter le Liban Sud.
09:072006, c'est la frappe sur le Hezbollah.
09:09Et donc, ce qui se passe entre 2006 et maintenant, c'est quoi ?
09:13C'est essentiellement, et il faut vraiment insister là-dessus,
09:16la guerre contre Daesh et la guerre en Syrie.
09:19Le Hezbollah va véritablement reformater l'armée syrienne,
09:23qui était une vieille armée au moment de la guerre civile,
09:26à partir de 2011.
09:27Le Hezbollah va reformater cette armée,
09:29il va en faire une armée ultra-opérationnelle,
09:32qui va permettre à Bachar el-Assad, son allié,
09:34de reconquérir le territoire syrien.
09:36La première victoire du Hezbollah en Syrie, c'est Koussaïr.
09:39Ensuite, il y a Palmyre, la reconquête de Palmyre.
09:41Ensuite, il y a Alep, la reconquête de la deuxième ville de Syrie,
09:48par les troupes de Bachar, mais surtout par le Hezbollah,
09:51aidé par les Russes.
09:52Donc, vous avez cette fantastique machine militaire,
09:56qui se met en place, et l'expérience du combat,
09:59l'expérience opérationnelle.
10:00C'est-à-dire qu'on est plus dans, simplement,
10:03on lutte contre un occupant.
10:05On monte des opérations, on conquiert des villes,
10:08on a une expertise militaire,
10:10et aujourd'hui, les fameux 100 000 combattants du Hezbollah,
10:13je ne dis pas qu'ils ont tous une expérience militaire,
10:15mais en tout cas, les commandants intermédiaires,
10:17qui sont les plus dangereux,
10:19parce que le haut du pavé, il est connu,
10:21ces commandants intermédiaires sont moins connus
10:24des services de renseignement,
10:25et ils sont dans la nature aujourd'hui.
10:27Vont-ils garder le côté ordre,
10:31tel que le Hezbollah l'avait avant,
10:33c'est-à-dire avec un chef qui décide,
10:35où est-ce que ça va s'évaporer dans la nature,
10:41avec toute la létalité de l'appareil militaire,
10:44plus le nombre d'armes,
10:46parce que c'est des centaines de milliers de roquettes
10:48que le Hezbollah...
10:49Vous savez, le Hezbollah travaille,
10:51on l'a précisé, main dans la main avec les Iraniens,
10:55notamment avec le corps des gardiens de la révolution iranienne.
10:58Un des chefs des gardiens de la révolution iranienne
11:01disait récemment,
11:02nous fabriquons des missiles comme vous fabriquez des cigarettes.
11:05C'est-à-dire, on en a des centaines de milliers.
11:07Et le Hezbollah, c'est pareil.
11:09Ils ont des caches de missiles dans les montagnes.
11:11Le Liban est un pays très montagneux.
11:13Donc tout ça, ça existe encore.
11:15Est-ce qu'il y a un commandement unifié du Hezbollah
11:18pour manœuvrer ces missiles
11:20et pour pouvoir en continuer à les envoyer sur Israël ?
11:23C'est ça la vraie question.
11:24Et que va faire Israël ?
11:25Est-ce qu'Israël va risquer une opération au sol
11:28contre un ennemi surpuissant, même désorganisé ?
11:32Ça reste quand même un groupe avec des prédispositions djihadistes.
11:37Vous savez, à chaque fois que les autres groupes djihadistes sunnites
11:40ont perdu leur leader,
11:41toujours, il y a eu un nouveau leader qui est revenu derrière.
11:44Est-ce que ça va être le cas ?
11:45Ou est-ce que, finalement, ça va être un coup suffisant
11:47pour permettre à Israël de faire reculer le danger du Hezbollah
11:53et de permettre à ses habitants de revenir au nord d'Israël
11:56puisque c'était un des objectifs ?
11:58C'est une question, évidemment.
11:59Cette opération Israël, peut-il lancer une opération au sol,
12:04sur le sol libanais ?
12:05C'est une des questions que l'on se pose.
12:06Quelle sera aussi la réponse de l'Iran
12:08qui promet de raser Israël de la carte ?
12:11Mais en a-t-il seulement les moyens, Rachel Khan ?
12:13En tout cas, Israël continue ses frappes en ce moment.
12:17Nouvelle frappe menée sur le QG du Hezbollah.
12:20Quel est l'objectif d'Israël ?
12:23Israël, étant donné qu'hier, elle a tué la tête pensante et ses commandants.
12:28Pourquoi Israël continue à bombarder ce QG du Hezbollah encore aujourd'hui ?
12:32Israël continue parce que les Israéliens ont envie de vivre libres dans leur pays
12:38et que ce n'est pas le cas.
12:40Et qu'il y a 60 000 déplacés au nord,
12:42qu'Israël est attaqué sur trois fronts,
12:45le sud, le nord et la Cisjordanie.
12:48On a ces 60 000 personnes qui sont déplacées.
12:52On a 8 000 ou 10 000 roquettes qui ont été bombardées depuis le 8 octobre
12:59par les groupes terroristes qui se rencontrent,
13:02parce qu'il y a une coalition de terroristes qui se rencontrent,
13:04qui se sont rencontrés au Liban.
13:06Hamas, Hezbollah et djihad orchestrés par l'Iran.
13:10Donc on a cette population israélienne.
13:14Et comme c'est une démocratie, les démocraties protègent leurs citoyens.
13:19Donc on a ce dôme de fer.
13:21Mais s'il n'y avait pas eu ce dôme de fer pour protéger les Israéliens,
13:23ce serait un carnage.
13:25On va continuer d'en parler.
13:27Rachel Khan, Régis Sessomier, Général Trinquant.
13:29Il est 19h27 sur Europe 1.
13:31Dans un tout petit instant, le journal permanent sur Europe 1.