Un an après le séisme au Maroc, où en est la reconstruction ?
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00:00Vous êtes la responsable des urgences à la Fondation de France.
00:06La Fondation de France a été active juste après ce séisme qui a durement frappé le
00:10Maroc.
00:11On vient de le voir dans ce reportage de nos confrères de France Télévisions.
00:13La reconstruction est en marche, mais elle est encore très lente.
00:16Qu'est-ce qui se passe pour ces populations qui vivent toujours dans des habitats précaires,
00:20dans des tentes, alors que l'hiver approche ?
00:21Je pense qu'il y a beaucoup d'inquiétude parce qu'au-delà de l'habitat, le royaume
00:27distribue depuis un an une subvention sociale pour qu'elle puisse faire face aux besoins
00:34essentiels de l'ordre d'un peu plus de 200 euros.
00:37Cette subvention s'arrête également à cette occasion des un an.
00:42C'est une ressource qui était prévue pour un temps d'urgence, mais le royaume ne peut
00:48pas indéfiniment prendre en charge ces familles.
00:52Il y a beaucoup d'inquiétude, beaucoup de confusion aussi sur ce processus de reconstruction.
00:58On le voyait très bien dans votre reportage, ce système de versement en plusieurs tranches
01:03avec des habitants qui sont parfois inquiets d'avancer dans leur reconstruction et que
01:09la qualité des travaux ne soit pas reconnue comme suffisante pour percevoir la deuxième
01:14tranche ou la troisième tranche de leur subvention, ce qui fait notamment obstacle à la reconstruction
01:21traditionnelle qui pourrait pourtant être beaucoup plus adaptée, en particulier dans
01:25les villages du Haut Atlas.
01:27Certains architectes spécialistes, notamment de ces zones-là montagneuses, ont recommandé
01:32d'aller plutôt sur les matériaux traditionnels plutôt que le béton parce qu'on sait que
01:37c'est le pisé qui a été...
01:38Le roi lui-même, très peu de temps après le séisme, avait recommandé ces techniques.
01:46Malheureusement, pour tout un tas de raisons, je pense que les populations aussi peurent
01:52l'impression que ça serait moins solide, alors que ce qui compte, c'est la qualité
01:56constructive et non pas les matériaux utilisés.
01:58Et si on voit un autre grand défi du Maroc aujourd'hui, qui est celui de la sécheresse
02:04et du réchauffement climatique, là encore, les constructions traditionnelles seraient
02:08beaucoup plus adaptées que les maisons en béton que vous montrez très bien dans votre reportage.
02:13Et on parle de constructions traditionnelles en terre cuite, en pisé, vous avez prononcé
02:18le mot peur.
02:19C'est ce que vous ressentez toujours parmi cette population, un an après ?
02:23Complètement.
02:24Je pense qu'il y a quelques jours, il y a encore eu des petites secousses dans les
02:28montagnes.
02:29Moi, quand j'y suis allée juste avant l'été, il y avait des personnes, il y avait encore
02:32des maisons tout à fait habitables qui avaient encore peur de dormir dans la nuit.
02:38On travaille avec des associations marocaines spécialistes sur les questions de santé
02:43mentale, de psychotraumas.
02:45Les populations, les autorités, le traumatisme est encore très présent et le danger n'est
02:51pas totalement écarté.
02:52Est-ce que certaines familles ont fait le choix de partir, de quitter la région ?
02:55Certaines familles ont dû quitter la région, certains villages ne pourront probablement
03:00jamais être reconstruits, Dieu merci, ce n'est pas la majorité, et donc elles se
03:04retrouvent un peu dans les vallées, ce qui pose des enjeux majeurs de relocalisation,
03:09de continuité scolaire, et donc au niveau de la Fondation de France, j'expliquais qu'on
03:13soutient bien entendu des programmes de reconstruction, de santé mentale, mais aussi beaucoup d'associations
03:19marocaines qui travaillent pour l'éducation des enfants et les internats, parce que tous
03:23ces enfants, ces jeunes femmes, ces jeunes hommes se retrouvent dans Marrakech, Asni,
03:29Moula Ebrahim, etc., et ils ont besoin, ils ne peuvent pas rentrer chez eux tous les
03:34week-ends, et les internats ont aussi été très touchés, qu'ils soient publics ou privés,
03:37et il faut les reconstruire.
03:38Et alors, est-ce qu'en cette semaine de rentrée, ce retour à l'école s'est fait plus ou
03:42moins de manière sereine et a pu être possible pour ces enfants ?
03:45Tous les acteurs marocains, les acteurs publics, les acteurs privés, les associations, les
03:49familles se sont vraiment mobilisés sur cette question de l'éducation des enfants, très
03:53rapidement on a vu émerger des préfabriqués, y compris dans les villages les plus isolés
03:59où on avait très peur que finalement l'éducation recule, voire que les écoles ne soient plus
04:05reconstruites.
04:06Le défi a été relevé, et les enfants retournent à l'école, le taux de déscolarisation
04:12est très très faible.
04:13Si vous deviez définir une priorité aujourd'hui, laquelle ce serait ?
04:16Alors écoutez, nous on travaille depuis des années au Maroc pour soutenir les initiatives
04:23des jeunes marocains, et on reste convaincus que c'est une des priorités, que ce soit
04:29dans le cadre du séisme ou dans le cadre plus global du développement et du bien-être
04:36au Maroc, soutenir les initiatives des jeunes de toute nature, qu'elles soient de l'ordre
04:41de la construction, de l'ordre de la santé, de l'ordre de la culture, soutenir ces jeunes
04:47marocains qui aiment leur pays, qui aiment leurs montagnes, et qui ne demandent qu'une
04:51chose, c'est de pouvoir y rester et développer des très beaux projets.
04:54Je reviens à la situation après le séisme, je crois que vous, la Fondation France, vous
04:58avez pu récolter près de 11 millions d'euros de dons, est-ce que ces financements sont
05:04allés notamment dans ces kits scolaires pour la rentrée ? Dites-nous en plus autour de
05:08la distribution de ces fonds.
05:10Quelques semaines après le séisme, l'essentiel des soutiens financiers sont allés à des
05:15associations marocaines, qui allaient à la rencontre des villageois pour leur apporter
05:20les besoins essentiels, ou faciliter le lien entre ces villageois et les autorités
05:24qui pouvaient leur apporter des services ou des biens.
05:27Très rapidement, des associations ont accueilli des enfants, des femmes, etc., pour essayer
05:35d'évacuer le plus gros du trauma le plus vite possible, et puis les mises à l'abri
05:41avec des préfabriqués, des tentes, des écoles modulaires, et surtout, un sujet qui nous
05:48tient beaucoup à cœur, c'est la relance économique, pour éviter que les populations
05:52ne tombent pas dans l'assistanat 1, ce que j'évoquais tout à l'heure, notamment
05:54par rapport à des subventions qui se renouvelleraient comme ça.
05:57Donc redémarrer l'agriculture, redémarrer l'élevage, redémarrer le commerce le plus
06:01vite possible, pour retrouver la dignité, la santé mentale et les moyens économiques
06:06pour reconstruire sa maison.
06:07Vous parliez de ces traumas aussi, Karine Mo, certains enfants ont perdu leurs parents,
06:11est-ce qu'on sait si ces enfants, ces orphelins, sont aujourd'hui pris en charge et dans
06:15quelles conditions ? Est-ce qu'ils bénéficient aussi de cette aide, de cet accompagnement
06:19que vous proposez à la Fondation de France ?
06:21Alors, nous soutenons effectivement à la Fondation de France beaucoup d'associations
06:24qui sont spécialisées, je le disais tout à l'heure, sur l'enfance et la jeunesse,
06:28et qui ont réorganisé leurs activités pour pouvoir accueillir ces enfants, leur retrouver
06:34des familles d'accueil, le plus souvent dans leur noyau familial le plus possible,
06:38pour qu'ils puissent redémarrer une nouvelle vie.
06:41Il y a une résilience très très forte des enfants, on a rencontré des enfants qui
06:46avaient perdu effectivement leurs parents et qui étaient pleins d'espoir pour l'avenir,
06:50soutenus par ces associations qui souvent, par exemple, vont s'assurer que la famille
06:54d'accueil peut recevoir cet enfant dignement et lui donner aussi un petit soutien financier,
07:00au moins les premiers mois, le temps de redémarrer et d'intégrer cet enfant dans sa nouvelle
07:04famille.
07:05Vous travaillez aussi avec des associations locales, vous le disiez, qu'est-ce qui est
07:10prévu dans les prochains jours justement ? Est-ce que ce triste anniversaire est marqué
07:14d'une façon ou d'une autre sur place ?
07:16Il n'y a pas de commémorations majeures qui soient organisées à l'occasion de
07:22ces un an, je pense que la plupart de nos partenaires sont tellement encore la tête
07:28dans le guidon, vous avez vu encore beaucoup à faire, et bon probablement effectivement
07:34des bilans, ne serait-ce que pour rendre compte de ce qui a été mené, réalisé
07:40avec l'argent collecté, pas de grande cérémonie en vue, je pense que pour l'instant tout
07:46le monde est encore devant son bureau en train de chercher des solutions, notamment avec
07:51l'arrivée de l'hiver.
07:52Et vous continuez d'appeler aux dons ?
07:53Nous continuons d'appeler aux dons puisque c'est maintenant que le dur commence, avec
07:58les reconstructions qui vont s'accélérer, maintenant que les routes sont davantage déblayées,
08:03la question de la santé mentale ne se résout pas en un an, et la relance économique va
08:08prendre aussi beaucoup de temps, surtout si on veut intégrer ces problématiques de changement
08:12climatique que j'évoquais tout à l'heure, donc une agriculture peut-être plus durable,
08:16un élevage plus adapté, voilà, c'est beaucoup de choses à faire encore.
08:20Merci beaucoup Karine Meaux, merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions
08:23sur France 24, je rappelle que vous êtes la responsable des urgences à la Fondation
08:27de France, merci à vous.