Les services d’urgences connaissent une « dégradation inexorable » de leur fonctionnement, selon le principal syndicat de médecins urgentistes qui propose notamment de revoir l’organisation territoriale de ces services

  • le mois dernier
Les services d’urgences connaissent une « dégradation inexorable » de leur fonctionnement, selon le principal syndicat de médecins urgentistes qui propose notamment de revoir l’organisation territoriale de ces services

Category

🗞
News
Transcription
00:00Je voulais qu'on revienne également sur ce chiffre que j'ai vu ce matin et qui, moi, m'a laissé un peu sans voix.
00:04Deux services d'urgence sur trois ont fermé au moins une fois durant les mois de juillet et août 2024.
00:10C'est une enquête du syndicat Samu Urgence en France, le syndicat qui dénonce une maltraitance institutionnelle
00:16qui consiste à obliger des patients de plus en plus nombreux à devoir attendre plusieurs heures,
00:20voire pour certains plusieurs jours, sur des brancards dans des couloirs aux urgences.
00:24Frédéric Pain, bonjour. Merci d'être avec nous, médecin et vice-président du collectif Santé en danger.
00:29C'est vrai que c'est hallucinant de voir que deux services sur trois ont fermé au moins une fois pendant cet été.
00:35Le signal d'alarme, vous le tirez depuis des jours, vous le tirez depuis des semaines, depuis des mois.
00:40Et j'ai le sentiment que rien ne bouge. Pourquoi ?
00:44Ça, c'est une bonne question. C'est vrai que ça fait des années qu'on tire le signal d'alarme.
00:48La situation... Enfin, depuis au moins 2017, la situation se dégrade tous les ans, tous les ans.
00:55Rien ne bouge, parce qu'en fait, je pense qu'il n'y a pas de vision globale, il n'y a aucune vision globale du système de santé.
01:02C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'il y a un problème, on va essayer de le résoudre, mais ponctuellement.
01:07Le problème des urgences, on s'est attaqué l'année dernière au problème de l'intérim.
01:13On a dit que les intérimaires étaient payés trop cher, il y a eu la loi RIST qui a limité l'intérim.
01:19Moyennant quoi, non seulement ça n'a pas résolu le problème, mais ça a aggravé les choses.
01:23Et puis ce qu'il faut voir, on l'a dit souvent au collectif et je l'ai dit souvent, c'est que la santé repose sur deux jambes, la ville et l'hôpital.
01:33Donc si à chaque fois on ne traite qu'un problème, que l'hôpital ou que la ville ou partiellement, en fait, il n'y a aucune vision globale.
01:41Là, en fait, il manque de monde, il y a une pénurie. Alors on essaie de gérer la pénurie, mais on n'est pas assez nombreux.
01:49Il y a un moment où il va falloir qu'on se rende à cette évidence-là. On n'est pas assez nombreux. Et voilà, il va falloir qu'on trouve des solutions.
01:56– Mais le problème, c'est que ça ne va pas se résoudre sur un claquement de doigts.
01:59C'est-à-dire que vous n'êtes pas assez nombreux et on ne peut pas résoudre ça dans un mois.
02:02Ça va prendre plusieurs années pour résoudre ce problème-là.
02:04Qu'est-ce qu'on fait pendant ces années-là ?
02:06On laisse des patients sur des brancards dans les couloirs pendant des heures ?
02:10– Alors, l'histoire des patients sur les brancards, ça vient quand même...
02:15Le problème des urgences, il est quand même très clairement celui des lits d'aval, des lits d'hospitalisation.
02:19Depuis des dizaines d'années, on a fermé, fermé, fermé des lits d'hospitalisation.
02:24À un moment, on en a fermé tant qu'effectivement, il n'y a plus de lits d'aval.
02:27Les urgentistes, ils ont le problème, c'est qu'ils ont des patients qu'ils doivent hospitaliser,
02:31qu'ils doivent garder à l'hôpital et ils n'ont pas de solution.
02:34Donc moi, je le vis tous les jours, je suis médecin généraliste.
02:36Soit les patients, ils attendent aux urgences sur des brancards, une nuit, deux nuits.
02:40On sait que ça augmente la mortalité des patients fragiles, polypathologiques.
02:45Une nuit sur un brancard, ça augmente le risque de mortalité de 40%.
02:50Donc, soit ils restent en attendant qu'une place se libère,
02:53une hypothétique place se libère dans un service d'hospitalisation.
02:56Soit, peut-être, je ne sais pas si c'est pire,
02:59on renvoie les gens à leur domicile alors que les urgentistes savent pertinemment qu'il faut les garder,
03:05mais ils n'ont pas le choix, ils sont obligés de renvoyer des gens à domicile
03:08en faisant prendre des risques aux patients, en prenant des risques eux-mêmes.
03:10Ils ont bien conscience de ça et ce n'est pas confortable pour les urgentistes, je le sais.
03:14Et nous, en ville, on se retrouve avec des patients qu'on doit revoir le lendemain,
03:19le surlendemain, qui sont chez eux alors qu'ils devraient être à l'hôpital.
03:22On les renvoie aux urgences parce que ça ne va pas.
03:24Donc, en fait, le système est complètement embolisé.
03:27Et en fait, le problème, c'est quand même, pour résoudre le problème,
03:29on n'est pas assez nombreux, mais il y a aussi un problème de lits d'hospitalisation.
03:33Il faut absolument qu'on réouvre des lits et qu'on recrée des lits d'hospitalisation.
03:37Un problème, Frédéric Pin, c'est qu'il y a des feux rouges partout.
03:39Il y a des alertes rouges partout.
03:41Il y a des alertes rouges sur la médecine de ville.
03:43Il y a des alertes rouges sur la désertification dans les petites villes et dans les villages.
03:49Il y a des alertes rouges aux urgences.
03:50Il y a des alertes rouges dans les hôpitaux.
03:52Ça va imploser.
03:55Pour moi, ça a déjà implosé parce qu'en fait, chacun,
03:59ceux qui restent à l'hôpital comme en ville, en fait, on fait...
04:03Maintenant, on en est arrivé à faire parfois un peu l'impression
04:06de faire de la médecine de catastrophe.
04:07On fait ce qu'on peut.
04:08On a une gestion de nos patients qui est tout le temps dégradée.
04:14On n'a plus les moyens de faire ce qu'on devrait faire
04:18dans une des plus grandes puissances économiques mondiales.
04:22On n'a plus les moyens de soigner les gens comme on le devrait,
04:26comme on nous a appris à le faire.
04:27Moi, je suis installé depuis plus de 20 ans.
04:30Il y a une dégradation de la prise en charge qui est catastrophique.
04:35Donc, il va falloir vraiment qu'on mette les moyens et qu'on...
04:39Voilà.
04:40– Merci Frédéric, médecin et vice-président
04:42du collectif Santé en danger.
04:43Merci d'avoir été avec nous.
04:44Ludovic Thoreau.
04:45– Moi, j'exerce depuis 35 ans.
04:47J'ai été urgentiste au début et en effet...
04:49– Oui, vous êtes médecin, pardon.
04:51Non, non, non, mais c'est que pour les téléspectateurs,
04:53c'est important de le rappeler.
04:54Et ça donne plus de valeur à votre parole,
04:55qui est déjà très valorisée.
04:57– Mais qu'est-ce que c'est vrai ?
04:59Personne...
05:00Non, non, pas parole !
05:02– Allez-y, allez-y.
05:03– Non, pas parole.
05:04Excusez-moi.
05:05– Calme le rouille, là, c'est pas possible.
05:07– Non, mais première, être très sérieux.
05:09On vit une catastrophe sanitaire et personne n'a jamais bougé.
05:11Parce qu'on parle des médecins qui manquent.
05:13Mais il n'y a pas d'infirmière, il n'y a personne.
05:15Vous avez 30% de praticiens hospitaliers en moins.
05:17L'hôpital est à terre.
05:18La maman des médecins, c'est l'hôpital.
05:20Mais on met l'hôpital, l'hospitalier, le privé, on ne va jamais le voir.
05:23Le Premier ministre, il est gentil.
05:24Il a été voir à l'hôpital, tout va bien.
05:26Mais on va descendre un peu là.
05:28Mais c'est rien, c'est n'importe quoi.
05:30Et aujourd'hui, en effet, il n'y a non assistance à personne en danger.
05:34Aujourd'hui, je vous le dis, parce que moi, pour avoir un rendez-vous pour un patient,
05:37même quand j'appelle moi, je ne l'ai même plus, pour un spécialiste.
05:40C'est infernal, d'accord ?
05:41J'ai fait tous les pays d'Europe, je reviens plus tard sur ce plateau,
05:43et je vous expliquerai comment ça se passe dans les autres pays d'Europe, d'accord ?
05:45Parce que nous, on n'anticipe pas.
05:47Et on ne donne pas de solution.
05:49Quand j'entends le démissionnaire, le ministre de la Santé, il me dit,
05:51c'est pas pire qu'avant.
05:53Mais c'est une blague, pas pire qu'avant, quand vous fermez deux services sur trois points en juillet et août,
05:57et on sait que les médecins de ville ne sont pas là.
05:58Sérieux, un peu de responsabilité, c'est la santé des Français dont on parle.
06:02Et aujourd'hui, je peux vous le dire, de plus en plus, il faudra de l'argent pour accéder aux soins,
06:06mais on le sait déjà.
06:08Et quand vous y accédez, mais je le dis encore, si on ne recrute pas très largement,
06:12au-delà des médecins, les infirmières et les aides-soignants,
06:15parce qu'aujourd'hui, au bout de dix ans, 50% des infirmières quittent l'hôpital,
06:18c'est parce qu'ils ne se sentent pas bien, parce qu'on ne peut plus soigner comme on soignait avant.
06:22Avant, l'hôpital, à mon époque, c'était une famille, et on s'occupait des gens.
06:25Maintenant, c'est une administration dure et dure.
06:27L'argent compte, le patient ne compte pas.
06:29– Et ce qui n'arrange pas les choses, c'est ce qui se passe au gouvernement,
06:32c'est-à-dire qu'on a un gouvernement démissionnaire aujourd'hui.

Recommandations