00:00Bonjour Lilian Thuram, merci d'être avec nous. Champion du monde de football 1998, champion d'Europe 2000 avec Les Bleus,
00:07vous avez été membre du Haut Conseil à l'intégration et vous avez créé depuis de nombreuses années votre propre fondation,
00:13la fondation Lilian Thuram, éducation contre le racisme. Vous êtes extrêmement engagé sur toutes ces questions.
00:19Comment est-ce que vous vivez cette campagne législative ? Emmanuel Macron a parlé hier soir de paroles désinhibées sur le racisme et l'antisémitisme.
00:27Vous le vivez ainsi vous aussi ?
00:29Écoutez, totalement. Je dirais que je suis très surpris qu'on prenne conscience de cela aujourd'hui.
00:35J'ai l'impression que c'est l'époque où les femmes parlaient et disaient qu'elles subissaient des choses, par exemple dans l'espace public,
00:41et personne n'écoutait. Et aujourd'hui on les écoute. Mais ça fait très très longtemps qu'on dit qu'il y a du racisme.
00:48Moi par exemple, je suis une personne noire, je sais que le racisme, mais c'est pas d'aujourd'hui.
00:54Et effectivement, à partir du moment où le Front National a l'impression d'être en traite, d'avoir le pouvoir, en fait ça libère la violence.
01:02Et pour cela, il faut résister à cette violence-là. Il ne faut pas collaborer à cette violence-là.
01:08Et donc il faut vraiment demander aux citoyens et citoyennes d'aller voter contre le Front National, que d'aller voter contre l'extrême droite.
01:16Vous avez le sentiment qu'il y a un cap qui a été franchi ces derniers jours ?
01:20Totalement. Totalement. Il suffit de regarder l'actualité, vous allez voir qu'effectivement, les personnes qui ont cette violence en elles,
01:30en fait l'expriment librement aujourd'hui. Et c'est extrêmement dangereux. Alors imaginez demain, lorsqu'ils seront au pouvoir.
01:37Je pense qu'il faut prendre les choses vraiment très très au sérieux. Et je pense que malheureusement, pendant des années, on a nié le racisme du Front National.
01:46Le Front National est un parti où il y a une haine anti-musulman extrêmement profonde. Et ça, on le sait.
01:54C'est une caricature, a dit hier soir Jordan Bardella, le président du Rassemblement National, interrogé, pointé sur ce sujet. C'était sur France 2 lors du débat.
02:03C'est une caricature ? Demandez aux musulmans. Demandez aux personnes noires. Vous allez voir que ce n'est pas une caricature, c'est la réalité.
02:11C'est-à-dire que nous devons avoir le courage de nous regarder, de regarder notre pays en fait. C'est-à-dire, qu'est-ce que nous voulons ?
02:20Et l'histoire démontre que parfois, il y a des gens qui collaborent avec la haine. Et je pense qu'aujourd'hui, nous n'avons pas besoin de haine.
02:27Au contraire, nous avons besoin de recréer les liens. C'est-à-dire, lorsqu'on commence à faire des différences entre les personnes selon leur couleur de peau,
02:34selon leur religion, selon leur double nationalité, ça s'appelle du racisme en fait.
02:39Vous avez porté très haut ce maillot bleu. Vous êtes engagé contre le racisme depuis des années. Et pourtant, ce message manifestement, il ne passe pas,
02:47ou il ne passe pas auprès de tout le monde. Pour quelles raisons ? Comment est-ce que vous l'expliquez ?
02:50Je pense qu'effectivement, il y a aussi le rôle de certains médias qui normalisent le discours raciste. Il y a le rôle aussi de certains politiques
03:02qui légitiment le discours du Front National. C'est ça la réalité. La réalité, effectivement, je pense qu'aujourd'hui, ça nous saute aux yeux.
03:11On se dit, mais comment c'est possible de vivre dans un pays où, effectivement, on va violenter les gens selon leur couleur de peau, leur religion ?
03:19Parce qu'on n'a pas fait attention.
03:22Votre fils, Marcus, a fait partie des personnalités sportives qui ont pris la parole ces derniers jours, avant ces élections législatives.
03:31C'est le seul dans l'équipe de France qui a pris aussi clairement position. Il a dit qu'il faut se battre pour que le RN ne passe pas. Est-ce que vous en aviez parlé avec lui ?
03:40Non, je n'en ai pas parlé avec lui. Mais vous savez, c'est le fruit d'une éducation. Moi, j'ai toujours essayé d'éduquer mes deux garçons sur le fait qu'il faut prendre soin de l'autre.
03:49Il faut respecter l'autre. Ça, c'est très important. Il ne faut pas être indifférent. Je ne suis pas musulman.
03:56Mais je peux dire ouvertement qu'il y a un racisme anti-musulman très puissant de la part du Front National.
04:02Je ne suis pas homosexuel. C'est exactement la même chose. C'est-à-dire qu'il y a des discours extrêmement homophobes.
04:09Et je pense qu'aujourd'hui, malheureusement, nous sommes dans une société où, parfois, nous sommes indifférents à l'autre.
04:15Et moi, j'ai toujours dit à mes enfants, on ne collabore pas avec la haine. Quoi qu'il en coûte, on ne collabore pas avec la haine.
04:23Quoi qu'il en coûte, on est résistants. On résiste à la haine. Et parfois, effectivement, lorsqu'il y a un discours de haine, ça s'installe.
04:31Et les gens finissent par adhérer. Et moi, je suis contre ça. C'est une question d'éducation.
04:36Kylian Mbappé, en conférence de presse, il y a quelques jours, avait évoqué un communiqué commun, une prise de position commune de l'équipe de France de football.
04:42Finalement, ce communiqué, pour l'instant, n'est pas arrivé. Est-ce que vous le regrettez ?
04:46Écoutez, encore une fois, ce sont les joueurs qui doivent prendre ces décisions. Il y a la fédération.
04:51La seule chose que je dis, c'est que chacun de nous, nous devons être conscients. Conscients.
04:57Parce qu'en fait, très souvent, historiquement, il y a des personnes qui finissent par dire « je ne savais pas ».
05:03Et moi, j'ai toujours éduqué mes enfants en leur disant, voilà, il y a une phrase d'Albert Einstein qui dit
05:08« le monde va mal, non à cause de ceux qui font le mal, à cause de ceux qui laissent faire et qui regardent ».
05:14Et l'idée, c'est de ne pas regarder. L'idée, c'est de ne pas se taire. L'idée, c'est de ne pas faire comme si on ne savait pas.
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